du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 99-00

         46 à 50  S30   

 

    

   

    

      

LA QUESTION D'ARGENT 

d'  Alexandre Dumas

Mise en scène:  Régis Santon

**

Théâtre Silvia Monfort

Tel: 01 45 31 10 96

Alternant les mises en scène à succès, «L’Affrontement», «Les portes du paradis», «Deux sur une balançoire», Stéphane Hillel surfe également en comédien dans des pièces comme «La cage aux folles», «Le Tube», «Les palmes de Monsieur Shutz» jusqu’à concilier les deux fonctions pour la reprise lors de la Saison 98-99 de «L’Affrontement» en compagnie de Jean Piat.

Sa subtilité dans la compréhension des personnages lui permettent d’éviter tout manichéisme et de mettre parfaitement en valeur l’ambiguïté des sentiments et des motivations humaines!...

En jouant présentement le rôle de Jean Giraud, fils de jardinier qui en se lançant à corps perdu dans le tourbillon de la bourse en pleine expansion vers 1850, tente par ce procédé de rétrécir la barrière sociale qui le séparait jusqu’alors de la bourgeoisie triomphante ainsi que de l’aristocratie chancelante, Stéphane Hillel sait éclairer en nuances les tourments qui agitent l’esprit de son personnage!

Face à lui un monde qui se cherche, d’une part en ajustant une culpabilité latente vis-à-vis du désir d’enrichissement rapide et par ailleurs en tentant des compromis avec des valeurs morales et idéologiques dont l’éducation de caste a bien du mal à se débarrasser!...

Sophie Broustal et Vincent Grass assument avec pertinence leurs rôles respectifs de comtesse et de bourgeois quelque peu mystifiés par l’attrait du gain facile ainsi que par l’esbroufe des combines auxquelles ils cèdent un temps!.. mais seulement le temps d’une pièce dont Alexandre Dumas souhaite démontrer au final la thèse éminemment morale!...

Ces représentations de «La question d’Argent» au théâtre Silvia Monfort sont dédiés à la mémoire de Pierre Meyrand, récemment disparu et qui interpréta notamment dans ce même théâtre l’inénarrable Isidore Lechat dans «Les Affaires sont les Affaires» d’Octave Mirbeau, proche par le thème et par la mise en scène commune de Régis Santon.

Theothea le 14/12/99

LA VISITE

de  Victor Haïm

Mise en scène: Geneviève de kermabon

***

Théâtre Guichet Montparnasse

Tel: 01 43 27 88 61  

   

La force de ce huis-clos à deux personnages est de faire apparaître l’intensité caractérielle dont les comédiens sont porteurs!...

A parité dans ce duel au couteau avec la mémoire respective de traumatismes inaltérables, Paul Pinheiro a le talent de se montrer suffisamment inquiétant de façon à permettre à sa partenaire Carine Cotillon de progresser par degrés dans l’hystérie paranoïaque de son personnage!...

Celle-ci, qui sait si bien mener de front sa carrière professionnelle de psychiatre et sa vie privée de femme, va se trouver subitement confrontée à un homme dont la violence du verbe et du comportement sans mobile apparent, incitera, si ce n’est au renversement des rôles, au moins à leur remise en question radicale!...

Ce «happening» agit comme une catharsis sur les esprits et la tension qui ne cesse de fluctuer tel un balancier en folie et pousse à chercher des issues de toutes natures qui s’avèrent immanquablement hors sujet!... Car la messe doit être dite!... et ce n’est donc qu’après l’«acting out» que chacun pourra interroger cette dialectique entre pathologie et psychiatrie comme lieu d’un pouvoir vacillant!...

Brève rencontre entre une «Orange mécanique» et «Un nid de coucou», cette pièce de Victor Haïm déjà jouée en 75 par Robert Hirsch et Danielle Delorme au théâtre de la Gaîté-Montparnasse, trouve ici dans l’intimité du Guichet Montparnasse le souffle d’un véritable coup de poing sur l’inconscient!...

Theothea le 15/12/99

L'ORESTIE

d' Eschyle  

Mise en scène:  Georges Lavaudant

**

Théâtre de l'Odéon

Tel: 01 44 41 36 36

 

Georges Lavaudant nous convie à une messe dont un rituel en trois phases (présentation, analyse, synthèse ) est en charge d’accoucher d’une justice démocratique que l’antiquité grecque a légué à notre société contemporaine.

Comme pour une épreuve de travaux pratiques, les premières représentations de «L’Orestie» ont dû faire place à une grève d’une semaine qui a contraint les comédiens à effectuer les filages de la pièce devant une salle vide, au risque de flirter avec le syndrome de schizophrénie!...

Si les derniers instants du spectacle, ceux qui nous sont de fait les plus proches chronologiquement, devaient nous éclairer sur la symbolique attachée à cette nouvelle mise en scène, c’est la confrontation du chaos du monde moderne avec la sérénité immuable du théâtre d’Epidaure que nous observerions en compagnie des comédiens revenant de ce long voyage dans l’histoire culturelle et éthique!....

Aux premiers temps, les dieux étaient omnipotents et dictaient aux hommes leur destin et leurs actes de manière concomitantes selon le cérémonial des prédictions. Le meurtre constituait de fait la monnaie d’échange étalon qui permettait de compenser le mal par le mal; un cycle sans fin s’établissait où sang pour sang faisait loi universelle! Les conflits se résolvaient dans le malheur sans jamais apaiser l’esprit de vengeance!...

