CHRONIQUES
26 à 30
S26
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LES TROIS
MOUSQUETAIRES
de Alexandre Dumas
Mise en scène: Marcel Maréchal
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Théâtre du Rond-Point
Tel: 01 44 95 98 10
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«Un pour tous, tous pour un !»... Marcel Maréchal souhaitait
pour ce qui devrait être sa dernière mise en scène au
Théâtre du Rond-Point, un spectacle festif, mettant haut les
coeurs et fédérant tous les publics!...
Reprenant ce spectacle du théâtre de la Criée de 1985
qui fut suivi d’une tournée de trois ans avec plus de 200
représentations et un point d’orgue Shangaï, c’est effectivement
une re-création que Marcel Maréchal voulait offrir à
Paris, comme cadeau ultime après ces quatre années brillantes
passées à la tête du Théâtre du
Rond-Point!...
Un casting de 22 comédiens et 11 techniciens sur le plateau catalyse,
restrictions budgétaires aidant, dans un décor unique en bois
et modulable, les 27 lieux scéniques de cette adaptation du roman
d’Alexandre Dumas!... Peut-être aurions-nous
préféré une structure moins fonctionnelle, qui dans
sa forme et sa texture, aurait pu faire une part plus belle à
l’imaginaire!...
Avec d’Artagnan, en fil conducteur de cette démarche initiatique,
toutes les péripéties de l’aventure s’enchaînent avec
fluidité en variant à l’infini les flux et reflux des entrées
et sorties, des combats, des duels et autres courses- pousuites!...
La première partie du spectacle permet de présenter chacun
des personnages, de forger le groupe des quatre mousquetaires, de mettre
en place les rapports de force!...
Alors peut commencer après l’entracte la course folle vers Londres
pour retrouver les ferrets suivie du retour sur la France dans un délire
qui apparaît sans cesse grandissant et où les gags visuels et
sonores entraînent les spectateurs dans une complicité
irrésistible telle qu’il n’est plus possible de discerner qui de Dumas
ou de Maréchal s’amuse le plus à nous surprendre!...
C’est ainsi par exemple que le coffret renfermant les ferrets va donner
lieu à un combat final entre les différentes factions de
mousquetaires, que la métaphore d’un match de rugby va sublimer
jusqu’au placage ultime aux pieds de la Reine!...
Un véritable régal chorégraphique que vient rehausser
un leitmotiv musical dont le tempo lancinant nous ferait à l’instar
des quatre mousquetaires enfourcher conjointement l’un de leurs chevaux en
jupette!...
Il y a, à la fois du Buster Keaton et du Don Quichote de la Mancha,
dans ce d’Artagnan (Emeric Marchand) qui s’applique à conserver son
accent gascon, renforçant ainsi le caractère désuet
d’une fougueuse passion utopique!...
Daniel Berlioux compose un Louis XIII, digne d’un Serrault, manière
«Cage aux folles»!... Arno Chevrier nous persuaderait que Porthos
est interprété par un Gérard Depardieu, plus nature
que mimétique!...
Cécile Paoli, Jean-Pierre Moulin, Daniel San Pedro se donnent à
coeur joie de forcer les caricatures de Milady, du Cardinal de Richelieu
et de Rochefort!....
Un magnifique travail de troupe qui élève chacun beaucoup
plus haut que le feraient des noms starisés à
l’affiche!.... «Un pour tous, tous pour un !»
Theothea le 22/10/99
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LA CHAMBRE
BLEUE
de David Hare
Mise en scène: Bernard Murat
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Théâtre Antoine
Tel: 01 42 08 77 71
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De la chambre bleue à la chambre noire, il n’y a qu’un pas, celui
qui prolonge la pensée d’un David Hare à celle d’un Bernard
Murat, appliquant systématiquement pour sa mise en scène, la
substitution en fondu enchaîné d’un couple à
l’autre!...
A l’instar de l’obturateur d’un appareil photographique, des volets
latéraux et verticaux glissant les uns vers les autres annoncent dans
des lumières diaphanes, les changements de décors et de
personnages, l’après et l’avant de leurs rapports amoureux comme pour
un instantané au énième de seconde!...
