Les
Chroniques
de
Theothea
|
 |

chroniques
de 31
à
35
|
LES FRERES TALOCHE
Mise en scène: Emmanuel Vacca
|
***
Théâtre Trévise
Tel: 0 803 815 803
|
Prolongations
20h30 jusqu'au 30
juin 2003
Attention, voilà les Taloche!... Ils triomphent au théâtre
Trévise où vers 22h00 se crée un véritable
embouteillage, alors que leur public croise celui du spectacle
précédent!...
Durant une heure et demie et une douzaine de sketchs qui s’enfilent comme
des perles à broyer les zygomatiques, le rire des enfants se conjuguent
avec celui des adultes selon des intensités et des tonalités
hors normes!...
Proche d’un langage universel, c’est avant tout l’élasticité
du visage et du corps qui brosse les personnages comme s’ils surgissaient
de dessins animés!...
Les Marx brothers, Laurel & Hardy, Buster Keaton, Charlie Chaplin,
Fernand Raynaud... sont appelés à la rescousse pour tenter
d’expliquer la spécificité de leur univers... mais toutes ces
influences réelles et bien d’autres résistent à la
comparaison, car un nouveau style burlesque est né avec les Taloche!..
Leur texte semble se fondre dans la musique du spectacle comme
s’il jaillissait d’un film de Jacques Tati où les répliques
se devineraient en surface du bruit de fond!...
Bande son et images se côtoient en effet comme dans un film muet,
en variant les possibilités de désynchronisation, et en se
projetant en l’absence d’écran même virtuel, sur deux
comédiens, disponibles à tous les transferts
d’imaginaire!...
Du mime, des borborygmes, de la caricature, de la naïveté,
de l’inquiétude, de l’émotion, de la farce, il est possible
de décliner à l’infini les ingrédients sans pouvoir
épuiser le charisme de ce duo, deux frères dans la vraie vie,
auprès duquel les sentiments d’humanité semblent se lover
instinctivement!...
S’il devait y avoir des taloches qui se perdent, pour sûr ceux-là
seraient hors compétition!...
Theothea le 31/10/00
|
L'IMPOSTURE
COMIQUE
de Pascal Bancou
Mise en scène: Xavier Lemaire
|
**
Théâtre de la Huchette
Tel: 01 43 26 38 99
|
Un auteur est né au moment même où celui-ci porte
une sympathique suspicion sur deux de ses célébrés
confrères, Molière et Corneille, excusez du peu!...
Se seraient-ils acoquinés, en se répartissant les tâches
de la création? A l’un l’écriture dans l’ombre, loin de la
cour et de son Soleil de Roi, des pièces signées respectivement
Corneille et Molière!.. A l’autre les plaisirs de l’Amour, le
public-relation et le plan médiatique sous la protection de Louis
XIV!...
Mais que l’on se rassure, Pascal Bancou n’instruit pas présentement
à charge, le procès de ces deux illustres confrères
de Théâtre!... Son objectif est d’initier la problématique
de l’Auteur face à son oeuvre et à ses droits, en utilisant
le rire comme instrument de cette galéjade!...
Et c’est diablement réussi et surtout servi par des acteurs totalement
investis dans cette affabulation provocatrice!...
Si le talent de Claude Debord n’est plus à découvrir, celui
de Yann Bonny percute les murs du légendaire théâtre
de la Huchette; en contrepoint Stéphanie Mathieu joue avec ses deux
partenaires comme une chatte malicieuse et effrontée!... Une équipe
joviale pour un succès assuré!...
Theothea le 26/10/00
|
CINNA
de Pierre Corneille
Mise en scène: Simon Eine
|
***
Comédie Française
Tel: 01 44 58 15 44
|
Il est des pièces qui d’emblée imposent le respect tant
par leur écriture que par leur réalisation
théâtrale!... CINNA de Pierre Corneille est l’une d’entre elles!...
Aussi Simon Eine, le metteur en scène influe-t-il une extrême
dignité aux acteurs en un profond respect vis-à-vis de
l’oeuvre!...
Une sérénité fébrile enveloppe jusqu’au
dénouement, la rhétorique dialectique qui divisera avant de
réunir les protagonistes de cette tragédie, apte à
légitimer le Pouvoir!...
Avec en toile de fond, la grandeur et la décadence de l’empire
romain, c’est la lutte entre radicalisme et relativité qui va imprimer
sur les consciences un enjeu rare, sinon unique au sein du théâtre
classique:
La mort frôlant chacun tour à tour sous les oripeaux du suicide,
du meurtre, ou de l’assassinat, c’est en évoluant constamment sur
le fil du rasoir que, par la concertation, le verbe aura finalement le
«dernier mot» en instituant la magnanimité en valeur
suprême!...
Jamais à l’aune de la trahison, la grandeur d’âme
n’aura-t-elle triomphé avec un tel éclat!... Jamais au regard
de la raison d’Etat, l’intelligence n’aura-t-elle été aussi
bien inspirée par une stratégie tout à la fois
pédagogique, morale et effectivement pragmatique!....
Car, si à la fin des fins, l’image de l’ex-tyran se transfigure
en celle plus flatteuse d’empereur qui «maîtrise la terre et
l’onde», celui-ci devient avant tout, aux yeux du monde et selon son
propre jugement, celui qui se maîtrise lui-même face aux
ressentiments!...
Pour en finir avec l’abus de Pouvoir, qu’advienne donc l’homme de la
véritable «Res Publica»!...
Jean-Claude Drouot, tel un pilier vénérable de la Comédie
Française qui y officierait depuis des lustres, apporte à
l’empereur Auguste, la patine et la stature du commandeur que ce comédien
semble incarner tout naturellement!...
