Les
Chroniques
de
Theothea
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POEtry
de Lou Reed
Mise en scène: Robert wilson
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****
Théâtre de l'Odéon
Tel:
01 44 41 36 00
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POEtry !... «POE» comme Edgar Allan Poe et «try» du
verbe anglais «essayer». Evidemment chacun peut entendre à
sa guise, en résonance, «Poésie»!... En tout état
de cause éphémère: dix représentations à
l’Odéon et puis désormais reste la mémoire d’un spectacle
de fin d’année, de siècle, de millénaire!...
La production et la création du spectacle s’effectuèrent
au Thalia Theater de Hambourg, le 13 février 2000!...
Ainsi à Paris, avant Amsterdam et New-york, Lou Reed, Robert Wilson,
deux artistes américains rendent hommage à leur concitoyen
Allan Poe, ce conteur surréaliste, en dissertant sur la fascination
et l’attrait que la mort exerce à tous les stades de la vie humaine!...
Pour Robert Wilson, la force des sentiments naît avec
l’exacerbation de la formalité, de la perfection gestuelle, de
l’esthétisme absolu, du rite hiératique!...
Comme suspendu dans l’infini du temps et de l’espace, les onze récits
et poèmes s’agencent en quelques 193 tableaux vivants que le souffle
coupé, les yeux osent contempler:
Un immense silence plonge le théâtre de l’Odéon, jauge
maxima, en un respect attentif vis-à-vis de l’excellence onirique
et cauchemardesque, se réalisant ici et maintenant, sur cette illustre
scène!...
Tour de Babel, langue allemande et anglaise se partagent le livret musical
que Lou Reed compose et dirige sous l’inspiration des visions hallucinatoires
de l’écrivain, hanté par la beauté de
l’horreur!...
Ainsi, le jeune et le vieil Edgar Allan Poe ne cessent de croiser leurs
chemins sous le contrôle d’un démiurge qui se rirait de
l’angoisse du destin tragique!...
Sensualité d’une chorégraphie expressionniste
maîtrisée jusqu’aux limites de la moindre perception, ces
comédiens germaniques exercent la puissance de l’art dramatique à
l’esquisse du froncement de sourcil et du verbe cadencé, enivrés
de lumière subliminale!...
Pendant ce temps, le surtitrage en français rassure comme une
épée de Damoclès suspendue aux repères de la
compréhension rationnelle!...
Invité ainsi à la gymnastique du travelling sidéral,
le regard balaie à intervalles réguliers la profondeur de champ
et constate la supériorité incontestable de la sensation sur
la traduction!...
A la fin des fins, comme après un conte des mille et une nuits,
le rideau tombe devant un imaginaire requinqué par des images
d’intensité fellinienne, aptes à nourrir un nouveau
millénaire!...
Theothea le 20/12/00
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BERGAMOTE ET L'ANGE
de Claude Inga-Barbey, Patrick Lapp, Claude Blanc
Mise en scène: Bergamote
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***
Théâtre Hébertot
Tel:
01 44 70 06 69
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Voir un spectacle dans un siècle et en rendre compte dans un autre,
voilà qui force à la distanciation!... Telle est pour nous,
l’opportunité de «Bergamote et l’ange»!... C’est ainsi avec
évidence que s’en impose le souvenir exceptionnel et néanmoins
truculent!...
En effet au-delà des sketchs du quotidien, qu’un jeune couple lambda
et par conséquent moderne, s’efforce d’assumer dans la contradiction
des affects, c’est bel et bien au «jeu de la société»
dans ses multiples facettes, auquel nous sommes ici conviés!...
Qu'au jeu des chaises musicales où initialement en 1999 quatre
partenaires se rendaient la réplique, il se pourrait qu’un siècle
plus tard en 2001, seule Claude-Inga Barbey la co-auteur et l’âme par
excellence de cette pérégrination théâtrale, reste
définitivement ancrée sous le charisme des projecteurs!...
Personnage à part entière, elle ne semble sortir de la
réalité contingente que pour se mettre en orbite stellaire
sans qu’aucune météorite ne semble en mesure d’influencer son
potentiel émotionnel, affrontant les limites toujours repoussées
d’une sensibilité à fleur de peau!...
Aussi qu’ils fassent avec talent l’ange ou la bête, aucun de ses
deux partenaires actuels ne souhaiterait lui disputer la prééminence,
tellement le rôle de faire-valoir semble être totalement
adéquat!...
A la manière d’une «Christine Angot» que le roman de
sa vie ne cesserait d’interpeller dans tous les miroirs que la vie jalonne
sous ses pas, Claude-Inga construit sa logorrhée comme au jeu du portrait,
c’est-à-dire dans le silence assourdissant d’une gestuelle de mots
signifiants!...
Au-delà du «chic et du choc», des «tics et des
tocs», des effets de mode culturelle ou générationnelle,
Claude-Inga Barbey se révèle comme une comédienne hors
pair qu’une tornade intérieure maîtrisée pourrait fort
bien élever au pinacle!...
Theothea le 02/01/01
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HUIS CLOS
de Jean-Paul Sartre
Mise en scène: Robert Hossein
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***
Théâtre
Marigny
Tel: 01 53 96 70 20
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De l’«Hôtel des deux mondes» de Eric-Emmanuel Schmitt
à «Huis Clos» de Jean-Paul Sartre, la salle Popesco du
Théâtre Marigny prolonge une filiation thématique pour
laquelle d’une saison théâtrale à l’autre, le passage
du XXème au XXIème siècle invite à méditer
la problématique!...
