CHRONIQUES
91 à
95
S39
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CHRYSSOTHEMIS
de Yannis Ritsos
Mise en scène: Pierre Tabard
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Théâtre du Tourtour
Tel: 01 48 87 82 48
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Catherine Sellers se montre prodigieuse dans l’interprétation de
cette souvenance en forme d’interview confiée virtuellement à
un jeune journaliste!...
C’est l’enfance comme innocence qui y est affirmée mais surtout
comme observation de l’horreur et de la beauté d’un monde à
la fois humain et barbare!...
Chryssothémis, petite soeur d’Electre, d’Oreste et
d’Iphigénie est le témoin muet des guerres et des massacres
perpétrés par la folie des hommes tout autant que la contemplatrice
de la magnificence polymorphe de la nature!...
Et comme ces deux sentiments et sensations réagissent de concert,
Chryssothémis en constitue un panégyrique en forme de litanie
qui remonte à sa conscience bien décidée à
s’exprimer enfin par la parole.
A l’instar de la madeleine de Proust, ce sont de grandes bouffées
de sensualité qui débordent les affects que nous partageons
avec l’enfant en elle, à l’évocation d’un passé plein
d’émotions et de parfums multiples qui se conjuguent avec les pires
effrois!...
Pierre Tabard amène Catherine Sellers à investir la scène
à la manière de cette Chrissothémis de Yannis Ritsos
qui s’empare de la profondeur de ses souvenirs murés jusque-là
dans le silence, en une jouissance réellement actualisée!...
Tragédienne jusqu’au bout de ses longs cheveux postiches, la
comédienne réveille en elle et donc en nous, tous les ressorts
d’un passé que la souffrance aurait martyrisé alors même
qu’elle nous fait part de toutes les voluptés captées dans
le secret des sens exacerbés!...
Seule sur scène, Catherine Sellers partage la responsabilité
concomitante avec Catherine Samie dans «La dernière lettre»
(Vassili Grossman) et celle de Jean-Claude Dreyfus dans «L’accomode
sans tiroir» (Jean Cocteau) de révéler l’intensité
de textes qui atteignent chaque spectateur au plus profond de la conscience
éveillée!...
Theothea le 05/04/00
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FRENCH
CANCAN
de Jacques Offenbach
Mise en scène: Jacques Duparc
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Théâtre des Folies Bergère
Tel: 01 44 79 98 98
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C’est autant un feu d’artifice qu’un florilège de l’oeuvre de Jacques
Offenbach que les Folies bergère laissent éclater dans ce French
Cancan aussi endiablé que les danses urbaines d’aujourd’hui semblent
le convoiter avec un sens réel de la filiation!...
Dans les traces de Roger Louret et sa saga des années tube, twist,
zazou, 80..., Hélène Martini, la directrice de ce
théâtre légendaire, confie au metteur en scène
Jacques Duparc, l’art de mettre en musique vivante, un spectacle qui telle
l’eau dormante, va se déverser en un torrent de froufrous en pleine
sympathie avec les forces telluriques!....
En trente tableaux et autant d’extraits tirés de 9 ouvrages,
grâce surtout à quarante danseurs et chanteurs, une mécanique
époustouflante monte en puissance pour atteindre en deuxième
partie des symbioses musicales qui consacrent Offenbach en une
contemporaneité manifeste!...
Avec pour seul fil conducteur, un orchestre mené par François
Martin sur une direction musicale de Dominique Trottein qui enchaîne
au pas cadencé les répliques que l’oeuvre du compositeur semble
comme par magie se donner à elle-même!...
Sous le signe de la fougue et des grands écarts, Mary Laure Philippon
et Kamel Ouali mettent en pas cette cohorte de silhouettes exhubérantes
que signent les costumes de David Belugou!...
Souplesse et élasticité des danseurs créent une euphorie
que le XIX siècle projette avec enthousiasme dans le XXI
ème!...
Isabelle Fleur et Claudia Mauro emmènent avec une malicieuse
complicité Franck T’Hezan et Philippe Ermelier sur des sommets lyriques
qui longtemps après le spectacle continuent à nous
enivrer!...
Offenbach aux Folies, c’est vraiment Top!...
