CHRONIQUES
46 à 50
S9
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TOUT CONTRE
(Closer)
de Patrick Marber
Mise en scène: Patrice Kerbrat
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Théâtre Fontaine
Tel: 01 48 74 32 30
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« CLOSER » est une pièce qui sort des schémas
classiques du Théâtre et même de la Littérature,
dans la mesure où elle s’apparenterait plutôt à un jeu
de rôles voire un « happening »!...Quatre comédiens,
deux hommes, deux femmes évoluant en un vaste chassé-croisé
où chacun à tour de rôle substitue la part du couple
que la durée s’avère incompétente à stabiliser!....
Un jeu de chaises musicales où le personnage qui disparaît
ne s’efface que pour mieux se métamorphoser et réapparaître
dans le prochain couple à construire jusqu’à ce que la mort
brise ce cercle infini!...
Celui qui l’espace d’un instant aura la faiblesse de croire manipuler
les ficelles, se verra immédiatement infirmer par un destin avide
de trajectoires aléatoires!.... Peu importe qui fait quoi, c’est la
loi du désir qui enchaîne chacun à chacune sans que la
raison puisse prétendre imposer des règles qui seront
inévitablement transgressées par la perversion du jeu que dans
ce tohu-bohu se livrent les clones du mensonge et de la
vérité!....
Journaliste,
médecin, prostituée, photographe, les quatre protagonistes
s’impliquent avec conviction dans le professionnalisme de leurs fonctions!
Et cependant, si elle permet une conceptualisation de leur aspiration aux
sentiments affectifs, cette intégration sociale ne parviendra jamais,
aspirés qu’ils sont par un mouvement perpétuel et asynchrone,
à les mettre en phase avec leurs semblables des deux sexes!...
Le langage est violemment cru, le style est vif et syncopé!...
la tonalité du phrasé rappelle volontiers celui d’Henry Miller
mais la sensualité est glaciale comme celle de Sade!.... Bien entendu
les rires fusent mais comme pour se soulager d’une détresse qui heurte
les âmes dans ce bal dont le cybermonde assure un tournoiement autant
virtuel qu’incessant!....
Le charisme de chacun des quatre comédiens paraphe
l’étrangeté sublime de cette pièce que plébiscitent
les Babylones contemporaines que sont Londres, Paris, New-York!....
Theothea le 10/01/98
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AU BUFFET DE LA GARE
D'ANGOULÊME
de François Bon
Mise en scène: Gilles Bouillon
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Artistic Athévains
Tel: 01 43 56 38 32
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Pourquoi la gare d’Angoulême? Et pourquoi pas la gare
d’Angoulême, se demandera-t-on ?
En effet de gares en buffets du même nom, tout au long de
l’Hexagone ce même no man’s land se répète au gré
des rencontres fortuites et des retards des trains annoncés ou pas!....
Deux comédiennes en tournée, un barman, une fille esseulée
habituée du lieu à l’instar de cet automobiliste qui ne jure
que par le tracé routier Français et puis il y a également
ce jeune garçon à la recherche de son « pote » dont
le suicide ou l’accident s’avérera la cause du retard du seul train
qui aurait dû ramener les deux comédiennes sur Paris Montparnasse.
Au travers de ces brèves rencontres, c’est la France
d’aujourd’hui qui défile de par ces clichés, de par ces voyageurs
désoeuvrés, statiques, sans illusion et noyés dans le
conformisme ambiant et la standardisation normative à tout-va!...
Chacun d’entre eux essayera à sa façon de se départir
des mailles d’une réalité opâque qui les enserrent de
gré ou de force!...
Le thème de la pièce et le casting se révèlent
très intéressants mais peut-être la dramaturgie
souffre-t-elle d’un manque de synergie!... En effet ce buffet de gare est
une impasse pour chacun et les portes du buffet se refermeront inexorablement
sur ces mêmes destins en souffrance.
Theothea le 14/01/999
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RÊVER,
PEUT-ÊTRE
de Jean-Claude Grumberg
Mise en scène: Jean-Michel Ribes
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Théâtre du Rond-Point
Tel: 01 44 95 98 10
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D’une saison théâtrale à l’autre, nous retrouvons
à même époque trônant sur le plateau du
théâtre du Rond-Point un grand lit, support à
l’identique d’un travail de mémoire que de Harold Pinter à
Jean-Claude Grumberg, les deux comédiens Jean-Pierre Marielle (Moonlight)
et Pierre Arditi (Rêver, peut-être) ont investi successivement,
l’un à la recherche d’un sens relationnel et généalogique
perdu, l’autre se débattant avec des démons oniriques et
culpabilisants!...
Le premier s’interrogeait alors sur la pertinence des affects paternels,
l’autre s’inquiète maintenant sur la légitimité de la
vie du fils au-delà du père!.... Si l’humour est
l’invité privilégié de ces deux auteurs, au cynisme
décapant de Pinter se substitue le délire rhétorique
de Grumberg qui, lui cherche désespérément à
rapprocher la force symbolique du jeu des mots d’une Réalité
qui s’esquive!...
En outre l’énergie fantasmatique que dépeint Jean-Michel
Ribbes suscite ici une mise en scène luxuriante en organisant la
coexistence de comportements autant étranges qu’affabulateurs!...
