Les
Chroniques
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Theothea
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C'EST PAS LA VIE ?
de S. Chérer, P. Henry, F. Margolin, A. Mélinand, Tilly,
J-P. Toussaint
Mise en scène: Laurent Pelly
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Tournée (Sartrouville, Suresnes,
Créteil...)
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«Contes actuels et polyphoniques» !... Il y a dans le sous-titre
du spectacle de Laurent Pelly et Agathe Mélinand «C’est pas la
vie ?», titre lui-même annoncé comme provisoire, un
je-ne-sais-quoi d’expérimental, une connotation «travail de recherche
en cours d’élaboration»!...
Ce ne sont pas les six auteurs ayant répondu à cette commande
thématique pour une création au Festival d’Avignon 2000 d’un
spectacle musical sur «La France d’aujourd’hui, ses rites sociaux, le
déterminisme, les conditionnements....» qui devraient démentir
l’esprit de ce montage composite interprété par neuf
comédiens sous l’impulsion d’un orchestre de douze musiciens.
Ce dernier constitue d’ailleurs l’atout majeur et fédérateur
de ce spectacle: La composition, le jeu et l’acoustique révèlent
une qualité symphonique en phase avec toutes les facettes convenant
à un puzzle «live» !...
Sans doute, si Laurent Pelly était le fils spirituel de Robert
Hossein ferait-il voter les spectateurs pour choisir parmi les cinq contes
joués présentement, celui ou ceux qu’ils apprécient
le plus.... avec l’idée d’en développer ultérieurement
une véritable comédie musicale!... à moins que le volume
des applaudissements suffisent à informer les créateurs de
leurs succès respectifs!...
Néanmoins la pertinence psycho-comportementale de chaque sketch
ne s’avère pas systématiquement bon prétexte à
thème de comédie musicale!...
En effet le véritable écueil qui guette l’ambition du
maître d’oeuvre se situe précisément dans le choix de
concepts forts, sans que ceux-ci pèsent par leurs influences
éthiques, idéologiques ou analytiques sur le spectacle!...
Ce compromis entre légèreté, onirisme d’une part
et chronique morale d’autre part constitue l’essentiel du chantier qui devrait
faire évoluer l’excellent travail des comédiens à la
fois danseurs et chanteurs, vers un régal des sens qui seul, pourra
emporter l’adhésion collective!....
Cette alchimie entre chorégraphie, chant, partition orchestrale,
et texte dialogué ne pourra atteindre son apogée que si elle
ose s’abandonner sans réticences aux sirènes de
l’imaginaire!...
Aussi dans cette perspective, nous accordons notre préférence
pour «Le point critique» de François Margolin qui a
l’avantage de se développer sur les variations d'un Amour vivement
contrarié par les impératifs de la création artistique!...
Ceci exprimé, il reste que l’attrait d’une oeuvre qui se cherche,
face à un public plébiscitant le genre «comédie
musicale» avec une ferveur nouvelle, suscite un intérêt
manifeste qui l’autre soir emplissait la jauge du théâtre de
Sartrouville!...
Theothea le 15/01/01
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LES PARAVENTS
de Jean Genet
Mise en scène: Bernard Bloch
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***
Théâtre des Amandiers
Tel: 01
46 14 70 00
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Une pléiade de comédiens transcendés sous le regard
vigilant du romancier, incarné en la circonstance en sergent Jean
Genet!...
Lui, c’est Pascal Bongard, comme en état de grâce qui tel
un funambule se laisse porter par une mise en scène ludique et
distanciée!... Une sorte de Jean Gabin jeune supervisant avec assurance,
le peuple des ouailles subjugués!...
Une dalle de fonte rouillée ceinte d’un parterre de graviers comme
support à cette cavale de victimes et bourreaux de tout acabit, en
route vers une mort festive et purulente!...
Estompant les connotations initiales de la guerre d’Algérie, le
metteur en scène Bernard Bloch focalise son attention sur la confrontation
entre monstruosité et beauté, tentant de fédérer
les sentiments d’humanité au-delà des incessantes
turpitudes!...
