du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 99-00

         41 à 45  S29     

 

    

   

    

      

AH! LE GRAND HOMME 

de Pierre & Simon Pradinas

Mise en scène: Pierre Pradinas

**

Théâtre de Suresnes 

Tel: 01 46 97 98 10 

Pour 10 représentations, le théâtre de Suresnes a proposé à Pierre Pradinas de reprendre «Ah, le grand Homme» créé en 1991 dans ce même théâtre Jean Villar qui fête ainsi sa 10ème Saison depuis sa réouverture!...

Cette comédie donne à voir les coulisses et les répétitions d’un improbable spectacle monté en une journée en hommage au metteur en scène fondateur du TNP!...

Une troupe réunissant des comédiens aussi peu doués que psychopathes, encadrée par une production incompétente, et voilà de nouveau le délire des frères Pradinas qui peut, en hystérie sous contrôle, se livrer au public!...

Pour qui se souvient de la mise en scène de «NERON» au théâtre du Trianon, le paroxysme de l’exaltation apparaissait alors atteindre les limites de l’implosion en compagnie d’un Denis Lavant côtoyant allègrement l’hallucination inspirée!...

En comparaison, cette farce à propos du métier théâtral pourrait revendiquer la sobriété de ton, face à un diagnostic de crise de talents consternant!...

En effet l’efficacité de Pierre Pradinas dans la direction d’acteurs lui permet de faire effectuer à ceux-ci des dérapages contrôlés au millimètre à l’instar d’un maître en «cascades»!...

La caricature à peine esquissée, la charge à peine libérée, la crise de nerfs déjà dissipée, les «acteurs de seconde zone» doivent nous apparaître aussi crédibles que l'aura dont nous souhaiterions les gratifier!...

Pierre Pradinas s’appuie ainsi sur la complicité qu’il construit avec les comédiens et les spectateurs dans une passion partagée ensemble à l’égard des métiers du spectacle et en contrepartie décide résolument de pas se prendre au sérieux!..

La compagnie du Chapeau rouge, du grand Art et beaucoup de rires!...

Theothea le 29/11/99

LA MAISON DES COEURS BRISES

de  Bernard Shaw

Mise en scène: Michel Dubois

**

Comédie Française

Tel: 01 40 54 07 31  

 

Dans la mesure où Michel Dubois met en scène un mécanisme de déconstruction et de déstructuration, il nous donne à voir des êtres a priori peu intéressants car leurs centres d’intérêt semblent se borner à un chassé-croisé notamment amoureux qu’ils n’ont de cesse de reproduire malgré eux!... 

Aussi comme souvent au théâtre, mal inspirés sont ceux des spectateurs qui abandonnant la partie à l’entracte, pensent à tort en avoir suffisamment vu pour comprendre les données de l’enjeu!... 

Et cependant pas de véritable renversement de situation en seconde période, mais Bernard Shaw dévoile peu à peu le dessous des cartes en montrant la problématique de cette situation faite d’entre-deux et de marginalisation oisive, car du Capitaine au voleur, des filles au père, des maris aux maîtresses, toute cette société anglaise d’avant guerre recluse dans leur «Cerisaie» s’interrogent selon des points de vue contradictoires sur le sens à donner à leurs vies pendant qu’en fond sonore commencent à tonner de lointains bombardements annonçant la 2ème guerre mondiale qu’ils ne soupçonnent pas mais qu’ils intuitionnent dans leur désoeuvrement vide de sens à leurs propres yeux!...

La maisonnée à géométrie variable du décor semble trouver ses points de fuite «au-delà du miroir» en se scindant, se rapetissant, et en augmentant de volume!... Comme en métaphore d’une schizophrénie généralisée, le destin semble vouloir venir cueillir tout ce beau monde dans un songe bucolique sans jamais toutefois les déranger réellement!...

Addy, Dominique Constanza, mène le bal en jouant les empêcheuses de tourner en rond réapparaissant après 23 années d’absence, pendant que Hésione, Martine Chevalier,  concentre son énergie à éviter les alliances contre nature!...

