PENTHESILEE
Le Théâtre de la Bastille
est devenu un lieu théâtral surprenant: A partir d’un balcon
relativement profond a été constituée une petite salle
à part entière alors que la scène principale, elle,
se referme sur les anciennes places d’orchestre. Salles de jauge similaire,
leurs plateaux sont complémentaires; si l’un est intime, l’autre permet
les grands effets de cintres!.....
Julie Brochen a su s’emparer de cette
infrastructure pour transporter au propre et au figuré son public
qui occupe l’espace disponible jusque dans les moindres recoins. Le
Théâtre semble même recourir au surbooking escomptant
une très légère défection au cours des allées
et venues entre salles haute et basse!....
Penthésilée se
présente alors comme un rêve éveillé dont
scénographie et chorégraphie suscitent les images successives:
Tout d’abord un mur de briques ajourées nous sépare des Amazones
qui, retranchées hors du monde, préparent leurs conquêtes.
Se séparer du masculin pour tenter de le faire sien et mieux le rejoindre
ensuite de façon à s’y fondre dans une mort sublimée,
telle pourrait être leur quête commune!....
Ce
jeu sur l’unité du groupe et les identités successives de ses
éléments détermine « le féminin » à
se constituer en entité intangible fondée sur le vide laissé
par l’absence du masculin....
Julie Brochen construit ainsi un jeu
de rôles où chacune des Amazones peut s’identifier à
Penthésilée et où cette dernière peut même
s’incarner en l’objet hostile de son désir passionné qu’est
Achille. Les frontières de l’Amour et de la Haine s’estompent, les
contraires ne résistent plus à s’assembler.....
Au
travers de la lumière estompée d’un rideau tamisé, les
ébats intimes des Amazones espiègles et joyeuses maintiennent
la perspective ludique du metteur en scène. Le chant, la danse, le
mime tissent tour à tour l’impressionnisme onirique de cette
création qui pourrait s’apparenter à un «comédie
musicale» revisitée par l’intensité du choeur antique
de la tragédie grecque.
Initiant ce jeu dans le jeu, puisque
selon Julie Brochen les Amazones de retour de la bataille interprètent
pour le plaisir la pièce « PENTHESILEE » en se distribuant
au sort les rôles à la fois masculins et féminins, les
comédiennes des « Compagnons de jeu » se distinguent donc
chacune grâce à des prestations différenciées
et talentueuses sous l’ascendant notamment de la très fière
Jeanne Balibar et de la fougueuse Cécile Garcia-Fogel, fort
remarquée récemment dans «Les Reines» au
Théâtre du Vieux-Colombier.
PENTHESILEE est un spectacle rare,
qui en transmutant l’ensemble de ses spectateurs en une troupe itinérante,
les entraînent inéluctablement dans les méandres
fantasmatiques du jeu Théâtral....
Theothea le 6/2/98