Forum Théâtre Magazine

   

     

CHRONIQUES

    Saison 99-00

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 Choix des Chroniques  

      

    

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LA MAIN PASSE

de Georges Feydeau

Mise en scène: Gildas Bourdet

choix des chroniques ***

Théâtre Comédia

Tel: 01 42 38 22 22

 

La mise en scène à la fois élaborée et intuitive de «La main passe» par Gildas Bourdet installe délibérément cette pièce de Georges Feydeau en un «centre de gravité» qui maintient l’institution du mariage en état d’instabilité chronique!...

Bien entendu, le rire sera notre compagne de tous les instants, mais force sera d’observer un jeu de société qui, sous des apparences d’ingénuité, développe le cynisme comme art d’une guerre entre les sexes dont le seul atout convoité est d’en savoir saisir les opportunités!...

«La main passe !»... c’est ainsi que toute nouvelle donne attribuera le «mistigri» à l’un des partenaires qui n’aura de cesse de reprendre, en partie, la maîtrise d’un jeu de dupes avéré!...

Pour étayer un tel constat, l’auteur prend le soin d’entourer les protagonistes légitimes par des partenaires fantasques qui seront en charge d’insuffler une tonalité toujours plus délirante à l'égard de situations surréalistes à souhait!...

Qu’une machine infernale, en l’occurrence un phonographe ait enregistré à l’insu de tous, des preuves d’adultère!... Qu’Alcide Chanal décide de mettre son épouse Francine adulée de surcroît par un parlementaire timide et maladroit, entre les bras d’un ancien camarade de lycée, Emile Massenay déjà marié mais amant révélé de sa femme!...

Voilà assurément une base de lancement tonitruante pour un réquisitoire impitoyable sur les moeurs d’une époque, caduques seulement de manière formelle!...

Dans cette succession d’imbroglios frénétiques, un comédien Christian Hecq porte l’extravagance hallucinatoire au sommet d’un art qu’il semble inventer au fur et à mesure de la jubilation collective!...

Tous, dirigés par les perspectives judicieuses de Gildas Bourdet, lâchent alternativement le venin qui transcende les lois de la tragédie en une hilarante comédie machiavélique!...

Pierre Santini, en dindon somme toute complaisant de la farce, inspirera le respect dû à un Alcide Chanal, peut-être seul capable d’un véritable amour... en silence!...

Theothea le 18/04/00

LE CIEL EST EGOÏSTE

de Pierre-Olivier Scotto & Martine Feldmann

Mise en scène: Pierre Aufrey

choix des chroniques **

Théâtre du Palais-Royal

Tel: 01 42 97 59 81

 

Tsilla Chelton est décidément formidable!... Oser interpréter un rôle aussi déjanté confirme une disponibilité artistique humble et exemplaire!...

En gouvernante de Dieu-fait-femme, en l’occurrence Françoise Seigner, Tsilla, ancienne militante communiste décédée dix années plus tôt, seconderait dans l’hôtel du ciel Belvédère, cette propriétaire dilettante devenue indifférente au sort de sa création, toute en humanité!...

Aux premiers instants de la pièce, semble s’imposer une comédie en pâle plagiat de «L’hôtel des deux mondes» d’Eric-Emmanuel Schmitt; puis le propos s’élargit en une vaste parabole bouffonne concernant la destinée humaine engluée dans une contemporanéité médiatiquement réaliste!...

Ainsi un prêtre, petit-fils de la gouvernante, fait irruption dans l’hôtel pour obtenir un rendez-vous avec le tout-puissant pour le sensibiliser aux drames terrestres!...

Dieu nous aurait-il ainsi lâchement abandonné ? Ce sera donc l’histoire d’une initiation à rebours de «cette Dieu» qui, s’incarnant sur terre par le biais d’un jeu de rôles, sera confronté le temps de ce divertissement, aux misères de nos sociétés!...

Cependant la graine ludique prendra racine car à la suite d’une confession actualisée en séance psychanalytique laïque au terme de laquelle le prêtre recouvrera sa liberté d’homme, Dieu elle à son tour se mettra au service des plus démunis!...