A ce petit jeu du glissement de l’un à l’autre, les rôles
se superposent dans une identité indistincte, celle que doit
précisément interpréter conjointement Marianne Denicourt
et Daniel Auteuil!...
Car le puzzle des couples et des personnages agit sur notre regard comme
le fait l’arbre qui cache la forêt: Sont-ils multiples? Sont-ils uniques
et toujours les mêmes?
Mais déjà la boucle est bouclée, le chauffeur de
taxi initial nous a baladés d’un point de vue à l’autre pour
revenir à son point de départ, fort d’une expérience
dont chacun fera son miel ou son désespoir selon l’humeur du moment!...
David Hare n’est pas Arthur Schnitzler; sa pièce n’est pas sulfureuse
pour qui ne veut pas qu’elle le soit!... Mais les autres, ceux qui veulent
résolument se poser les questions méta-physiques, peut-être
qu’eux, ils tournent encore dans le manège infernal du jeu de la
séduction, à la recherche du sens caché hors des
apparences!...
Le public apprécie et applaudit le couple de comédiens sur
scène! Ils sont jeunes, il sont beaux sous les projecteurs!... Elle,
pieds nus assurant une meilleure parité de taille d’avec son partenaire;
lui, fier d’un succès assuré, qu’ensemble ils partagent
résolument à la scène comme à la ville!...
Theothea le 25/10/99
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TRAHISONS
de Harold Pinter
Mise en scène: David Leveaux
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Théâtre de l'Atelier
Tel: 01 46 06 49 24
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Qu’est-ce que l’avant, qu’est-ce que l’après au regard d’une passion
amoureuse lorsque celle-ci semble échapper à ses protagonistes?
Faudrait-il en revivre chaque instant pour mieux en appréhender tous
les délices et comprendre enfin le pourquoi de la faillite?
Mais où est la maldonne? Est-ce la liaison Emma-Jerry, Emma-Robert
ou bien même Jerry-Robert? Un couple pour trois personnes, cela devrait
nécessairement produire l’ombre d’un laissé pour compte!...
Aussi comme pour éviter cette fatalité insupportable,
improvisant un malicieux jeu de chaises musicales, Emma, Robert, et Jerry
vont se passer tour à tour l’objet du mensonge: Entre leurs mains
désappointées, Amour, Amitié, Passion vont se broyer
dans le maelström de la chronologie!...
Tendant ainsi au spectateur un miroir virtuel, Harold Pinter manie le
«flash back» comme un outil analytique qui, renversant les preuves
du temps, mettra à plat sentiments et utopies!...
Bien entendu, il y a Venise, et même Torcello en repère ultime
sur la carte du tendre mais en définitive, chacun ne s’y trouvera
jamais au bon endroit, au bon moment!..
Pourquoi donc en avoir ramené cette nappe brodée pour meubler
le nid d’amour puisque ce tissu s’avérera n’être qu’un contrat
passé avec un faux-ami à l’épreuve du temps?
Seule l’évidence d’un souvenir éclate: Un jour, tous
réunis dans une de leurs cuisines, Jerry a lancé en l’air et
rattrapé dans ses bras l’enfant de Robert! Tous ont ri joyeusement!
Ce jour-là semble-t-il, ils furent heureux!...
Depuis le fil de l’horloge interne s’est détraqué et chacun
tente en vain d’exalter ses sentiments à la recherche d’un idéel
synchronisme!...
Marianne Bassler écartelée entre «Jules et Jim»
est superbe dans sa constance mise à mal à découvrir
la vérité de chaque instant!... Bernard Yerles, torturé
par les affres des sentiments contradictoires magnifie l’héritage
de l’«actor-studio» en des gestes concis et sensuels!..
Philippe Volter compose avec tact le personnage du mari qui loin
d’être introverti, affiche la discrétion de celui qui sait,
mais feint d’ignorer avec complicité!...
