CHRONIQUES
36 à 40
S28
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THYESTE
de Sénéque
Mise en scène: Sylvain Maurice
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***
Théâtre de Gennevilliers
Tel: 01 41 32 26 26
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Qu’un roi cherche à se venger d’un frère qui aurait
délibérément séduit son épouse afin
qu’elle lui donne une descendance impure!.. Qu’aux yeux d’Atrée aucun
crime ne soit suffisamment horrible pour calmer sa douleur et sa revanche!...
Que Thyeste soit invité par Atrée à se régaler
à son insu avec le banquet de sa propre progéniture!...
Ainsi Sénèque nous raconte avec une délectation non
feinte, cet épisode de l’épopée familiale des Atrides
dont les alliances ne sont qu’une suite d’infidélités et de
forfaitures!...
Fascinés comme nous l’étions dans l’enfance par la narration
de l’horreur qui jalonne les contes de Grimm et de Perrault, un mouvement
compulsif semble nous attirer inexorablement dans la récurrence de
la délicieuse terreur!...
Comprenant que l’homme est pour lui-même son pire ennemi, il est
effectivement impossible de trouver des limites à l’imagination et
par conséquent à la réalisation des transgressions
morales!
Aussi tenant à distance la description brute de la violence,
c’est par le mécanisme des mots et par l’élaboration jubilatoire
du crime que Florence Dupont livre une traduction du Théâtre
de Sénèque propice au suspens et à l’éclairage
des zones d’ombre de la nature humaine!....
Sylvain Maurice propose à ses acteurs d’effectuer un travail profond
et dépouillé sur le plaisir incommensurable de «dire»,
de «raconter» et en corollaire aux spectateurs, sur celui
d’«écouter».
Un silence inégalé s’attache donc aux lèvres de Thyeste,
d’Atrée ainsi que du messager qui, faisant office de médiateur
universel, tente la dialectique de la modération face aux passions
déchaînées!...
Un spectacle d’une force extrême où comédiens et
spectateurs se régénèrent en côtoyant, au plus
près, l’abîme de l’indicible!...
Theothea le 23/11/99
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PULSION
de Franz Xaver Kroetz
Mise en scène: André Wilms
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**
Théâtre de la Colline
Tel: 01 44 62 52 52
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En écrivant «Pulsion», l’auteur bavarois Franz Xaver
Kroetz souhaitait créer une «comédie populaire»!...
Alors, d’abord il y a Otto, le propriétaire de l’exploitation horticole
qui apparaît taillé dans la charpente d’un «beauf»,
vantard et régissant son monde selon une idéologie
ségrégationniste!
Face à ce néo-despote, Mitzi une employée, Hilde
son épouse et Fritz le frère de celle-ci, tous trois pris dans
un tir en chassé-croisé, semblent se débattre avec des
sentiments affectifs complètement débordés par
l’unique objet de leur préoccupation commune, le sexe!...
Ainsi exaltés par l’effluve lourde et aphrodisiaque des fleurs,
la monstruosité du désir s’empare de leur libido pour les
anéantir tour à tour dans une frustration acerbe dont ils se
remettront néanmoins, parce qu’en fin de compte, les forces de vie
demeurent les plus fortes!...
L’auteur a pourtant le sentiment d’avoir touché un point qui correspond
à la folie ordinaire de la réalité, lorsque l’un de
ses personnages dit: «Je t’aime» et que l’autre répond,
indigné, après avoir entendu sans répliquer les pires
saletés: «On ne dit pas des choses comme ça!».
Si dans un premier temps, la mise en scène s’attache à une
perspective stylistique sur chambre à coucher, par la suite André
Wilms s’empare de l’immense plateau du théâtre de la colline
pour y faire s’épanouir un labyrinthe de gigantesques lys blancs
fantasmatiques!... Précisément à propos du décor,
le critique René Solis, évoquant l’intermède où
des spermatozoïdes géants traversent lentement le plateau,
décrit l’atmosphère onirique et loufoque suscitée, comme
suggérant les noces scellées de Woody Allen et de Lewis
Caroll!...
Quatre comédiens se livrent donc à ce dur combat où
il leur est nécessaire d’abandonner toute fausse pudeur, confrontés
qu’ils sont aux démons sordides qui agitent ces personnages du
quotidien!...
Peut-être que s’il fallait établir un pont avec un talent
cinématographique injustement controversé,
«l’Humanité» de Bruno Dumont, pourrait être
celui-là!...
Theothea le 24/11/99
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L'INCORRUPTIBLE
de Hugo von Hofmannsthal
Mise en scène: Philippe Adrien
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**
Théâtre du
Vieux Colombier
Tel: 01 44 39 87 00
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Qui est Théodore ? Un majordome qui mettant sa démission
en jeu, aurait décidé que son «petit monde» tournerait
selon un ordonnancement dont il fixerait les règles lui-même?
Pourrait-il être lle symbole d’un «Surmoi» collectif qui
imposerait le renoncement aux déviances en cours au château
depuis la disparition du Baron? Ne serait-il pas le magicien des lieux,
habité par les traditions et le garant de l’esprit de famille ? Ou
serait-il en fait, un démiurge qui manipulerait les fils invisibles
reliant des aristocrates viennois reclus dans leur villégiature, comme
s’il régentait un théâtre de marionnettes ?
De son côté, Jaromir le fils de la maison, prétendant
s’exprimer par la littérature, cherche l’inspiration dans ses frasques
amoureux; à ce titre le séjour annoncé de deux de ses
anciennes maîtresses pourrait stimuler ses ardeurs créatrices,
sans que son épouse, sa mère et l’ensemble de la maisonnée
ne s’offusque de cette perspective!...
