du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 98-99

         6 à 10   S1       

 

    

   

     

CREANCIERS

de August Strindberg

Mise en scène: Jean-Claude Amyl

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Théâtre de Poche
Tel: 01-45-48-92-97
A l’heure de l’adoption négociée du PACS (Pacte civil de Solidarité), le Théâtre de Poche nous présente CREANCIERS, la pièce favorite de Strindberg. Si celle-ci place les liens du mariage au centre d’une «anthropophagie symbolique mutuelle», c’est en fait la vie du couple qui est stigmatisée pour cause, sous fond de rapport de forces, de cycle inéluctable de créations, dépossessions, destructions et en définitive dettes que chacun, à des rythmes différents, nourrit vis-à-vis de son partenaire.

Cependant le mystère de la femme étant infini chez Strindberg, celle-ci se trouve être à la fois l'énergie motrice de ce cycle infernal, en même temps que le coupable éternel!... Peut-être la mise en scène de J-C Amyl aurait-elle gagné à être plus cérébrale voire psychologique, en imposant une distanciation qui aurait permis de mettre en valeur l’humour immanent des dialogues...

Celui-ci s’est plutôt attaché à faire surgir d’une «tragédie de moeurs», des sentiments et des comportements objectivés. C’est un parti pris auquel les trois comédiens ont donné chair comme si chacun jouait sa propre partition paranoïaque, ce qui a le mérite de les rendre parfaitement différenciables aux yeux des spectateurs!

Préférer la clarté à l’ambiguïté est un choix à la fois respectable mais discutable: Cette réalisation s’annonce donc comme un gage de discussions passionées à la sortie du Théâtre de Poche.

Theothea le 12/09/98

JACQUES ET SON MAITRE

de Milan Kundera

Mise en scène: Nicolas Briançon

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Théâtre 14

Tel: 01-45-45-49-77

      La compagnie Roger Louret s’est particulièrement fait remarquée au cours de ces dernières années grâce à ses spectacles musicaux concernant les années Twist, Soixante et maintenant 80 aux Folies Bergère.

La mise en scène de cette pièce de Kundera en hommage à Diderot démontre que les membres de cette compagnie ont acquis au fil de ces spectacles une aisance et un savoir-faire dignes des plus grands «artisans» du spectacle:

Une sorte de savant dosage entre l’Actor’s studio basé essentiellement sur le feeling et la recherche de ce qui sonne juste, avec un patient travail d’élaboration et de construction en équipe d’où semble s’imposer une telle souplesse d’interprétation qu’une permutation éventuelle des rôles semblerait simplissime!....

D’ailleurs Nicolas Briançon interprétant le rôle de Jacques révèle une telle facilité d’adaptation à ce personnage qu’il semblerait que l’ensemble de ses partenaires se soient appropriés son oeil de metteur en scène de façon à appliquer avec bonheur la réciproque!.....

Ce charisme et cette aisance de jeu sur scène provoquent naturellement chez le spectateur une sensation de bien-être et lorsque ces qualités sont mises au service de Kundera, c’est peu dire que l’humour, la distanciation implacable et pertinente fusent comme des bulles de champagne dans laquelle la philosophie aurait trouvé à la fois son âme et son média! ....

Indubitablement la compagnie Roger Louret a choisi délibérément de distiller la bonne humeur et les bonnes sensations. Nous acceptons d’autant plus volontiers ce choix qu’en devisant avec profondeur et néanmoins gaiement sur notamment les thèmes de la destinée et de la répétition, il met l’humain ainsi que sa condition vulnérable et émotionnelle au centre de la réflexion et de l’observation amusées!

Une excellente soirée au théâtre 14 qui devrait néanmoins améliorer l’organisation de l’accueil des spectateurs.

Theothea le 12/09/98

LA CERISAIE

de Anton Tchekhov

Mise en scène: Alain Françon        

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Comédie Française

Tel: 01-44-58-15-15   

Sans doute cette pièce de Tchekov est-elle un de ces moments de Théâtre privilégiés pour lequel chacun nourrit en son for intérieur un attachement dû à des réminiscences que l’enfant aime prolonger dans l’âge adulte. Cette «Cerisaie» serait cette maison protectrice, ce lieu de villégiature où toute la famille se retrouve en communion avec une nature exubérante à l’approche du printemps avec ses nombreux cerisiers en fleurs et dont les dimensions infinies meubleraient le royaume magique de l’enfance.