Face à lui, Christian Cloarec évolue dans la sphère
de l’ambiguïté pour composer un Cinna ambitieux, amoureux,
idéaliste mais que ses contradictions enferment peu à peu dans
un piège qu’il ne peut transgresser, à l’instar des autres
conjurés!...
Sur scène, les vestiges d’une colonne grecque en pivotant sur
elle-même, se transforment alternativement en trône, c’est dans
un va-et-vient similaire de la pensée que se construit par
métaphore, le concept de pouvoir «Royal», celui qui devra
se mettre au service des hommes!....
Theothea le 8/11/00
|
COMMENT LES CHOSES
ARRIVENT...
de Jean-Claude Danaud
Mise en scène: José Valverde
|
*
Théâtre Essaion
Tel: 01 42 78 46 42
|
Mais qui sont donc ces trois femmes, une mère et ses deux filles
qui, vivant recluses dans leur cellule, n’ont d’autres contacts avec le monde
extérieur que grâce à leur gardien qui leur apporte notamment
les plateaux repas?...
Cependant ce poste de gardiennage est l’objet de remplacements successifs
et leurs détenteurs se succèdent sur une liste noire
qu’Eulalie et Euphèmie mettent à jour en apposant au fur et
à mesure, une croix devant chacun des noms!...
Capricieuses dans leurs jeux et leurs passe-temps, les deux gamines
virevoltent comme des mouches qui n’auraient d’autres objectifs que
d’agacer le voisinage!...
Quant à la mère, elle plane sur les ailes de la logorrhée,
en se réclamant d’un destin qu’elle semble avoir apprivoisé
une fois pour toutes!...
Et ce n’est rien de se demander qui sont-elles, car une autre interrogation
nous taraude, quel est ce lieu ?
A chacun de se faire son opinion, car ce n’est pas l’auteur Jean-Claude
Danaud qui nous fera la suggestion d’une interprétation que par ailleurs
d’aucuns pourraient estimer métaphysique!...
Dans la foulée de «L’Hôtel des deux mondes» de
Eric-Emmanuel Schmitt, de «Le ciel est égoïste» de
Pierre-Marie Scotto ou encore de «On ne refait pas l’avenir» de
Anne-Marie Etienne, le surnaturel est actuellement dans l’air du temps et
se conjugue fort aisément avec les anges.... fussent-ils
gardiens!...
La métaphore y est toujours pourvue de grâce poétique
propice à la réflexion, encore faut-il que celle-là
se donne également en objet de représentation
théâtrale!...
C’est nous semble-t-il présentement la faiblesse de cette pièce
plus proche d’une dialectique philosophique appliquée que d’une intrigue
propre à maintenir l’attention du spectateur!...
La mère ne décoincera pas de sa chaise, accrochée
à son sempiternel tricot et c’est pourquoi l’interprétation
d' Alida Latessa est d’autant plus remarquable que seule la mélodie
de sa voix et le sourire de ses mimiques tente d’apaiser les âmes se
blottissant les unes contre les autres dans la superbe cave du
Théâtre Essaion qui signe ainsi sa 167ème création
de «pièce inédite d’auteur vivant d’expression
française»!...
Theothea le 6/11/00
|
L'AMANT / LA
COLLECTION
de Harold Pinter
Mise en scène: Patrice Kerbrat
|
**
Théâtre de Chaillot
Tel: 01
53 65 30 00
|
Brigitte Fossey a la poésie de l’âme sur son sourire!...
Sa malignité de femme est celle de l’éternelle enfance mutine!...
Aussi, la perversité d’un rôle se propose-t-elle à
cette comédienne comme un art forcément contre nature!...
A priori donc, Brigitte Fossey ne s’offre pas comme un modèle
adéquat de l’univers mental d’Harold Pinter et c’est sans doute pour
cela qu’elle a été choisie par Patrice Kerbrat, de façon
à faire contrepoint aux calculs sordides, aux non-dits, aux soupçons
obsessionnels qui taraudent les personnages de l’auteur britannique!...
Mais que diable irait-elle faire dans ce rôle
«d’amante» au beau milieu d’une «collection» de misogynie
à peine voilée, de jalousie patentée et
d’homosexualité masculine si peu latente?
Pour une raison aussi simple qu'un rafraîchissant «bonjour!»
du matin!... Par goût du jeu!... Le jeu du théâtre, le
jeu de la composition, le jeu du dédoublement, ainsi que bien entendu,
le risque du jeu!...
Assurément dans cette perspective, elle rejoint en pleine osmose,
les motivations perceptibles d’Harold Pinter qui adore induire dans ses
pièces, des jeux de rôles où chaque protagoniste laisse
transparaître plus ou moins consciemment des tombereaux de fantasmes
qui se télescopent à tout va!...
Le contexte se présente alors comme un jeu de l’esprit qui confronte
intelligence, instinct et émotion avec les roueries infernales du
machiavélisme!...
A ce petit jeu, hommes et femmes se perdent à force de se damner
mais néanmoins se retrouvent là-même où ils se
perdent!...
Terriblement humain, ce suspens Hitchcookien où chacun avance
masqué dans la jouissance secrète du double sens!...
Jean-Pierre Cassel en possède la distanciation flegmatique de
l’école anglaise, Thierry Fortineau, l’impassibilité
inquiétante cultivée à la manière de Patrick
Chesnais; quant à Michel Voïta, celui-ci s’emploie habilement
à jouer les «susciteurs» de tourner en rond!...
Il ne reste plus à Brigitte Fossey qu’à tirer son épingle
du jeu!... Vous l’avez compris, elle joue gagnante!...
Theothea le 09/11/00
|
|

|
|