du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 98-99

         11 à 15   S2     

 

    

   

   

LES FEMMES SAVANTES

de Molière

Mise en scène: Simon Eine

**

Comédie Française

Tel: 01-44-58-15-15

Il se dégage de cette mise en scène des «Femmes savantes» par Simon Eine, une harmonie et une quiétude bienveillante dont le décor composite, faisant transparaître à la fois l’extérieur et l’intérieur d’une demeure cossue, vient souligner la volonté de Molière d’aller au-delà des apparences que les êtres humains veulent avoir d’eux-mêmes!...

Ainsi salon, boudoir, bibliothèque, jardin sont suggérés dans un habile découpage qui les fait s’emboîter les uns dans les autres avec en toile de fond un ciel azuréen ou étoilé!.... Les personnages sont à l’avenant de ce décor et se découpent pour mieux se fondre dans cette comédie humaine où l’apparence des uns devrait éclairer la substance des autres!....

Cette oscillation entre l’être et le paraître dans une société où se répartissent les rôles comme dans un jeu de chaises musicales, donnent son sens au dilemme qui se noue à l’intérieur de chacun.

Il est ainsi aisé, selon chacune des mises en scène des «Femmes savantes», de mettre en valeur tel ou tel personnage, car chacun est porteur d’une part de vérité: en effet de la Philosophie à la Science en passant par la pédanterie et la convoitise, l’aspiration humaine est prise dans les mailles de ses propres contradictions comme dans une sorte de patchwork métaphorique.

Alors haro sur Trissotin, sur Bélise, sur Chrysale etc... mais également vive Trissotin, Bélise, Chrysale etc... car de leur détermination à leur indécision, ils nous révèlent les démons qui agitent les hommes et les femmes dans leur inclination à imposer leur part de vérité, c’est à dire en fait leur part de pouvoir!...

Dans une perspective de translation perpétuelle, le concept de substitution trouve toute sa plénitude: c'est ainsi que pour cette mise en scène de Simon Eine la quasi totalité des rôles se jouera en alternance!....

Theothea le 25/09/98

CHAT EN POCHE

de Georges Feydeau

Mise en scène: Muriel Mayette

***

Théâtre du Vieux Colombier

Tel: 01-44-39-87-00

Le titre de cette pièce de Feydeau est à l’image de son époque dont nous discernons le caractère suranné, démodé, voire peu explicite!... Ainsi l’expression «acheter chat en poche» qui nous est si peu familière nous oblige, comme face à une langue étrangère, à deviner et à déduire sa signification en se référant au contexte!...

Ce qui est vrai pour le titre l’est à bien des égards pour la pièce elle-même, dont l’étrangeté à un siècle de distance devient l’un de ses principaux atouts: 

En effet, lorsque le metteur en scène s’appuie sur l’exotisme de moeurs désuettes, en ayant l'objectif de mettre en valeur le comportement des personnages tout en révélant leurs intentions et leurs motivations, c'est comme si celles-ci éclataient hors des bulles de bandes dessinées et que nous parvenaient des «arrêts sur image» dévoilant magistralement les arrière-pensées et les entêtements dérisoires!...

Jean-Pierre Michaël

La gestuelle, la manière de se mouvoir ou de se figer deviennent ainsi pour Muriel Mayette les outils privilégiés du jeu des acteurs, dépeignant ainsi un espace schizophrénique à l’instar d’un miroir déformant qui se plairait à travestir le mensonge!....

Ainsi chacun des personnages évolue derrière des murs qu’il consolide en permanence et qui entretiennent un pathétique dialogue de sourds (évidemment comique pour les spectateurs!) avec ses congénères!

Bien entendu, Feydeau est le démiurge de ces quiproquos, dont le "malentendu" serait un habile instigateur, mais dont la cause est plus vraisemblablement l’égocentrisme de chacun des protagonistes!

Cette création particulièrement brillante au théâtre du Vieux-Colombier inspire une interprétation vive, précise et pleine d’humour! A voir, chat en poche!...

Theothea le 28/09/98

LE POISSON DES GRANDS FONDS

de Marieluise Fleisser

Mise en scène:  Bérangère Bonvoisin

**

Théâtre de la Colline

Tel: 01-44-62-52-52

Le Berlin des années trente!... Communisme et montée du nazisme s’affrontent au travers de clans littéraires qui se disputent les jeunes talents!....Elle, Gésine écrivain éditée par la maison d’édition de Tütü (Bertolt Brecht), vit maritalement avec lui, Laurentz pigiste d’un journal nazi!..

Si l’ambition de Marieluise Fleisser est de se mesurer à Brecht en créant ainsi avec «Le poisson...» sa propre «Jungle des villes», la mise en scène de Bérangère Bonvoisin focalise notre intérêt sur l’étrange passion amoureuse qui lie Gésine et Laurentz!...

