du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 98-99

         41 à 45  S8        

 

    

   

    

      

FREDERICK

d' Eric-Emmanuel Schmitt

Mise en scène: Bernard Murat

***

Théâtre Marigny

Tel: 01 42 56 04 41

Eric-Emmanuel Schmitt a taillé aux mesures de Belmondo ce rôle fantasque de Frédérick Lemaître, comédien à succès du Boulevard du Temple au XIX siècle que Jean-Paul prend visiblement grand plaisir à interpréter!....

Jean-Paul Belmondo est un acteur charnel et prodigue qui aime la participation et la compagnie de nombreux autres comédiens sur le plateau et qui loin de tous soucis cérébraux qu’il abandonne volontiers aux « critiques », souhaite communiquer au public le plaisir d’une présence hic et nunc!...

Ce personnage hors norme de Frédérick Lemaître qui faisait affluer le public populaire aux « Folies Dramatiques » et qui est l’un des principaux protagonistes du film de Marcel Carné « Les enfants du Paradis » est inscrit ici par l’auteur dans un contexte historique où la censure est le prix à payer du combat que se mènent partisans Républicains contre Aristocrates.

Aussi, partagé entre les caprices des comédiens « Diva », la fatuité des auteurs, les pressions policières et gouvernementales, le roué directeur du théâtre des « Folies Dramatiques » tente inlassablement de réunir les ingrédients truculents du spectacle populaire pour faire fonctionner économiquement sa petite entreprise artistique sans cesse sur la corde raide!...

C’est évidemment l’Amour qui sera le fil conducteur de l’intrigue et qui fera basculer la pièce après l’entracte dans un constat lucide voire désabusé sur l’inanité et l’inconsistance du destin de la profession de comédien!.... Celui-ci endossant au fur et à mesure de sa carrière tous les déguisements contradictoires de l’humanité.

Il est alors impressionnant d’observer à quel point Jean-Paul Belmondo a la capacité d’adopter l’expression grave de celui qui ayant éprouvé tous les agréments des « pirouettes » que la vie rend possible, prend alors la juste mesure du vide redoutable que laisse l’incapacité à aimer réellement!....

Eric-Emmanuel Schmitt donne ainsi l’occasion au comédien Belmondo plein d’énergie à dispenser, d’exprimer dans un premier temps un panel de ses facéties sympathiques et par la suite de tendre vers une réflexion presque désespérée sur la futilité d’une vie qui se travestit à ses propres yeux.

C'est effectivement la qualité paradoxale de cette écriture  que de s’avancer masquée et de pouvoir être reçue par chaque spectateur selon l’envie qu’il a d’être sollicité. Cette caractéristique garantit à chacun une satisfaction justifiée et cependant à l’abri d’une compréhension univoque!....

A l’instar de « La nuit américaine » de François Truffaut illustrant à travers le tournage d’un film une observation sur les coulisses du cinéma, il pourrait être en effet judicieux de percevoir « Frédérick » comme une véritable réflexion sur l’Art du Théâtre et sur le métier de comédien, sous leurs formes les plus variées.

Un dernier clin d’oeil salvateur et complice donnera à Frédérick l’opportunité de déclarer à l’instant de sa mort cette réplique géniale: « Je sens que je me regrette déjà !... ».

Theothea le 21/12/98

WEST SIDE STORY

de Jerome Robbins

Mise en scène: Alan Johnson

***

Palais des sports

Tel: 01 44 68 69 70

 

        

Le film de Robert Wise s’offre en sublimation de la célèbre comédie musicale de Broadway et restera à jamais la référence absolue et imperfectible!.... Il n’empêche que la chorégraphie, le livret, la musique, les lyriques constituent un véritable trésor qui, s’ils sont confiés à des talents respectueux, méritent ô combien d’être proposés aux spectateurs ravis de ressentir que ces émotions artistiques demeurent intactes!...

Aussi, dans le Palais des Sports de Paris configuré pour la circonstance en salle de théâtre traditionnelle dont la fosse de l’orchestre incarnerait l’âme éternelle de ce chef-d’oeuvre, celui-ci peut-il, par-delà les décennies, se jouer ainsi en temps réel et charnel !...

