CHRONIQUES

    Saison 98-99

         21 à 25   S4        

• L'ATELIER
• POUR LA GALERIE
• LA JEUNE FILLE VIOLAINE
• MR. SCHPILL ET MR. TIPPETON
• ECLIPSE      

L'ATELIER

de Jean-Claude Grumberg

Mise en scène: Gildas Bourdet

****

Théâtre Hébertot

Tel: 01 43 87 23 23  

Le baby boom, l’après-guerre, cela avait un parfum, des couleurs, des odeurs dont cette période de reconstruction et de plein emploi se paraît pour mieux cacher les difficultés que la fin des restrictions n’avait pas abolies et pouvait même exacerber!.... Dans cet atelier de couture où l’atmosphère patriarcale avait les qualités de ses défauts, des ouvrières rémunérées encore à la tâche révèlent au gré de leurs conversations cette énergie du désespoir que l’humour traverse par mille étincelles de tonalité contradictoire.

Difficile d’oublier la déportation et ceux qui ne sont pas revenus sans que l’on ait la preuve objective de leur disparition! Ainsi les certificats de décès compliqués à obtenir après de longues procédures administratives mentionnent Drancy comme lieu ultime de vie!.....

Quant à celles qui ont un mari et des enfants, elles ne savent plus trop si c’est leur vie d’ouvrière qui dévore leur vie domestique ou l’inverse!....

Et pourtant du dehors parviennent les ritournelles des chanteurs de rue qui laissent transparaître dans leur rengaine, des occupations et des sentiments tellement humains, teintés d’une certaine insouciance!.... Avec une grande sensibilité Gildas Bourdet réussit à nous montrer qu’en cette période les gens avaient évidemment des problèmes mais qu’ils restaient gais et surtout qu’ils voulaient s'y maintenir!... Dans cette perspevtive, le décor d’ Edouard Laug est un excellent témoignage de la nostalgie que cette époque conserve dans notre mémoire collective.

Bien entendu le problème juif reste comme l’axe central des prises de conscience qui peu à peu traversent cette tranche de vie de 1945 à 1952, mais celui-ci apparaît principalement comme le poids colossal d’un passé traumatisant qu’il faudra bien finir par assumer pour affronter les contraintes de l’avenir!....

En cela la pièce de J-C Grumberg atteint à l’Universel car toute évolution humaine est toujours écartelée entre regret et projet, entre ressentiment et confiance!.....

Par ailleurs la retranscription des dialogues complices et antagonistes confirment la pérennité des sentiments conflictuels et affectifs qui traversent les relations humaines au sein de petits groupes notamment sur les lieux de travail...

Les spectateurs ne s’y trompent pas, ils ressentent que cette pièce est un miroir fidèle de notre histoire contemporaine individuelle et collective et ils apprécient la sincérité avec laquelle les comédiens nous la transmette avec humour et émotion!...

Theothea le 16/10/98

POUR LA GALERIE

de Claude d'Anna & Laure Bonin

Mise en scène: Stephan Meldegg

**

Théâtre de l'Oeuvre

Tel: 01 44 53 88 88

Stephan Meldegg, fort des cinq MOLIERE 98 qu’a obtenu POPCORN, bénéficie bien évidemment d’un a priori largement favorable des professionnels du théâtre ainsi que du public! Aussi l’enthousiasme que déclenche «Pour la Galerie» est-il assurément très communicatif, trop peut-être!...

En effet cette pièce qui prend le «couple» contemporain comme cible de nos réussites et de nos échecs aussi bien professionnels qu’affectifs, a la vertu de nous tendre un miroir si peu déformant qu’il en viendrait facilement à ressembler à un documentaire sociologique!

Aussi malgré les multiples rebondissements drolatiques au cours d’une nuit d’enterrement où personne ne trouve le sommeil, cette création trouve-t-elle assez rapidement ses limites car si les relations conflictuelles des couples font florès au théâtre, encore faut-il qu’elles échappent au simple réalisme pour transgresser le talent des comédiens:

Ainsi par exemple des pièces comme «Qui a peur de Virginia Woolf?», «Tchin-Tchin», «Danse de mort», «Les Prodiges» fonctionnant sur la même dualité, possèdent-elles toutes en commun cette sorte de décalage et d’étrangeté qui fondent l’oeuvre artistique!...

Si Annick Blancheteau et Jean-Luc Moreau qui par ailleurs vient de signer l’excellente mise en scène du «Sixième ciel », incarnent avec persuasion les deux facettes de ce couple qui distillent à la fois venin et contre venin, l’interprétation du père sirupeux et irresponsable est à l’image d’une pièce qui nous apparaît plus bavarde qu’inspirée.

En outre faire réapparaître la mère récemment disparue sur l’écran d’une télévision pour dialoguer avec son propre fils nous paraît relever de la fausse bonne idée de mise en scène théâtrale et donc très rapidement ennuyeuse!....

Celà étant dit, le «miroir à couple» fonctionne bel et bien comme tel et son impasse avérée devrait nous déprimer si fort qu’il est franchement sain que les spectateurs en rient le plus possible!.....

Theothea le 17/10/98

LA JEUNE FILLE VIOLAINE

de  Paul Claudel

Mise en scène: Marie Hermès

***

Théâtre de la Huchette

Tel: 01 43 26 38 99

Le Théâtre de la Huchette est un lieu intime et paradoxal où depuis 47 ans se jouent «La Cantatrice chauve» et «la Leçon» de Eugène Ionesco sans discontinuer, au beau milieu d’un fatras exclusivement touristique!... Aussi «La jeune fille Violaine» apparaît-elle dans ce tohu-bohu comme une pépite incongrue à la manière d’un ovni égaré dans l’espace sidéral!.....

