du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 98-99

         36 à 40  S7        

 

    

   

    

      

POINT A LA LIGNE

de  Véronique Olmi

Mise en scène: Philippe Adrien

**

Théâtre du Vieux-Colombier

Tel:  01 44 39 87 00 

 

Point à la ligne!.... intrinsèquement différent du point final, celui-là permet d’initialiser le paragraphe suivant pour passer à une autre idée!.... La pièce de Véronique Olmi se termine effectivement sur un Point à la ligne et non sur un Point final!.....

Et entre temps, elle nous raconte cet instant particulier dans la vie d’un couple de 25 ans, où un « grain de sable » va faire gripper la belle mécanique de la vie partagée s’écoulant sans histoire et où pourtant d’incompréhensions en lâchetés respectives, le bel ordonnancement va se métamorphoser en faillite complète!....

C’est en tout cas cette histoire là, que voulait nous raconter Véronique Olmi mais il n’est pas sûr qu’elle soit entendue ainsi par le spectateur!... Déjà le premier d’entre eux, le metteur en scène, considère ce « grain de sable » (cahier compromettant dans lequel traînent quelques notes en forme de fantasmes!...) comme la preuve effective que l’adultère est le garant du non-sens de l’institution du mariage!...

Aussi la découverte de ce cahier compromettant nous apparaît assurément comme un simple épiphénomène dans la dégradation de ce couple: L’homme et la femme vivent effectivement ensemble depuis 25 ans, révélant des caractères qui peu à peu ne se savent plus se dissimuler mutuellement, voire des patologies qui semblent se confirmer!..      

Des étapes marqueront successivement l’impossibilité du retour en arrière,comme la naissance de leur fille qui va s’imposer comme le tiers gênant, celui qui empêche de tourner en rond avec ses illusions!.... Jalousie, psychose maniaco-dépressive, lâcheté, les torts pourraient être partagés, mais tout se passe comme si aucun des deux ne tenait les rênes de l’attelage car ils sont tout simplement submergés par ce qui devient une indifférence réciproque, trop occupés à tenter de reprendre le gouvernail de leur propre existence!....

La petite-fille, la fille, le père, la mère, toutes ces particules élémentaires entrent alors en conflagration existentielle et se repoussent comme des électrons de charge négative!.... Ils n’en peuvent mais! rarement des mots de haine, dont on connaît par ailleurs l’ambiguïté significative, seront prononcés de part et d’autre avec autant de vérité!...

Processus de projection, d’identification, d’amalgame sont au travail chez le spectateur au point que celui-ci pourrait pour un peu perdre de vue que le Réalisme est toujours une fiction au théâtre!... Il lui est donc nécessaire de maintenir le sens de l’observation au détriment de celui de l’implication!....

C’est effectivement de la « dynamite » que Véronique Olmi manie avec ses propres éléments autobiographiques et immanquablement ceux de chaque spectateur. Attention vrai danger!... Le malade, c’est évidemment l’Autre!....

Theothea le 25/11/98

YVONNE, PRINCESSE DE BOURGOGNE

de  Witold Gombrowicz

Mise en scène:  Yves Beaunesne

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Théâtre de la Colline

Tel: 01 44 62 52 52

 

Du haut des cintres du Grand Théâtre, tout juste rebaptisé Salle Maria Casarès, de multiples meubles en bois massif se balancent dans des va-et- vient intermittents, suspendus qu’ils sont à des câbles qui vont jusqu’à provoquer un enchevêtrement, digne d’un sac de noeuds!...

Tels des pantins désarticulés, ils contribuent au délire général qui s’est emparé de la cour du Roi Ignace et de la Reine Marguerite, car leur fils, le prince Philippe s’est entiché d’une princesse qui est affublée de toutes les disgrâces dont seule la répulsion peut parer l’Amour!....

En effet, par défi aux lois de la Nature qui commandent de manière inéluctable à la Beauté le désir de s’unir à la Beauté, ce dernier s’est juré d’épouser face à l’unanimité générale Yvonne, la muette sans atouts, qui n’attire à elle que les quolibets, les injures, les humiliations!....

Va s’en suivre un ballet où stratégie, diplomatie, manipulation, autoritarisme de toutes sortes vont se relayer pour tenter de renverser l’Ordre naturel et faire surgir le charisme de la laideur!....