Pièce loufoque du début à la fin, il sera toutefois beaucoup pardonné à Dieu et à ses assesseurs puisqu’il permet ainsi à ces deux fameuses comédiennes de renverser toutes les convenances de la notoriété et de faire ainsi preuve d’une vitalité créatrice endiablée jusque dans les moindres recoins d’une divagation socio-philosophique tendance sartrienne revisitée!....

Dire que nous avions apprécié davantage le « mal de mère » du même auteur avec déjà Tsilla Chelton serait un doux euphémisme malgré que les interrogations métaphysiques du «Ciel est égoïste» apparaissent éminemment pertinentes!... Comme dans un grand écart sophistiqué, c’est l’art de l’amalgame tout azimut qui semble prévaloir dans l’écriture à deux mains, pratiquée par Pierre-Olivier Scotto et Martine Feldmann!...

Une bonne nouvelle cependant: Dieu est donc revenu parmi nous!... De même que Tsilla Chelton, Françoise Seigner et Stéphane Bierry que nous sommes ravis d’apprécier sur les planches de ce magnifique théâtre qu’est le Palais-Royal!....

Theothea le 19/04/00

TITANIC CITY

de Frédéric Constant

Mise en scène: Frédéric Constant

choix des chroniques **

Théâtre de la Cité Internationale

Tel: 01 43 13 50 50

 

En Histoire d’un naufrage annoncé, le Titanic City ne cesse d’émettre les signaux de détresse que les conventions internationales ont ainsi pérennisés «Save our souls!... »

De coulisses en coursives, de jardins en promenoirs, de soubassements en cales, la Cité Universitaire de Paris déploie ses atours cachés comme les sortilèges d’une nymphe qui embrasserait l’Univers!...

Cette tour de Babel vénitienne s’enfonce lentement dans les eaux, pendant que les hommes s’occupent à danser sur le volcan de leurs chimères!...

En observateurs attentifs et disciplinés, les spectateurs sont ainsi ballottés par petits groupes de visites à la recherche d’un diagnostic fiable mais fort peu probable!...

A peine croit-on s’approcher d’une part de vérité que le tangage incessant vous force à de nouveaux constats d’aberration!...

Tout ici semble se maintenir en se détraquant inexorablement alors que les signes avant-coureurs chantent les mélopées du naufrage catastrophique!...

Immergée dans les maléfices de la fascination collective, la croisière du Léviathan s’amuse donc délibérément corps et âmes!...

Rassemblant peu à peu le public sur les chaloupes en guise de sauvetage à vau-l’eau, la troupe de comédiens se donne les frissons d’un voyage manière «Théo Angelopoulos»!...

Leurs spéculations philosophiques dessinent à l’unisson des arabesques qu’en chantant, les acteurs s’empressent de projeter dans un imaginaire, entièrement livré aux incertitudes du Tout Absolu!...

Quand Catherine Pietri en égérie charismatique, magnifiquement fatale s’affiche en déesse de la Rédemption, Florence Muller, elle, tente en guide souverain de dominer avec superbe les contingences de la Destinée!...

Un maelström génial les entraîne tous dans un tourbillon logorrhéique, scandé d’invites chorégraphiques, à l’instar d’une arche de Noé tergiversant sur des flots en furie!...

Une mise en scène à la fois volontariste, passionnée et ludique opère en trompe- l’oeil, cette production titanesque en diable au regard des moyens de toutes évidences artisanaux, utilisés par le capitaine Frédéric Constant à la tête de cette pathétique «Compagnie générale de Navigation Mondiale»!....

Theothea le 03/05/00

UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE

d' Eugène Labiche

Mise en scène: Serge Lipszyc

choix des chroniques **

Théâtre Silvia Monfort

Tel: 01 56 08 33 88

 

Sous l’inspiration des films muets en noir et blanc, des camaïeux de gris s’emparent des costumes et décors en trompe-l’oeil, imprégnant ainsi la mise en scène de Serge Lipszyc modélisée dans la gestuelle mécanique des débuts du cinéma où l’hystérie collective apparaissait comme une seconde nature!...

