CHRONIQUES
11 à 15
S23
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ETOILES
de Pierre Laville
Mise en scène: Didier Long
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Théâtre de la Madeleine
Tel: 01 42 65 07 09
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«ETOILES» est une pièce conçue pour poser
les nombreuses questions que suscite l’histoire du XXème siècle
avec ses tragédies dont l’homme est tout à la fois le responsable
et la victime!...
Cette problématique à choix multiples oblige à effectuer
le grand écart avec les genres alors même que l’auteur est contraint
de condenser les hypothèses et les solutions envisagées.
Bref «ETOILES» est une pièce de grande ambition, mais
qui ressemble de facto à un mammouth qui tenterait dans sa fuite
apeurée un décollage improbable!...
Dieu sait que le Professeur Andemnas (Niels Arestrup) met de la conviction
dans ses propos et notamment ceux qu’il adresse à l’enfant juif
qu’il protège!
Que sa compagne Hélène Rivière (Nada Strancar) a
l’intelligence intuitive du danger des situations qu’ils affrontent ensemble
ou qu’ils esquivent au cours de l’année 43 en exode comme tant de
leurs concitoyens sur les routes de France!....
En effet après avoir été révoqué du
Collège de France pour avoir prononcé des discours pacifiques
durant la «drôle de guerre», c’est maintenant son nouveau
livre traitant du «droit à la révolte et à la
subversion» qui subit les foudres de la censure de Vichy et qui rendra
le Pr. Andemnas et ses proches, vulnérables vis-à-vis de la
milice et du pouvoir nazi occupant.
Cernés comme l’araignée sur sa toile, le couple et
l’enfant muet seront arrêtés et devront subir un interrogatoire
mené par un colonel allemand qui, par le plus grand des hasards, se
trouve être un ancien élève admiratif et respectueux
de l’enseignement du Pr. Andemnas!...
Ô Dilemme, dont seul le temps de Paix retrouvé pourra
ultérieurement expliciter les responsabilités respectives et
qui n’est pas sans rappeler «Copenhague» créée durant
la Saison 98-99 avec également Niels Arestrup!..
Le cercle semble se boucler sur un constat: provisoirement chacun repart
libre avec ses convictions, qui pour la partie adverse, sont au mieux des
malentendus!...
Le rideau du théâtre de La Madeleine se baisse alors que
c’est désormais au regard de l’Histoire d’entrer en scène!...
Theothea le 27/09/99
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EN ATTENDANT
GODOT
de Samuel Beckett
Mise en scène: Luc Bondy
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Théâtre de l'Odéon
Tel: 01 44 41 36 36
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Depuis cinquante ans, acteurs et spectateurs attendent Godot puisque le
«jeune garçon» de Beckett nous annonce toujours sa venue
pour le lendemain!...
Demain est effectivement un nouveau jour, aussi Vladimir et Estragon pourront
à nouveau venir se poster devant l’arbre au détour de la route
et combler le temps de l’attente en fuyant l’ennui par la parole comme
s’ils engageaient une interminable partie de tennis!
Comme à l’accoutumé, le hasard leur offrira la diversion
d’un échange en double dûment suscité par la rencontre
opportune de Pozzo et Lucky, maître et domestique de leur état!...
Le décor signé Gilles Aillaud compose la perspective d’un
petit virage en côte dans un paysage givré avec un ciel bleu
azur à l’horizon et donne le ton immédiatement familier de
la brillante mise en scène de Luc Bondy.
Les points de fuite que constituent l’avant et l’après
«côte» permettent à celui-ci de jouer subtilement
avec l’évidence et le caché, avec l’indicible et le tacite,
avec le concept et le verbe!...
Les acteurs jouent leur partition avec une assurance sereine comme s’ils
sentaient qu’en côtoyant l’universel et l’intemporel, des sillons
invisibles les maintenaient dans une apesanteur foetale dans laquelle se
love le destin!...
Absolument hermétique lui, Gérard Desarthe, qui nous avait
habitués jadis à des emportements délirants, s’immerge
avec une humilité extrême dans la soumission subie de Lucky!...
Pozzo, son maître est interprêté par le truculent
François Chattot, bien décidé à manipuler avec
superbe tout son petit monde!...
Alors que Roger Gendy (Estragon) et Serge Merlin (Vladimir)
s’emploieront avec grâce, inventivité et complicité à
répondre à l’interrogation psalmodiée par Anna Karina
dans «Pierrot le fou» de Jean-luc Godard: «Qu’est-ce que je
vais faire ? je ne sais pas quoi faire !»
Comme pour une chorégraphie de mantes religieuses, le démiurge
Luc Bondy pose résolument ses acteurs dans un monde hostile, avec
le regard attentif du Père qui souhaiterait les sauver de la
fatalité!...
Un spectacle remarquable!...
Theothea le 24/09/99
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PARLE-MOI DE LAURA
de Egon Wolff
Mise en scène: Daniel Delprat
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Théâtre Rive Gauche
Tel: 01 43 35 32 31
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Ces deux-là n’ont pas attendu que le «P.A.C.S.» soit
institué pour passer un contrat tacite qui devrait les tenir liés
ad vitam aeternam, tellement leur méthode de fonctionnement, leur
manière d’appréhender la vie ou plus exactement de la fuir
est le fruit d’un ajustement permanent, parce qu’il est le fils, parce
qu’elle est sa mère!...
Tyrannie, torture morale, amour possessif, chantage, tous les registres
se référant aux liaisons affectives déviantes sont au
tableau de chasse de ce couple qui en définitive trouve son unique
cohérence dans le rejet du monde extérieur, tout en se
réfugiant au sein d’un délire obstinément
élaboré au fil d’une coexistence belliqueuse!....