Au centre du dispositif de «La jeune fille Violaine» se dégagent les deux thèmes complémentaires du Sacrifice et du Pardon qui se transgressant mutuellement peuvent procurer tout à la fois un sentiment de vertige infini en même temps qu’une profonde sensation de sérénité.

Cette pièce a occupé toute la vie de l’écrivain Paul Claudel puisqu'il écrivit la première version alors qu’il avait vingt-deux ans et que ce n’est qu’à 88 ans que la version définitive sous le titre de «l’Annonce faite à Marie» sera jouée en 1948 au théâtre Hebertot!....

Mieux adapté aux contraintes de la dramaturgie, cet aboutissement qu'est «L’Annonce faite à Marie» avait peu à peu élagué l’épure du symbolisme inhérent à «La jeune fille Violaine»; pourtant le public contemporain est prêt désormais à un retour aux sources!...

Donc Violaine, protégée jusque-là par sa famille paysanne, et amoureuse de Jacques son fiancé aurait dû avoir un destin heureux, mais subitement le père part pour un long voyage vers l’Amérique délaissant sa famille, tel Dieu pourrait sembler avoir abandonné les hommes à eux-mêmes!...

Trahie lâchement par sa mère au seuil de la mort et jalousée par une soeur qui n’aura de cesse d'intriguer pour lui ravir son fiancé, Violaine décide de quitter la maison aveuglée irrémédiablement par les cendres que Mara lui jette par défi au visage!....

Hébergée durant plusieurs années dans un couvent, elle sera retrouvée par Mara qui souhaite lui présenter le fruit de son enfantement avec Jacques, dans l’espoir que sa soeur Violaine pourra rendre la vue à son enfant! Cette guérison de la cécité par une aveugle, aux connotations de miracle symbolique ne fera en définitive que raviver les pulsions destructrices de Mara.

Cette escalade dans les strates de l’Amour-Haine aboutira nécessairement à l’assassinat délibérée de Violaine qui consentante du destin qui lui est imposé n’a d’autres lignes de conduite que celle du pardon programmé et absolu.

A son retour le père a perdu sa femme et doit enterrer l’une de ses filles! Inspiré par le bon sens paysan et humble face aux lois de la Nature, le sacrifice de Violaine sera perçu comme une incapacité à maîtriser l’Amour Infini!.... Comme si la victime avait besoin du Bourreau pour dispenser le Pardon inéluctable!....

Odile Roire en Mara et Bernard Bollet en Jacques donnent à leur interprétation la dimension tragique du tourment humain écartelé par la transgression du bien et du mal!.... Marie Cuvelier en Violaine dépeint comme un ange au-delà de la contingence, l’ailleurs indicible de l’exigence humaine!....

Theothea le 30/10/98

MR. SCHPILL ET MR. TIPPETON

de Gilles Segal               reprise

Mise en scène: Georges Werler

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Théâtre du Trianon

Tel: 01 44 92 78 04

Le Monde du cirque...le cirque du Monde...et pourtant il tourne!...Deux clowns, il reste deux clowns! Ils répètent sans cesse leur spectacle de façon à faire vivre l'espoir.....que de nouveau le public viendra les applaudir, entourés de tous leurs compagnons artistes!

Mais où sont-ils donc passés ces compagnons? Quelle menace pèse sur les deux clowns et cet enfant qui tel un fantôme rôde dans le cirque déserté! Et d'abord tout ceci se passe où, quand et pourquoi!....

Aucune réponse! il n'y aura pas de réponse! Car l'exclusion des minorités est une manifestation humaine Universelle et Intemporelle! A la toise de la norme, les différences ethniques, raciales, physiques s'imposent avec une aisance redoutable comme des critères d'ostracisme! Un simple décret et puis....

Alors il reste deux clowns, dont l'un est nain ainsi qu'un enfant de tzigane. Est-ce celui-ci ou celui-là qui sera menacé par les autorités policières? Question de chronologie et de décret sans doute!...

C'est ainsi que le chapiteau va devenir leur geôle, ce lieu où il est nécessaire de maîtriser le temps, de se distancier, de ruser pour sauvegarder leur identité et simplement leur vie! En conséquence la volonté d'en rire sera le meilleur garant de réussite, face à leur attitude pragmatique!

Scène d'anthologie que celle où Schpill et Tippeton tout à leur joie de découvrir que l'enfant est encore capable de rire de bon coeur, se voient contraints de lui apprendre à s'empêcher de rire pour éviter de trahir son jeune âge! Cet apprentissage paradoxal est l'occasion d'une émotion de grande qualité!...

L'intention de l'auteur est de toute évidence métaphorique et c'est pour cela qu'en dernier lieu l'enfant restera porteur de tous les espoirs et destiné à reprendre le flambeau de cet artisanat profondément humain qu'est le cirque!

En lui ayant décerné 2 Molières, le public remercie l'auteur et ses interprètes d'avoir troqué, avec talent et humour, la politesse du désespoir en espoir de savoir-vivre!...

Theothea le 14/2/97

ECLIPSE

de  Bartabas

Mise en scène: Bartabas

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Théâtre Zingaro

Tel: 0 803 808 803

Reprise au Fort d'Aubervilliers

à partir du 20 Novembre 98