CHRONIQUES
21 à 25
S25
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LE MALADE
IMAGINAIRE
de Molière
Mise en scène: François Boursier
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Théâtre Silvia Monfort
Tel: 01 45 31 10 96
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«Ce Malade imaginaire se situe dans un univers baroque anglais du
XVII siècle; c’est la fin de l’hiver en période de carnaval,
les couleurs sont le noir, le blanc, le rouge. Le décor évoque
une chambre stérile» telles sont les composantes retenues par
François Boursier, le metteur en scène pour construire le cadre
d’un décor où viendra trôner Jean-Claude Dreyfus cerné
par de hautes tentures blanches et mobiles.
Plus «Jourdain» qu’hypocondriaque, celui-ci prend un évident
plaisir à voir tout son monde s’agiter fébrilement autour de
lui dans des cris et des éclats qu’il semble susciter et entretenir
comme pour un feu de bois qu’il câlinerait!...
Valérie Mairesse, dans un jeu plus sobre auquel son tempérament
la prédispose, tire les ficelles selon un registre diplomatique dont
le « timing » est essentiel!..
Les costumes baroques agrémentent effectivement cette danse des
pantins dont la médecine est le souffre-douleur!... Argan s’est en
effet mis en tête que sa fille Angélique devrait épouser
le sot médecin Diafoirus, avec l’espoir niais d’être soigné
lui-même, le mieux possible!..
Les répliques ont la nette tendance à être davantage
éructées qu’articulées de manière à
créer cette sensation de tournis proche du délire collectif
pour lequel à l’évidence il sera nécessaire de porter
remède!..
La dimension esthétique du spectacle est son principal atout,
ce qui au demeurant constitue une réelle modernité pour une
pièce de Molière.
Theothea le 11/10/99
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MONSIEUR
AMEDEE
de Alain Reynaud-Fourton
Mise en scène: Jean-Pierre Drawel
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Théâtre Comédia
Tel: 01 42 38 22 22
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Pour fêter son changement de nom, l’ex-Eldorado qui devient en la
circonstance le Théâtre Comédia s’offre un grand espace
de délire collectif en réunissant la mythique Bernadette Lafont
avec l’inénarrable Michel Galabru!...
Amédée, le soi-disant Ahmed de Bogota, se trouve ainsi
embarqué dans un rôle de proxénète plus habitué
à l’imparfait du subjonctif de par sa formation de grammairien
qu’à celui de régisseur d’une maison-close!....
Tout ce beau monde de souteneurs, de filles de joie se tient par la
barbichette et va transformer la vie de retraité jusque-là
paisible d’Amédée en un champ de macchabées qui à
son insu tombent comme des mouches!...
Michel Galabru, comme un Bourvil tonitruant, subit les événements
avec la maestria d’un vieux professionnel aguerri à tous les
traquenards!... Plus qu’un rôle de composition, un rôle sur mesures
confectionné pour s’ajuster «pile poil» à
l’originalité du comédien!...
Bernadette Lafont en médiatrice de ce «bordel»
dévastateur par qui tout a commencé, démontre à
nouveau sa prestance, sans âge, à se glisser dans les personnages
les plus cocasses!...
Quelques lourdeurs inévitables dans un tel maëlstrom mettent
en valeur par contraste la qualité de cette comédie et de
l’interprétation des huit comédiens pour peu que l’on soit
sensible au rationalisme délirant ainsi qu’aux délices de
l’imparfait du subjonctif!...
Theothea le 14/10/99
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LES NOUVELLES BREVES
DE COMPTOIR
de Jean-Marie Gourio
Mise en scène: Jean-Michel Ribbes
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Théâtre Fontaine
Tel: 01 48 74 74 40
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Unité de lieu: le bistrot. Unité de temps: Une année
entière depuis le jour de l’an. Unité d’action: lever le coude.
C’est ainsi que Jean-Michel Ribbes adapte cette deuxième
récollection de répliques entendues et rassemblées par
Jean-Marie Gourio au gré des cafés qu’il a fréquentés
de 95 à 99.
Point de dialogue, mais comme une suite ininterrompue de réparties
péremptoires qui, mises en situation, s’entrechoquent en se
complétant, se contredisant ou s’ignorant superbement!...
Tout se passe comme si, dès la porte du bistrot franchie, le
«je» se fondait dans le «jeu» d’une ronde infinie, celle
de la tournée, métaphore elle-même du cycle de la
quotidienneté!..
Comme dans une auberge espagnole, chacun y vient avec son «manger»
du jour; de même le spectateur y puisera selon son inclination tel
ou tel bon mot, comme celui-ci par exemple: «Si un jour je prends
l’avion, je monterai dans la "boite noire !"».
Cependant l’intention de Jean-Michel Ribbes n’est pas tant de nous faire
rire avec des réflexions frappées au coin d’une
élémentaire ou niaise logique mais davantage de mettre en valeur
un espace d’humanité, celui du partage de chaque solitude face à
l’hostilité avérée du monde extérieur!...
En direct du comptoir, ce flux d’informations laconiques se présente
à nous comme en témoignage d’une époque déjà
désuète et par conséquent porteur d’une déconcertante
nostalgie!...
L’outrecuidance de Christian Pereira nous a particulièrement ravie,
pendant que Laurent Gamelon, en «Monsieur Loyal» tentait de
fédérer et de modérer sa clientèle, toujours
prête à tous les lynchages symboliques!...
Question subsidiaire: Le bistrot, comme lieu poétique de rencontre
et de bavardage, laissera-t-il donc sa place au cyber-café du siècle
prochain?