Ce dialogue autodestructeur qu’ils mènent à la manière du «Portier de nuit» de Liliana Cavani, éclaire les rapports de pouvoir et de soumission consentie que construisent des rôles peut-être interchangeables mais où le libre-arbitre serait une transgression inconcevable: Impossible d’émettre un jugement moral quand des êtres semblent ne se respecter que lorsqu’ils se déchirent avec délectation!....

Cécile Garcia Fogel est une comédienne dont la force intérieure semble transcender les personnages qu’elle interprète: Ici, la conviction de ses répliques semble irradier son mutisme, alors que pour le «Penthésilée» du théâtre de la Bastille, c’était sa «fougue» que nous distinguions et pour «Les Reines» du Vieux Colombier, «sa chorégraphie de mante religieuse!». Son personnage de Gésine qui semble se dissimuler à ses propres yeux, pourrait nous rappeler celui de Juliette Berto, camouflé par des habits d’homme dans «La vie singulière d’Albert Nobbs» de l’ex-théâtre d’Orsay Renaud-Barrault.

Face à Gésine, le «Laurentz » de Marcial di Fonzo Bo, implacable de nuances, maquille dans un autoritarisme insensible, sa certitude d’une destinée liée inexorablement!...

Comme si nous étions de l’autre côté du miroir de «Qui a peur de Virginie Woolf?» !...

Theothea le 30/09/98

Note: "Les Reines" Forum Théâtre AOL 96-97

LE MARIAGE DE FIGARO

de Beaumarchais

Mise en scène: Joël Dragutin

*

Théâtre Silvia Monfort

Tel: 01-45-31-10-96

«Sans liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur!...», nous reprenons volontiers cette maxime de Figaro (dont le quotidien du même nom a fait sa devise!) pour rendre compte de cette création du Théâtre 95 "Cergy Pontoise" en tournée au théâtre Silvia Monfort:

En effet, l’objectif avéré de Joël Dragutin est de styliser avec sobriété sa mise en scène de façon à mettre en valeur à la fois le ton comique et la dimension critique de la pièce de Beaumarchais.

Chérubin, le page infernal!...

Décor, costumes, lumières expriment l’épure souhaitée avec justesse et suavité!... La mise en scène tend pareillement à cette concision mais dépendante de la direction d’acteurs, elle est marquée par le rythme de plus en plus effréné des personnages dont l’élocution peut confiner à l’hystérie!...

   

En phase avec la comedia del arte, la farce s’impose à grands bruits et tend à neutraliser l’impact de la dénonciation ingénieuse de Beaumarchais envers les privilèges et l’absolutisme!.. . Plus proche du surréalisme des quiproquos chers à « Feydeau », l’affairement des acteurs se convertit ici peu à peu en un jeu de dupes tournant sur lui-même jusqu’à "l'incompréhensible" stridulant!....

La vertu essentielle de cette création du Théâtre 95 est d’être accessible à tous publics en proposant un divertissement de qualité et plein d’ardeur! Ce mérite là en vaut assurèment bien d’autres!...

Theothea le 03/09/98

TCHIN-TCHIN

de François Billetdoux

Mise en scène: Marcel Maréchal

***

Théâtre du Rond-Point

Tel: 01-44-95-98-10

Après avoir monté lors de la Saison précédente « Les Prodiges » de Jean Vauthier en compagnie de sa partenaire Mariane Basler avec le succès que l’on sait, dans la petite salle du Théâtre du Rond-Point, Marcel Maréchall nous présente cette fois-ci dans la grande salle, « Tchin-Tchin » de François Billetdoux braquant en quelque sorte les projecteurs sur l’autre face de la Passion:

Il y a en effet ceux qui la vivent et ceux qui en sont le souffre-douleur!... Et pour faire bonne mesure, l’auteur nous propose deux victimes d’un coup, un homme et une femme délaissés par leur conjoint respectif qui précisément vivent ensemble hors champs, leur aventure amoureuse!.

En constituant de fait un couple à quatre, tout au moins psychologiquement si ce n’est affectivement, la panacée pour Pamela et Césaréo sera précisément d’échapper à ce jeu de chaises musicales fatal et de recouvrer une autonomie en duo!... En outre un cinquième élément, fils de l’épouse délaissée,  jouera avec insistance les empêcheurs de tourner en rond!....

Mais est-ce la destinée à des solitudes trop semblables de se confier, de s’encourager et en définitive de s’associer en s’excluant du monde? Sans doute est-ce là une étape initiatique de cette quête vers l’absolu qui semblent être la véritable raison de vivre de ces deux-là!

Marcel Maréchal et Myriam Boyer évoluent dans un décor tout de blanc maculé, doué d’un mouvement translationnel permettant d’en substituer les éléments de gauche à droite et vice-versa au fur et à mesure des quatre actes, correspondant dans un style rohmerien à quatre saisons métaphoriques!... La tendresse qui unie les deux comédiens sur scène finit d’attiser pour nous spectateurs, la magie poétique de cette oeuvre onirique!....

Theothea le 5/10/98

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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