En quelque sorte, le procès d’Oreste va mettre un terme à ce cycle infernal, en instituant l’argumentaire critique à charge et à décharge, établissant de fait un équilibre entre le pouvoir des dieux et la faiblesse des hommes!...

De fait, Oreste a tué sa mère Clytemnestre qui avait assassiné son époux Agamemnon coupable lui-même d’avoir sacrifié sa fille Iphigénie, mais désormais c’en sera fini des volontés et des présages contradictoires des dieux, un jury devra voter pour énoncer le verdict de l’accusé selon le droit.

Evoluant sur une plage de sable couvrant l’ensemble du plateau ceint par des murs aux couleurs grisâtres et incertaines, les comédiens enchaînent les trois tragédies, «Agamemnon», «les Choéphores», «les Euménides» dans un espace-temps réel et dans une profonde concentration d’esprit comme si l’enjeu de la démocratie leur appartenait effectivement, conscient du poids de l’Histoire qui les regarde!...

Ce spectacle hors du commun nous fascine autant qu’il nous inquiète, mais les comédiens sont bel et bien des humains, nos semblables!... Certes ils peuvent s’appeler Christiane Cohendy, Patrick Pineau, Philippe Morier-Genoud, ils sont une vingtaine sur scène durant 220 minutes, entrecoupées de deux entractes de 20 minutes chacun, à entrer en résonance avec ces voix mythologiques et divines!...

Theothea le 23/12/99

PEINE D'AMOUR PERDUE

de  Shakespeare

Mise en scène:  Emmanuel Demarcy-Mota

****

Théâtre de la ville

Tel: 01 42 74 22 77

 

Tout dans ce spectacle d’Emmanuel Demarcy-Mota appelle à la jubilation!.. A commencer par la traduction de François Regnault qui dans le profond respect de l’élan Shakespearien, trouve les envolées équivalentes de la langue française en lui restituant la fraîcheur des sentiments ainsi que l’humour des allitérations, des périphrases et autres métaphores!...

A l’instar de «L’Orestie» de G. Lavaudant, la plage de sable y apparaît comme le lieu essentiel du décor, en suggestion pour les comédiens d’un jeu voluptueux, souple et sensuel!...

Aussi ceux-ci s’en donnent à coeur joie de simuler la parade amoureuse qui confronte, rapproche, excite le roi de Navarre avec trois de ses princes face à la princesse de France, accompagnée de trois dames de compagnie!...

Mais voilà que serments et parjures se dressent comme des obstacles mal anticipés et dont la gestion ne sera assumée que dans la muflerie et le simulacre!...

Chacune, chacun tour à tour se sent floué, trahi!... Aussi rien ne permettra la fusion des couples, alors même que les proches se dépensent sans compter à jouer la comédie au propre comme au figuré de manière à divertir ces beaux jeunes gens de leurs tourments et de leurs passions contrariées!...

Une chorégraphie de mantes religieuses semble s’emparer de la scène du Théâtre de la Ville, alors que les rires fusent devant tant de spontanéité maladroite, tant d’espièglerie enjouée et surtout tant d’enthousiasme à jouer ces personnages fantasques que Shapkespeare nous offre comme un cadeau «de jouvence»!....

Pour n’en citer qu’une et qu’un, alors même que l’ensemble de ces jeunes comédiens nous ébaudissent de leurs talents, Valérie Dashwood et Benjamin Egner, l’un de ces couples qui se refuse, irradient de leur charisme le sable doré des promesses!...

A voir «Peine d’Amour perdue», tant de plaisir à gagner!...

Theothea le 22/12/99

L'ENVOL DU PINGOUIN

de François Rollin

Mise en scène: Jean-Jacques Vanier

***

Théâtre de l'Européen 

Tel: 01 43 87 97 13 

   

   

Si l’adaptation au monde moderne était l’art de croire en ses utopies et de les réaliser, Jean-Claude Vanier pourrait en être son pygmalion, car en stigmatisant la logique des mécanismes d’ajustement de notre cerveau, le comédien découvre le deuxième souffle, celui qui revendique l’inadaptation comme méthode de compréhension de l’humain!...

A la manière d’un Jacques Tati, Jean-Jacques est d’abord un observateur attentif de ses contemporains, qui en artiste va peu à peu esquisser un personnage évoluant dans l’imbroglio des contradictions sociales, à la recherche constante du fil d’ariane qui permettra de construire les garde-fou.

Toujours se référer aux principes élémentaires de la raison, tel semble être le credo de ce personnage qui se confronte aux déboires et aux désillusions d’une vie où l’injustice semble régner jusque dans les détails les plus infimes!..

Sans doute le président de la République dans sa grande sagesse et par son expérience, pourrait-il trouver remède aux maux endurés par son concitoyen, aussi celui-ci entreprend-t-il de lui écrire une longue lettre afin que celui-là mette un terme à ces dysfonctionnements!...

Tellement obsessionnel, et donc tellement drôle, Jean-Jacques Vanier nous emmène dans les méandres d’un perfectionnisme dont l’enjeu se trouve au coeur de la dialectique que l’homme entretient avec ses idéaux, par essence inatteignables!...

Alors comment ne pas croire avec lui aux vols des pingouins, puisque eux-mêmes en rêvent ?

Theothea le 17/12/99

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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