CHRONIQUES
101 à
105
S41
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LA MAISON TELLIER
de Guy de Maupassant
Mise en scène: Jean-Pierre Hané
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Théâtre Mouffetard
Tel: 01 43 31 11 99
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La programmation du nouveau théâtre Mouffetard a acquis cette
vertu de proposer au résidents du 5ème arrondissement et par
extension aux spectateurs parisiens, des pièces d’auteur de talent
reconnu selon la recette de mises en scène fédératrices
de tous les publics!...
Ce commun dénominateur a pour effet positif d’assurer une
fréquentation appréciable et assidue de cette salle à
petite jauge mais permet difficilement d’oser des productions
audacieuses!...
Au pire les réalisations seront sans couleur ni saveur, au mieux
elles feront un succès d’estime!...
Pour l’heure, «La maison Tellier» hésitera entre ces
deux tendances en ayant pour principal mérite, et il faut le
reconnaître non le moindre, de susciter l’envie de découvrir
ou de relire Guy de Maupassant!...
En édulcorant la spécificité des personnalités
et l’atmosphère pesante d’une telle maison close, Jean-Pierre Hané
semble s’être inspiré pour sa mise en scène plus de
l’ambiance farfelue d’un pensionnat de jeunes filles que de la description
acérée et clairvoyante d’une situation sociale inscrite dans
la province française vers 1890!...
En apposant ce panneau «Maison fermée pour cause de première
communion» se révèle le souhait de l’auteur de confronter
toute cette «petite famille» gravitant autour de «Madame»
avec les contrastes de l’idéologie bon enfant, naïve et
néanmoins très maligne du milieu rural en cette fin de XIX
ème siècle!...
C’est ainsi toute l’atmosphère d’une époque que souhaitait
faire respirer Guy de Maupassant et qui, ici, nous parvient au
théâtre Mouffetard par les filtres donnant priorité au
seul divertissement!...
Se fondant dans une joyeuse compagnie en constante recherche de
frénésie, la qualité intrinsèque des
comédiennes s’évalue à l’aune d’un «esprit
maison» dont il n’est guère possible de différencier les
composants!...
Au demeurant ce spectacle est agréable et permet à chaque
spectateur de passer une bonne soirée!....
Theothea le 31/05/00
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CAFE
de Edward Bond
Mise en scène: Alain Françon
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Théâtre de la Colline
Tel: 01 44 62 52 52
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Passer de l’imaginaire à l’hyperréalisme et vice-versa,
c’est la technique qu’utilise Edward Bond pour sa pièce
«Café» de façon à décaler le propos
et à éveiller la critique du spectateur!...
La guerre sur le terrain, c’est tout d’abord la vie quotidienne d’un
régiment en proie tant aux problèmes d’intendance qu’aux ordres
belliqueux de la hiérarchie!...
Par ailleurs la réflexion sur la guerre, ce peut être
l’irruption de personnages fantomatiques qui, vous prenant par la main,
entreprennent une démarche initiatique à toutes les horreurs
que celle-ci sous-tend!...
Télescopant ces deux approches en les intriquant au point de les
fondre, Edward Bond suscite un malaise généralisé en
effaçant provisoirement les repères manichéens qui
facilitent tout jugement a priori!...
Aussi le spectateur se débattant avec les motivations de ces soldats
qui prennent le temps méthodiquement de préparer leurs armes
afin de massacrer en toute impunité l’ennemi, doit-il tenter de corriger
sans cesse son point de vue en replaçant la métaphore au centre
d'une telle démonstration!
- L'objectif pédagogique de l’auteur pourrait-il être
interprété comme un apprentissage au voyeurisme suggéré
par le metteur en scène?
- Au coeur de l’action une femme et une fille seraient-elles les jouets
de l’humeur de deux soldats ou plus précisément les otages
d’idéologies contraires se débattant dans une vaine dialectique
de l’urgence?
- L’aspiration à la survie constituerait-elle un point de fuite
universel qui tendrait à devenir l’unique paramètre tangible
d’appréciation de tous?
Tels pourraient être quelques-uns des éléments de
la problématique de ce «Café» reposant sur des faits
réels qui se sont produits à Babi Yar en 1926 et dont Edward
Bond souhaitait apporter écho en une interprétation dichotomique,
pour montrer ce qui se passe lorsque l’être humain ignore ou feint
d’ignorer la substance de ses pulsions!...
En prolongement à cette perspective, Alain Françon prépare
d’ores et déjà la mise en scène de la nouvelle pièce
qu’Edward Bond vient d'écrire: «Le crime du XXIème
siècle» qui sera présentée en ouverture de la saison
00-01, dans ce même théâtre de la Colline!...
Theothea le 28/05/00
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HELAS PAUVRE FRED
de James Saunders
Mise en scène: Philippe Ferran
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Théâtre de l'île Saint Louis
Tel: 01 43 67 55 81
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Tout d’abord, il y a le théâtre de l’île Saint- Louis
qui fait oeuvre de charme, niché dans un immeuble au fond d’un passage
de verdure!...
Comme «un grand», il possède sa scène, ses coulisses,
ses trois rangées de fauteuils et même sa cabine technique
surélevée jusqu’aux poutres apparentes!...
Un petit joyau au royaume des glaces «Bertillon» qui donne un
parfum de pérennité à ce Paris de toutes les
découvertes récurrentes!...
Ensuite, il y a Pascale Roberts qui pareillement décline les
sortilèges de la séduction jusqu’au point de nous faire oublier
qu’elle est, trois fois hélas, l’épouse d’Ernest!...
