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2001 -
2002
Les
Chroniques
de
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6ème
Saison Chroniques
66
à
70
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BENT
de Martin
Sherman
mise en scène
Thierry Lavat
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***
Théâtre de l'Oeuvre
Tel: 01 44 53 88 88
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Un sujet et un texte très forts prédominent dans cette mise
en scène de Thierry Lavat au théâtre de l'Oeuvre, pour
cette pièce de Martin Sherman créée en 1979 au Royal
Court à Londres avec Ian Mckellen, puis jouée à Broadway
avec Richard Gere!…
Narrant à parité, la persécution des juifs et des
homosexuels pendant la deuxième guerre mondiale, la traque de Max
(Yannis Baragan) y est exposée d'abord dans sa fuite à travers
l'Allemagne nazie avec Rudy (Frantz Herman), puis dans son incarcération
en camp avec Horst (Benjamin Boyer).
Un moment d'une intensité exceptionnelle culmine lorsque Max et
Horst, contraints à transporter indéfiniment un tas de pierres
d'un endroit à l'autre, tentent lors d'une pause au garde-à-vous,
une relation sexuelle, par la simple force de transmission d'énergie
sans aucune gestuelle tactile!…
C'est effectivement la méthode de l'auto conviction
délibérée qui semble être le garant d'une survie
dont les limites peuvent ainsi être reculées toujours un peu
plus loin que la folie dans laquelle leurs bourreaux souhaitent les faire
basculer!…
Cependant pas de pathos excessif dans cette réalisation
théâtrale sobre qui démontre, face à l'obscurantisme,
davantage la force des sentiments affectifs que la dynamique d'une cruauté
résolument perverse!…
L'interprétation de Y. Baragan est efficace et juste!… De même
B. Boyer forme avec celui-ci un duo dont l'émotion n'exclut pas un
certain humour latent!…
A quelques pas du théâtre de l'Oeuvre, se joue au même
moment "Visites à Mister Green" qui sur un registre plus intimiste,
aborde un thème très similaire!… Ainsi plus que jamais, l'esprit
de tolérance semble inspirer le spectacle vivant!…
Theothea le 28/01/02
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VISITES A MISTER GREEN
de Jeff
Baron
mise en scène
Jean-Luc Tardieu
|
****
Théâtre La Bruyère
Tel: 01 48 74 76
99
|
Philippe Clay est un comédien rare, surgissant à nouveau
sur le devant de la scène parisienne, accompagné de son metteur
en scène fétiche, Jean-Luc Tardieu!… Rare, parce que trop conscient
de sa compétence artistique pour être a priori postulant à
un rôle!…
En effet, c'est à partir d'une simple photo d'agence qu'un jeune
comédien disciple de Niels Arestrup demanda à rencontrer celui
qui allait devenir son partenaire dans "Visites à Mister Green",
souhaitant ainsi poursuivre un projet de réalisation initiée
par feu John Berry!…
Thomas Joussier y endosse donc le rôle d'un jeune cadre bancaire
de 29 ans qui a renversé un vieillard parkinsonien de 86 ans!... En
conséquence Ross est en charge par la justice de visiter Mister Green
à son domicile chaque semaine, en raison de sa conduite automobile
imprudente!…
Juifs tous les deux, leurs attitudes respectives dans la vie les ont
amenés à des impasses affectives dont la prise de conscience
est d'autant moins aisée qu'ils ont chacun des motifs objectifs d'en
vouloir à la "Société"!…
Mister Green, pratiquant très scrupuleux des principes, s'est
laissé plongé, depuis la mort de sa femme adorée, dans
une solitude délibérée et même sans concession
vis-à-vis de sa propre fille!…
Quant à Ross, il apparaît comme un jeune homme moderne bien
élevé, mais dont la faille apparaîtra peu à peu
dans une homosexualité assumée avec douleur au sein de sa
famille!…
Leurs rencontres hebdomadaires vont être l'occasion d'un réel