C’est donc une troupe de très jeunes comédiens qui a la responsabilité de faire passer l’oeuvre au-delà des générations en s’appliquant au détriment de tout effet d’ego, à faire surgir l’écriture prodigieuse d’une chorégraphie dont nous pouvons reconnaître la moindre attitude gestuelle ancrée dans notre mémoire cinéphilique!...

Comme dépouillés de tout artifice nous parviennent au travers des décors discrets et soignés dans les détails, des effluves d’images subconscientes si proches du mythe!....

Ce soir-là, les titulaires des rôles de Tony et Maria sont souffrants et seront remplacés naturellement par leurs doublures!... La troupe fait front derrière le chef d’orchestre et pas la moindre anicroche musicale ne pourra être décelée, à l’exception d’un « Somewhere » à la voix délibérément enregistrée!....

Mais qui dit respect de l’oeuvre, montée à l’identique de la création originelle à Broadway en 56, n’implique pas fidélité au film, lui-même objet d’adaptations dont il est possible de préférer l’équilibre judicieux!... Par exemple il y a une quasi permutation chronologique entre les chansons « Cool » et « Gee, officer krupke ».

En effet dans cette re-création originale, après le double meurtre de Riff et Bernardo, la chanson « somewhere » constituant donc une alternative à la vie fantasmée à laquelle aurait pu prétendre Tony et Maria si ces événements tragiques n’avaient pas eu lieu, l’interprétation de « Gee, officer Krupke » s’affirme comme un constat d’échec d’une jeunesse incomprise!....

A contrario dans le film, cette dernière chanson intervient avant ce meurtre pour parodier en un délire socio-psychiatrique, une société qui s’emmêlait dans ses propres contradictions!... par la suite la chanson « Cool » faisait alors l’objet d’une chorégraphie époustouflante dans un garage où les jeunes forces traumatisées par le meurtre se reconstituaient dans une aspiration artistique à la maîtrise de leur vie!....

Dans la mise en scène du Palais des Sports, la chanson « cool » symbolise paradoxalement le temps de la préparation initiatique à la bagarre annoncée!...

Cette approche psychologique très divergente entre la pièce et le film autorise de fait une dialectique dynamique de l’oeuvre que des générations successives de jeunes comédiens-danseurs-chanteurs continueront à magnifier!....

Aussi les bruits de fond mythiques d’une New-York en éveil, c’est pour la magie définitive du film !... De son côté la pièce, elle, a l’avantage considérable de susciter en toile de fonds des applaudissements sans cesse renouvelés au fur et à mesure de la célébration rituelle de ces si fameuses scènes d’anthologie!....

Theothea le 10/12/98

      

LE CORPS ET LA FABLE DU CIEL

de  Jules Supervielle

Mise en scène: Marc le Glatin  

**

Théâtre Molière

Tel: 01 44 54 53 00

L’accoustique de la petite salle du Théâtre Molière, nichée dans une étroite cave voûtée est une découverte sans cesse renouvelée. Michael Lonsdale prend ses marques, confiant et discret!...

La volupté de sa voix imprègne les réflexions métaphysiques de Supervielle!...

Ses deux accolytes organisent autour de lui comme un ballet de mantes religieuses ou profanes selon le point de vue adopté!... A déguster comme une liqueur forte!....

Theothea le 12/01/99

LES MERDICOLES

de  Michel Albertini

Mise en scène: Françoise Petit

**

Studio-Théâtre

Tel: 01 44 58 98 58

Venir au studio de la Comédie Française dans la galerie du Louvre à 18h30, c’est comme se rendre à un club privé, dont seuls les connaisseurs auraient le privilège d’accéder à sa fréquentation!... Et néanmoins ce privilège est ouvert à tous les spectateurs!....

Et donc de découvrir en ce début 99, le comédien Bruno Raffaelli interprétant une lecture-spectacle en forme de nostalgie du Marseille des années cinquante où s’organisaient dans les ruelles de la ville haute, une vie communautaire d’immigrés et de rapatriés multi-confessionnelle et ethnique. Le langage argotique se répand truculent et incroyablement riche!...