Si pour son étrange hôtel, Schmitt ose clairement le
«renvoi d’ascenseur», c’est que son monte-charge est le lieu du
tirage au sort aléatoire, c’est que les destinées s’y jouent
à pile ou face, c’est que ce purgatoire se révèle comme
un entre-deux indéterminé de la vie à la mort!...
A contrario, Sartre imagine l’au-delà de la vie comme un refuge
d’où la conscience pourrait percevoir les feux de l’enfer en
elle-même!... Ainsi il apparaît que c’est en intégrant
le point de vue d’autrui que l’homme aurait construit sa propre
aliénation!...
A y regarder par delà leurs intentions, les deux auteurs ont en
commun une inclination à la retraite métaphysique, à
l’ascèse spirituelle, à la distanciation rédemptrice
qui permettent à l’homme de penser son rapport au monde!...
Comme en un ballet de feux follets, les âmes ainsi se racontent
leurs histoires d’incarnation douloureuse!... Ce qui de facto leur permet
de devenir très légères et éventuellement
d’accéder à la grâce de l’esprit!...
Dans cette perspective, Robert Hossein nous donne à voir une mise
en scène élégante et sobre, exclusivement dédiée
au jeu des trois reclus et de leur passeur!...
Alternant les sièges désuets au rythme des points de vue
différenciés, Garcin, Inès et Estelle se livrent au
jeu de la séduction qui embarrasse autant que de manière
inéluctable, elle fascine!...
L’homme semble adopter une position de retrait alors que ses deux partenaires
féminines partent en conquête dans un chassé-croisé
désordonné!...
Claire Nebout, Claire Borotra et François Marthouret évoluent
sur un petit nuage!... Pour peu, nous les rêverions volontiers au
paradis!...
Theothea le 03/01/01
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LETTRES MORTES
Mise en scène: Rosario Audras
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**
Théâtre de Chaillot
Tel: 01 53 65 30 00
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Autant de tunnels que de comédiens sur le plateau de la salle
Gémier aboutissant en faisceau sur un terrain vague, constituent cet
endroit de nulle part d’où nous parviennent ces lettres en un
chassé-croisé de monologues à la fois outrés
et désespérés!...
Que ce soit du front ou de l’arrière, une révolte commune
et des plaintes indignées résonnent comme des coups de canon
assourdissants!...
Une douleur indicible surgissant à la fois du monde civil et des
tranchées nous revient en boomerang, 80 ans plus tard en un écho
que le carnage semblait avoir étouffé à jamais dans
les archives du ministère des armées!....
Rosario Audras met enfin une voix sur des écrits jusqu’ici enfouis
dans la mémoire collective qui en pressentait difficilement leur force
de sédition!....
En effet l’incompétence et la désorganisation du commandement
militaire soulevèrent un souffle de rébellion que seule la
censure aura pu endiguer!....
Et pourtant la famille, l’amour, le travail, la santé,... tout
ce qui participe des préoccupations quotidiennes de la condition humaine,
étaient alors plus que jamais présents dans les esprits, sans
pouvoir y trouver l’apaisement tant espéré!....
Cinq comédiens donnent de la résonance à tous ces
maux alors qu’une enfant en crie le chagrin!....
Ainsi du «Commentaire d’Amour» au Tristan Bernard jusqu'à
ces «Lettres mortes» à Chaillot, Nathalie Cerda par exemple,
en tisse ce lien d’utopie indispensable aux espoirs et aux quêtes de
l’humanité!...
Theothea le 11/01/01
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LE CRIME DU XXIème
SIECLE
de Edward Bond
Mise en scène: Alain Françon
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***
Théâtre de la Colline
Tel: 01
44 62 52 52
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Mais qui donc est-il ce Sweden ? Lui, qui se présentant initialement
comme un «Théorème» rédempteur sera travesti
par les faits, en un «Oedipe» aveugle à toute compassion?
Aurait-t-il été trahi par Grig dont les absences
répétées à la recherche de l’eau salvatrice,
auraient été l’occasion de collaborer avec la gente militaire
dictatoriale?
Sont-ce ses victimes féminines, Hoxton et Grace, mère et
fille réunies par le hasard dans ce lieu désolé, vestige
d’une civilisation dissoute, qui par leurs sacrifices successifs, lui rendront
son innocence première ?
Est-ce que ce double crime serait l’aboutissement métaphorique
de l’Odyssée du XXIème siècle après qu’une
«Orange mécanique» eut aboli tous les rouages de concertation
?
Assurément là, où Kubrick émettait vers
l’espace sidéral, des messages d’espoir qui se déclinaient
à tous les âges de l’évolution de l’espèce humaine,
Edward Bond jette en phase ultime, une suite de cris primaux qui restent
sans écho dans le vide hermétique!...
Cependant comme l’auteur perçoit le concept de contradiction comme
principe essentiel de tout système de vie, sa prophétie
théâtrale doit être perçue davantage comme une
mise en garde que comme une fatalité!..
Et d’ailleurs, il n’est qu’à observer le décor esquissé
comme un amas de ruines poussiéreuses blanchâtres, ultime refuge
isolé d’une humanité en perdition, pour imaginer qu’avec le
recours d’un jeu de lumière pastel, ce site puisse évoquer
paradoxalement, un lieu de villégiature en mer Egée!...
Tel un chemin de croix, quatre comédiens aguerris se mettent au
service de cette épreuve visionnaire apocalyptique, célébrant
le sacrifice avec des qualités émotionnelles terriblement
humaines!...
Theothea le 12/01/01
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