Que d’énergie, de pusillanimité, de velléité vont se déchaîner, entraînant chacun du plus servile au plus puissant à transgresser une Réalité où la différence fait tâche!...

Et pourtant qu’elle est belle Yvonne enfermée dans son étrange silence, si profond qu’il en semble assourdissant à tous!....Sur scène, Aline le Berre se meut et gravite comme en état d’apesanteur avec un éternel sourire dont on ne sait s’il est complice ou béat!...

Face à elle le Roi, influencé par son compère le Magellan se démantibule jusqu’à en devenir gaga!... La Reine, l’indicible Bulle Ogier, altière et fantasque s’envole alors dans un cauchemar éveillé et jubilatoire que seuls pourraient contrôler des câbles invisibles!...

Mais soudain devant tant d’efforts consentis en vain, le Prince Philippe opère un retournement de jugement radical et décide d’en finir une fois pour toutes avec son égarement libidinal insensé! De manière concomitante quoiqu’en apparence indépendante, tous sont gagnés par le recouvrement de l’Ordre nouveau: Nier cette rebutante Princesse Yvonne, supprimer son existence devenue inconcevable à tous!...

Le crime voulu par tous n’est sans doute pas un crime!... Il peut aisément s’appeler Volonté générale, Morale, Loi... bref tous ces concepts imminents constitutifs de Civilisation!... Que vivent donc les consciences en éveil!...

Theothea le 27/11/98

L'IDIOT

de Dostoievski

Mise en scène: Jacques Mauclair

***

Théâtre  14 

Tel: 01 45 45 49 77

Le moins idiot qu’il soit au monde, le Prince Mychkine se présente plutôt en candide dont l’essentielle lacune serait l’indécision!... Dans ce train provenant de Suisse où il a été soigné pour son épilepsie et de retour vers la Russie, sa rencontre avec Parfione va inscrire le Prince sur les rails des tourments de la Passion!....

De Moscou à Saint Pétersbourg, c’est l’affection qu’il suscite qui lui ouvrira alors les portes de la bonne société dont il fait certes partie par ses origines!.... Son comportement à la fois simple et courtois, mais aussi idéaliste et exalté éveille l’intérêt de chacun, tout en perturbant le jeu social dont il respecte implicitement les règles, sans y entrer!....

Les femmes gravitent autour de lui, appréciant sa sensibilité tout en s’amusant de son innocence!.... sa fréquentation des hommes les rend plus dignes à leurs propres yeux!... Tous recherchent sa compagnie et cependant lui souffre de ne pouvoir apporter le bonheur à chacun!....

A l’instar de Marcel Proust, son hypersensibilité détruit autant qu’elle enrichit, faisant de chaque sentiment éprouvé un enjeu inéluctable!...

Séduit par Aglaïa, jeune fille en fleurs en quête de sa propre vérité, qui le provoque et le pousse allègrement dans ses contradictions évidentes, il est submergé par la passion qu’il éprouve envers Nastassia, superbe femme d’âge mûre qui n’en finit pas de faire tourner les têtes masculines, mais dont un sentiment de fierté bafouée inhibe l’âme!...

Emmanuel Dechartre investit le personnage du Prince, en lui apportant un calme étrange, une voix litanique et suave, une maladresse en éveil!... Entouré de partenaires brillants, son interprétation se dessine en contraste indicible, à la manière d’un miroir sans tain d’une société en déliquescence, comme une sorte de Don Quichotte qui aurait substitué la compassion à la mégalomanie!...

Silhouette affublée du pathétisme, son oeil respire l’allégresse!... Face notamment à Gérard Ortega et Françoise Thuriès, l’émotion subtile irradie la scène intime du théâtre 14 et donne à la mise en scène des connotations Viscontiennes.

Theothea le 1/12/98

LA MOUETTE

d' Anton Tchékhov ***

Mise en scène: Christophe Lidon

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Théâtre Silvia Monfort

Tel: 01 45 31 10 96

 

La nécessité du théâtre se glisse dans les ailes de cette mouette comme préoccupation majeure de cette saga familiale: Chaque membre aspire à se situer face à la représentation que la vie et donc l’Amour se donnent à eux-mêmes!....

