Les
Chroniques
de
Theothea
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chroniques
de 11
à
15
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PHEDRE
de Jean Racine
Mise en scène: Philippe Ferran
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Théâtre 14
Tel: 01 45 45 49
77
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La Phèdre de Philippe Ferran sort des conventions de mises en
scènes contemporaines où emphase et empesage sont a priori
proscrites!... Aussi est-on en droit de s’interroger au début de la
représentation sur la qualité de l’interprétation des
comédiens en y tentant une appréciation
référentielle!...
Ainsi le jeu d’Hippolyte serait-il ampoulé ? Celui de Phèdre
voudrait-il s’inspirer maladroitement de Sarah Bernardt ? La déclamation
articulée des comédiens nous entraînerait-elle dans une
phase régressive de l’Art dramatique ?
Bref, le doute plane sans que cependant l’attention décline car
précisément le texte nous parvient avec une virginité
brute de décoffrage, toute agrémentée de costumes en
patchwork !...
Et puis soudain, Phèdre ôte dans un geste rageur sa perruque
de longs cheveux, semblant libérer d’un seul coup le carcan de la
sincérité des émotions et de la passion contenue!...
Alors au même diapason, ses partenaires délient
l’intensité de la tragédie, en fustigeant l’erreur
stratégique d’Oenone et en révélant l’impasse
inéluctable de l’Amour de Phèdre pour son beau-fils!...
En entrant au théâtre 14, nous connaissons l’histoire de
Phèdre et maintenant nous la vivons dans la souffrance des sentiments
contradictoires qui osent s’exposer à vif!...
Ainsi la Phèdre de Philippe Ferran sort fièrement de la
caricature où nous craignions l’y enfermer et subrepticement nous
pourrons entrevoir en coulisses Sophie Bourrel, son héroïne,
faire à juste titre pendant les rappels, le signe de la victoire!...
Theothea le 18/09/00
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LE MALIN PLAISIR
de David Hare
Mise en scène: Jacques Lassalle
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Théâtre de l'Atelier
Tel: 01 46 06 49 24
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Si la «famille» peut être un terrain propice au jeu de
massacres, Jacques Lassalle trouve avec cette pièce de David Hare
adaptée par Jean-Marie Besset, sa «Cerisaie» à saveur
Pirandellienne!... Ce n’est rien de dire que les personnages échappent
à tout portrait psychologique; ils semblent lancés sur des
orbites stellaires qui s‘entrecroiseraient pêle- mêle, provoquant
ainsi des chaos inéluctables!...
Avec en toile de fond le deuil de deux soeurs à l’égard
d’un père qui leur laisse à charge une jeune belle-mère
déconcertante avec qui il convolait à 80 ans passés,
un vaste dérapage des sentiments confrontés à une
restructuration des esprits, va mettre à mal les tentatives
d’ordonnancement de l’héritage orchestrées par les deux
gendres!...
Situation somme toute courante à quelques variantes près,
qui sera ici l’occasion d’un défrichage audacieux de l’âme humaine
quand celle-ci virevolte dans la tourmente!... Un peu comme si ces cinq
personnages étaient en quête du positionnement du masculin et
du féminin face au travail de mémoire et à son corollaire
le devoir de moral!...
Au début, c’est comme si chacun campait sur sa prédominance
caractérielle!... Pour Catherine (Elsa Zylberstein), le cynisme
hystérique, pour Marion (Béatrice Agenin), la volonté
de puissance, pour Isabelle (Sabine Haudepin), la tradition humble, pour
Paul (Philippe Etesse), l’activisme chrétien, pour Ivan (Robert Plagnol),
la candeur vulnérable et ainsi de suite.... Mais peu à peu,
les fondations vont se lézarder, laissant place à un
maelström que Jaques Lassalle prendra un « malin plaisir »
à touiller jusqu’à effacer tout repère
sécurisant!...
Si donc dans la vie, il est toujours recommandable de se forger sa propre
opinion, il serait avisé présentement de sortir du
théâtre de l’Atelier, avec le bénéfice du doute...
à l’égard de la responsabilité des êtres
humains!...
Theothea le 21/09/00
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FERNANDO KRAPP M'A ECRIT
CETTE LETTRE
de Tankred Dorst
Mise en scène: Bernard Murat
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Théâtre Montparnasse
Tel: 01 43 22 77 74
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Un jeu de persiennes modulable où s’infiltre une lumière
d’une sensualité extravagante offre à Fernando (Niels Arestrup)
le plaisir voluptueux de faire succomber chaque soir Julia (Emmanuelle Seigner)
dans les mailles de son charme infini!...
En outre quoi de plus délicieux pour consumer le vertige de ce
«dernier Tango» que de jouer avec la passion fébrile d’un
tiers, soupirant de passage ?
Mais d’abord, il y aura l’argent qui allège les dettes d’un père
aux abois; c’est ainsi que Fernando Krapp prétend étendre sa
domination sur les êtres!... Rien ne doit lui résister, ni
personne!... La plus jolie fille de la ville lui est nécessairement
destiné!... Celle-ci devra en convenir!...
Oui, elle est amoureuse!... Oui, elle lui appartient corps et
âme!...
Non, il est impensable qu’elle ait un amant!...