Sauf bien entendu, Théodore qui s’appuyant sur une éthique
fondatrice, va peu à peu se prendre au jeu du pouvoir délirant,
mais ô combien efficace puisque, à terme, il imposera le retour
à la monogamie et l’état de grâce retrouvée entre
Jaromir et Anna son épouse!...
Celui-ci pourra alors, en tout bien tout honneur, chevaucher le long
d’une route de campagne au clair de lune, alternant compagnie et solitude
pour raccompagner la carriole de ses deux ex-maîtresses à la
gare!...
La vertu de cette écriture aux couleurs du néo-romantisme
allemand permet au metteur en scène Philippe Adrien de jouer avec
les modulations d’une inquiétante étrangeté qu’une musique
lancinante accompagne tout au long de ces péripéties
hallucinatoires!...
Alain Pralon donne le ton en restant toujours en-deçà du
personnage pour mieux en faire apparaître l’ombre du fantasme mi-ange,
mi-démon!...
Theothea le 25/11/99
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GREASE
de Warren Casey
Mise en scène: David Gilmore
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Palais des Sports
Tel: 08 03 03 80 39
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Grease s'installe au Palais des Sports de Paris durant deux mois pour
y célébrer le passage de l’an 2000!... Une superbe scène
avec une infrastructure technique high-tech permet à cette troupe
de jeunes comédiens américains d’afficher leur talent fort
différencié!..
Evidemment cette histoire d’adolescents à l’eau de rose qui pourrait
illustrer n’importe quel sit-com, n’est qu’un prétexte pour
apprécier musique et danse disco des années 70.
Les sous-titres en français des dialogues défilent
latéralement de part et d’autre de la scène, obligeant à
des contorsions alternatives du cou, bien connues des spectateurs de
tennis!...
Mais en définitive qu’importe le script, pourvu que chorégraphie,
jeunesse, amours, et déjà nostalgie nous entraînent dans
un tourbillon musical de lumières et de couleurs!...
Les américains nous ont habitué à des shows au
synchronisme millimétré et de toutes évidences le
savoir-faire de la tournée européenne de Grease y est plus
que jamais proche de la perfection!...
En outre nous sommes sensibles à une certaine fraîcheur toute
imprégnée d’humour concernant l’interprétation et la
réalisation qui semblent rechercher plus l’empathie du spectateur
que l'émotion artificielle!...
Grease au Palais des Sports, un spectacle de fête destinés
à tous: à voir en couple, en groupe, en famille!...
Theothea le 26/11/99
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LES
ANNEES TWIST (reprise)
Molière du
meilleur
spectacle
musical
95
Conception et Mise en scène: Roger Louret
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****
Théâtre des Folies Bergère
Tel: 01 44 79 98 98
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Quel spectacle!... Deux heures effrénées,
sans reprendre son souffle qui vous laissent l’envie impérieuse de
revenir apprécier «Les Années Twist» une
énième fois!...
D'autant plus que l’affiche sur les colonnes Morisse le proclame:
«Jusqu’au 2 Janvier... Pour la dernière fois à Paris !»,
aussi les jours de fête à venir, annonçant le passage
en l’an 2000, devraient marquer l’apothéose de cette comédie
musicale évoquant en chansons les années 60!...
Si l’essentiel de la distribution initiale est toujours présent,
le metteur en scène Roger Louret a encore réussi à faire
progresser le show, en mettant toujours plus d’âme et d’humour dans
l’interprétation!..
Plus «actor’studio» que jamais, les comédiens prennent
de toutes évidences un plaisir magistral à interpréter
ce spectacle musical en diable!...
Mais comment font-ils pour conserver cette fraîcheur originel depuis
95? Il n’y avait qu’à considérer l’enthousiasme et la satisfaction
générale, lors de la 4ème soirée de reprise aux
Folies Bergère pour réaliser que «Les Années
Twist» sont devenues un spectacle culte! Aussi avant qu’elles ne deviennent
à leur tour une référence nostalgique, tous pressentent
que chacune de leur représentation est désormais un moment
magique et absolu à apprécier sur le ton du «carpe
diem»!...
Sans trahir l’esprit de groupe qui rend chacun des 15 comédiens
indispensables à cette harmonie ébouriffante, il faut rendre
à Philippe Candelon, inspirateur en 94 auprès de Roger Louret
de «La Java des mémoires» ainsi que des comédies
musicales à suivre (Les Z’années Zazous, Les années
Tubes, La fièvre des années 80), ce véritable talent
d’émulation fédératrice qu’il sait insuffler
discrètement à tous ses partenaires!...
Osons en outre une inclination subjective pour la fougue sensuelle de
Caroline Neyrinck au goût d’une étrangeté introvertie,
et puis saluons avec insistance la performance de Grégori Baquet dont
le charisme naturel irradie la présence et la voix!...
Roger Louret mérite qu’on le remercie d’avoir mis ainsi en valeur
ce patrimoine culturel que seules la simplicité et la
générosité permettent d’atteindre avec une telle
réussite, pour reconstituer l'air du temps d'une époque!...
Nul ne peut rester insensible à tant de rhytmes chantés
et d’émotions nostalgiques qui ont lanciné nos imaginaires
au fil des années et illustreront de fait notre fin de
millénaire!... A voir et revoir jusqu’à la lie du
plaisir!....
Theothea le 2/12/99
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