du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 98-99

         81 à 85  S16     

 

    

   

    

      

HEDDA GABLER    

de Henrik Ibsen                   présentation

Mise en scène: Gloria Paris

**

TEP

Tel: 01 43 64 80 80

PORTRAITS CROISES

Présentation de Mélodie Barthoux

   

Hedda et Lövborg sont animés d’une même rage d’absolu, mais ne trouvent pas autour d’eux d’objet à leur mesure. Sans cesse leur est renvoyée l’image fantasmée d’eux-mêmes. Hedda est un personnage profondément frustré par son éducation et les conventions sociales qui refusent tout autre statut que le mariage à une femme d’esprit et de talent. Lövborg se sait maladivement influençable et lâche, incapable d’avancer seul et d’affronter son être profond. Mais là où Hedda demeure immobile, comme paralysée, Lövborg s’active dans une vie de débauche et de fuite.

En face d’eux, Tesman et Théa apparaissent comme des enfants innocents, sincères et spontanés, dénués d’interrogations existentielles. Tesman jalouse le génie de Lövborg. Il y découvre son aptitude au mal et se décharge de cette sensation sur Hedda. Quant à l’humble Théa, malgré les «attaques» qu’elle subit, ses capacités à rebondir et à s’enthousiasmer demeurent toujours intactes.

C’est en tante Julie et le juge Brack qu’Ibsen semble avoir concentré son mépris pour le milieu hypocrite et étouffant de la « bonne société » norvégienne de la fin du XIXème siècle.. Tante Julie est une vieille fille qui s’est volontiers sacrifiée pour Tesman, mais sa serviabilité envahissante laisse transparaître sa dureté de coeur et la haine de classe qu’elle voue à Lövborg. Le juge Brack est double lui aussi: sous son air assez bonhomme et en dépit de ses exquises manières, il est profondément calculateur et désire intensément Hedda.

Tous ces personnages s’affrontent dans une partie d’échecs dont Hedda se croit la maîtresse, sous les yeux de Berthe, la bonne, seul personnage excentré, témoin qui incarne la permanence.

Mélodie Barthoux

d’après Claudio Descalzi

MASTER CLASS

de  Terrence Mc Nally

Mise en scène: Didier Long

**

Théâtre Antoine

Tel: 01 42 08 77 71

 

Comment ne pas apprécier assister à une série de cours de chant lyrique avec Marie Laforêt, la fameuse fille aux yeux d’or que l’humour ravageur a toujours préservé de toute appartenance à quelque école que se soit ou autres coteries ?

«Classieuse» elle apparaît, moqueuse elle transparaît!... Quant à son objectif de Diva reconvertie enseignante, il paraît se dévouer à «dégrossir» ses élèves, certes talentueux mais tout empreintés de rigidité et dénués autant de style que de charisme!...

Pas question pour la chanteuse «Marie» de rivaliser avec la cantatrice «Maria»! Seuls les élèves seront autorisés à se confronter au répertoire classique car leur apprentissage est en lui-même un droit à l’erreur ! La Callas de Marie est une pédagogue de la distanciation vis-à-vis de soi et de la maîtrise de son art!... Prenant le public à témoin, le sollicitant, le manipulant si besoin est, la Diva plus qu’en repère inaccessible, s’élève en maître à «penser relatif» pour tenter de préserver des écueils à venir et du désenchantement qui s’y rattacherait!...

Autant La Callas de Fanny Ardant s’érigeait dans la sphère mystérieuse et intangible de l’Absolu, autant celle de Marie Laforêt s’immerge dans la malice et la vivacité caustique ! Cette dernière par sa parole nous est vertigineusement proche mais nous ôte en contrepartie toutes illusions, le cas échéant, de flirter avec l’indicible.

Deux perspectives radicalement opposées quoique complémentaires de percevoir La Callas des «Masters Classes» à la Julliard School de New York qui prenant ainsi place successivement d’abord sous la mise en scène de Roman Polanski au théâtre de La Porte Saint-Martin en 96 puis maintenant de Didier Long au Théâtre Antoine, nous réjouissent de voir se marier dans la transgression magique du temps, la glace et le feu !..

Theothea le 7/04/99

LE BEL AIR DE LONDRES

de  Dion Boucicault

Mise en scène: Adrian Brine

***

Théâtre de la Porte Saint Martin

Tel: 01 42 08 00 32

   

Robert Hirsch est un jeune homme!... Son art de se disloquer comme un pantin lui confère une souplesse inégalée par laquelle, une trentaine d'années après son inénarrable prestation avec Jacques Charron lors des adieux de Louis Seigner à la Comédie Française, le burlesque et l’emphase semblent s’être définitivement appropriés de son talent!..

Ce « Savoir-faire trop » avec un tel bon goût, tant d’humour et de malice, laisse le spectateur pantois d’admiration tellement la charge était risquée et le résultat réellement confondant!...

 

Et c’est vrai que le Sociétaire honoraire du Français semble y prendre un plaisir extrême que nul n’oserait lui disputer tellement il accorde à ce fantasque personnage d'aristocrate anglais, Sir Harcourt Courtly, une vérité autant délirante que métaphysique!

En effet aussi vaudevillesques soient les propos de la pièce, celle-ci maintient une réelle lucidité sur les comportements déviants qui, présentés comme le piment de la vie, n’en conservent pas moins un profond sens moral.

Aussi dans ce cadre balisé, tous les mensonges, faux-fuyants, mythomanie et autres quiproquos peuvent-ils s’épanouir au mieux de leurs intérêts et décliner ainsi toutes les versions surréalistes du « Tel est pris qui croyait prendre » et du « Je te tiens par la barbichette »!...

