Les
Chroniques
de
Theothea
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chroniques
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NE REVEILLEZ PAS
MADAME
de Jean Anouilh
Mise en scène: Francis Perrin
|
**
Théâtre Comédia
Tel: 01
42 38 22 22
|
«Ne réveillez pas Madame», comédie ou tragédie
? Si le titre de Jean Anouilh résonne à nos oreilles comme
celui d’une pièce de Feydeau, la mise en scène de Francis Perrin
la conduit en drame pirandellien, évoluant vers une misanthropie
paranoïaque généralisée!...
Sur scène, le télescopage du passé éclaire
la sphère de l’inconscient, en proie à la répétition
incessante des mêmes affects!... Ce qui pousse Julien à vivre
ses relations au monde en un perpétuel traumatisme d’enfance jamais
résolu!...
A l’instar de Francis Perrin, Julien est donc metteur en scène;
sa vie toute entière est dévolue au théâtre, son
ambition serait de réussir à monter son «Hamlet»!...
Cette passion dévorante, il la tient de sa mère qui
elle-même était plus préoccupée par sa carrière
et ses conquêtes privées que par l’éducation de son
fils!...
Première épouse, Rosa qui, exacerbée par le
caractère de Julien, se réfugie dans les bras de Bachman,
comédien partenaire, à la fois meilleur ami et charmeur
invétéré!...
Puis vient Aglae, la deuxième épouse qui rapidement ne souffre
plus que sa propre carrière artistique évolue dans l’ombre
de son mari!...
Bref, les mêmes causes produisant les mêmes effets, Julien
construit ses frustrations affectives en organisant à l’identique
ces échecs relationnels successifs!...
La force du texte de Jean Anouilh est d’avoir introduit avec le personnage
du souffleur, dit Tonton, une sorte de fil rouge qui suggère en permanence
que pour l’inconscient, la chronologie n’a aucune emprise et donc que le
temps se condense en une instantanéité permanente!...
Ainsi quoi qu’il fasse, Lucien progresse dans sa vie professionnelle et
privée, pieds et poings liés par cette compulsion à
reproduire non sans plaisir, ce qui précisément depuis
l’enfance le fait souffrir!...
Freud, Pirandello, Anouilh!.... A ce rendez-vous, Francis Perrin gâte
réellement le spectateur, si ce n’était une mise en scène
laborieuse, influencée par une diction fastidieuse, dernière
séquelle d’un bégaiement, pourtant bien maîtrisé
par le comédien!...
Christiane Minazzoli, Claude Nicot, Jean Barney et tous les autres
épousent à l'unisson, la cause de leur directeur d’acteurs
!...
D’une certaine façon, cette pièce lui revient en toute
légitimité, tellement elle semble s’offrir en miroir; mais
par ailleurs celle-ci aurait sans doute gagné à une mise en
scène plus distanciée et plus limpide!...
Cependant l’esprit d’Anouilh est réellement présent au
théâtre Comédia, témoignant d'une clairvoyance
très contemporaine !...
Theothea le 25/01/01
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PRUNUS ARMENICA
d'après Paradjanov
Mise en scène: Xavier Marchand & Olivia Grandville
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***
Théâtre de Gennevilliers
Tel: 01
41 32 26 26
|
Au dire des connaisseurs, la prune d’Arménie possède un
goût raffiné inconnu de nos abricots européens auxquels
elle ressemble!..
A l’instar de cette précieuse saveur, Xavier Marchand et Olivia
Granville ont concocté sept subtiles miniatures, inspirées
de leur découverte du monde fantasque de Paradjanov!...
En témoin du patrimoine culturel arménien, un choix
d’objets symboliques détermine une chorégraphie
théâtrale qui s’illustre en 7 thèmes conceptuels: La
vente aux enchères, l’enfance, la légende, le procès,
l’enfermement, la lamentation, le dépouillement!...
Une distribution à parité franco-arménienne
développe en une intimité feutrée, les origines musicales,
littéraires, picturales d’un peuple confrontée aux affres de
l’histoire!...
Tact, précision, sobriété imprègnent ce spectacle
écrit, dirigé, interprété à l’intention
d’une acuité de tous les sens artistiques!...
Les comédiens-danseurs s’entrecroisent en un ballet où les
mots effleurent les corps, alors que bande son et instrument acoustique
s’enlacent au fil des tableaux!...
Du bien bel ouvrage, dont la rareté se déguste comme la
fameuse «première gorgée de bière» !..
Theothea le 26/01/01
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AU BUT
de Thomas Bernhard
Mise en scène: Marie-Louise Bischofberger
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****
Théâtre de
Bobigny
Tel: 01 41 60 72 72
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De Jacques Rivette à Thomas Bernhard, Bulle Ogier aurait-elle
trouvé la clé d’une conscience ingénue qui jubile à
l’idée de se mouvoir en dehors des rails de l’a priori? Promise avec
évidences aux destinées d’une délicieuse vieille dame
indigne, elle compose en ce début de siècle, le personnage
d’une mère qui avec l’intelligence en jachère, ne cesse de
reculer les frontières de la misanthropie!...
