du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 99-00

         31 à 35  S27     

 

    

   

    

      

HEDDA GABLER

de Henrik Ibsen

Mise en scène: Raymond Acquaviva

**

Petit Théâtre de Paris 

Tel: 01 42 80 01 81 

«Qu’est-ce que je vais faire? J’sais pas quoi faire!..» ce leitmotiv d’Anna Karina traînant son spleen en marchant pieds nus sur la plage de sable de «Pierrot le fou» ne serait-il pas l’emblème de ces personnages évoluant autour d’Hedda Gabler, en attente d’une improbable «Cerisaie»?

Qu’une transcendance fonde sur eux et la contingence de leur vie sans envergure pourrait enfin prendre sens!....

Bien entendu sur son petit nuage, il y a Tesman, lui qui vient de vivre six mois de voyage de noce en compagnie d’Hedda, sans jamais avoir eu d’autre projet que ses notes universitaires!..

Cependant dans le sillage de la comète «Hedda», gravitent ses amoureux récusés mais toujours emplis d’espoir: Le juge Brack qui s’entend à emmêler intérêts privés et pouvoir professionnel!... Lövborg dont l’inspiration créatrice est soutenue par Théa, rivale à son insu.... d’Hedda dont la seule présence subjugue son entourage mais que le désoeuvrement rend fondamentalement désabusée et cynique!..

Ibsen s’y entend à nous montrer ses personnages comme des pantins frustrés que des fils invisibles se complairaient à relier, en les nouant de plus en plus serrés!...

Comment alors être surpris que le suicide devienne la sublime révérence, celle dont l’écho fascine autant les âmes faibles que fortes?

Amira Casar, altière et superbement moqueuse s’enveloppe dans une prestance du phrasé qui semblait jusqu’ici n’appartenir qu’à Fanny Ardant!... Jean-Claude Dauphin brosse un juge attentif et prudemment complice!... Jean-Michel Portal n’a pas le beau rôle et se doit d’assumer celui d’un Tesman attentionné mais sans clairvoyance et donc le plus souvent ridicule!...Quant à Théa (Marie Adam), elle semble évoluer sur une planète proche d’une schizophrénie partagée par tous!...

"Hedda Gabler"!... Une pièce d'Henrik Ibsen se prêtant à toutes les métamorphoses, selon le charisme spécifique de la mise en scène et des comédiens!..

Theothea le 04/11/99

LE DOMAINE DES FEMMES 

de Tchekhov

Mise en scène: Marcel Cuvelier

*  

Théâtre de la Huchette

Tel: 01 43 26 38 99 

Trois femmes, deux hommes, une nouvelle de Tchekhov, et le souci de la condition féminine qui apparaît au-delà du statut social au travers de trois générations.

Au centre du débat, l’institution du mariage, la problématique de sa nécessité relationnelle et sociale!...

Une gouvernante, un majordome, une chef d’entreprise, sa tante et un homme du monde, tous vont contribuer à refaire le monde, si ce n’est à refaire le leur selon des schémas et des hypothèses que Tchekhov semble mettre à l’épreuve dans cet essai!...

Nous assistons plus à une «mise en lecture» sur la scène intime du théâtre de la Huchette avec la caution promue de Guy de Maupassant qu’à un enjeu d’essence théâtrale!..

Anna révèle sa difficulté à concilier sa responsabilité de dirigeante face au spectre de la dépendance que les liens du mariage pourraient susciter, à moins qu’elle jette son dévolu sur un travailleur de condition modeste!... Quant aux deux domestiques, ils pourraient sans doute constituer un couple mais des barrières d’étrangeté les tiennent à distance!....

Sans doute Tchekhov avec ce canevas aurait-il pu façonner une intrigue à rebondissements, mais cette nouvelle adaptée sommairement pour la scène nous offre le plaisir exclusif d’une dialectique de la modernité faisant surgir les conflits intérieurs de chacun des personnages.

Theothea le 05/11/99

SAVANNAH BAY

de Marguerite Duras

Mise en scène: Jean-Claude Amyl

****

Théâtre du Rond-Point

Tel: 01 44 95 98 10

La classe d’un diamant en pureté originelle!... Cette reprise de la première version de "Savannah Bay" créée en 1994 à Chaillot s’effectue comme en état de grâce!...

Gisèle Casadesus et sa fille Martine Pascal, dans une relation essentiellement charnelle, entrent en osmose avec le texte de Marguerite Duras, comme si un flot d’apesanteur les faisaient planer toutes deux au-dessus du monde des contingences!...

D’une robe rouge à une blanche, en un ballet récurent, "Madeleine" et sa petite-fille dialectisent entre vie et mort à la recherche d’une identité perdue, celle que la "pierre blanche" a emporté en donnant la vie à l’enfant et la vie éternelle à la mère!..

