Les
Chroniques
de
Theothea
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chroniques
de 16
à
20
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LES SINCERES
de Marivaux
Mise en scène: Agathe Alexis
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*
Théâtre Silvia Monfort
Tel: 01 56 08 33 88
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Pourquoi donc éprouvons-nous un tel sentiment de décalage
entre les intentions de mise en scène de la part d’Agathe Alexis et
la réalisation de son spectacle un peu perdu sur la grande scène
du théâtre Silvia Monfort?
Autant son analyse philosophique de la pièce de Marivaux, dans
les propos recueillis par Gabrielle Brennen, nous apparaît brillante
et d’une pertinence toute métaphorique.... autant la prestation de
ses comédiens nous semble désordonnée, evoluant dans
un labyrinthe de symboles complexifiés!... Pourquoi par exemple ce
bassin que l’on devine plein d’eau et dans lequel ceux-ci doivent patauger
périodiquement?
Une impression lassante de déambulation dans les multiples
valses-hésitations que fomentent les personnages de Marivaux, nous
gagne pour ne plus laisser place qu’à l’attrait éventuel de
leur interprétation respective!...
A ce petit jeu d’observation amusée, nous apprécions
particulièrement la dégaine de Philippe Lebas, interprétant
un Ergaste très jet-set, ce qui pourrait fort bien en faire un
comédien à la mode!...
Tous s’efforcent de maintenir un rythme effréné que ne rattrape
jamais l’enjeu psychologique de ces couples pathétiques en quête
de sincérité, sombrant corps et âme dans les mailles
des contrevérités!...
Une pièce de Marivaux très intéressante, souffrant
ici d’une direction d’acteurs délibérément réaliste
dans un décor brouillé par les symboles!...
Theothea le 02/10/00
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LE BOURGEOIS
GENTILHOMME
de Molière
Mise en scène: Jean-Louis Benoît
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**
Comédie Française
Tel: 01 44 58 15 44
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Dans cette nouvelle création du "Bourgeois gentilhomme" à
la Comédie Française, Jean-Louis Benoît met au service
de Mr. Jourdain, une véritable machine onirique qui emporte en
comédie, ballet et musique, toutes les forces de la mégalomanie
de l’aspirant gentilhomme, dans le tourbillon d’un imaginaire
délirant!...
C’est peu dire que les yeux et les oreilles se régalent devant
tant d’inventivité à laquelle sont associés pas moins
de huit sociétaires!...
Et pourtant comme si cette débauche de talents du Théâtre
Français faisait imploser ceux des personnages constituant
l’entourage de Mr. Jourdain, celui-ci semble peu à peu se liquéfier
en proportion inverse du rythme de la comédie, donnant l'impression
de pouvoir disparaître sans que cela puisse se remarquer outre
mesure!...
Un Mr. Jourdain plus pâlot qu’outrancier, dont il est difficile
de discerner si le charisme en demi-teinte de Michel Robin en est la cause,
et si Jean-Marie Benoît dirigera de manière identique Andrzej
Seweryn pour le même rôle en alternance à partir de
décembre 00.
Un mystère donc qui accompagnera ce chef-d’oeuvre de Molière
au moins durant deux mois, le temps pour cette création de se mettre
définitivement en place pour un grand succès public
mérité!...
La Dorimène de Clotilde de Bayser, le maître de philosophie
de Jean-Pierre Michaël, le valet Covielle d’Eric Génovèse
nous enchantent, les costumes attestent de la luxuriance des moyens mis en
oeuvre, les mouvements d’ensemble et les ballets dégagent puissance
et précision, la grande farandole finale des turqueries prend des
allures délicieuses de comédie musicale!... Ainsi
l’extrême qualité de ce spectacle est au rendez-vous mais
peut-être en avance d'une alternance du rôle titre pour emporter
notre entière adhésion!...
Theothea le 02/10/00
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BECKET
de Jean Anouilh
Mise en scène: Didier Long
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****
Théâtre de Paris
Tel: 01 48 74 25 37
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Bernard Giraudeau pourrait être le fils spirituel de Jean-Paul
Belmondo!... Croquant la vie à pleine dents émaillées
d’un sourire ravageur, sa présence, sa physionomie, sa gestuelle
dégagent de concert un attrait hypnotique!... En contrepoint, quiconque
croiserait Didier Sandre dans l’anonymat de la vie, concevrait aisément
que sa discrétion passe-muraille pourrait cacher maladroitement une
timidité maladive!...
Et voilà que ces deux grands comédiens parvenus dans la
densité cinquantenaire s’embarquent dans une production audacieuse,
remettant à mal chaque soir l’amitié de Becket d’avec Henri
II, toute écartelée entre le pouvoir Royal et l’honneur de
Dieu!...
Pathétiques ces déchirements successifs tanguant de l’un
à l’autre, qui les contraignent tous deux à s’opposer de
manière frontale!..
Mais pourquoi donc Henri II s’était-il convaincu à la mort
de l’archevêque de Canterbury que de nommer pour successeur, son ami
Becket à la tête du clergé, relevait du coup de génie
politique ?
