Ce spectacle se présente comme un huis-clos en chambres, en trois
chambres où va s’égrener le compte à rebours des derniers
jours de la vie de Giacomo Leopardi, le plus grand poète italien des
temps modernes.
Ces trois chambres sont la représentation de l’enfermement, voire
l’autisme de chacun des protagonistes; chacun se débattant avec son
besoin d’Amour, sa difficulté à communiquer, son désir
de reconnaissance!... L’impossibilité pour Giacomo de discerner la
lumière apparaît comme une métaphore d’une incapacité
à atteindre sa propre vérité et celle des Autres!...;
Cinq
comédiens sont sur scène qui multiplient une suite de couples
potentiels suscités par les affects successifs et contradictoires
qu’ils nourrissent les uns envers les autres et tous occupés par ce
Giacomo qui leur échappe tant son charisme lié à sa
maladie en font l’objet unique d’une fascination générale!....
Son ami Antonio Ranieri, Paolina la soeur de celui-ci, Lucella la servante,
Paolina Leopardi la soeur de Giacomo, tous à proximité ou à
distance voudraient le protéger de lui-même et être le
sujet privilégié d’un Amour immense que Giacomo est
évidemment incapable d’exprimer tant son état physique et psychique
est délabré!....
Cette pièce est comme une ode à la vie créatrice
qui refuserait de toutes ses forces le concept de Mort tout en s’y
enfonçant inexorablement. Mais au-delà de la mort, synonyme
fondamentalement de quiétude et de paix, c’est ici le délabrement
des âmes qui ronge tous ces personnages transis de passion
inhibée!...
De Neron à Giacomo, Denis Lavant se crée un personnage
délirant et phénoménal d’où les garde-fou semblent
s’abolir sous contrôle!.... Anne Brochet compose comme l'ombre
transparente, quoiqu’agitée, d’une vie qui s’exclurait
d’elle-même, Fabienne Luchetti et Graciela Cerasi sur des registres
rivaux, expriment le vertige et l’énergie infinie d’une passion
inexprimable, Brontis Jodorowski s’investit dans l’ami qui se laisse
aliéner peu à peu par ce tourbillon psychotique!....
La lumière vacille, c’est le chaos sur scène car il faut
se débarrasser des oripeaux du vieux lit inconfortable, le parquet
est disloqué, le fatras général emporte définitivement
Giacomo Leopardi et pourtant le plus délicat reste à gérer
pour les cinq comédiens: Parvenir à recevoir les ovations du
public sans perdre l’équilibre dans ce décor
désarticulé et anéanti!....
Theothea le 14/11/98.