dialogue entre deux êtres humains dont le comportement psychologique
asynchrone sera compensé par une intuition réciproque de
l'âme d'autrui en perdition!…
Certes, c'est la générosité du jeune Ross qui accomplira
l'essentiel des efforts vers l'altérité défensive du
senior, mais en contrepartie Mister Green, sous des attitudes de rebuffade,
laissera s'installer une relation non feinte de complicité, voire
de compréhension!…
La subtilité de l'interprétation, des expressions du visage,
des silences est à l'unisson d'une démarche presque psychanalytique
où un transfert bi-latéral se construirait au gré d'une
écoute profondément humaine!…
Cette alternance dialectique où jeunesse et vieillesse se fondent
en une lutte unique pour recouvrer identité et respect de soi face
à un monde ambivalent, transcende les sentiments de l'un et l'autre
jusqu'à les rendre éminemment justes et poignants!…
Thomas Joussier, véritable révélation et Philippe
Clay, retour magistral, donnent le ton à une saison théâtrale
où le goût pour la tolérance apparaît comme une
valeur forte!…
Theothea le 24/01/02
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GABRIEL(LE)
d'après
George Sand
mise en scène
Gilles Gleizes
|
**
Théâtre 14
Tel: 01 45 45 49 77
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Surfant entre plusieurs genres, du burlesque à la tragédie,
le spectateur est en droit d'hésiter dans un premier temps sur les
intentions de l'adaptation à la scène, de ce texte mal connu
de George Sand!…
Après l'entracte s'installe un développement psychologique
des personnages qui permet de prendre la mesure d'un idéalisme sous-jacent
et celle d'une ambiguïté légitime et assumée!..
En confiant le rôle de Gabriel (le) à Sarah Mesguich, Gille
Gleizes offre à la comédienne d'exprimer une attitude en permanence
féminine sous des oripeaux contradictoires. Effectivement quand une
même pensée doit se travestir du masculin au féminin
en des allers-retours incessants, le sens de l'orientation demeure un bien
précieux qu'il est nécessaire de gérer avec
tact!…
Quant à Jauris Casanova (Astolphe) et Philippe Maymat (Antonio),
ils ont la charge d'incarner les affres d'une amitié qui les mènera
à une rivalité effective en passant par des excès d'humeur
fantasque!…
Tous les autres personnages seront à l'avenant, brossés
dans un moule de fantaisie hystérique où les dictats et autres
anathèmes devraient faire office de lois!…
Il faut dire que le principe de dénégation de l'identité
sexuelle est ici au service d'un héritage conséquent mais que
l'argent n'expliquera pas à lui seul le malheur qu'une éducation
rigoriste et partiale aura su faire germer dans des esprits formatés
durant la Renaissance!...
A apprécier par degrés successifs!…
Theothea le 31/01/02
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RUY BLAS
de Victor
Hugo
mise en
scène Brigitte
Jacques-Wajeman
|
****
Comédie Française
Tel: 01 44 58 15 15
|
Dans un décor de pans de murs sombres et mobiles sur plusieurs
axes, l'imaginaire onirique se plaît à jouer avec les intentions
positives des êtres humains, jusqu'à les écraser, les
broyer dans leurs perspectives candides, pendant que d'autres s'arc-boutent
sur les leviers d'une manipulation destructrice mais vaine en
définitive!…
La mise en scène de Brigitte Jacques-Wajeman réveille les
Don Quichotte au fin fond des consciences, alors même que le cynisme
apparaît a priori comme un gage de réussite!…
Porté par un idéalisme néo-romantique, l'Amour a
rendez-vous avec la mission de sauver à la fois le Peuple et
l'Etat!…
Don Salluste, en disgrâce pour raison sentimentale, cherche vengeance
de la Reine d'Espagne, en tentant d'utiliser à son profit les services
de son cousin César de Bazan et ceux de son valet Ruy Blas!….