En effet chez Bernard Shaw subsiste en différence à Tchekhov, comme une lueur d’espoir au fond de la dépression qui donne à la comédie une couleur d’optimisme en surcroît à un humour teinté d’auto-dérision!...

Theothea le 03/12/99

OUTRAGE AUX MOEURS

de Moïsés Kaufman

Mise en scène: Thierry Harcourt

** 

Théâtre 14

Tel: 01 45 45 49 77

Sous-titrée «Les trois procès d’Oscar Wilde», cette pièce à succès en provenance de New York, met en confrontation neuf rôles exclusivement masculins dont quatre narrateurs.

La trame du récit essentiellement dynamique dans son évolution, cherche en prenant Oscar Wilde comme victime expiatoire, à éclairer les points de vue antagonistes et majoritairement obscurantistes qui ont accompagné l’histoire sociale et morale durant la période victorienne de l’Angleterre!...

Peut-être que son aspect un tantinet didactique s’appliquant à un développement chronologique, s’appuie davantage sur une démonstration littéraire que théâtrale, il n’en demeure pas moins que les spectateurs restent captivés par le suspens entretenu par les multiples rebondissements des procédures judiciaires!....

Et puis cette idée de quatre récitants à la manière d’un choeur antique revisité, apporte comme une chambre d’échos à rebonds infinis, souvent à l’origine des malentendus et de la mauvaise foi généralisée!...

En fait seul contre tous, croyant sincèrement à son innocence et passionné par ses objectifs de création artistique, l’écrivain à l’instar d’un nageur tentant de remonter à contre-courant des vagues de plus en plus insurmontables, lutte avec la seule arme qu’il se soit accordée, celle de l’esthétique et de la beauté!...

Emmanuel Dechartre incarne avec jubilation cette victime ballottée par les flots en fureur!...

En raison évidemment de la relation «privilégiée», qu’il entretient avec son jeune ami, à l’origine de cette mise à l’index, c’est tout le système institutionnel régenté d’une main de fer par la Reine Victoria qui se soulèvera contradictoirement au travers de l’opinion et de la presse!...

Dans ce tohu-bohu rhétorique, nous apprécions particulièrement la prestation de Jérôme Varanfrain qui semble interpréter chacun des personnages qu’il a en charge, avec un don pour la justesse moqueuse dans la caricature esquissée!...

Adaptation de Jean-Marie Besset et mise en scène de Thierry Harcourt se complètent avec pertinence et permettent à chacun des comédiens d’avoir leur moment de grâce!...

Theothea le 7/12/99

MARIAGES & CONSEQUENCES

de  Alan Ayckboum

Mise en scène:  Catherine Allary

**** 

Théâtre de la Renaissance

Tel: 01 42 08 18 50

    

Dans l’ombre d’une comédie se profile très souvent en arrière-plan, une tragédie pour laquelle les éléments burlesques sont mis en valeur, laissant de côté délibérément le pathos liée à la situation exposée!...

A contrario pour «Mariages et Conséquences», tout se passe comme si Alan Ayckboum avait décidé de maintenir au centre la souffrance existentielle de ses personnages dont seule la caricature et le stéréotype nous rappelleraient le ton de la comédie!...

L’auteur avance donc ici, à front renversé, faisant le pari que les spectateurs ne sont pas dupes que l’hilarité soit de fait un verni, une politesse que nous nous devrions à nous-mêmes!...

Cependant peu à peu, le rire aura tendance à se colorer en jaune car simultanément le miroir tendu perdra de sa transparence pour nous renvoyer une image consternante d’un autisme généralisé!....

«Nous nous sommes tant aimés!...» et nous voilà confrontés plusieurs décennies plus tard à ce qu'il reste de nos passions exaltées!... Constat affligeant que la «mise en mariage» des uns et des autres aura fossilisé dans l’exacerbation des défauts de caractère!...

Ce syndrome de dépression semble s’emparer de chacun, que ce soit Paul l’homme d’affaire efficace, Jean le bricoleur opportuniste, Georges le malade chronique, ainsi que Danièle, Evelyne, Marianne leurs femmes respectives désappointées chacune à leur façon, face au vide relationnel auquel elles contribuent!...