La langue emporte avec elle l’intensité des contrastes!... Le scandale,
s’il est encore de mise en 2001, prend les couleurs de l’humour en prise
avec un esthétisme teigneux!...
Cette maïeutique, en prise directe avec le colonialisme des esprits,
s’écoule trois heures et demie durant pour rejoindre en apothéose
le royaume universel des trépassés, plus vivants que jamais
et tout surpris d’avoir fait tant d’histoire avec la perspective de la
mort!...
Chacun y va du commentaire de son passage d’un état l’autre et
c’est une grande réjouissance que d’observer que le bordel des
antagonismes sectaires d’avant devient a posteriori, la fête des
consciences en apesanteur!...
Au grand dam des vaniteux flattés par les grades hiérarchiques,
et autres titres honorifiques, une scène d’anthologie brossée
par le sergent Genet, narrant sa mort scabreuse, illustre alors avec pertinence,
le vide sidéral affairant à tout pouvoir, fût-il
militaire!..
Un spectacle métaphorique que le corps des spectateurs éprouve
dans sa contingence et sa durée !... C’est à ce mérite
que se purgent les faux-semblants et que l’aura de Jean Genet éprouve
son énergie de catharsis!...
Theothea le 17/01/01
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RIEN POUR PEHUAJO
de Julio Cortazar
Mise en scène: Jean Boillot
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Cité
Internationale
Tel: 01 43 13 50 50
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«Aucun transport direct pour envoyer des colis de Buenos-Aires à
Pehuajo!... En revanche si vous acceptez un itinéraire alambiqué
ou labyrinthique, alors tous les espoirs s’offrent à vous !...»
Au beau milieu d’un grand restaurant chic en pleine effervescence, le
surréalisme des dialogues, des comportements, des situations occupent
peu à peu l’espace au point de décrire un chaos
généralisé!... Intéressante métaphore
d’une réalité sociale et politique qui se travestit par
l’humour du décalage systématisé!...
Maîtres d’hôtel, garçons, caissière, clients
habituels, touristes de passage... évoluent dans un dialogue de sourds,
proche d’une chorégraphie frisant par moments avec l’hystérie
collective et même pour certains avec la crise
d’épilepsie!...
Le ton de Julio Cortazar n’est pas sans nous rappeler ici celui de Jacques
Tati qui dans «Playtime», y décrivait pareillement la
désorganisation progressive et inéluctable d’un restaurant
prestigieux au cours d’une soirée de réception!...
Dans les deux cas, les failles d’une société inadaptée
aux gens qui la composent, trahissent inéluctablement tous les actes
manqués ainsi que les vaines tentatives de colmatage!....
Ici, le dérèglement sera catalysé par la présence
d’un juge qui s’interdit d’ y venir manger les jours d’exécution
capitale!... Et voilà qu’une mauvaise communication lui a fait commettre
l’erreur fatale!...
Julio Cortazar a longtemps vécu en exil en France; c’est dans la
distanciation imaginaire avec le contingent qu’il a trouvé la respiration
créatrice apte à styliser l’insupportable!....
Theothea le 19/01/01
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MEDEE
d' Euripide
Mise en scène: Jacques Lassalle
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Théâtre de l'Odéon
Tel: 01 44 41 36 36
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L’autre soir, les abonnés du théâtre de
l’Odéon se payaient à bon compte une joyeuse bataille
d’Hernani!...
Déclenchée par un spectateur qui, à la dernière
réplique de la pièce, proférait:
«La mise en scène est une honte!...», les argumentaires
fusaient dès lors de l’orchestre à la galerie dans un brouhaha
bon enfant!...
Quel était donc l’objet de ce courroux artificieux?