Theothea le 15/10/99
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LE MARIAGE
FORCE
de Molière
Mise en scène: Andrzej Seweryn
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Comédie Française
Tel: 01 40 54 07 31
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Serait-ce un mauvais rêve que ce «Mariage forcé»?
Voulant être au plus près de l’oeuvre originelle de Molière
avec son ballet musical, Andrzej Seweryn nous le présente à
travers le regard d’un jeune enfant, qui tel un angelot écarquillerait
les yeux avec candeur face aux imbroglios d’une problématique très
chère à Molière: A 52 ans, un homme a-t-il encore le
droit de songer à se marier?
Quant à songer vraiment, autant pousser le songe jusqu’à
la parabole et faire intervenir mages, philosophes, voyantes et
s’apercevoir que tout ce beau monde sous prétexte de posséder
un «savoir», ne s’inquiète aucunement d’écouter les
affres de l’homme qui s’interroge le plus sincèrement du monde!....
Aussi c’est de la promise que viendra le pressentiment de la
vérité: Celle-ci est de toutes évidences amoureuse
d’un jeune homme de son âge mais sans fortune!... c’est la raison pour
laquelle le mariage avec un vieux riche peut s’avérer un bon plan
pour l’avenir du jeune couple, d’autant plus que la famille de la jeune fille
l’y pousse avec conviction.
Trop tard, Sganarelle voudra reprendre sa parole, et le piège se
refermera inexorablement sur lui.... à moins qu’il ne s’agisse que
d’un cauchemar, celui d’un jeune enfant, en proie au délire de frayeurs
imaginaires!....
Grâce à l’humour dans sa direction d’acteurs, Andrzej Seweryn
réalise un spectacle splendide dont la justesse et le charme du ton
(polonais ?), les multiples trouvailles et le soin apporté à
tous les détails de la mise en scène ravissent totalement les
spectateurs!...
Les comédiens semblent réellement heureux dans leurs
compositions, tant ils se sentent portés par les effets qu’ils
reproduisent au sein de cette mécanique métaphorique!...
Jean-Claude Drouot évolue comme libéré de tout poids,
Florence Viala rugit comme une superbe hyène féline, les
«philosophes» Eric Génovèse et Nicolas Lorneau s’en
donnent à coeur joie pour terroriser Sganarelle, interprété
par un Gérard Giroudon montrant dignement une âme errer en peine
dans les mailles d’une dialectique de sophistes, avec la caution toute
égyptienne de Madame la doyenne, Catherine Samie!...
Signalons enfin que dans le programme du spectacle est publiée
sur trois pages une lettre particulièrement intéressante concernant
cette création du « Mariage forcé», qu'Andrzej Seweryn
a écrite à l’intention d'Andrzej Wajda!... A la lecture
de cette profession de foi, comment ne pas imaginer que ce sociétaire
deviendra désormais l’un des metteurs en scène les plus
plébiscités de la Comédie-Française?
Theothea le 20/10/99
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DE SI BONS AMIS
de Joe Penhall
Mise en scène: Stephan Meldegg
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Théâtre La
Bruyère
Tel: 01 48 74 76 99
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S’il s’agissait du traditionnel «Le mari, la femme, l’amant»
seraient-ils donc devenus de si bons amis ou le seraient-ils restés?
Dans cette pièce anglaise de Joe Penhall, point question de contrat
fixant les liens affectifs, seulement des électrons libres, tellement
libres qu’ils en viennent à s’agiter de manière chaotique!...
Si donc Richie, le tiers revenant d’un voyage autour du monde, parvient
de manière relativement facile à s’imposer et à
s’incruster auprès de ce couple ami, c’est sans doute parce que Niels
et Rachel sont devenus à leur insu, la proie idéale pour une
psychanalyse conjugale que leur vie sociale en impasse a rendu
inéluctable!...
Mauvaise foi aidant, toutes les susceptibilités et
vulnérabilités de l’un et l’autre auront beau jeu
d’être mises à jour par chaque intervention, par chaque manipulation
de Richie qui, ayant érigé l’irresponsabilité en art
de vie, a acquis le sens très développé de
l’opportunisme!...
Au malaise de la marginalité va répondre en contrepartie
celui du Réel qui a mis en place des rails se fragilisant insidieusement
au fil du temps!...
De fait Rachel et Niels ayant adoré leur vie insouciante
d’étudiants en médecine, sont devenus peu à peu les
rouages corvéables de l’Institution hospitalière qui
consciencieusement a broyé jour après jour leur passion
originelle!...
Quant à Richie qui a effectué le non choix du comportement
asocial, lui tente de surfer sur les contingences, alternant entre cynisme
effronté et incapacité à assumer son échec en
Amour!....
Aux conflagrations succédera la consternation, mais cependant
l’humour de l’auteur, du metteur en scène, des comédiens ainsi
que celui des spectateurs renverront chacune et chacun devant leur miroir
pour tenter d’esquisser les compromis salvateurs!...
Il y a dans le sourire d’Hélène Médigue ce quelque
chose qui sait se poser doucement à l’instar de celui de Nathalie
Baye!... Avec Pierre Cassignard qui obtenait en 97 le Molière
du meilleur comédien, celle-là et celui-ci étaient
déjà superbement présents dans «Les jumeaux
vénitiens»!...
Tous deux donnent ici la réplique à un Samuel Labarthe dont
le jeu semble inspiré avec bonheur par l’indicible étrangeté
de celui de Patrick Chesnais ayant, précédemment lui aussi,
participé à l’excellente réputation du Théâtre
La Bruyère.
Theothea le 20/10/99
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