CHRONIQUES
76 à 80
S36
|
|
|
A VOUS DE JUGER AU PROCES
DES FEMMES
de Frédéric Scens
Mise en scène: Christian Garcia
|
***
Théâtre Lumière (HDI)
Tel: 01 44 49 94 09
|
La compagnie «Les Frappés» semble avoir trouvé
la martingale de ce à quoi pourrait prétendre le
théâtre des années 2000 !...
Pariant sur l’interactivité avec les spectateurs, ainsi que sur
le bouche à oreille notamment grâce à l’internet, celle-ci
a eu en outre le flair et la chance d’investir une magnifique et vaste salle
jouxtant «Les deux Magots» face à l’église de
Saint-Germain-des-Prés à l’heure même où B-H.L.
osait la réhabilitation de Sartre sous l’assentiment général
de la critique littéraire!...
S’emparant de l’esprit de provocation pour fédérer un public
en pleine connivence, de façon à organiser en place publique,
le procès des femmes forcément responsables des maux endurés
par leurs proches, Christian Garcia, le metteur en scène réussit
en restant constamment sur le fil du féminisme retourné comme
un gant, à construire une comédie hilarante en forme de tribunal
des couples, en mal de mauvaise foi affective!....
Du grand art piloté à vue où chacun devra prendre
ses responsabilités et voter à partir de dix chefs
d’accusation en phase avec les tracas de la contemporanéité
quotidienne pour ou contre la culpabilité des femmes!...
Les torts et les raisons s’appréciant comme dans un roman-photos
où le jeu de rôles induirait des arrêts sur image à
chaque saynète signifiante... ou comme dans un happening dont le script
serait écrit depuis toujours!...
Un régal que de jeunes comédien(ne)s ont le plaisir de
partager depuis un an, deux soirs par semaine, et même trois
récemment, devant un jury réunissant l’ensemble des spectateurs
et que la photo souvenir publiée sur le site web
«Les
Frappés» à l’issue de chaque délibération,
révèle sans cesse plus nombreux!...
Ne faudrait-il pas d’ailleurs aux beaux jours organiser ce procès
sur la place même de Saint-Germain-des-Prés sous la pression
d’un tel accroissement d’affluence ?
Dans cet appel à jugement, l’auteur stigmatise les points
contradictoires d’une vulnérabilité contrariée que les
générations de l’après 68 n’osaient avouer, craignant
sans doute l’amalgame avec l’idéologie réactionnaire:
Finie la mode unisexe politiquement correcte?... Déjà ringarde
la parité? Oui, les femmes ne sont pas forcément de bonnes
partenaires dans les chasses gardées du foyer qu’il soit extra ou
conjugal!...
Mais où va-t-on, vous inquiétez-vous soudain à juste
titre?
Tout simplement là où Frédéric Scens,
l’auteur décide de renverser par la rhétorique casuistique,
les arguments à décharge de façon à dénoncer
femelles et mâles pris en flagrant délit d’abus de pouvoir et
à les fustiger les unes comme les autres dans les pièges du
boulevard d’impunité aperçu grand ouvert!...
Comme dans une auberge espagnole, chacun y rencontrera donc sa
partialité et apercevra aisément midi à sa porte; mais
il n’empêche qu’une telle dynamique de groupe a de quoi réjouir
car elle confirme qu’entre les hommes et les femmes, tout est toujours à
construire et à reconstruire!...
Aussi dans la complicité du rire, de fortes chances existent pour
que des fondations basées sur l’affrontement dialectique, résistent
mieux aux turbulences du temps!...
C’est pourquoi s’impose un grand merci à la compagnie «Les
Frappés» qui fait ainsi office de salubrité publique et
affiche l’humour de proposer à tous les spectateurs perspicaces, ses
services psycho-juridiques à
moitié
prix d’une place de théâtre!...