Comment objectiver ce rêve et cette nostalgie sur scène lorsque chaque metteur en scène interprétant, de la comédie au drame, cette pièce ultime de Tchekov, voudra en approfondir tel ou tel précepte moral, social ou philosophique? Dans cette perspective sans doute y aura-t-il toujours frustration comme lorsque d’aucuns cherchent à représenter par l’image, l’oeuvre et l’univers de Marcel Proust!

Oui, chaque spectateur porte en lui-même, qu’il en ait conscience ou non sa propre «Cerisaie»! or actuellement en reprise à la Comédie Française, c’est celle d’Alain Françon qui nous est proposée: Celui-ci opte délibérément pour une attitude positive, tournant résolument le dos à tout passéisme.

Le départ de toute la famille après la vente de la Cerisaie devient la scène fondatrice de la pièce car elle situe chacun des membres face à son avenir forcément en rupture avec sa vie précédente! Et comme Tchekov insiste sur l’état d’aculturation de la société russe de l’époque ainsi que sur le dilettantisme chronique des uns et l’asservissement des autres, Alain Françon, metteur en scène y perçoit une sorte d’initialisation nouvelle des forces sociales!...

Chacun des comédiens doit interpréter son rôle avec une distance mesurée de façon à éradiquer toute passion qui risquerait d’être contagieuse par ses excès. Cette mise en perspective de «La Cerisaie» est donc éminemment morale et convient sans doute parfaitement à une attitude pragmatique!

Reste que l’on n'empêchera jamais l’être humain d’être aspiré par la nostalgie, peut-être de s’y complaire et d’en faire également une valeur de vie très respectable!.....

Theothea le 17/09/98

APHRODITE

de Pierre Louÿs

Mise en scène: Emmanuelle Meyssignac        

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Théâtre Molière

Tel: 01-44-54-53-00

La petite salle du Théâtre Molière (Maison de la poésie) se révèle comme un trésor magique: Une petite cave voûtée en magnifiques pierres blanches avec une acoustique incomparable, dans laquelle une cinquantaine de spectateurs peuvent prendre place!

Trois jeunes femmes y ont investi le lieu pour un mois en s’accompagnant seulement d’une harpe!.... L’histoire de Chrysis et Démétrios à l’érotisme sulfureux est interprétée et racontée avec une sensualité à la fois contenue et irradiante.

De toute évidence, le « couple » Emmanuelle Meyssignac et Claudie Decultis s’immerge avec volupté dans ce conte autant passionné que brutal. A l’instar de l’oeuvre de Sade et des «contes cruels» d’Octave Mirbeau s’y développent maintes scènes d’orgie, de débauche, de luxure en accentuant toutefois leur caractère poétique, raffiné et épicurien.

Par ailleurs en accointance avec Sacher-Masoch, le thème de la Statue aux courbes parfaites d’où se dégage une sensualité intensément glacée accède aux priorités de l’initiation amoureuse, car l’artiste-sculpteur y trouve l’extrémité de sa plénitude libidinale et créatrice.....aux dépens de son modèle!

Une sensation de volupté glaciale et torride imprègne deux heures durant ce spectacle métaphysique et lyrique: Les trois comédiennes n’y sont évidemment pas pour rien!....

Theothea le 18/09/98

LES POUBELLES BOYS ET L'ECOLE DES MARIS

de Molière

Mise en scène: Beno Besson     

*

Théâtre de l'Eldorado

Tel: 01-42-38-34-60

Le théâtre de l’Eldorado nous convie à un spectacle hybride composé par un numéro de music-hall associé à une comédie de Molière. Comme le souligne le dossier de presse, leur rapprochement n’est pas plus, ni moins plausible que celui de la cigale et la fourmi, ou celui du loup et l’agneau!......

La prestation des trois «Poubelles Boys» est particulièrement réjouissante et chacun des trois a ainsi l’occasion de montrer son talent, son agilité, et l’opportunité de révèler un humour musical et chorégraphique digne des grands numéros de music-hall et de cirque!....

En ce qui concerne la pièce de Molière, s’il y a dans le décor et la mise en scène, une réelle et remarquable recherche créatrice, l’interpétation est vraiment sujette à caution. Le ton est à la farce et à la pantalonnade correspondant à l’objectif délibéremment recherché d’offrir au public un divertissement populaire! Mais quel est donc ce public?..

Au demeurant l’ensemble de la troupe et du spectacle emporte notre capital sympathie mais nous oblige à des réserves quant à ces aspirations théâtrales.

Theothea le 23/09/98

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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