Pourquoi donc, puisque tous ses conseillers, toutes les autorités
ecclésiastiques s’y opposaient et que l’intéressé
lui-même, croyant a priori au canular, anticipa en visionnaire, le
conflit inéluctable qui s’élèverait entre les pouvoirs
temporel et religieux!...
Cependant Henri II imaginant par orgueil, qu’au nom de l’amitié,
il pourrait mieux tenir les rênes du royaume d’Angleterre, grâce
à la complicité d'un obligé aux commandes d’un poste
stratégique, commit ainsi l’erreur fatale de sa vie!...
C’est ainsi en tout cas que l’auteur esquisse le profil de ces deux
personnages: «Je n’ai pas été chercher dans les livres
qui était vraiment Henri II - ni même Becket. J’ai fait le Roi
dont j’avais besoin et le Becket ambigu dont j’avais besoin.»
Un texte superbe, des répliques cinglantes et brillantes, un rythme
dramatique qu’épouse avec fluidité le metteur en scène
Didier Long, les décors de Nicolas Sire se substituant en fondu
enchaîné, les spectateurs sont à la fête, celle
où le plaisir se partage dans la gourmandise des émotions et
de la sensualité!...
Quelle est poignante l'histoire que vivent Didier Sandre et Bernard Giraudeau
au Théâtre de Paris!.. Assurément, c’est celle de Becket!..
celle de Jean Anouilh!...
Theothea le 3/10/00
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SAPHO
lit Baudelaire, Rilke, Lorca, et Michaux
Mise en scène: Michel de Maulne
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**
Théâtre Molière
Tel: 01 44 54 53 00
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Dans la belle salle feutrée du Théâtre Molière,
une cinquantaine de spectateurs ce soir-là se retrouvent pour
écouter Baudelaire, Rilke, Lorca et Michaux... se retrouvent aussi
et surtout pour apprécier Sapho, la dame de noir vêtue par une
longue robe en lainage mettant en valeur essentiellement son visage
acéré mais espiègle!...
Elle, qui a rêvé faire valser ces quatre poètes ensemble,
s’avouera désappointée que ceux-ci ne fassent pas salle comble!...
Aussi se sentira-t-elle redevable envers eux en prononçant entre les
salves d’applaudissements, des regrets destinés très certainement
aux absents de toujours!...
Sapho tisse sa toile en s’ouvrant à toutes les émotions
artistiques!... Du chant à la poésie, elle nous vient en voisine
avec son feeling teinté d’étrangeté et de mystère!...
Dessinant dans l’espace les contours d’une arène géométrique,
un fil d’Ariane tisse sous ses doigts effilés la ligne rouge qui guide
tous ces mots... tous ces maux métissés!...
Sapho, la rockeuse des poètes, s’offre un grand concert de rimes
d’où s’échappent déjà les vibrations du Duende
de Garcia Lorca, les avatars de Mr. Plume, alias Henri Michaux ou encore
les malicieux chats de Baudelaire!... A l’unisson avec Sapho jusqu’au 29
Octobre 2000, tous à la Maison de la poésie!...
Theothea le 2/10/00
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LE MANDAT
de Nikolaï Erdman
Mise en scène: Bernard Sobel
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***
Théâtre de Gennevilliers
Tel: 01
41 32 26 26
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Faisant glisser le monde en tours de passe-passe, du côté
pile au côté face, les citoyens de Nikolaï Erdman
n’auraient de cesse de jouer avec l’opportunité de cette
alternative!...
Ainsi dans le vestibule, ce tableau religieux réversible à
volonté en portrait de Marx pourrait fort bien donner la clé
de la méthode!...
Pour accrocher celui-ci au mur, qu’importe si planter un clou
déclenchera les foudres du voisin irascible!... Un zeste de méthode
Coué et voilà que Pavel Gouliatchkine devient détenteur
d’un "mandat", véritable sauf-conduit dans un univers hostile qui
pour un peu lui conférerait un pouvoir totalitaire sur les faits et
sur les êtres!...
«Je suis membre du parti!» affirme ce jeune bourgeois à
qui lui chercherait querelle ou mettrait en doute la pertinence du mariage
annoncé entre sa soeur Varvara Gouliatchkina avec le fils aristocrate
Valérian Smétanitch!...
Faire illusion, voilà le commun dénominateur partagé
par ces deux familles russes composant avec des intérêts et
des prérogatives menacées par l’idéologie
régnante!...
Du Feydeau au service d’une couardise universelle, mais sans cesse à
la recherche d’une respectabilité politiquement correcte!...
Même si le plancher du décor doit pivoter sur lui-même
à 360°, chacun alors s’accroche à ses privilèges
et réapparaît de l’autre côté du miroir toujours
aussi fringant, comme si de rien n’était!..
Mais au bout du compte, se profile la déception pour tous
d’être pris au piège de leurs forfanteries respectives ne justifiant
même pas le déplacement de la police!...
Tous les jeunes comédiens issus de l’ERAC troisième année
mènent ce bal, mis en scène par Bernard Sobel avec une
vivacité décalée rendant cette pièce écrite
à Moscou en 1924, terriblement contemporaine!...
Comme si des personnages d’opérette se frayaient le passage dans
une bande dessinée, devenue subitement métaphore ludique
d’une Société!...
Theothea le 11/10/00
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