CHRONIQUES
76 à 80
S15
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LES AVENTURES DU BARON
SADIK
de Gabor Rassov
Mise en scène: Pierre Pradinas
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Tournée
Tel:
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PRESENTATION
Après « Néron », sur une histoire écrite
par Gabor Rassov, Pierre Pradinas vous convie à un voyage dans le
temps imagé par le peintre Hervé Di Rosa. Action, rebondissements,
humour sont à nouveau au rendez-vous de la dernière création
du Chapeau Rouge.
(extrait dossier de presse)
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SURFEURS
de Xavier Durringer
Mise en scène: Xavier Durringer
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Théâtre de la Colline
Tel: 01 44 62 52 00
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Pourquoi tant de talents gâchés ? La mise en scène
de Xavier Durringer se révèle très élaborée
et inventive; le magnifique décor structuré par son frère
Eric sert avec surréalisme le no man’s land qu’ils souhaitent
évoquer!... Le choix judicieux des comédiens, leurs charismes
respectifs, leurs interprétations non convenues a la vertu de maintenir
les spectateurs dans un intérêt permanent.... Bref tous les
éléments semblent avoir été réunis pour
donner à voir et à penser un spectacle remarquable en prise
directe sur une vigilante modernité et installer le spectateur dans
un a-priori favorable!...
Mais voilà le thème développé par l’auteur
Xavier Durringer autour du double concept « Politique et pornographie
» nous apparaît peu à peu à l’image de ce que
précisément il stigmatise: « l’histoire du serpent qui
se mord la queue »!...
Disons-le d’emblée son analyse socio-politique s’apparente à
une philosophie nihiliste où idéaux et lâchetés
seraient irrémédiablement égalisés par le bas
et où les protagonistes manichéens pourraient successivement
être interchangés.
Du clochard à l’homme politique en passant par la prostituée,
l’échelle sociale serait constituée de pantins qui, alternant
de manière velléitaire sentiments de revanche et illusions
primaires, sont irrémédiablement la proie d’un cycle de nature
dont le démiurge serait le grand absent!... Comment danser sur un
volcan quand rien ne mène à rien, quand intelligence et
bêtise pèseraient du même poids sur le destin de
l’humanité?
Et donc de demander à l’auteur:
Pourquoi vouloir enfermer l’homme politique dans une alternative entre
idéalisme borné et suicide ? Pourquoi décrire une
appétence généralisée pour le pouvoir où
il n’est possible que de tanguer entre exploiteurs et exploités?
Auteur qui de fait n’a pas l’ambition d’apporter des réponses mais
souhaite susciter chez chacun, réflexions et désir de
débattre!...
Et pourtant en se repaissant exclusivement d’une actualité
médiatique et des clichés qu'elle véhicule, Xavier Durriger
en oublie la transgression sublimée de l’art dramatique sur laquelle
ce matériau devrait venir se confronter et faire surgir une
véritable dialectique d’où pourrait naître effectivement
des opinions contradictoires et riches!
Oui, décidément pourquoi tant de talents gâchés?
Les Surfeurs ne seraient-ils que des clones sacrifiant à une mode
populiste, ce qui permettrait à l’auteur de brouiller les pistes en
signe prémonitoire d’une sincère compassion envers l’humain?
Theothea le 24/03/99
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L'ÎLE
MORTE
de René Zahnd
Mise en scène: Henri Ronse
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Théâtre du Vieux-Colombier
Tel: 01 44 39 87 00
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René Zahnd s’est adonné à la critique
théâtrale durant une dizaine d’années publiant de nombreux
ouvrages, nourrissant de cette manière sa réflexion sur le
théâtre avant de se lancer à son tour dans
l’écriture de ses propres pièces.
Ainsi «L’île morte» se présente comme un puzzle
où les références se mettraient en place sans
nécessité explicite; voici "August" comme Strindberg, "Henrik"
comme Ibsen, "Julie" comme "Mademoiselle", pour évoquer trois
des personnages de cette pièce inspirée par ailleurs par d'autres
écrivains et musiciens à l'exemple de Sibelius!...
Point de clés, juste des rêveries, des images, une Scandinavie
imaginaire, une mer grise et plate sous un ciel gris et plat, une île,
une autre île, une ville au loin, des conflits sociaux et puis surtout
des utopies!...
Deux frères qui se sont perdus de vue, chacun résidant
initialement sur son île... L’un, August investi passionnément
dans l’édification d’une tour improbable de sept étages que
leur défunt père avait lui-même projetée;
l’autre, Henrik recherché par la police pour ses engagements politiques
révolutionnaires... Et puis la femme, Julie partagée entre
les trois hommes, car il y a également Carl, lui qui plein de bonne
volonté doit effectuer l'ambitieux travail de construction...
Jean-Claude Drouot aime incarner des personnages forts, carrés,
opiniâtres dont la réelle vulnérabilité ne se
veut pas apparente: Il donne ainsi au personnage d’August, en train de sombrer
à l’instar de l’île s’enfonçant elle-même peu à
peu dans les eaux, une énergie fantasque et obstinée
dédiée à ce projet architectural délirant dont
il sera en définitive le fossoyeur officieux, passant de fait le relais
à son frère Henrik!...