Là où le père de Harold Pinter au seuil de sa vie se
complaisait à une vie repliée sous la couette, le fils de
Jean-Claude Grumberg qui n’en peut mais de rêver des insanités,
ne cesse de bondir de son lit au fil de ses réveils cauchemardesques!....
Serait-il
vain de chercher à délimiter le champ de l’imagination
créatrice face aux entités de l’Inconscient et de la
Réalité ? Grumberg plébiscite l’acceptation de toutes
formes d’expression pourvu qu’elles aident tant soit peu à colmater
la souffrance dont le souvenir évanescent par nature, cherche à
s’extraire en construisant et reconstruisant sans cesse l’Histoire dramatique
de « l’inhumanité »!...
Pendant que Grumberg avoue qu’il n’en aura jamais fini avec ses tourments
du fils juif qui survit au Père déporté et disparu sans
laisser de traces, Pinter nous rappelait sur cette même scène
que l’indifférence tragique peut, elle ronger la continuité
des générations!...
C’est sans doute pourquoi les deux Auteurs se sont évertué
grâce à la distanciation du regard, à transgresser par
l’humour, le destin d’une humanité claudicante!.... A ce titre les
interprètes de « Rêver peut-être », Marcel Marechal
en juge, Michel Aumont en avocat et Pierre Arditi en candide sont les
médiateurs irrésistiblement drôles de ce délire
éveillé et ô combien salvateur!....
Theothea le 15/01/99
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LA FUITE EN
EGYPTE
de Bruno Bayen
Mise en scène: Bruno Bayen
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Théâtre de Gennevilliers
Tel: 01 41 32 26 26
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Ce spectacle est présenté « à l’équerre
» sur le plateau du théâtre de Gennevilliers:
En effet le quadrilatère de la scène fait face à
un public installé sur des gradins disposés à angle
droit. Face respectivement à ces deux groupes de spectateurs et en
toile de fond deux cartes du bassin méditerranéen peintes à
échelle différente. Sur le sol une couche de sable réparti
de manière homogène qui servira de support pour imprimer et
conserver en mémoire la pérégrination, les
déplacements et donc les pas de chacun des protagonistes...
Trois femmes, la "plus jeune", la "cinquantième" et la prêtresse
IO conversant; puis viendra le colporteur haranguant et accompagnant la
fanfare!... A la manière du « Voyage des comédiens »
de Theo Angeloupolos, un voyage erratique à rebours autour des pays
méditerranéens pour remonter le cours du mythe d'IO qui
évoque une femme vierge transformée par Zeus en génisse
pour échapper à sa rivale. Au son de chants langoureux orientaux
comme un poème qui débuterait dans les limbes assourdis pour
finir par résonner au plus fort des consciences
réveillées!...
Le mythe trouvant écho dans plusieurs légendes sensiblement
différentes, il ne s’agit pas tant d’expliquer que de suggérer
le cheminement de la pensée à travers le temps et
l’espace!... Un spectacle ambitieux reposant sur un travail très
élaboré et perfectionniste que l’on appréciera comme
un poème autour d'une fresque peinte et vivante!...
Theothea le 20/01/99
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ACCALMIES
PASSAGERES
de Xavier Daugreilh
Mise en scène: Alain Sachs
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reprise
Théâtre de la Pépinière
Opéra
Tel: 01 42 61 44 16
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Cette pièce a donc obtenu le Molière 97 du "meilleur spectacle
comique". Disons le tout net, ce spectacle méritait en effet un
Molière, mais il aurait pu tout autant l'obtenir pour la mise en
scène que pour un prix d'interprétation! Souvent d'ailleurs
au Théâtre, un état de grâce général
est à l'origine d'une distinction particulière!..
Ainsi pour "Accalmies Passagères" dont c'est la reprise au
Théâtre de la Pépinière Opéra et où
son directeur eut le flair parmi les quelques deux cents textes qu'il
reçoit annuellement de distinguer le script de Xavier Daugreilh. Ce
directeur initia donc un formidable travail de création où
furent réunis avec bonheur les acteurs et le metteur en scène
qui convenaient pertinemment à ce spectacle....surréaliste
s'il en fut!...
C'est en effet le tour de force de l'Auteur que d'esquisser en premier
plan un chassé croisé de deux couples "amis" correspondant
à l'air du temps, tout en suggérant en arrière plan
des bulles virtuelles de bandes dessinées, des dialogues subrepticement
délirants, et par conséquent de nourrir systématiquement
le décalage et la distanciation qui semblent avoir pris l'ascendant
sur notre perception de la réalité quotidienne!...
Alors oui, évidemment cette pièce est follement drôle,
car l'interprétation et la mise en scène sont hors pair, mais
surtout parce qu'elle nous renvoie comme une bouffée délirante,
la vie de nos générations du baby boom et des suivantes!....
On pourrait dire par exemple que c'est l'histoire d'un quatuor de
comédiens qui répètent plus ou moins convaincus une
pièce dont ils sont les marionnettes, se voyant ainsi s'agiter devant
le miroir de leurs fantasmes etc....
Mais l'on dira surtout que c'est une super équipe de jeunes
comédiens qui prennent un malin plaisir à se projeter sur les
planches et que le talent du metteur en scène est d'être à
l'unisson et au service de ce formidable appétit jubilatoire!
Theothea le 17/9/97
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