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CHRONIQUES

    Saison 99-00

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 Choix des Chroniques  

   

    

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LA TERRIBLE VOIX DE SATAN

de Gregory Motton

Mise en scène: Olivier Maurin

 Choix des Chroniques *

Théâtre Paris-Villette

Tel: 01 42 02 02 68 

 

Dans le cadre de la manifestation théâtrale «Londres sur scène» qui a sélectionné une dizaine de spectacles s’étant joués en Grande-Bretagne, pour en proposer du 29 Février au 8 avril 2000 quelques représentations en France aux Théâtres Silvia Monfort, Paris-Villette et Cité Internationale, cette pièce de Gregory Motton fait exception car programmée pour une durée d’un mois jusqu’au 25 mars, elle a été publiée et montée jusqu’à ce jour exclusivement en France.

Une atmosphère onirique imprègne ce conte qui nécessite de la part du spectateur un abandon total aux démons de l’irrationnel!...

Comme si le surréalisme allait chercher son inspiration dans les contes de Perrault, Tom Dohenny emboîte ses pas dans les bottes de l’ogre, semblant pour le meilleur et pour le pire, y flotter quelque peu!...

A l’appel de l’oiseau magique tel un guide éclairé, les monstres mythiques rivalisent sur scène avec le fantastique des légendes irlandaises comme si la quête du graal ne pouvait trouver son sens qu’en parcourant, en aveugle, le labyrinthe infini des métaphores exprimés par le langage!....

Les comédiens se livrent à coeur joie dans l’ivresse des répliques délirantes, trouvant les repères de la cohérence dans les contraintes techniques qu’ils assument avec intégrité!...

Isabelle Randrianatoavina tire son épingle de ce jeu diabolique, révélant un charisme aux multiples facettes!....

Spectacle à apprécier en phase et à l’aune des vibrations ressenties!...

Theothea le 22/03/00

TOUT MON POSSIBLE

d' Emmanuel Bourdieu

Mise en scène: Denis Podalydès

 Choix des Chroniques **

Théâtre de la Commune

Tel: 01 48 33 93 93

Faudrait-il que les potentialités de chaque être humain s’épanouissent en une entité idéelle différenciée ou au contraire au sein d’une âme collective?

C’est la problématique que soulève sous des oripeaux fantasques cette fable théâtrale qui confronte le «mal être» relatif et les ambitions déçues de tout un chacun!...

Un psychiatre fou ou son pléonasme imagine donc pouvoir soulager la difficulté à vivre de deux de ses patients en leur suggérant l’existence d’un double d’eux-mêmes qui tendrait à l’accomplissement idéal de leur personnalité!...

Cependant le principe même de cette coexistence impliquera l’impossibilité d’une mise en présence de l’original face à son double!... De là naîtra le désagrément ressenti par Rose et Lucas d’évoluer quelque part entre perfection et contingence, comme en état d’apesanteur!...

Pour sortir de cette ambiguïté monstrueuse, une démarche à rebours est initiée par Lucas qui par un coup de force se substitue au médecin et crée une machine infernale à remonter sinon le temps, tout au moins l’identité première!...

Mais ironie du sort, comme le concept de double n’avait jamais existé qu'en tant que simple «effet placebo», au lieu de revenir à l’unité initiale, la machine renvoie ses cobayes dans le magma de la matière vivante originelle!...

Douloureuse expérience ou objectif ultime du destin humain? Emmanuel Bourdieu se garde de transgresser la métaphore en nous faisant cheminer allègrement l'histoire de la philosophie, du mythe de la caverne de Platon à la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave!...

La mise en scène alerte de Denis Podalydès semble respirer au rythme d'une inspiration cinématographique!... Quant aux comédiens, ils excellent à se plier aux lois d’un texte à la fois cérébral et fantastique!...

Par un effet d'étrange concomitance, un ascenseur emblématique rappelle «L’Hôtel des deux mondes» d’Emmanuel Schmitt!... Ainsi pourrait se confirmer l'intérêt contemporain pour le thème spéculatif du «Passage»!...

Theothea le 24/03/00

VA DONC CHEZ TÖRPE

de François Billetdoux

Mise en scène: Georges Werler

 Choix des Chroniques **

Théâtre du Vieux-Colombier

Tel: 01 44 39 87 00

Déconcertante cette pièce qui donne à voir le mystère sans jamais le pénétrer!...

Le suicide, affaire personnelle ou choix de société? Onze personnes venant de toute l’Europe, réunies dans une improbable auberge tenue par une femme étrange, Maria Törpe!.. Et puis un Inspecteur, Karl Töpfer dont l’enquête semblera au fur et à mesure obscurcir la vérité, si tant est qu’il y en est une à découvrir!...

Objectivement un constat se dresse a priori: Des suicides à répétition emportent la vie de pensionnaires qui sont venus de leur plein gré pour séjourner en villégiature dans cette auberge quelque part en Europe de l’Est!...

Mais à partir de là, tout rationalisme sera battu en brèche, si ce n’est que Maria Törpe semble fasciner et sans doute séduire les personnes qui la côtoient!... Serait-ce cependant un mobile suffisant pour que, tels des papillons guidés par la rumeur, des voyageurs de conditions sociales hétérogènes viennent tenter le sort, motivés par une curiosité mortifère!...

Telle la sirène de la Lorelei qui attirait les bateliers pour les faire chavirer, Maria pourrait être délibérément ou à son insu, cette mante religieuse, grande dévoreuse de proies humaines acculées au désespoir!...

