Imprégné récemment par l’excellence du Hamlet cinématographique de Kenneth Branagh, l’exigence et l’inquiétude déterminent toute nouvelle approche de cette pièce! Mais c’est la spécificité du Théâtre que de pouvoir s’interpréter, s’incarner, se renouveler à l’infini sans jamais épuiser ce qui en constitue l’âme!...    Dès les premiers instants de la représentation se révèle un travail sur le rythme de l’élocution, sur l’articulation des phrases.....les voix portent. Robert Cantarella nous propose une mise en scène attrayante et néanmoins pédagogique. Le spectateur se rassure!.....   S’inspirant des préceptes qu’Hamlet réclame lui-même de la part des comédiens qu’il commandite, c’est le texte et la nouvelle traduction d’André Markowicz qui seront portés au devant de la scène, en évitant toute surcharge hyperbolique!    La volonté du metteur en scène est de mettre en lumière, ou plus exactement de faire la lumière comme s’il s’agissait d’une enquête à l’issue de laquelle une vérité relative mais fondée devrait apparaître!....    La gestion de la lumière s’avère donc le vecteur essentiel de la mise en décor: Se référant aux vertus de la profondeur de champ où chaque premier plan ressort d’autant mieux que l’arrière plan est flou, le volume du plateau nous apparaît comme un cube translucide ouvert côté salle, derrière lequel des batteries de projecteurs, de tubes au néon, focalisent vers le centre de la scène au travers d’un flou ô combien substantiel!....    Le point optique étant ainsi réalisé sur les personnages de Shakespeare, s’installe également en toile de fond, un accompagnement acoustique surfant sur l’intrigue, pointant toutes les dénivellations émotionnelles, tout en laissant au musicien en bordure de scène le soin de souligner les nuances, forcément humaines!...    Le point acoustique étant ainsi réalisé à son tour sur les mots, les phrases de Shakespeare, le ballet chorégraphique peut égrener les 225 minutes du compte à rebours qu’illustrera la projection permanente d’une diapositive représentant un « coin de campagne » banalisé, qui évoluera durant ce « temps compté (conté) » de l’absence absolue jusqu’à la présence contrastée.    Inutile de raconter ici l’histoire d’Hamlet qui à l’instar d’Oedipe se trouve au centre d’un faisceau de transgressions dont nul ne connaît les parts respectives qui reviennent au mythe collectif, à l’imaginaire subjectif, à l’Histoire Universelle!....    En revanche indispensable de « jouer » Hamlet lorsqu’une Compagnie a ce désir impérieux de tendre un pont vers les spectateurs, de façon à leur ouvrir les portes symboliques de l’inconscient, de l’imaginaire, et de l’humour!...    Dire que Christophe Brault s’empare du personnage d’Hamlet avec jubilation, en marquant d’une réserve feinte son plaisir de nous entraîner dans une spirale délirante est un euphémisme que partagent allégrement la Reine (Florence Giorgetti) et Ophélie (Anne Rejony).    Un entracte de cinq minutes viendra titiller ce rêve éveillé, sans espoir d’enrayer ce mécanisme à rebours qu’en définitive seul le recours au poison pourra conclure! Pourront alors se superposer des images de « Dommage qu’elle soit une putain » de John Ford (Salle Gémier. Chaillot).....le théâtre élisabéthain aura ainsi une nouvelle fois exercer sa fascination irrésistible!...    Theothea le 22/11/97         retour