Comme pour tout couple qui perdure, un tiers omniprésent malgré
sa tenue à distance respectable, assure la régulation des flux
verbaux incontrôlables et la médiation de tout ce qui pourrait
dégénérer entre ces deux êtres!...
Le tiers s’appelle ici «Télévision» et agit comme
un point de fuite dans une perspective !.... En effet au-delà de
l’écran magique se situent les repères virtuels qui constituent
le seul garde-fou symbolique pour cette mère et son fils!...
Philippe Magnan excelle à passer d’un discours sirupeux à
des crises d’autoritarisme, voire de paranoïa; Claire Maurier a l’art
de feindre être la victime des simulations toujours plus accaparantes
de son fils!
L’exaltation qu’ils composent à deux n’est pas sans rappeler les
pérégrinations fantasques «d’Harold et Maud».
De la pathologie à l’Amour ne se trouvent que les fantasmes que
chacun est à même d’exprimer; c’est la raison pour laquelle,
il sera impérieux de «parler de Laura»!...
Theothea le 28/09/99
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CROISADE SANS CROIX
d' Arthur Koestler
Mise en scène: Jean-Paul Wenzel
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Théâtre de la Colline
Tel: 01 44 62 52 52
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Le roman «Croisade sans croix», écrit en 1943 par Arthur
Koestler, est le troisième volet d’une trilogie commencée avec
«Spartacus» et le «Zéro et l’infini» qui notamment
pose la problématique du libre arbitre.
Dans cette troisième phase, l’auteur souhaitait décrire
en termes psychiatriques, le conflit qui oppose la moralité avec
l’opportunisme!
Arlette Namiand qui effectue présentement l’adaptation
théâtrale de ce texte y perçoit outre sa critique virulente
du marxisme en tant que «système clos de pensée»,
celle également du freudisme orthodoxe et du catholicisme!
Quant à Jean-Paul Wenzel, le metteur en scène, il
s’exprime ainsi: «Ce qui m’a incité à le transposer au
théâtre, c’est qu’il travaille au corps. Le corps y est au centre,
otage de la pensée, des sentiments, de la mémoire, des
événements politiques. C’est cette tension que j’ai voulu
représenter.»
En premier lieu un superbe décor labyrinthique composé de
multiples poutrelles de bois, dessine comme un temple grec qui ne serait
effectivement qu’une cage avec ses barreaux, celle où Peter Slavek
(Denis lavant) va se débattre avec ses idéaux et ses démons
de culpabilité présente et ancienne, sous le regard vigilant
de Sonia Bolgar (Laurence Février), psychothérapeute
freudienne.
En exil provisoire à Lisbonne en 41, à la recherche d’un
visa pour l’Angleterre, dans ce lieu de neutralité les rencontres
sont toujours en partance imminente pour ailleurs; et c’est effectivement
son «ailleurs» que Peter va devoir élaborer et concevoir!...
De pièces en pièces, il est difficile d’imaginer Denis Lavant
autrement qu’en personnage frénétique et exalté!...
Cest sa marque de fabrique, c’est surtout sa sincérité de
comédien qui ne cesse de surprendre et de focaliser l’attention du
spectateur!...
Ce texte qui devrait susciter un débat passionnant sur les tenants
et les aboutissants des motivations humaines, souffre quelque peu dans son
adaptation à la scène d’un déficit de transcendance
en même temps que d’un excès didactique compensé toutefois
par les pantomimes de Denis Lavant qui en brouillant les cartes ramène
notre pendule dans la zone du réel.
Theothea 29/09/99
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SEPT FILLES POUR SEPT
GARCONS
de Stanley Donen
Mise en scène: Saverio Marconi
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Théâtre Folies Bergère
Tel: 01 44 79 98 98
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«Sept épouses pour sept frères», tel est le titre
du film tourné en 54 à Hollywood par Stanley Donen et adapté
aujourd’hui en français pour la scène des
Folies
Bergère!...
Du mariage d’Emilie avec Adam va naître six autres mariages, franchement
peu envisageables au début de ce western en forme de conte:
En effet les six frères d’Adam, rustres bûcherons de la montagne
vont subir un véritable lifting physique, psychologique et moral,
mené avec succès par leur jeune belle-soeur bravant tous les
obstacles!...
C’est bien entendu LIO qui entraîne ainsi cette joyeuse bande qui
se confrontera à celle non moins excitée de leurs « promises
» ainsi qu’à celle vigilante de leurs «proches».
Tout ce beau monde dansera, chantera dans des mouvements chorégraphiques
audacieux, endiablés et plein de fantaisie!...
Un décor rustique et coquet de ranch tournant sur lui-même
permettra un enchaînement fluide des séquences à vous
en donner presque le tournis si toutefois vous résistez à
l’enivrement général!...
En effet la loi du genre nécessite d’accepter ou non le simplisme
des situations pour apprécier la fraîcheur, la gaieté,
et la tonicité de cette troupe qui effectue ici une remarquable
prestation, fruit d’un puissant travail d’équipe.
Il est néanmoins possible d’avoir ici ou là une
préférence pour l’un(e) ou l’autre; aussi osons
«Gédéon» interprété par le malicieux
Alexandre Bonstein.
Quant à LIO, greffée sur cette troupe de chanteurs et danseurs
professionnels, elle assure son rôle de leader avec un réel
entrain et une sympathique bonne humeur!...
Theothea le 30/09/99
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