Theothea le 11/04/00
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LES FEMMES
SAVANTES
de Molière
Mise en scène: Béatrice Agenin
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Théâtre Hébertot
Tel: 01 43 87 23 23
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C’est Dominique Blanchar qui a l’honneur d’être nominée à
l’occasion des Molières 2000 pour son rôle de Bélise
dans cette création des «Femmes savantes» qui
bénéficie en outre d’une deuxième nomination comme
«meilleure pièce du répertoire»!...
Il est cependant manifeste que nombre de ses partenaires auraient pu
prétendre également à cette reconnaissance de la
«profession», tant la distribution de cette mise en scène
par Béatrice Agenin s’avère performante!...
A commencer par cette dernière qui compose une «Armande»
emplie d’une passion de glace à l’égard de Clitandre, en
transcendant son amour absolu pour les «choses de l’esprit», très
loin des contingences de la chair!...
Et puis, il y a la merveilleuse Eléonore Hirt qui encore
récemment donnait la réplique au non moins fameux Jacques Mauclair
dans Gin Game au théâtre du Marais; ici c’est Philaminte, la
mère s’égarant dans ses jugements sur les êtres,
qu’elle interprète avec cette classe qui lui appartient
naturellement!...
Et pourquoi l’Henriette que défend bec et ongles Elise Potier avec
la rage de ceux qui savent qu’ils mènent un juste combat n’aurait
pas partagé un emblématique «meilleur second
rôle»?
De même François Caron, ce Clitandre apparaissant a priori
en retrait, qui en revanche sait affirmer avec superbe ses convictions
lorsqu’il est nécessaire de prendre position face aux
contre-vérités flagrantes!...
Quant à Stéphane Höhn brossant un Trissotin toutes
mailles à l’envers de séduction, jeunesse et sympathie, il
aurait lui aussi largement mérité le plébiscite de
l’opportunisme souriant, magnifié en Art contemporain!...
Oui décidément Dominique Blanchar à elle seule pourrait
fédérer la réalisation d’un spectacle que Molière
à juste titre reconnaîtrait comme le sien!....
Theothea le 12/04/00
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MASTER CLASS
de Mc. Nally
Mise en scène: Didier Long
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Opéra Comique
Tel: 01 42 44 45 46
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Reprise
Chronique du spectacle au
Théâtre Antoine en 99
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LE PLAISIR DE ROMPRE
LE PAIN DE MENAGE
de Jules Renard
Mise en scène: Nicolas Briançon
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Théâtre 14
Tel: 01 45 45 49 77
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reprise 00-01
Studio des Champs-Elysées
Avec «Jacques et son maître» qui recueillit trois nominations
pour les Molières 99, Nicolas Briançon s’affirmait alors comme
révélation masculine et metteur en scène
plébiscité!...
En réunissant aujourd’hui ces deux courtes pièces de Jules
Renard, il confirme la concomittance des talents précédemment
reconnus, imaginant un même personnage masculin avant son mariage et
après de nombreuses années de vie conjugale!...
Portant témoignage sur les moeurs d’une époque
désuète, l’auteur éclaire la permanence des sentiments
contrariés entre les hommes et les femmes!...
A ce petit jeu du compromis avec les interdits, la femme semble prendre
un réel plaisir que l’homme ne partage que dans la mesure où
il espère arriver à ses fins!...
Celui-ci paraît pourtant plus aigri, tellement les convenances sociales
semblent peser sur des schémas établis aussi bien dans les
institutions que dans les mentalités!...
A contrario, les femmes décrites par Jules Renard nous semblent
exceller à ce jeu de société qui se nourrit de
valses-hésitations et autres tergiversations alambiqués!..
Aussi que nous reste-t-il de ces conversations de boudoir feutré,
tout embaumé par des fleurs suaves? Que nous reste-t-il de ces causeries
sans fin partagées en des terrasses plongées dans la chaleur
moite de nuits d’été?
Incontestablement le plaisir du flirt qui sonde perpétuellement
l’abîme qui se dresse entre l’imaginaire des mots et l’indicible du
désir!...
Nicolas Briançon s’appuie sur la fraîcheur des sentiments
pour développer une mise en scène ludique où une femme
ne semble en cacher une autre que pour mettre en valeur le désarroi
d’un homme pris dans les pièges de la candeur feinte!...
Les deux comédiennes Nicole Jamet et Marie Piton, pleines de malice
et de tact avec leur partenaire, invitent subtilement le spectateur à
être partie prenante dans ce jeu de très bonne compagnie!...
Theothea le 14/04/00
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