Du laquais au maître, les quiproquos vont se disputer aux inversions
de rôles afin de faire tomber dans le piège de l'adultère
la Reine et son protégé!… En voulant dénoncer la corruption
générale, ceux-ci vont se brûler les ailes dans l'approche
au plus près du pouvoir politique!…
Eric Ruf (Ruy Blas) et Denis Podalydès (Don César) emportent
dans un tourbillon de feu et de passion, les vertus d'un jeu magistral où
l'interprétation transgresse les règles de l'Art!… Face à
Jean-Baptiste Malartre (Don Salluste), ils rivalisent d'énergie fantasque
pour déjouer la ruse démoniaque et fascinante du ministre
déchu!… Surgissant du pays des merveilles, Rachida Brakni ( La Reine
Dona Maria), tempère les audaces, tout en renonçant à
dissimuler son admiration amoureuse!…
Il y a quelque chose de Merryl Street dans le regard chargé
d'émotions intenses que pose Rachida Brakni, toute nouvelle
pensionnaire de la Comédie-Française engagée par le
tout nouveau secrétaire Marcel Bozonnet!… Son aura de Reine catalyse
la fougue de ses partenaires de scène et s'ouvre sur toutes les promesses
de réussite!… Il n'empêche que les applaudissements des spectateurs
à la représentation du lundi 27 janvier, ne suscitent en retour
quasiment aucune esquisse de sourire de sa part et semblent même la
laisser étrangement indifférente!…
Avec RUY BLAS, la célébration de l'année Victor Hugo
est engagée avec excellence à la Comédie-Française.
Très proche du délire Shakespearien dans la forme, la
démonstration du courage politique y est affirmé avec
réalisme et, à ce titre, la démarche pédagogique
y rejoint avec bonheur, l'ambition artistique!… Theothea le 30/01/02
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ELVIRE
de Henry
Bernstein
mise en scène
Patrice Kerbrat
|
***
Petit Théâtre Marigny
Tel: 01 53 96 70
20
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Une atmosphère d'avant- guerre où la vie semble confortable
dans cet hôtel particulier parisien, malgré les interrogations
qui entourent les objectifs de Mr. Hitler!… Un brillant avocat et sa
maîtresse, un ami éminent patron de presse; le maître
d'hôtel introduit une aristocrate viennoise chassée de son pays
par les nazis!… Commence dans la quiétude des sentiments, un
chassé-croisé où le cran va s'affronter au désespoir,
selon des modalités propres à chacun des
protagonistes!…
Elvire avec son accent autrichien, proche des mélopées de
la regrettée Delphine Seyrig, va tenter de se reconstruire par
degrés, les "fondamentaux" nécessaires à la satisfaction
de vivre!… Face à elle, deux notables et une jeune femme flirtant
avec le goût délicieux de l'échec sentimental, et surtout
sans cesse préoccupés par ce qui semble leur échapper
plutôt que par le pragmatisme affectif.
Convoquée au devant de la scène, la problématique
du choix de l'être aimé veille à ne pas se confondre
avec les velléités charnelles de la séduction et de
l'admiration!…
Quand la haine guerrière et sourde s'avance sur la scène
du monde, de l'affinité à l'amitié en passant par l'Amour,
la pallette des sentiments humains se cherche un destin à la mesure
de l'enjeu!…
Seul un être, revenu des tourments douloureux, sera à même
de discerner par delà les apparences, l'objectivité des motivations
amoureuses!…
Pour elle-même et pour les autres sans jamais se départir
d'une consciencieuse bienveillance ainsi que d'un plaisir ludique au
remue-ménage de l'âme, Elvire n'aura de cesse d'éviter
les pièges de la passion par ailleurs tellement
délicieuse!…
Beaucoup de subtilités s'invitent dans l'interprétation
de rôles que Patrice Kerbrat dessine comme des émanations de
l'esprit!… En effet ces êtres de chair nous parlent d'ailleurs, d'un
lieu et d'un temps qui planent dans une mémoire sensuelle, et pourtant
si familière!…
Jean-Pierre Cassel, Caroline Silhol, Anne Consigny et Phillippe Magnan
élaborent un concerto moderato où chacun tour à tour
se plaît à empiéter quelque peu sur les partitions des
partenaires, au point de réussir effectivement à débusquer
la sincérité au-delà des intentions!…
Theothea le 01/02/02
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