Qu’un fils, Charles Courtly, soit contraint à des stratagèmes farfelus pour déjouer un contrat matrimonial contre nature dont son père est le jouet par vanité et sensibilité à toutes les flatteries, voilà bien un thème auquel nous sommes aguerris grâce à Molière! Mais que ce père dans un sursaut de lucidité réalise à terme qu’il a été dupe de ses propres forfanteries, voilà effectivement l’aspect poignant d’un équilibriste sur le fil de sa vie dont les pieds de nez successifs au destin ne seraient au demeurant qu’une manifestation amusée de politesse!...

Et comment ne pas concevoir que Robert Hirsch ne nourrirait pas une affection sincère vis-à-vis d’un personnage dont son métier de «menteur professionnel» en constitue un clone idéal ?...

En outre quand tous les personnages sont à l’unisson de la métaphore d’une vie dont l’art suprême est de la travestir avec la générosité de l’esprit et du coeur, il est aisé de percevoir en filigrane dans ce «Bel air de Londres» plus un traité philosophique du savoir-vivre qu’un soi-disant manuel de la mode et de l’étiquette revendiqué par notre aristocrate faussement ingénu!...

Nous apprécions particulièrement le jeu roué et malicieux de Frédérique Tirmont en Lady Gail Spanker, qui nous évoque à bien des égards, allez savoir pourquoi, l'actrice Stephan Audran!... et nous observons avec grand intérêt le personnage  très sérieux de  Claire Harkaway, interprété par Marina Hands pour qui la ressemblance avec Ludmila Mikaël ne pourrait évidemment être fortuite!...

Les six nominations aux Molières 99 dont trois pour l’interprétation confirment que le Théâtre trouve en cette adaptation de Jean-Marie Besset le magnifique plaisir exutoire du Jeu, c’est-à-dire la noblesse effective de son âme!....

Theothea le 9/04/99

PINOCCHIO

de Carlo Collodi              présentation

Mise en scène: Bruno Boëglin

*

Théâtre de l'Odéon

Tel: 01 44 41 36 36

   

Ce spectacle est truffé d’inventivité, d’enthousiasme créatif et se dédie à un imaginaire sans entrave qui oserait s’exposer à nu devant un public qui lui toutefois a quelque mal pour se mettre en phase avec cet absence apparente de rationalisme structurant!...

Le rôle de pinocchio est interprété par Catherine Ducarre qui révèle une conviction chevillée et assure une totale crédibilité dans cette pérégrination délirante, là même où bien d’autres se seraient pris les pieds et la tête... alouette!

 

Plutôt que de porter un jugement critique sur cette création atypique, la lecture du dossier de presse mis en ligne par le théâtre de l’Odéon permet de faire le point sur les intentions et motivations du metteur en scène, Bruno Boëglin.

Theothea le 14/04/99

L'AFFRONTEMENT

de Bill C. Davis 

Mise en scène: Stéphane Hillel

***

Théâtre de la Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19

Non seulement le temps semble n’avoir aucune emprise sur Jean Piat dont la jubilation de se lover dans le registre clérical n’est de toutes évidences pas feinte, mais encore le comédien nous apparaît véritablement comme en état de grâce!...

De surcroît, il est l’adaptateur «moliérisé en 97» pour cette pièce «made in USA», alors que, succédant dans le rôle créé par Francis Lallane, le metteur en scène Stephan Hillel en devient également son partenaire pour cette reprise en 99, à la Comédie des Champ-Elysées.

Si l’intrigue évoque de nombreux protagonistes, c’est bel et bien à un parcours initiatique sous forme dialectique à deux interlocuteurs dont nous serons à la fois les témoins bienveillants, à charge et à décharge!....

Brillant, intelligent, malicieux, charismatique, Jean Piat s’immerge avec classe, affirmant une exigence pleine d’humanité envers le jeune séminariste qui lui est confié par son supérieur hiérarchique. L’enjeu thématique pour chacun est, excusez du peu, de se situer par rapport à la problématique de l’accessibilité des femmes à la prêtrise ainsi que celle, le cas échéant, de l’ homosexualité assumée des prêtres!...

Comment affronter ces revendications d'éthique sociale sous le regard de l’Eglise catholique Romaine et en son sein; telle est la question débattue par l’ancien, dont le souci est de ménager les convenances et les autorités hiérarchiques, et par le jeune, qui tel un cheval fougueux ne peut accepter d’autres lois que celle de pratiquer les concepts d’Equité et de Réalité?

Donc un enjeu de haute volée, mais dont les modalités en construiront un chef-d’oeuvre de subtilité, d’émotion et surtout d’humour de part et d’autre!..

De la chapelle avec sa chaire, lieu d’ expérimentation rhétorique ou de master-class, au bureau du prêtre, lieu de réflexion et de stratégie, le décor pivote alternativement en des fondus enchaînés au noir, constituant peu à peu comme dans un système de vase communicant un renversement des valeurs, du pouvoir et des ambitions respectives!...

Etrangement, Jean Piat comme dans un mimétisme perspicace de comportement nous semble ressembler de manière très troublante à Alain Delon, mais précisément là où la tangente de celui-ci atteindrait au tragique, celle de Jean Piat apparaît comme légère, souriante et pleine de malice délicieuse!....

Un charme fou! un vrai sujet! un humour confondant! des spectateurs ravis!... Stephan Hillel a le tact naturel et celui du metteur en scène avisé pour mettre en valeur son partenaire prestigieux! Qu’ils en soient félicités tous les deux dans le même élan!..

Theothea le 16/04/99

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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