Cannes 2011: Palme d'or
spéculatif
« Un jour, nous ne verrons des films de cinéma
qu’à
Cannes »
prophétisait le producteur
Daniel Toscan du
Plantier.
Sans doute la diffusion à
domicile par supports numériques pourrait-elle nous rapprocher rapidement
de cette échéance ultime.
A contrario, il faut dire que les salles
Debussy et
Théâtre
Lumière
dans le
nouveau Palais
sont
des espaces rêvés pour assister aux projections du Septième
Art.
En outre, il est indéniable
que le cocon conceptuel de cette prestigieuse manifestation favorise la cure
à dose intensive à laquelle d’aucuns festivaliers se
soumettent volontairement durant une dizaine de jours, en
mai.
Précédés par les
clips de la
Sélection
officielle, ceux d’
"Un certain
Regard",
de "La Quinzaine des
Réalisateurs"
ou de "La Semaine de la
critique",
les films visionnés sont, ainsi, estampillés de labels à
haute qualité ajoutée, permettant aux accrédités
de toutes provenances de se laisser emporter, en toute confiance, par ce
tourbillon culturel annuel où l’état du monde donne
rendez-vous à ceux qui souhaitent en prendre le pouls des valeurs
et contre-valeurs créatives.
Les divers
Palmarès, y compris le plus prestigieux se parant d’une
Palme
d’or,
viendraient ensuite authentifier cette démarche réflexive et
analytique d’où pourrait rayonner la bonne parole cannoise
jusqu’aux confins terrestres des salles
obscures.
Ainsi pourvue
d’une forte puissance cinéphilique, l’image médiatique
du Festival de
Cannes
a muté, depuis ses origines en 1946, des révélations
du cinéma d’auteur à son rôle, désormais,
de phare mondialisé, contribuant aux repères socioculturels
d’une société humaine métissée
d’interrogations récurrentes.
Comme, par
ailleurs, la spécificité d’un
Jury renouvelé à chaque
édition oblige à reconsidérer sans cesse le meilleur
équilibre dans sa représentativité, il est indéniable
que chacune des présidences se sente investie d’une forte
responsabilité éthique et artistique, sous le regard observateur
et critique de tous.
Ainsi, il est cohérent que
la chasse annuelle à l’élu de prédilection se fasse
dans la recherche de clefs permettant d’éclairer les mystères
du monde, dans ses origines, son développement et ses hypothèses
d’avenir.
Aussi, en se référant à
ce statut expérimental que s’est forgé, au fil du temps,
le
Festival
International du film de
Cannes, comment imaginer qu’en 2011, la
Palme
d’or ait pu échapper à
« The Tree
of
Life »
de Terence
Malick,
puisque tout un chacun sur la planète, quel que soit le prisme de
son entendement, pourrait y trouver matière à admirer et à
spéculer.
Telle une auberge espagnole, tous
y trouveront la substance de leur contentement en s’octroyant carte
blanche à toutes les interprétations contradictoires des
motivations esthétiques de l’homme qui aurait créé
Dieu à son image anthropomorphique.
En l’occurrence, ce serait
la complexité à plusieurs niveaux métaphoriques qui
se dresserait en juge de paix suprême réunissant, ainsi, le
consensus autour d’une œuvre censée attribuer un passeport
universel à la sublimation morale du
contingent.
Cependant,
comme il se doit après chaque délibération, d’autres
options subjectives consacrant la plus justifiée des
Palmes
d’or
subsisteraient dans l’inconscient collectif, sans qu’il soit possible
à quiconque d’en prouver une légitime
conviction.
Aussi peut-être, le choix
des futurs jurys pourrait être facilité si leurs membres se
donnaient l’obligation d’écarter de leur sélection
tous les films faisant l’objet d’au moins, un vote négatif
parmi eux.
Paradoxalement, cette procédure
éliminatoire radicale pourrait faire remonter sous le faisceau des
projecteurs l’œuvre qui inspirerait, sans conteste, une admiration
fédératrice.
Dans cette perspective, est-ce que le
thriller socio-philosophique et rigoureusement dialectique
« Bir
Zamanlar
Anadoluda » de
Nuri Bilge
Ceylan ayant
obtenu, sous la présidence de
Robert de
Niro,
le grand prix du jury 2011
ex-æquo,
n’aurait-il pas, selon cette exigence décisive, réussi
à parvenir jusqu’à la marche suprême, dans un élan
d'excellence œcuménique ?
Theothea le
06/06/11
Publication autres supports :
http://theothea.hautetfort.com/archive/2011/06/11/festival-de-cannes-2011-palme-d-or-speculatif.html
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/cannes-2011-palme-d-or-speculatif-95737