Qu’on se le dise, pour faire la tendre guerre entre les hommes et les
femmes, ça se passe chaque fin de semaine en l’an 2000, dans un joyeux
fou rire à St Germain-des-Prés!...
Theothea le 20/02/00
|
FANFARES
de Georges Lavaudant
Mise en scène: Georges Lavaudant
|
***
Théâtre de l'Odéon
Tel: 01 44 41 36 36
|
Voilà assurément un spectacle qui ne se raconte pas, car
sous l’effet d’un rêve éveillé, il vous entraîne
là où vous souhaitez être transportés!...
Un palmier, une case blanche cubique avec sa porte intrigante, un sol
terreux, le bruit assourdi du clapotis des vagues!... et quelques personnages
étranges qui pourraient sortir d’un film de Frederico Fellini ou de
Theo Angeloupolos!...
Cependant, c’est la chorégraphie de Jean-Claude Gallota et Mathilde
Altharaz qui les meut tels des pantins mécaniques et
désarticulés....
Georges Lavaudant souhaitant marquer une respiration vivifiante à
la suite de son Orestie d’Eschyle, laisse place ainsi, sur la scène
du théâtre l’Odéon qu’il dirige, à une bouffée
de fantasmes et à leurs images subliminales tout à la fois
branchées et nostalgiques!...
En guise de texte, seules des voix off, comme celles de Jean-Luc Godard
ou Roger Blin lancent par moments à la cantonade, quelques aphorismes
ou autres maximes, comme autant de ruptures avec le rythme discret de musiques
emplies de feeling concassé!...
En totale confiance avec leur metteur en scène et leurs
chorégraphes, les neuf comédiens s’abandonnent à une
gestuelle déstructurée et pourtant toujours en phase
synchrone!...
Comme en un souffle venu d’ailleurs qui vous emporterait vers des
contrées de temps suspendu!...
Theothea le 01/03/00
|
DÎNER ENTRE
AMIS
de Donald Margulies
Mise en scène: Michel Fagadau
|
****
Comédie des champs-Elysées
Tel: 01 53 23 99 19
|
C’est à front renversé qu’il est opportun d’observer cette
inter-action de deux couples amis qui en confrontant leurs
désagréments respectifs, vont sembler s’influencer en des
tentations antagonistes!...
Attention, un couple pourrait bien en cacher un autre!...
Effectivement le mariage de Karen et Gregg serait à l’origine de
celui de Tom et Lisa!... Les spectateurs en sont pris à témoin
lors d’un flash back évoquant un repas champêtre fondateur!...
Comme si l’amitié respective entre garçons d’une part et
entre filles d’autre part était de fait suffisante pour modéliser
le concept de couple à reproduire!...
Et bien entendu, les protagonistes Tom et Lisa vont se faire piéger
car leurs affinités apparentes sont des leurres que le couple marié
de Karen et Gregg fait miroiter plus ou moins consciemment!...
C’est alors qu’à rebours le nouveau couple en formation, en
éprouvant les difficultés inhérentes à ce pernicieux
assemblage affectif initial et en prenant rapidement la décision de
se séparer afin que ses deux membres, Tom et Lisa retrouvent
l’autonomie essentielle à leur équilibre de vie, va peu à
peu susciter une profonde remise en question du mariage de Karen et Gregg,
confrontés ainsi à une image-miroir en accéléré
d’un contre-modèle existentiel qui les menace!...
Qui influence qui? «Comment ne pas se perdre?» murmure Karen,
fragilisée et tourmentée aux oreilles de Gregg, comme perdu
à trouver la réponse adéquate!...
A front renversé donc, car l’émotion poignante de cette
pièce américaine provient en conséquence, de cette double
influence antagoniste que l’Amitié disputerait à l’Amour en
tentant de s’imiter réciproquement!...
Patrick Chesnais reprenant le rôle de Tom interprété
initialement par Didier Sandre rejoint le trio Catherine Frot, Liana Fulga
et Jean-Pierre Malo et tous ensemble donnent ainsi à cette comédie
un goût de désenchantement qui en constitue paradoxalement son
charme!....