Des flots d’humanité semblent s’abattre sur ces gens qui en s’exaspérant mutuellement, entretiennent néanmoins des relations de voisinage dont la mauvaise foi est le garant d’une cocasserie toujours renouvelée!...

Bruno Raffaelli constamment sur la brèche esquisse des personnages à multiples facettes; son interprétation n’est pas sans nous rappeler l’énergie fantasque d’un Philippe Caubère, le foisonnement verbal et imagé d’un Pierre Perret, le ton et la faconde d’un Roger Hanin....

Il est à noter que ce spectacle comme celui de Jean-Claude Grumberg « L’Atelier » évoque les années d’après-guerre, celle des baby-boomer qui atteignant la cinquantaine aujourd’hui, se laissent volontiers tentés par un regard nostalgique vers ces années de mémoire !...

Theothea le 12/01/99

GEORGE DANDIN

de  Molière  

Mise en scène: Catherine Hiegel

**

Vieux-Colombier

Tel: 01 44 39 87 00

 

    GEORGE DANDIN

OU   

   LE MARI CONFONDU

Convaincue de la qualité de sa jeune distribution (Martine Chevallier, Anne Kesler, Alain Langlet, Bruno Putzulu, Claudie Guillot, Alexandre Pavloff, Jérôme Pouly, Olivier Parenty), Catherine Hiegel qui eu le privilège en 1970 de jouer Angélique auprès de Robert Hirsch, Michel Etcheverry, Denise Gence, Catherine Samie et Alain Pralon dans une mise en scène de Jean-Paul Roussillon, a eu cette fois la responsabilité honorifique de créer George Dandin au Théâtre du Vieux-Colombier.

Attachée à la lecture qu’en faisait alors J-P Roussillon, le point de vue actualisé de Catherine Hiegel est de mettre l’impossibilité conceptuelle de « contracter un mariage entre classes sociales hétérogènes » au centre de la dramaturgie de cette pièce et en conséquence de gommer toutes les différenciations externes tels les moeurs, l’apparence physique et vestimentaire, le langage etc.... L’appartenance à une classe et à son éducation devenant à l’instar des castes en Inde, une caractéristique rédhibitoire à toute déviation du parcours social....

Cependant ce parti pris, plus sociologique que psychologique, aussi grande soit sa pertinence a l’inconvénient majeur en effaçant les contrastes certes souvent caricaturaux, attachés au rôle de Dandin, de réduire a minima les repères manichéens du spectateur (ce qui est en soit une motivation louable!...) mais ce qui est moins pragmatique, de neutraliser la mécanique du rire distillé par Molière!...

La mise en scène de Catherine Hiegel fait de la pièce « George Dandin » une tragédie ambitieuse mais quelque peu anachronique alors qu’il semblerait que les vertus comiques de la pièce aient une portée universelle et intemporelle!...

Que Bruno Putzullu soit un comédien de talent promis à une grande carrière à la Comédie Française, nul n’oserait en douter mais précisément ce jeune homme naturellement élégant et intelligent à la ville doit-il se présenter de même à la scène dans ce rôle de George devenu "de la Dandinière"? Car alors comment croire que Clitandre, abusée elle-même par sa famille pour de sordides affaires d’argent, puisse avoir envie de repousser un si beau et gentil jeune homme uniquement sous le prétexte qu’il ne ferait pas partie de son monde? Catherine Hiegel en voulant construire une mise en scène «politique» de cette pièce aurait-elle eu peur de la force pédagogique de la caricature?

En outre un décor claustrophobe de ce qui semble être une cour intérieure d’une maisonnée avec de hauts murs en briques finit d’accroître le caractère pesant et rabat-joie de cette pièce que nous aurions eu envie d’aborder avec plus de fantaisie et de légèreté comme tel avait été le cas par exemple pour la mise en scène de François Rancillac au TEP (voir Forum Théâtre AOL Saison 97-98)...

L’ensemble du travail de Catherine Hiegel et de ses comédiens est hautement appréciable mais nous constatons que nous n’avons pas ri et nous le regrettons!...

Theothea le 18/01/99.

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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