Et lui qui est-il, tout planqué dans les cintres de sa penderie
ad vitam aeternam?
Par ailleurs, ne cherchez pas Fred!... Il a été
découpé en morceaux et le but du puzzle de 55 minutes sera
précisément de lui donner «corps» ou mieux
«substance», de façon à ce qu’Ethel et Ernest puissent
tenter de résoudre ce qui fait tâche au plus intime de leur
union!...
James Saunders oblige aux grands écarts qu’aucune langue de bois
ne pourrait circonscrire!... Constamment sur la brêche, les deux
personnages s’affrontent à coups de mémoire forcément
lucide, à force d’être défaillante!...
La mauvaise foi se livre pieds et poings liés aux verdicts de points
de vue antagonistes et cependant mâtinés de logique
irréductible!...
Tout à la recherche d’un tempo scandé par la mauvaise conscience
d’Ethel, Michel Carnoy s’efforce d’adapter son rôle de traducteur autant
que celui d’Ernest, de façon à parfaire le magnétisme
des mots qui révèlent en se dissimulant!...
La mise en scène de Philippe Ferran se développe
«champ/contre-champ» en se fixant alternativement à
l’intérieur ou à l’extérieur de la fameuse penderie,
lieu de tous les cache-cache fantasmatiques d’Ernest!...
Un fascinant moment de théâtre, en un lieu magique autour
d’une comédienne charismatique!...
Theothea le 5/06/00
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LE SIRE DE VERGY
de Flers / Caillavet
Mise en scène: Alain Sachs
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Théâtre des Bouffes Parisiens
Tel: 01 42 96 92 42
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Jean-Claude Brialy, Directeur des Bouffes Parisiens, a osé accueillir
dans son théâtre, le projet d’Alain Sachs de monter cet
opéra-bouffe qui avait été joué à sa
création au théâtre des Variétés en 1903
pour 50 représentations.
La partition écrite par Claude Terrasse assure une brillante succession
à Offenbach et trouve en s’associant à Flers et Caillavet un
livret prodigieux qui témoigne de la belle époque, tellement
affairée dans sa recherche du temps perdu !...
Six musiciens se fondent dans le splendide décor du château
de Vergy en accompagnant côté cour et jardin cette joyeuse troupe
de douze comédiens-chanteurs qui assurément ne recourent à
aucun artifice technique pour orchestrer avec maestria les trois actes de
cette oeuvre musicale décalée et si réjouissante!...
En amour, un nombre pair serait-il préférable à
l’impair ? C’est précisément cette interrogation qui emmènera
facticement Jean-Paul Farré aux croisades et laissera au château
de Vergy, Fabienne Guyon et Bernard Alane en proie avec leurs terribles doutes
d’amants, ainsi qu'Isabelle Spade avec son remariage sans doute trop
précipité!....
A contre-pied, à contretemps, les faux-fuyants vont enfermer chacun
des protagonistes en des embarras qu’en définitive seuls le chant
et la musique permettront de transgresser en délire collectif!...
La qualité de l’oeuvre et le talent mis à la défendre
devraient emporter l’adhésion de tous, tant ce divertissement est
réellement digne d’une excellente réputation
contemporaine!...
Theothea le 7/06/00
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L'OMBRE DE MART
de Stig Dagerman
Mise en scène: Harold David
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Théâtre Aktéon
Tel: 01 43 38 74 62
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L’exigence d’Harold David cherche sa voie!... Après une formation
universitaire consacrée aux lettres et aux spectacles, tout à
la fois auteur, médiateur culturel, comédien, c’est au titre
de metteur en scène qu’il nous fait découvrir un auteur
suédois Stig Dagerman qui s‘est suicidé à l’âge
de 31 ans!...
Au coeur de leurs préoccupations communes, le concept
d’identité qui ronge l’être humain pris dans les mailles d’un
système de valeurs référentielles!...
Où est-il le héros digne de l’admiration collective, si
ce n’est dans l’aliénation qu’il fait peser sur des êtres humains
qui se noient dans l’oppression initiée par un modèle absolu
?
Mart, c’est donc le frère dont la disparition prématurée
empêchera d’outre-tombe, avec la complicité des vivants
formatés, l’autonomie et le bon développement de la
personnalité de Gabriel, son cadet!...
L’amour d’une mère qui étouffe, le ressentiment d’une
fiancée veuve, la conscience culpabilisante d’être le rescapé,
projettent avec l’assentiment de la victime et de ses tourmenteurs, la
subjectivité de la laideur et des handicaps polyvalents!...
Dans un sursaut ultime, Gabriel tentera de s’affranchir de ces multiples
contraintes mais comme dans la bible, «l’oeil était dans la tombe
et regardait Caïn!».
Effectivement le «regard» est un thème récurrent
essentiel au sein des mythes fondateurs et c’est peu de choses que penser
que la paire de lunettes de Gabriel pourrait y apporter compensation!...
Quatre comédiens emplis d’un souffle que masculin et féminin
ne peuvent épuiser car se situant au-delà de cette
différenciation, dans les limbes de l’unité originelle!...
Une création qui a rebondi par phases successives aux
théâtres du Renard, de Proposition, du Funambule (Avignon off),
à l’Aktéon et qui est annoncée pour une représentation
aux Arènes de Lutèce en septembre 2000!...
En outre la compagnie «La Scène du Balcon» sera de nouveau
présente en Avignon off pour une nouvelle création
«Dyptique» en juillet.
Theothea le 15/06/00
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