Comme si de cette étrange amertume pouvait s’élever
l’affirmation d’un nouvel élan dont seul l’Amour détiendrait
le secret!...
Theothea le 02/03/00
|
RESONANCES
de Katherine Burger
Mise en scène: Irina Brook
|
****
Théâtre de l'Atelier
Tel: 01 46 06 49 24
|
Quatre comédiens aux quatre coins du plateau en blancheur nue!...
Comme une onde entrant en vibrations, un imperceptible sourire révèle
instantanément le plaisir de jouer à jouer!... Entrée
en résonances ici et maintenant: Carpe diem!...
«Je n’aime pas les commencements!» chuchote Cléone à
Wallace qui en phase avec la difficulté à être,
s’essaye à contourner les prémisses!....
De l’autre côté du miroir, Alice et Jim cherchent
déjà d’improbables points d’ancrage!...
Comme dans un ballet de mantes religieuses, tous s’approchent dans
l’esquive et flirtent avec l’audace timide de ceux que l’âme conduit
vers la rencontre!...
Le père, toujours le père qu’il faut tuer pour acquérir
le droit à exister!...
Le voici précisément, il traverse leurs vies en glissant
comme sur ce plateau de l’Atelier, en rollers!... Pour le fun ?
Non bien sûr, il n’aimait pas la mère de Cléone!...
L’aveu est salvateur, sa fille pourra enfin s’exprimer par
l’écriture, à l’instar de Wallace, taraudé pareillement
par l’ambition littéraire!...
Ainsi à deux, ils ont acquis les mobiles de l’Amour!...
Mais essai transformé par Alice et Jim, emportés par la
Love Story de ceux que le temps presse!.. Combattre l’adversité,
véritable antidote au doute affectif!...
Dans l’air du temps théâtral, chorégraphie
déstructurée tourneboule les planches du texte articulé
!... En vibrations ondulatoires se calme le jeu des passions tragiques, parce
qu’humaines, toujours plus humaines!...
Des comédiens en survoltage libidinal et en quintessence de quête
subliminale, conduits par des mains expertes de mise en
résonances!...
Des hommes, Serge Hazanvicius & Jérôme Kircher qui catalysent
!...
Des femmes, Isabelle Carré & Irène Jacob qui
révèlent !...
Un père, Thierry Bosc qui cristallise la part de réalité
tangible de "Morphic Resonance", oeuvre magnifiquement traduite et adaptée
en français par Marie-Paule Ramo.
Une alchimie du désir à vivre, à lire entre les lignes
d’une seule main, celle du libre arbitre à conquérir par plaisir
!...
Theothea le 03/03/00
|
LE MOMENT DU
PLAISIR
de Crébillon-fils
Mise en scène: Jean Dalric
|
*
Théâtre d'Edgar
Tel: 01 42 79 97 97
|
Invités aux ébats de Clitandre et sa marquise au
théâtre d’Edgar, nous observons les deux comédiens, Elodie
Piacentino et Jean Dalric se donner habilement la réplique sur un
fil d’équilibriste qu’ils tendent tout autour du dais surplombant
le lit de toutes les concupiscences!...
Le libertinage leur inspire une conversation autant précieuse que
malicieuse en secrétant quelque plaisir distillé avant, pendant
et après la douce excitation d’Amour!...
Ce langage châtié avec lequel ils rivalisent d’adresse en
jonglant avec ses tournures syntaxiques et grammaticales alambiquées,
les font pâmer de plaisir!...
Aussi nous spectateurs qui sommes si près à les toucher
presque, nous assistons en témoins de cette luxure fantasmatique,
tout impuissants en notre renoncement à être les voyeurs de
leurs émotions si délicates!...
Une agréable parodie de marivaudage galant qui laisse néanmoins
un vague sentiment de frustration carnavalesque!....
Theothea le 08/03/00
|
|

|