Le film de Robert Wise s’offre en sublimation de la célèbre
comédie musicale de Broadway et restera à jamais la
référence absolue et imperfectible!.... Il n’empêche
que la chorégraphie, le livret, la musique, les lyriques constituent
un véritable trésor qui, s’ils sont confiés à
des talents respectueux, méritent ô combien d’être
proposés aux spectateurs ravis de ressentir que ces émotions
artistiques demeurent intactes!...
Aussi, dans le Palais des Sports de Paris configuré pour la
circonstance en salle de théâtre traditionnelle dont la fosse
de l’orchestre incarnerait l’âme éternelle de ce
chef-d’oeuvre, celui-ci peut-il, par-delà les décennies, se
jouer ainsi en temps réel et charnel !...
C’est donc une troupe de très jeunes comédiens qui a la
responsabilité de faire passer l’oeuvre au-delà des
générations en s’appliquant au détriment de tout effet
d’ego, à faire surgir l’écriture prodigieuse d’une
chorégraphie dont nous pouvons reconnaître la moindre attitude
gestuelle ancrée dans notre mémoire cinéphilique!...
Comme dépouillés de tout artifice nous parviennent au travers
des décors discrets et soignés dans les détails, des
effluves d’images subconscientes si proches du mythe!....
Ce soir-là, les titulaires des rôles de Tony et Maria sont
souffrants et seront remplacés naturellement par leurs doublures!...
La troupe fait front derrière le chef d’orchestre et pas la moindre
anicroche musicale ne pourra être décelée, à
l’exception d’un « Somewhere » à la voix
délibérément enregistrée!....
Mais qui dit respect de l’oeuvre, montée à l’identique de
la création originelle à Broadway en 56, n’implique pas
fidélité au film, lui-même objet d’adaptations dont il
est possible de préférer l’équilibre judicieux!... Par
exemple il y a une quasi permutation chronologique entre les chansons «
Cool » et « Gee, officer krupke ».
En effet dans cette re-création originale, après le double
meurtre de Riff et Bernardo, la chanson « somewhere » constituant
donc une alternative à la vie fantasmée à laquelle aurait
pu prétendre Tony et Maria si ces événements tragiques
n’avaient pas eu lieu, l’interprétation de « Gee, officer Krupke
» s’affirme comme un constat d’échec d’une jeunesse
incomprise!....
A contrario dans le film, cette dernière chanson intervient avant
ce meurtre pour parodier en un délire socio-psychiatrique, une
société qui s’emmêlait dans ses propres contradictions!...
par la suite la chanson « Cool » faisait alors l’objet d’une
chorégraphie époustouflante dans un garage où les jeunes
forces traumatisées par le meurtre se reconstituaient dans une aspiration
artistique à la maîtrise de leur vie!....
Dans la mise en scène du Palais des Sports, la chanson « cool
» symbolise paradoxalement le temps de la préparation initiatique
à la bagarre annoncée!...
Cette approche psychologique très divergente entre la pièce
et le film autorise de fait une dialectique dynamique de l’oeuvre que des
générations successives de jeunes
comédiens-danseurs-chanteurs continueront à magnifier!....
Aussi les bruits de fond mythiques d’une New-York en éveil, c’est
pour la magie définitive du film !... De son côté la
pièce, elle, a l’avantage considérable de susciter en toile
de fonds des applaudissements sans cesse renouvelés au fur et à
mesure de la célébration rituelle de ces si fameuses scènes
d’anthologie!....
Theothea le 10/12/98