Au piano Akémi Souchay, une virtuose asiatique pleine de vitalité précise et fougueuse, accompagne l’action et les couplets, projetant le chef-d’oeuvre d’Eugène Labiche dans les fastes de la Comédie musicale!...

Franchissant les limites de la clôture, à l’instar d’un couvent, Lionel Muzin sera seul habilité à entretenir une complicité d’aparté entre Fadinard et le public, en faisant irruption au bord de scène, baigné exceptionnellement de lumières de couleurs!...

Ainsi pourront se développer les tribulations de ce chapeau de paille d’Italie, déposé galamment sur une branche du bois de Vincennes et brouté inopinément par le cheval de Fadinard, mettant ainsi en péril l’enjeu de ses «noces» qui le poursuivront tout au long de cette journée de délire!...

Désincarnée et esthétisée jusque dans les profondeurs de la divagation, la direction d’acteurs contraint ceux-ci à un contrôle de tous les instants dont le systématisme pourrait apparaître un tantinet laborieux, si le tourbillon général ne nous empêchait habilement quelque lassitude!...

Le rire fuse plus par bouffées salvatrices que par jubilation endogène mais cette chorégraphie surréaliste s’appuyant sur le choeur de la compagnie du Matamore, maintient l’étrangeté au-delà des lois traditionnelles du Vaudeville, laissant presque imaginer un hommage à Brecht!...

Un chapeau de paille certes d’Italie mais à coup sûr hors normes!...

Theothea le 06/05/00

ANTOINE ET CATHERINE

de  Sylvie Blotnikas

Mise en scène: Julien Rochefort

choix des chroniques ****

Théâtre de Poche Montparnasse

Tel: 01 45 44 50 21

Avec ce bijou Rohmerien d’ «Antoine et Catherine» comment savoir, en appréciant Sylvie Blotnikas et Julien Rochefort, si naissent à notre regard un Auteur, un metteur en scène, deux comédiens ou tous à la fois ?

Le registre de Julien Rochefort serait davantage porté à une direction discrète et à une interprétation en faire-valoir, comme s’il se voulait le mur où rebondirait la balle de sa partenaire, voire la page blanche où se tracerait l’écriture de Sylvie Blotnikas!...

Précédemment, Julien, après avoir joué «La seconde surprise de l’Amour» sous la direction de Marion Bierry déjà au théâtre de Poche, mettait en suite en scène Sylvie dans cette même pièce de Marivaux au théâtre de Chilly-Mazarin!....

Ici pour «Antoine et Catherine», ils créent à deux un spectacle, en autonomie intégrale!...

Ce sont des flots de souvenirs qui remontent à la surface en parcourant cette saga familiale selon sa descendance toujours recommencée avec la petite musique de la tradition, des habitudes et de tout ce qui peut faire repères, anniversaires, baptêmes, mariages, enterrements, jours de l’an etc...

Leur mémoire est la nôtre avec ses modes du jour, ses chansonnettes fredonnées et toujours selon l’évolution des moeurs du moment!...

Des années cinquante aux années deux mille, c’est la chronique du baby-boom qui se feuillette allègrement en suivant à travers l’histoire d’Amour impossible d’ Antoine et Catherine, les générations de leurs parents, enfants, petits-enfants à l’écoute chacun de leurs propres générations!...

Se réunissant au rythme des opportunités de la vie dans le petit square de leur enfance autour d’un banc, symbolique des balançoires de tous leurs jeux, ils se racontent les liens qui se tissent entre eux quel que soit l’éloignement dans le temps et l’espace!....

Pour Sylvie Blotnikas, un travail d’orfèvre en écriture entrelacée que rehausse son interprétation toute en subtilité de charme et de détermination!...

Une véritable révélation juste au lendemain des Molières 2000, qui augure d’immenses talents artistiques!....

Theothea le 10/05/00

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