Disons-le d’emblée, Isabelle Huppert était hors cible de
toutes critiques mais c’est précisément le contraste manifeste
entre une Médée aux exigences d’absolu et un Jason, mari
lâche et égoïste qui se trouvait dans le collimateur des
récriminations: En effet ce dernier, déjà brossé
avec désavantages par Euripide, flirte délibérément
dans la sphère du ridicule sous l’impulsion du metteur en scène
Jacques Lassalle!...
Pire, le public croit être pris au piège du sacrilège:
celui de rire ou de glousser devant un personnage de tragédie grecque,
là où le rituel implique traditionnellement silence et
respect!...
Ainsi, il aurait suffit d’un léger accent et d’une articulation
affectée pour transformer un personnage pitoyable en bouffon!...
Là, où l’intention de Jacques Lassalle était de fustiger
la posture irresponsable et poseuse de Jason, certains spectateurs y
perçoivent les stigmates de la trahison du mythe!...
Dans l’inconscient collectif, Tragédie et Comédie font
effectivement mauvais ménage!... Jacques Lassalle a osé
mélanger les référents!... Honte donc
proférée!...
Pendant ce temps, crânement Isabelle Huppert ramène tous
ses partenaires sur le devant de la scène pour des rappels largement
mérités!...
Une très belle lumière aura enveloppé en permanence
ce petit coin de plage au bord d’un bras de mer, que de lever en coucher
de soleil, des teintes pastel ont esquissé paisiblement malgré
le tonnerre, malgré la nuit!...
Les censeurs aboient, Médée passe dans la dignité
du drapé de la mort qu’elle sème inéluctablement autour
d’elle!... Transfigurée par l’indicible, elle accompagne ses enfants
dans le dernier voyage, sublime forcément sublime!...
Theothea le 18/01/01
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LEAR
de Edward Bond
Mise en scène: Christophe Perton
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Théâtre de la Ville
Tel: 01
42 74 22 77
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Si les hommes avaient le pouvoir de stopper le fébrile processus
d’autodestruction qui les domine, sans doute le feraient-ils !... Cependant
Edward Bond, en chien de garde de l’observation objective, s’applique, jeu
de miroirs à l’appui, à nous démontrer que ce pouvoir
leur échappe!....
De génération en génération, dans la suite
des filiations, le destin les contraignent à perpétuer la
construction de «murs», censés les protéger du malheur
mais qui, en définitive les enferment à jamais en un aveuglement
infini!...
Paradoxalement au terme d’une vie vouée ainsi à l’erreur,
Lear annoncerait-il les prémisses d’une lueur d’espoir où la
prise de conscience d'une impasse tragique, pourrait constituer l’amorce
d’un projet pédagogique, sinon politique !...
Voilà pour l’aspect pragmatique du constat, mais au-delà,
force est d’admettre que la «peur» mène le monde et se
transforme aisément en jubilation destructive, qu'elle soit l’oeuvre
des armées officielles ou rebelles, qu'elle soit nichée au
coeur des familles ou de l’individu privé!....
Ce travail répétitif du mal semble emporter en souffles
de frénésie, toutes les énergies qui l’instant
d’avant, cultivaient encore l’instinct de l’utopie!...
Impossible de dénoncer ou de condamner plus les uns que les autres,
qu’il soit père, fils, fille, roi, officier, soldat ou même
fantôme, tous par adhésion, simple consentement ou soumission,
participent à ce jeu de dupes!...
Et pourtant en dernière analyse, là-même où
Edward Bond semblerait nous enfoncer la tête dans les tunnels du
désespoir, une intense dynamique de vérité éclaire
la condition humaine en suggérant qu’entre les failles des
sensibilités bafouées, se trouverait peut-être la sortie
secrète du labyrinthe universel!...
Avec pertinence, Christophe Perton le metteur en scène insuffle
aux comédiens, l’humour qui sied au déphasage
délibérément entretenu avec chacun des rôles!....
En esquissant sur la palette des sentiments contradictoires, le profil
d’un roi Lear dont la destinée affine les velléités
successives, Jean-Luc Bideau rythme la pièce au diapason d’une fresque
picturale!...
Theothea le 21/11/01
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