CHRONIQUES
11 à 15
S2
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LES FEMMES SAVANTES
de Molière
Mise en scène: Simon Eine
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Comédie Française
Tel: 01-44-58-15-15
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Il se dégage de cette mise en scène des «Femmes
savantes» par Simon Eine, une harmonie et une quiétude bienveillante
dont le décor composite, faisant transparaître à la fois
l’extérieur et l’intérieur d’une demeure cossue, vient souligner
la volonté de Molière d’aller au-delà des apparences
que les êtres humains veulent avoir d’eux-mêmes!...
Ainsi salon, boudoir, bibliothèque, jardin sont suggérés
dans un habile découpage qui les fait s’emboîter les uns dans
les autres avec en toile de fond un ciel azuréen ou
étoilé!.... Les personnages sont à l’avenant de ce
décor et se découpent pour mieux se fondre dans cette comédie
humaine où l’apparence des uns devrait éclairer la substance
des autres!....
Cette oscillation entre l’être et le paraître dans une
société où se répartissent les rôles comme
dans un jeu de chaises musicales, donnent son sens au dilemme qui se noue
à l’intérieur de chacun.
Il est ainsi aisé, selon chacune des mises en scène des
«Femmes savantes», de mettre en valeur tel ou tel personnage, car
chacun est porteur d’une part de vérité: en effet de la Philosophie
à la Science en passant par la pédanterie et la convoitise,
l’aspiration humaine est prise dans les mailles de ses propres contradictions
comme dans une sorte de patchwork métaphorique.
Alors haro sur Trissotin, sur Bélise, sur Chrysale etc... mais
également vive Trissotin, Bélise, Chrysale etc... car de leur
détermination à leur indécision, ils nous
révèlent les démons qui agitent les hommes et les femmes
dans leur inclination à imposer leur part de vérité,
c’est à dire en fait leur part de pouvoir!...
Dans une perspective de translation perpétuelle, le concept de
substitution trouve toute sa plénitude: c'est ainsi que pour cette
mise en scène de Simon Eine la quasi totalité des rôles
se jouera en alternance!....
Theothea le 25/09/98
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CHAT EN POCHE
de Georges Feydeau
Mise en scène: Muriel Mayette
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Théâtre du Vieux Colombier
Tel: 01-44-39-87-00
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Le titre de cette pièce de Feydeau est à l’image de son
époque dont nous discernons le caractère suranné,
démodé, voire peu explicite!... Ainsi l’expression «acheter
chat en poche» qui nous est si peu familière nous oblige, comme
face à une langue étrangère, à deviner et à
déduire sa signification en se référant au contexte!...
Ce qui est vrai pour le titre l’est à bien des égards pour
la pièce elle-même, dont l’étrangeté à
un siècle de distance devient l’un de ses principaux atouts:
En effet, lorsque le metteur en scène s’appuie sur l’exotisme de
moeurs désuettes, en ayant l'objectif de mettre en valeur le comportement
des personnages tout en révélant leurs intentions et leurs
motivations, c'est comme si celles-ci éclataient hors des bulles de
bandes dessinées et que nous parvenaient des «arrêts sur
image» dévoilant magistralement les arrière-pensées
et les entêtements dérisoires!...
Jean-Pierre Michaël
La gestuelle, la manière de se mouvoir ou de se figer deviennent
ainsi pour Muriel Mayette les outils privilégiés du jeu des
acteurs, dépeignant ainsi un espace schizophrénique à
l’instar d’un miroir déformant qui se plairait à travestir
le mensonge!....
Ainsi chacun des personnages évolue derrière des murs
qu’il consolide en permanence et qui entretiennent un pathétique dialogue
de sourds (évidemment comique pour les spectateurs!) avec ses
congénères!
Bien entendu, Feydeau est le démiurge de ces quiproquos, dont le
"malentendu" serait un habile instigateur, mais dont la cause est plus
vraisemblablement l’égocentrisme de chacun des protagonistes!
Cette création particulièrement brillante au théâtre
du Vieux-Colombier inspire une interprétation vive, précise
et pleine d’humour! A voir, chat en poche!...
Theothea le 28/09/98
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LE POISSON DES GRANDS
FONDS
de Marieluise Fleisser
Mise en scène: Bérangère Bonvoisin
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Théâtre de la Colline
Tel: 01-44-62-52-52
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Le Berlin des années trente!... Communisme et montée du
nazisme s’affrontent au travers de clans littéraires qui se disputent
les jeunes talents!....Elle, Gésine écrivain éditée
par la maison d’édition de Tütü (Bertolt Brecht), vit
maritalement avec lui, Laurentz pigiste d’un journal nazi!..
Si l’ambition de Marieluise Fleisser est de se mesurer à Brecht
en créant ainsi avec «Le poisson...» sa propre «Jungle
des villes», la mise en scène de Bérangère Bonvoisin
focalise notre intérêt sur l’étrange passion amoureuse
qui lie Gésine et Laurentz!...
