Forum Théâtre Magazine

   

     

CHRONIQUES

    Saison 99-00

         81 à 85  S37    

 

    

   

    

      

LE MAÎTRE ET MARGUERITE

de Mikhaïl Boulgakov

Mise en scène: Lisa Wurmser

***

Théâtre de Vitry (tournée)

Tel: 01 55 53 10 60

La production de ce spectacle l’a d’emblée situé sous le signe du cheminement selon une tournée contournant Paris de plus ou moins loin!...

Trouvant son point d’orgue à Vitry pour une dizaine de soirées, c’est par la suite pour des représentations uniques qu’il se déplacera de place en place, jusque vers fin avril 2000 !...

Le théâtre de Mikhaïl Boulgakov s’avance masqué et comme dans un jeu de poupées russes qui savent se révéler en se dissimulant, les personnages, les thèmes, les situations prennent valeur métaphorique!...

Ecrit dans une cave sous la terreur stalinienne, ce texte y symbolise la résistance intérieure de l’Homme cerné par la dictature!... s’y rencontrent des personnages haut en couleurs tel le diable, un écrivain suicidaire, un chat géant, Jésus, Ponce-Pilate, une très belle femme énigmatique dans le Moscou des années vingt, mais également dans la Jérusalem antique et même l’éternité!...

Force est ainsi donnée à l’imaginaire qui mieux que les concepts philosophiques, est à même de susciter compréhension et empathie vis-à-vis des luttes menées contre les pulsions de mort du totalitarisme.

La mise en scène de Lisa Wurmser stimulée par l’adaptation réactualisée de Jean-Claude Carrière, ose s’immiscer dans les profondeurs de ce cauchemar pour lui apporter les tonalités d’un rêve éveillé ouvert aux vibrations artistiques des flux de Vie!...

La Magie et l’irrationnel guident ainsi les comédiens dans les méandres du délire collectif que ne renierait point la comédie musicale!...

Foisonnant d’idées dans sa conception, la réalisation de ce spectacle s’offre tout autant aux plaisir des yeux et des oreilles qu’à celui de l’esprit!...

Theothea le 09/03/00

LE SERPENT QUI DANSE

de  Etienne Pommeret

Mise en scène: Etienne Pommeret

**

Théâtre Cité Internationale

Tel: 01 43 13 50 50 

La compagnie «C’est pour bientôt» s’est ainsi installée pour le mois de mars 2000 dans la galerie de la Cité Internationale!..

Accueillis dans la pénombre tamisée d’un grenier hétéroclite du souvenir musical, nous pénétrons en un lieu façonné façon cabaret:

Tables, chaises et tabourets épars, balisés par trois scènes perpendiculaires et un bar éclairés par des lustres bringuebalants et festifs!... ambiance très chaleureuse!...

Conviés à s’installer, une boisson vous est offerte en bienvenue d’un spectacle de 2 heures et demie avec deux entractes.

Le théâtre y est à la fête en rassemblant dans un joyeux maelström les auteurs les plus divers comme Eschyle, Edward Bond, Claudel, Shakespeare, Büchner, Copi, Hugo, Handke, Dubillard, Racine, Musset, Goldoni, Tchekhov, Vitez, Guenoun, Brecht, Molière, Beckett, Gombrowiccz, Labiche, Lapointe, Tristan,  Duras, Remy, Lenz...

Excusez du peu, d’ailleurs si vous voulez jouer le jeu, il vous est proposé un encart avec 15 titres de pièces à découvrir durant le spectacle!... Vous pourrez ainsi faire gagner à un ami une invitation gratuite pour assister également à ce cabaret théâtral:

Douze comédiens qui en fanfares et en choeur vont faire battre les trois coups de la mémoire collective dont chacun d’entre nous s’appropriera ses propres souvenirs et émotions de théâtre!...

Davantage polyvalentes que les garçons dans la maîtrise des instruments musicaux, les comédiennes surfent du piano au saxo en passant allègrement par l’accordéon!.... Tous chantent aux quatre coins du cabaret, arpentant d’une scène à l’autre, un espace illimité où les répliques de ces auteurs de renom fusent sans vergogne, en se chevauchant joyeusement!....

Pour les yeux et les oreilles, c’est un régal polyphonique de tous les instants qui met en éveil et titille le champ de nos connaissances : «L’ai-je bien reconnu, cet extrait ou suis-je dans la confusion?».

A chacun ici de se faire son théâtre, en le partageant en pleine empathie, avec tous!..

Theothea le 08/03/00

L'AVARE

de  Molière

Mise en scène: Andrei Serban

***

Comédie Française

Tel: 01 44 58 15 15

 

S’articulant selon un décor en trompe l’oeil où des paravents successifs, créés par la styliste et peintre Marielle Bancou, se substituent les uns aux autres en se déplaçant comme des buissons animés, la mise en scène d’Andrei Serban s’avance en faisant tomber les masques qui se cachent en des impostures respectives!...

En effet Harpagon abusant du pouvoir paternel contraint ses proches à travestir en sa présence, leurs pensées comme leurs actes et chacun donc y va de sa dissimulation derrière son paravent du quant-à-soi!...

Mais tels des voleurs furtifs, tous glissent de cour à jardin, avec leurs carapaces improvisées ouvrant de multiples portes en chausse-trappe, révélant autant d’envers du décor que de pensées retournées sur elles-mêmes!...