Sur le ton de la métaphore poétique et métaphysique,
cette pièce autorise toute liberté d’interprétation
et donne carte blanche aux metteurs en scène et comédiens comme
s'ils se confrontaient à un Godot qui s’attendrait
lui-même!...
Theothea le 25/03/99
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UN BARRAGE CONTRE
LE PACIFIQUE
de Marguerite Durras
Mise en scène: Gabriel Garran
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Théâtre International de Langue
Française
Tel: 01 40 03 93 95
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reprise 00-01
Théâtre Antoine
C’est l’histoire d’un frère et d’une soeur qui s’aimaient beaucoup
et qui là-bas, au fin fond de l’Asie, vivent avec leur mère
une lutte désespérante avec les autorités coloniales
pour garantir leurs droits face à une concession incultivable que
celle-ci avait acquise!...
Teintée de latence incestueuse, leur fin d’adolescence se confronte
à des prétendants, des amourettes mais surtout à
l’appât du gain qu’ils pourraient soutirer afin de soulager les dettes
que leur mère continue de contracter en vain!..
D’Europe leur parvient grâce à un phonographe, les derniers
succès déjà nostalgiques de la musique occidentale sur
78 tours!..
Une véritable révélation que Valérie Decobert
dans le rôle de Suzanne qu’elle interprète avec charme, malice
et perfidie! A bien des égards sa composition nous évoque celle
d’Isabelle Carré dans Mademoiselle Else, à un détail
croustillant près que nous laisserons aux spectateurs
l’agrément de découvrir!...
Bruno Subrini excelle à incarner son frère Joseph, protecteur
en diable de la petite famille mais dont l’inquiètude vis-à-vis
de sa soeur s’estompera avec sa propre découverte du Grand Amour!...
Et puis parmi les prétendants, il y a ce Monsieur Jo,
l’inénarrable Gérard Grobman, dont une panne de voiture devant
leur habitation a fort opportunément permis la rencontre et qui, devenant
par la suite amoureux transi, va offrir à Suzanne un diamant dont
la possession marquera la déchéance d’une solidarité
sans faille entre tous!.. Ainsi va la vie lorsque la survie n’est plus à
l’ordre du jour!..
Quant à leur fougueuse mère, Marie-Christine Barrault, celle-ci
se trouve sur tous les fronts mais elle, que l’énergie
procédurière du désespoir a toujours maintenu en
hyperactivité, tel un « Don Quichotte » au féminin
ou une « mère courage », semblera néanmoins abandonner
peu à peu la motivation de ses chimères à la vue de
ses enfants tentés de quitter le nid familial!...
C’est que combattre le Pacifique à soi toute seule alors que celui-ci
a décidé d’inonder systématiquement vos terres avec
la complicité de l’administration n’est certes pas le meilleur gage
d’un avenir assuré pour elle-même et ses proches!...
Ce « Pacifique nommé désir » a toutes les
qualités pour séduire ceux que le seul nom de Duras pourrait
inquiéter, tant en effet les relations entre les êtres y sont
poignantes, tant la dialectique entre autonomie et aliénation y trouve
des perspectives tangibles!... De la sensualité à l’humour
point de barrage!... C'est ainsi assurément que s'apprécie
le théâtre de Marguerite Duras!...
Theothea le 26/03/99
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AH OUI CA ALORS
LA
de Rudi Bekaert
Mise en scène: Koen Bauwens
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Théâtre Cité Internationale
Tel: 01 43 13 50 50
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Huit comédiens en smoking avec, suspendus autour du cou, de petits
panneaux interchangeables en carton précisant lequel des trente-deux
personnages ils interprètent au cours des cinquante saynètes
que décompte inexorablement un écran électronique bien
apparent jusqu’au terme de la représentation de « Ah oui ça
alors» qui chutera définitivement sur « là »!...
Une pièce universellement belge jouée à parité
par des acteurs flamands et wallons devisant à l’infini dans le hall
de leur immeuble dans un rythme tout aussi effréné que lancinant
et dont l’habitude des propos ne rivalisera jamais avec la pertinence qui
s’avère toutefois fort conséquente!...
S’extrayant au fur et à mesure d’une sorte de cage de verre en
forme de bocal parallélépipédique, ils y retournent
immédiatement s’asseoir et nous observer autant que nous les regardons,
à chaque issue de leurs prestations qui donc se décomptent
en direct sous nos yeux médusés à la fois par la candeur
ainsi que par la cruauté affligeante comme dans une image
réfléchie en écho infini!...
D’un air faussement détaché ou tout au contraire
exagérément virulent, ces huit comédiens interviennent
seuls, par petits groupes de 2 ou 3, jusqu’à finir par se retrouver
tous ensemble dans un tohu-bohu sous contrôle et sans jamais se
départir d’un flegme nonchalant entre chaque poussée
d’urticaire logorrhéique!...
Du grand art qui ventile dans un coup de balai délirant toutes
les scories d’une société qui semble en apprécier la
parure au quotidien!...
Du blabla à déguster de bon aloi et sans fausse pudeur
métaphysique!...
Theothea le 29/03/99
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