Ce dialogue autodestructeur qu’ils mènent à la manière
du «Portier de nuit» de Liliana Cavani, éclaire les rapports
de pouvoir et de soumission consentie que construisent des rôles
peut-être interchangeables mais où le libre-arbitre serait une
transgression inconcevable: Impossible d’émettre un jugement moral
quand des êtres semblent ne se respecter que lorsqu’ils se déchirent
avec délectation!....
Cécile
Garcia Fogel est une comédienne dont la force intérieure semble
transcender les personnages qu’elle interprète: Ici, la conviction
de ses répliques semble irradier son mutisme, alors que pour le
«Penthésilée»
du théâtre de la Bastille, c’était sa «fougue»
que nous distinguions et pour «Les Reines»
du Vieux Colombier, «sa chorégraphie de mante religieuse!».
Son personnage de Gésine qui semble se dissimuler à ses propres
yeux, pourrait nous rappeler celui de Juliette Berto, camouflé par
des habits d’homme dans «La vie singulière d’Albert Nobbs»
de l’ex-théâtre d’Orsay Renaud-Barrault.
Face à Gésine, le «Laurentz » de Marcial di Fonzo
Bo, implacable de nuances, maquille dans un autoritarisme insensible, sa
certitude d’une destinée liée inexorablement!...
Comme si nous étions de l’autre côté du miroir de
«Qui a peur de Virginie Woolf?» !...
Theothea le 30/09/98
Note:
"Les
Reines" Forum Théâtre AOL 96-97
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LE MARIAGE DE FIGARO
de Beaumarchais
Mise en scène: Joël Dragutin
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Théâtre Silvia Monfort
Tel: 01-45-31-10-96
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«Sans liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge
flatteur!...», nous reprenons volontiers cette maxime de Figaro (dont
le quotidien du même nom a fait sa devise!) pour rendre compte de cette
création du Théâtre 95 "Cergy Pontoise" en tournée
au théâtre Silvia Monfort:
En effet, l’objectif avéré de Joël Dragutin est de
styliser avec sobriété sa mise en scène de façon
à mettre en valeur à la fois le ton comique et la dimension
critique de la pièce de Beaumarchais.
Chérubin, le page infernal!...
Décor, costumes, lumières expriment l’épure
souhaitée avec justesse et suavité!... La mise en scène
tend pareillement à cette concision mais dépendante de la direction
d’acteurs, elle est marquée par le rythme de plus en plus
effréné des personnages dont l’élocution peut confiner
à l’hystérie!...
En phase avec la comedia del arte, la farce s’impose à grands bruits
et tend à neutraliser l’impact de la dénonciation ingénieuse
de Beaumarchais envers les privilèges et l’absolutisme!.. . Plus proche
du surréalisme des quiproquos chers à « Feydeau »,
l’affairement des acteurs se convertit ici peu à peu en un jeu de
dupes tournant sur lui-même jusqu’à "l'incompréhensible"
stridulant!....
La vertu essentielle de cette création du Théâtre
95 est d’être accessible à tous publics en proposant un
divertissement de qualité et plein d’ardeur! Ce mérite là
en vaut assurèment bien d’autres!...
Theothea le 03/09/98
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TCHIN-TCHIN
de François Billetdoux
Mise en scène: Marcel Maréchal
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Théâtre du Rond-Point
Tel: 01-44-95-98-10
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Après avoir monté lors de la Saison précédente
« Les Prodiges » de Jean Vauthier en compagnie de sa partenaire
Mariane Basler avec le succès que l’on sait, dans la petite salle
du Théâtre du Rond-Point, Marcel Maréchall nous
présente cette fois-ci dans la grande salle, « Tchin-Tchin »
de François Billetdoux braquant en quelque sorte les projecteurs sur
l’autre face de la Passion:
Il y a en effet ceux qui la vivent et ceux qui en sont le souffre-douleur!...
Et pour faire bonne mesure, l’auteur nous propose deux victimes d’un coup,
un homme et une femme délaissés par leur conjoint respectif
qui précisément vivent ensemble hors champs, leur aventure
amoureuse!.
En constituant de fait un couple à quatre, tout au moins
psychologiquement si ce n’est affectivement, la panacée pour Pamela
et Césaréo sera précisément d’échapper
à ce jeu de chaises musicales fatal et de recouvrer une autonomie
en duo!... En outre un cinquième élément, fils de
l’épouse délaissée, jouera avec insistance les
empêcheurs de tourner en rond!....
Mais est-ce la destinée à des solitudes trop semblables
de se confier, de s’encourager et en définitive de s’associer en
s’excluant du monde? Sans doute est-ce là une étape initiatique
de cette quête vers l’absolu qui semblent être la véritable
raison de vivre de ces deux-là!
Marcel Maréchal et Myriam Boyer évoluent dans un décor
tout de blanc maculé, doué d’un mouvement translationnel permettant
d’en substituer les éléments de gauche à droite et
vice-versa au fur et à mesure des quatre actes, correspondant dans
un style rohmerien à quatre saisons métaphoriques!... La tendresse
qui unie les deux comédiens sur scène finit d’attiser pour
nous spectateurs, la magie poétique de cette oeuvre onirique!....
Theothea le 5/10/98
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