Adressant ainsi des adieux discrets et néanmoins transcendants au Théâtre, Gisèle Casadesus rend hommage à Madeleine Renaud en une admiration continue de la Comédie Française au théâtre du Rond-Point.

Martine Pascal avec une attention totalement dévouée à ces instants qu’elle sait précieux, catalyse et magnifie en sobriété de style, une relation de mère à fille que dignité et subtilité rendent sublimes, forcément sublimes!...

Theothea le 08/11/99

JACQUES ET MYLENE

de  Gabor Rassov

Mise en scène:  Pierre Pradinas

* 

Théâtre Gaîté Montparnasse

Tel: 01 43 22 16 18

Nous avions tant aimé «Néron» avec Denis Lavant et Marie Trintignant, création pourtant fort décriée à l’époque par la critique, que l’assentiment actuel à l’égard de «Jacques et Mylène» nous apparaissait prometteur à l’égard du style flamboyant et délirant de Pierre Pradinas, enfin reconnu!...

De toutes évidences avec cette «série rose» de Gabor Rassov, il y a pour le spectateur «à boire et à manger»; en effet la meilleure inspiration du génial metteur en scène Pierre peut y côtoyer ici la pire de son complice, l’auteur Gabor!...

Comme si en un vaudeville dont les conventions devraient être poussées aux limites du paroxysme, il eût fallu ausculté toutes les déviances d’une société en plein marasme et en proie au jeunisme exacerbée!...

Certes en ayant l’idée d’associer la schizophrénie de ses personnages au souffle alexandrin de la tragédie confrontée au prosaïque fait divers, le talent de Pierre Pradinas atteint alors à l’éminence!...

Mais par ailleurs que de recours aux démagogies du «sit-com» et à l’idéologie d’un «Halloween» référentiel!...

Bref, comme dans une auberge espagnole, chacun pourra y trouver au choix ce qu’il cherche ou ce qu’il ne veut pas trouver!...

Bravo à François Cluzet qui ose ainsi casser une image de comédien un peu lisse et soulignons que Valérie Bonneton s’immerge avec une belle aisance dans les affres contradictoires de Mylène!...

Theothea le 18/11/99

CELUI QUI A DIT "NON"

de  Alain Peyrefitte & Alain Decaux

Mise en scène: Robert Hossein

****

Palais des Congrés

Tel: 01 40 68 00 05

Magnifique spectacle pour lequel Robert Hossein a su allier paradoxalement sobriété et épopée dans la grande nef du Palais des Congrès de Paris!...

Dès le premier tableau esquissant une scène d’exode, le ton est donné!... S’inspirant de l’arrêt sur image, le "peintre Robert Hossein" compose en modelant les postures des multiples personnages, en construisant les contrastes d’éclairement et semble figer le temps pour mieux en appréhender sa substance et sa signification!..

Un trapèze de flux lumineux s’interpose en rideau de scène virtuel à chaque enchaînement de séquences; point de grandes machineries et de décors figuratifs! A l’instar de la dialectique articulant les thèses en apparence contradictoires de Winston Churchill et de Charles de Gaulle, le plateau se divise tout naturellement en ces deux pôles que sont leurs bureaux respectifs.

De 40 à 45, c’est comme si l’histoire contemporaine avançait sous nos yeux en perspective hégélienne, thèse, antithèse, synthèse mais surtout comme si la dénégation de tout asservissement pouvait être l’objectif ultime d’un monde en quête d’une dignité recouvrée!..

Associer le plus grand nombre de Français dans une victoire commune, telle est la mission salvatrice que se donne celui qui, isolé, a dit « Non » dès la première heure à tout compromis avec l’Histoire!...

Jacques Boudet a su capter avec une vigueur subtile les gestes des mains, le port de tête accompagnant la phrase, la droite rigidité du buste, les inflexions du ton, tous ces signes extérieurs qui devaient contribuer au charisme de celui qui allait en ces temps périlleux incarner la France!...

Face à lui, Robert Hardy interprétant avec une bonhomie mimétique, un Churchill opiniâtre, roublard et tout acquis à l’influence diplomatique de l’Amérique.

Ces deux caractères s’entrechoquaient échangeant des propos assez verts, mais un respect de fond les reliait pour avoir adopter en commun, un même refus initial!...

Jean Moulin et Klaus Barbie, le Général Giraud et le Maréchal Leclerc poursuivent la dialectique du récit un tantinet didactique, écrit à deux mains par Alain Peyrefitte et Alain Decaux, mais qui a cependant la vertu primordiale d’installer clairement les rapports des forces dans leurs évolutions chronologiques et géopolitiques.

Pas de grandes figures féminines dans cette pièce de théâtre à huit personnages et plus de cent comédiens, mais la volonté de démontrer qu’à travers l’immobilité apparente d’admirables fresques successives, la dynamique obstinée du mouvement de la Liberté peut s’imposer à tous et à chacun!...

Theothea le 19/11/99

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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