Bref, Fernando décide ce qu’est la Réalité au
détriment d’une vérité qui ne se reconnaît plus
elle-même!... Pour Julia, «je» est un «autre» dans
lequel elle se dissoudra, en perdant peu à peu ses repères
identitaires!...
Niels Arestrup, tout de blanc vêtu de la chevelure aux pieds, semble
respirer dans un contentement cynique pour lequel il excelle!... Emmanuelle
Seigner assure une présence charnelle qu’elle tient à distance
d’une émotion trop vive!... le couple vit dans les transes affectives
que traversent par fulgurances, la possession de l’autre et le déni
de jalousie!...
Bernard Murat signe là, une mise en scène subtile où
les jeux de lumière caressent l’infinitude des sentiments, s'égarant
au-delà des contingences!...
Theothea le 22/09/00
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LE MAL COURT
de Jacques Audiberti
Mise en scène: Andrzej Seweryn
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Théâtre du Vieux-Colombier
Tel: 01 44 39 87 00
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S’il n’y avait qu’un seul mérite à accorder à Jean-Pierre
Miquel, au cours de sa direction du «Théâtre
Français», le fait d’avoir confié à Andrzej Seweryn
la mise en scène du «mariage forcé» de Molière
et maintenant celle de «le mal court» d’Audiberti pourrait être
considéré comme un don visionnaire!...
En effet cet acteur polonais ayant joué notamment sous la direction
de Patrice Chéreau, Peter Brook, Jacques Lassalle, devenant
sociétaire de la Comédie Française en 1995, est en train
d’acquérir une pratique magicienne de direction d’acteurs!... Ceux-ci,
sous son influence, se trouvent transcendés et osent lâcher
tous les chevaux de l’inspiration fantasque!...
C’est peu de dire que Françoise Gillard réalise une performance
éblouissante en composant une Alarica déchaînée
dans la naïveté nuptiale jusque dans l’hystérie
démoniaque!... C’est un régal que d’admirer la palette de jeu
sur laquelle la comédienne peut développer toutes les
subtilités de l’émotion amoureuse mystifiée!... C’est
l'univers d'un conte qui, devant nos yeux médusés, surgit
d’un imbroglio de tentures et entraîne les comédiens dans un
tourbillon de mots nappés dans une langue à la fois
précieuse, poétique et rustique!.....
Si l’histoire du Monde était celle de l’initiation des âme
pures au mal... celui que les hommes subissent contre leur gré puis
qu’ils transmettent avec délectation, pour sûr que Jacques Audiberti
en aurait écrit ici la métaphore biblique!...
Trahie, abusée, et reniée par des intrigants, des hommes
de pouvoir et même par ses proches qui lui font tous espérer
une vie de merveilles, Alarica de Courtelande aura tôt fait
d’assimiler l’effet boomerang de la vertu bafouée!...
Il règne sur cette scène du Vieux-Colombier, réglée
présentement comme le métronome d'un feu d’artifices, une
énergie catalytique qui embrase les oripeaux comme la nudité,
avec une égale ferveur gourmande!...
Une véritable tornade passe sur cette salle mythique pour mieux
en redistribuer les mérites et en redorer la légende!...
Theothea le 27/09/00
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LE SQUAT
de Jean-Marie Chevret
Mise en scène: Jean-Pierre Dravel
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Théâtre de la Madeleine
Tel:
01 42 65 07 09
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«Le SQUAT» est une pièce qui devrait être vue par
tout citoyen en âge d’être inscrit sur les listes
électorales!... Mine de rien, en restant dans la tradition du boulevard,
cette pièce nous emmène sur les chemins de traverse qui
construisent le goût de la différence et le besoin de
tolérance!...
La fougue de Marthe Mercadier en contre point de la perspicacité
discrète de Claude Gensac s’exposent de plein fouet à
l’exaltation d’une jeunesse maladroite dans l’ardeur de ses sentiments
contrariés!...
Bien entendu, le trio juvénile débutera avec un réel
handicap: Comment faire accepter à la vieille génération
la pertinence de l’occupation d’un appartement où celui-là
a eu l’opportunité de s’installer?
Indéfendable a priori, cela devrait friser la déraison furieuse,
en étant immigrés et sans papier!...
Et pourtant en esquissant les prémisses tumultueux d’un dialogue,
va se mettre en place l’exhalaison d’un charme manifeste, là où
l’humain rejoint l’universel!...
Pas d’angélisme sirupeux, simplement des caractères qui
s’affrontent et vont se reconnaître en un respect mutuel!...
Samir (Philippe Carta) en jeune beur plus vrai que nature, force de fait
chacun des protagonistes à réagir aux préjugés
de tout acabit !...
Manuel (Samuel Perche) en jeune portugais bien élevé,
s’avère dominé par son bon coeur alors que sa mère (Colette
Maire) gardienne d’immeuble se trouve totalement déroutée par
les frasques de son fils !... Quant à Natacha la Lituanienne (Macha
Polikarpova), elle se glisse malicieusement, en onguent d’une famille
recomposée pour le pire et pour le meilleur!...
Un happy end, en pirouette d’auteur, qui nous révèle qu’un
squat pourrait fort bien en cacher un autre!...
Theothea le 28/09/00
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