La mise en scène de David Leveaux se veut
délibérément sobre, favorisant l’observation
attentionnée des personnages s’écoutant, souvent assis en de
confortables fauteuils anglais, se lovant sur un lit, ou s’adossant contre
un mur, un meuble d’une chambre etc...
Tous, attentifs au texte de Harold Pinter, traduit par Eric Kahane, se
rencontrent sur la scène du Théâtre de l’Atelier
complètement rénové, guettant en veilleurs le silence
voluptueux des trahisons intimes!...
Theothea le 27/10/99
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UN MONDE MERVEILLEUX
de Didier Caron & Eric Laborie
Mise en scène: Didier Caron & Michel Degand
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Comédie de Paris
Tel: 01 42 81 00 11
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Comment résister à un «Monde merveilleux», quand
celui-ci vous promet «everybody is magic!»?
Martine et son mari Roland garagistes expropriés par
l’installation d’un parc de loisirs, Jean-François comédien
plein d’avenir, Patrick Vaillant ex-animateur télé
célèbre, mais que diable allaient-ils faire dans cette galère
de l’industrie du loisir?
Comme tout un chacun, ils ont tenté de s’adapter à cette
société en mutation qui, en fermant des portes, ouvre par ailleurs
des débouchés inattendus: devenir Peter Pan, Capitaine Crochet,
Princesse Lily et Fée Clochette, quoi de mieux en effet pour
réconforter le moral et la paye?
Ayant mordus à l’hameçon avec un moral d’acier initial,
ils vont aller de désillusions en consternations, largement
proportionnelles aux éclats de rire qu’ils vont provoquer chez les
spectateurs!...
En effet cette métaphore du monde contemporain qui peut transformer
d’un temps sur l’autre, un manager au sourire ravageur en préposé
au ramassage des ordures et devrait par conséquent susciter notre
effroi, possède les vertus magiques de renverser les émotions
en déclenchant un paroxysme désopilant et
épidermique!...
Mise en scène autant «speed» qu'efficace! Texte mouliné
«Splendid» , haché menu «café de la gare»!
Cinq comédiens en délire millimétré!... Spectacle
à faire rembourser tout de go par la sécurité
sociale!...
Theothea le 29/10/99
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LA LEGENDE DE
MADEMOISELLE TROTTEMENUE
de José Valverde
Mise en scène: Christine Kay
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Théâtre Essaion
Tel: 01 42 78 46 42
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La légende de Mademoiselle Trottemenue ne se raconte pas, car si
elle était le sujet d’une «pièce à clés»,
comment imaginer que la «Ministresse du Bonheur garanti et de la
conversation», celle qui ne cesse de commencer ses répliques
par «Moi, je... moi, je» ne fusse pas déjà reconnue
par l’ensemble de ses concitoyens ?
A cet égard, agissant comme une mise en garde, il est très
important de prendre connaissance du «Nota Bene» inscrit sur
l’affichette de ce spectacle mis en scène par José Valverde,
l’auteur doublé du comédien ainsi que conseiller artistique
du Théâtre Essaion:
«Toute ressemblance avec un membre du gouvernement de la République
est simple coïncidence, tout comme la similitude phonétique avec
Hubert Mordoc, respectable citoyen des Etats-Unis, sixième fortune
mondiale qui dirige avec doigté, compétence et
générosité le plus grand empire médiatique in
the world. Nous avons trop le goût de la tranquillité pour nous
permettre d’évoquer des personnages d’une telle importance»
Il semble donc avéré que Mlle. Trottemenue, Mr. Yper
Mordog’, Mlle. Adada, Mr. Hubert de Montapie Etuveramonmartre et Mr. Jean
Nemare sont de fait des personnages de comédie que la «vraie
vie» nous épargne et dont les préoccupations morales et
philosophiques nous divertissent par leur exotisme!...
Une équipe de cinq comédiens d'excellente humeur à
la perspective de jouer chaque soir dans l’une des deux splendides caves
voûtées du Théâtre Essaion, faisant comme un arc
de triomphe à Alida Latessa, notre ministresse du Bonheur!...
Theothea le 03/11/99
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