Il faudra donc mettre un terme à ce petit jeu, très drôle assurément pour le public mais qui les rend tous malheureux, et cela sans que la morale y trouve sa mesure ailleurs que dans le compromis!...

Harpagon récupérera donc son cher argent en surcroît d'une belle-fille effectivement bien dotée!... Ce qui autorisera ainsi ses enfants et ceux d’Anselme à s’unir en couple!... Tout est bien qui finit bien!...

Cependant entre-temps les comédiens auront réussi à nous ravir, en virevoltant avec virtuosité d’un paravent l’autre dans ce labyrinthe de la pensée qui s’esquive pour mieux se jouer des stratagèmes réciproques!...

Cléante (Eric Génovèse) face à Harpagon (Gérard Giroudon), mate superbement son partenaire qui à son tour rend la monnaie avec délectation et au centuple à l’intention de Valère (Eric Ruf)!...

Elise (Florence Viala) et Mariane (Céline Samie), l’une sage et l’autre vamp, se plaisent à attiser selon des registres distincts mais tout aussi efficaces, les motivations de leurs prétendants!...

Mais c’est bel et bien le double combat mené en frères et soeurs, dont l’un s’affirme ostensiblement aux yeux de tous et l’autre s’ignore comme tel jusqu’à la phase ultime des négociations, qui catalysera ce jeu de dupes que l’entremetteuse Frosine (Muriel Mayette) et le valet La Flèche (Alexandre Pavloff) ne cessent de compliquer en voulant bien faire!...

Un spectacle qui se déverse sur la scène de Richelieu en vagues tempétueuses, déferlantes dans le sarcasme pour venir se répandre avec maestria dans l’allégresse du rire!...

Theothea le 16/03/00

LETTRES D'UNE MERE A SON FILS

de  Marcel Jouhandeau

Mise en scène: François Bourgeat

**

Théâtre du Rond-Point

Tel: 01 44 95 98 10

En ces temps de prochaine mise en disponibilité de direction de théâtre, Marcel Maréchal lâche les rênes de la fausse pudeur:

Seul sur la scène de la salle Jean Vauthier, il transcende les personnages d’un journal intime qu’il a lui-même initié sur les planches à partir de la correspondance que Mme. Jouhandeau Mère adressa quotidiennement entre 1908 et 1936 à son fils Marcel, l’écrivain!.. et qu’avec la complicité de la voix de Madeleine Renaud, Marcel le directeur avait créé en 1983 à Marseille, puis déjà dans ce même Théâtre du Rond-Point!...

La boucle paraît ainsi se refermer symboliquement sur un panthéon personnel que Marcel Maréchal lègue de la sorte, en partage de patrimoine!...

Pas de réponse à ces lettres soucieuses d’Amour protecteur, exclusif et pérenne!... Et pour cause, puisque il suffit que par-delà l’espace et le temps, Madeleine Renaud et Marcel Maréchal eux se répondent!...

En conservant et en faisant publier une partie de ces lettres intimes qui parlent d’un autre temps du sein de la France profonde, Marcel Jouhandeau tendait ainsi le flambeau de la nostalgie et de la reconnaissance filiale qu’une femme et un homme, eux comédiens de leur état, pouvaient ainsi nous transmettre!..

Mais aujourd’hui, c’est bien parce que Marcel Maréchal est lui, vivant devant nous «hic et nunc», motivé par sa passion et ses ressentiments du moment que les forces du témoignage authentifient la valeur de ces sentiments essentiellement douloureux et cependant nourris d’espoir!...

Un moment intense de théâtre que le temps suspend au-dessus des consciences malheureuses de n’être pas suffisamment entendues!...

Theothea le 14/03/00

MANQUE

de  Sarah Kane

Mise en scène: Bernard Sobel

*

Théâtre de Gennevilliers

Tel: 01 41 32 26 26

«Manque»? «Absence»!.... Absence à soi, aux autres, au monde!...

A parité et en alternance avec «Bad Boy», «Manque» constitue un diptyque mis en scène par Bernard Sobel, illustrant l’effondrement des valeurs et des référents. "Les Barbares sont à nos portes!", explicitait récemment Jean Gillibert; Sarah Kane surenchérit puisqu’elle nous parle hors champ  d’après la bataille!...

Une litanie infinie de plaintes, adossée au vide de l’âme, s’élève à quatre voix de l’armée des morts-vivants, symbolisés ici par des mannequins figés à jamais sur leurs sièges dans la tribune d'un improbable  stade!...

Celle-ci, pivotant sur elle-même, vient jusqu’au devant du public délivrer le poème désespéré de Sarah Kane qui en quatre années et cinq pièces atteignit le firmament de la critique anglaise!...

En point d’orgue de sa brève et intense carrière en dramaturgie qu’elle conclut en suicide le 20 février 99, l’immense solitude dont elle se sentait le témoin dépositaire en un océan d’inhumanité, trouve en cette ultime pièce «Crave» («Manque») les bornes extrêmes du langage syncopé en quelques syllabes et celles d’une dialectique identifiant ses personnages à l’aide de lettres esseulées!...

Effectivement perdus en cette marée bariolée de corps à l’abandon, les quatre comédiens prêtent leurs seules bouches en unique chorégraphie de l’outre-tombe!...

Et puis s’en retourne la tribune dans les limbes du Théâtre, sous l’ovation du Stade!...

Theothea le 17/03/00

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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