Qu’il est difficile de commencer une carrière de comédien, plus ardu encore de perdurer et de s’adapter à l’âge, qu’il est complexe de mettre en mots et d’interroger le langage pour donner à voir; en outre le succès n’est évidemment pas gage du bonheur, souvent il en est même antinomique!

Leçon de Vie, leçon de théâtre, Tchekhov excelle à distiller la parabole au point qu’il nous faut résister à la nostalgie de l’âme Russe: C’est en tout cas avec une volonté d’abstraction et de dépouillement que Christophe Lidon a souhaité apporter la plénitude du texte à la seule responsabilité de ses acteurs!....

Sur scène et sur fond de symbolisme pictural néo-impressionniste, s’élève seul un praticable incliné avec côté cour et jardin deux ouvertures à même les planches figurant les coulisses du théâtre imaginaire, celles de l’inconscient sans doute !....

Alors Danièle Lebrun dont nous apprécions par ailleurs la palette des raffinements subtils, se met à « lâcher la bride » et parvient à redonner à son corps la silhouette de la jeune femme qui vampirise le retour d’âge!.... Ce numéro d’actrice sera bien entendu ajouté à son crédit mais il ne suffit pas à inspirer le charisme dont ses partenaires semblent dépourvus!...

En effet sous prétexte d’abstraction, le jeu semble morne et dénué de transcendance malgré cependant la frénésie ludique de Yannis Baraban et de Anne-Charlotte Bory.

Un spectacle plein de bonnes intentions qui semblent de fait s’évaporer dans un vide spatial que nous contemplons en état d’apesanteur!...

Theothea le 2/12/98.

POUR UN OUI POUR UN NON

de  Nathalie Sarraute

Mise en scène: Simone Benmussa

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Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19

Sami Frey et Jean-François Balmer sont deux grands faiseurs professionnels devant l’Eternel et à ce titre ils s’y entendent parfaitement pour communiquer au public la vérité du texte de Nathalie Sarraute qu’ils ont décidé avec la metteur en scène d’interpréter à contre-pied du ton que les rôles impliquent naturellement!....

Exclu donc le pathos que les susceptibilités respectives des deux personnages pourraient drainer en couches successives!.... Le noir ne se voit jamais mieux qu’en contraste du blanc!.. Aussi la sensibilité à fleur de peau des deux protagonistes ne doit pas faire pléonasme avec une interprétation qui risquerait en grossissant le trait, d’étouffer des sentiments si subtils!...

C’est ainsi que les spectateurs sont mis en position confortable pour capter les multiples émotions qui vont se décliner à la recherche d’un temps contracté en une heure!....

C’est alors que la compassion va pouvoir rivaliser par joutes verbales interposées avec condescendance, arrogance, hypocrisie, manipulation etc.... C’est comme si les deux comédiens faisaient irruption sur un ring imaginaire, «gonflés à bloc» pour en découdre avec une rhétorique calibrée au scalpel!...

Chaque représentation de la pièce devenant ainsi l’enjeu d’un jeu de surenchères où les deux comédiens complices ont le loisir de se surprendre mutuellement tant l’énergie physique qu’ils concentrent dans les «starting blocks» a un réel besoin de jaillir sous les regards ébaubis!... un peu comme si "l’asthme" de Marcel Proust allait nous submerger en un souffle unique sur «cent mètres chrono»!...

Tout doit être dit!...Tout sera donc dit!... Et c’est bien ainsi que la messe est dite!... Puis  chacun de repartir avec ses secrètes pensées, ses ressentiments, ses jalousies rentrées qui ont l’espace d’un moment, affleuré la conscience collective!...

« C’est bien, ça!... » est le leitmotiv ressassé de cette heure condensée où il apparaît clairement que le ton et l’intention priment sur les mots qui eux de toutes façons se déguisent au gré des événements!... Alors qu’est-ce que l’ami qui vous veut du bien si celui-ci fait implicitement de vous son obligé ? Qu’est-ce qu’un discours bien pensant, si au détour d’une inflexion sur une simple syllabe, se trahit la condescendance si bien dissimulée jusque là ?

Sami Frey et Jean-François Balmer en porte-parole d’un cynisme tonique et lucide ? A chacun d’en faire son substantifique miel !....

Theothea le 7/12/98

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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