Chacun restera dépositaire de son secret et c’est sans doute précisément dans cette perspective que le suicide pourra effectivement apparaître fédérateur!..

La mise en scène de Georges Werler ne cherche pas à éclairer l’indicible mais celui-ci, à l’instar d’un entomologiste, force a contrario la logique de la contradiction  à s’épuiser elle-même dans toutes les impasses du labyrinthe de l’entendement.

Au demeurant les personnages conservant imperturbablement leur quant-à-soi, l’interprétation contraint les comédiens à évoluer en zone glauque, à tel point que l’attrait fascinant de Maria Törpe semble lui-même en pâtir!...

Alain Pralon, superbe dans la candeur irritée, contrebalance l’inertie abyssale d’un thème qui agite toutes les interrogations muettes!...

Theothea le 28/03/00

BONJOUR, BEL AMI

de Guy de Maupassant

Mise en scène: Madona Bouglione

 Choix des Chroniques *

Théâtre du Ranelagh

Tel: 01 42 88 64 44

     

C’est toujours un grand plaisir que de se rendre au théâtre du Ranelagh qui nous accueille chaleureusement avec ses lambris et ses poutres de bois.

«Bonjour, Bel Ami» y est actuellement mis en scène par Madona Bouglione dont le parcours scénographique n’est pas précisé dans le dossier de presse!...

Investissant le théâtre en y incluant le bar et la salle, la pièce tourneboule le spectateur durant 2 heures et demie en exploitant une pléthore d’idées dont la réalisation semble s’adosser davantage à des perspectives cinématographiques, voire publicitaires qu’à une lecture dialectique et contradictoire d’un texte, véritable chronique de fin du XIX décrivant avec acuité les moeurs du Tout Paris de l’époque!...

Un jeune «Rastignac» souhaitant faire carrière dans la presse, y monte en brûlant les étapes, l’échelle de la notoriété sociale et de la carrière professionnelle tout en louvoyant entre les ambitions de ses confrères et celles de ses maîtresses!...

Sur fond d’intrigues politiques et d’interventions colonialistes, Georges avec un cynisme aguerri séduit, conquiert et rejette au gré d’un opportunisme que lui dicte un instinct de plus en plus pragmatique.

Emportés par une direction d’acteurs qui surfe sur les scènes, en des fondus enchaînés de lumière et de musique, les comédiens n’ont pas l’audace d’habiter les personnages tellement ils semblent être projetés les uns contre les autres comme dans les images d’un film muet visionné à vitesse accélérée.

Alors qu’elle semble être construite pour éblouir, cette réalisation tape à l’oeil déconcentre l’attention!... Comme si une réalisatrice trop douée oubliait de discipliner un imaginaire envahissant jusqu’au sujet même de l’oeuvre de Guy de Maupassant qu’elle a pris en charge!...

Autour d’un lit à baldaquins en totem à rideaux, les protagonistes défilent comme à guignol en des scènes de concupiscence qui se neutralisent dans l’ennui d’un jeu compulsif!...

En présence discrète de Pierre Tabard son époux sur scène, une comédienne nous a semblé être en mesure de résister à ce déferlement créatif, marquant son territoire de manière à donner de la chair et de l’émotion à son rôle: Il s’agit d’Isabelle Tanakil interprétant Mme. Walter.

Les autres talents demeurent délibérément cachés et c’est la perspicacité de chaque spectateur qui pourra, le cas échéant, les y débusquer!..

Theothea le 30/03/00

LE ROI CERF

de  Carlo Gozzi

Mise en scène: Benno Besson

 Choix des Chroniques ***

Théâtre de Chaillot (Gémier)

Tel: 01 53 65 30 00

Ce roi cerf emmène notre imaginaire en des lieux que nous pensions avoir abandonné à la nostalgie de l’enfance!...

Nous acceptons d’autant plus aisément l’aventure que cette fable illustrant la réincarnation, fût-ce d’un animal mort vers un humain ou vice-versa, fustige au-delà de la candeur métaphorique, l’abus des pouvoirs d’initiés!...

Ingénu Déramo, ce roi qui accepte en présence de Tartaglia, premier ministre arriviste, de dévoiler et d’appliquer la formule magique qui va permettre d’une part au cerf de se transmuter en royale fonction, abandonnant ainsi toute apparence humaine de monarque mais surtout à Tartaglia d’endosser les atours et la crédibilité du pouvoir!...

Cependant la même formule magique pourra par la suite renverser ce rapport de forces momentanément en faveur de l’injustice et de la jalousie!...

C’est évidemment l’Amour sincère d’Angela ne reconnaissant plus la belle âme de son prétendant qui triomphera du subterfuge crapuleux, faisant alors deviner derrière les traits d’un vieillard hideux, la passion ardente qui s’est réfugiée dans ce corps flétri après une nouvel avatar de la fameuse formule magique!...

Le surréalisme de «La belle et la bête» de Jean Cocteau nous semble ainsi entrer comme en résonances avec le théâtre fabulesque de Carlo Gozzi qui, dans les années 1760, pénétrait délibérément le champ du merveilleux à travers les masques de la comedia dell’arte et en réaction frontale aux analyses philosophiques de Carlo Goldoni!...

Dans un décor de Jean-Marc Stehlé qui métamorphose allègrement un palais des mille et une nuits en forêt des songes luxuriants, ce sont les jeux de l’enfance qui inspirent ceux des comédiens, emportés par l’enchantement des mots et les sortilèges de ce conte vénitien!...

Theothea le 05/04/00

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