Tous sont atteints, sauf Clément qui lui paradoxalement vient de perdre accidentellement Carole, sa récente fiancée! D’ailleurs, c’est pour lui remonter le moral que ces retrouvailles ont été organisées!...

Toutefois agissant comme un maniaco-dépressif en phase d’exaltation, Clément tente de communiquer un optimisme invétéré et d’insuffler à chacun une perspective positive face à la vie!... Rien n’y fera! Pire son attitude ne fera que catalyser les malentendus et l’aigreur de chacun!...

Sur la lame du rasoir, en équilibre entre les larmes et l'hystérie, l’auteur pousse le trait jusqu’à la dérision et au cynisme!... De là, naîtra étrangement le réconfort du spectateur qui, en sourires, y puisera une espérance relative!....

Gérard Rinaldi s’impose de plus en plus comme un acteur majeur: en interprétant ici de manière implacable le rôle de Paul, il focalise le ressentiment de ses partenaires et réussit avec brio à maintenir la tension entre tous!...

Claire Nadeau avec la double casquette d’adaptatrice et de comédienne apparaît comme l’âme de cette pièce qu’elle imprègne de sa présence faussement détachée!...

Virginie Lemoine et Eric Metayer composent des personnages excessifs qui leur sied à merveille pendant que le couple Evelyne-Jean, Emilie Alibert et Lionel Abelanski rongent leur frein avec une constance sans faille!...

Il fallait oser écrire, adapter et créer «Mariages et Conséquences», à nous maintenant spectateurs d’y projeter nos sentiments de vérité mais aussi bien entendu, notre agrément réjoui!..

Theothea le 08/12/99

PEINES DE COEUR D'UNE CHATTE FRANCAISE 

de  René de Ceccatty

Mise en scène:  Alfredo Arias

**  

Théâtre  MC93 Bobigny 

Tel: 01 41 60 72 72  

   

En prolongeant 20 ans après «Les Peines de coeur d’une chatte anglaise» par «Les Peines de coeur d’une chatte française», Alfredo Arias effectue de nouveau le pari du merveilleux, de la magie, du féerique, initié par un conte où les masques d’animaux subliment le rôle du comédien!..

Le charme est effectivement au rendez-vous car l’interprétation suppose une imprégnation sensuelle de la mouvance de l’animal et dévoile paradoxalement sa véritable dimension lorsque, pendant les applaudissements, l’ensemble des comédiens faisant dos au public prennent une trentaine de secondes à retirer leurs masques afin de révéler le véritable visage de la performance!...

Cependant le feeling jouant effectivement un rôle prépondérant dans l’appréciation d’un tel spectacle, il n’est pas évident que ce vaste temple du théâtre qu’est la MC93 de Bobigny soit en corrélation avec l’intimité du charme dégagé!...

Par ailleurs des préférences inévitablement s’installent en fonction des personnages, des masques et de leur interprétation!... Aussi la multiplication du nombre d’animaux transformant une simple basse-cour de compagnie en une vaste ménagerie tend à banaliser ce magnifique procédé théâtral!...

Ces réserves étant émises, cette nouvelle de Hetzel datant du XIXème, qui nous emmène depuis un misérable grenier via le salon de l’ambassadrice d’Angleterre en pérégrinations  ponctuées d’amourettes contrariées jusqu’au retour final au sein du simple bonheur familial, a donc été étoffée par Alfredo Arias tant dans les péripéties que dans la multiplicité des personnages!...

Flirtant tantôt avec l’opérette, tantôt avec la comédie musicale, les comédiens, en surcroît du port du masque, chantent en direct l’ensemble du livret composé par Arturo Annecchino et en deux parties de cinquante minutes nous convainquent du travail magistral que représente cette métamorphose métaphorique!...

Ce spectacle est conçu d’emblée pour effectuer une tournée alternant la France et l’Italie. Nul doute qu’il sera plébiscité en raison de son aura incomparable à aucune autre!....

Theothea le 9/12/99

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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