Les mots lui permettent d’accumuler les outrances en toute quiétude,
alors même que celle-ci est convaincue à juste titre de nuire
à la personnalité introvertie de sa fille!... Mais ce penchant
compulsif est plus fort que sa raison!... D’ailleurs, elle a déjà
plusieurs cadavres derrière elle: un fils en bas âge, son mari!...
tous trop faibles face à cette acuité conceptuelle incarnée
au féminin!...
La jeune metteur en scène, Marie-Louise Bischoftberger a su insuffler
un ton de l’entre-deux, en adéquation avec le flux et le reflux,
brocardés à qui mieux-mieux en tant que source d’inspiration
créatrice!...
En confiant le rôle de la fille à Hélène
Alexandridis, elle donne aux spectateurs de l’an 2001, l’un des plus
éblouissant duo de théâtre, mettant en prise la dialectique
du silence et du verbe!...
Jamais sans doute l’humour implicite de Thomas Bernhard n’a-t-il
été aussi bien servi à Paris!... Et c’est régal
que de déguster cette partie à couteaux feutrés où
le jeu des comédiennes trouve son exaltation dans le plaisir de «ce
qui ne devrait pas être dit»!...
L’une complètement retranchée dans une activité servile,
l’autre complètement déliquescente dans son incompétence
rhédhibitoire, jouant toutes deux la complicité de scène
anthologique!...
Dommage peut-être que l’auteur à succès,
interprété par Jérôme Nicolin vienne par la suite
s’immiscer à cette joute, sans savoir perpétuer ce ton de
l’entre-deux!... Son personnage semble manquer d’une troisième dimension,
celle du sourire intérieur!...
Cependant agissant par contraste, il n’en donne que plus de valeur à
cette tranche de non-vie, ouverte sur le grand large!...
Prévue pour un mois à la MC93 de Bobigny, qu’il serait pertinent
que cette création du théâtre de Vidy-Lausanne puisse
être appréciée en de nombreux lieux!...
Theothea le 29/01/01
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UNE BÊTE SUR LA
LUNE
de Richard Kalinoski
Mise en scène: Irina Brook
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****
Théâtre de l'oeuvre
Tel: 01 44 53 88 88
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Attention fragile!... Cette première pièce d’un jeune auteur,
Richard Kalinoski, créée aux Etats-Unis en 1995, reprise par
Irina Brook à Londres en 96, à Bobigny en 98 et maintenant
en 01 au théâtre de l’Oeuvre, ressemble à un joyau
qu’il est nécessaire d’emblée de protéger, tellement
tact et pudeur y engendrent l’âme des sensibilités
bafouées!...
En effet, si les massacres ôtent la vie en détruisant les
corps, longtemps après ils hantent encore les esprits de la descendance
jusqu’à empêcher ceux-ci d’en finir le deuil!...
D’une photo à l’autre, de celle d’une famille décapitée
à celle du sourire d’un couple et d’un enfant, c’est le poids du
symbolique qui devra se résoudre dans la force affective!...
Ainsi va l’enjeu de cette rencontre entre Aram et Seta où paroles
et silence jouent à cache-cache pour tenter de dissimuler à
tort les racines d’une douleur partagée par l’ensemble des peuples
opprimés!...
Le génocide arménien de 1914 les a placés face à
face, un siècle plus tard là-bas aux Etats-Unis en proie avec
leurs oppressions respectives, mais aussi avec un immense amour à
oser faire éclore!...
Simon Abkarian, Corinne Jaber, deux comédiens magnifiques pour
incarner la subtilité des sentiments qui cherchent maladroitement
à s’apprivoiser, évoluant sans cesse sur le fil de la rupture!..
Lui arménien du Liban, elle syrienne d’Allemagne, ils apportent cet
élan de dignité retenue, sachant affronter avec perspicacité,
l’hostilité latente!...
Loin des sirènes du cynisme universel, s’ouvre comme une plage
de vérité indicible qu’Irina Brook aura su découvrir,
réunir, mettre en valeur!.. Tout cela se mérite !...
Theothea le 31/01/01
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MONSIEUR CHASSE !
de Georges Feydeau
Mise en scène: Jean-Luc Moreau
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**
Théâtre du Palais-Royal
Tel: 01
42 97 59 76
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De Marigny au Palais-Royal le duo Chevallier-Laspalès s’habitue
à côtoyer les rouge et or des théâtres privés
prestigieux!...
Leurs noms à l’affiche est en soi un label de popularité
et maintenant qu’ils abordent les pièces du répertoire, leur
audience ne devrait que s’accroître encore davantage!...
Le soin apporté à la mise en scène par Jean-Luc Moreau,
la qualité du décor et le raffinement des costumes sont bel
et bien au rendez-vous du Palais-Royal pour cette très fameuse pièce
de Georges Feydeau!...
Sophie Broustal et Chrystelle Labaude, deux charmantes comédiennes
à la répartie vive et sans complexe attirent avec grâce
et habileté, les rieurs de leur côté et
rééquilibrent ainsi les propos un tant soit peu machistes de
fin de XIXème siècle!...
Quant au célèbre duo, il fonctionne comme à
l’accoutumé dans la redondance de l’effet appuyé, en réponse
à l’exaspération feinte du partenaire!...
En s’adaptant au mécanisme de précision de Feydeau, ce principe
continue de prévaloir, mais à tendance à ralentir la
dynamique du vaudeville en s’attardant sur des répliques qui devraient
être cinglantes!...
Là où chacun des personnages de la farce devrait agir et
réagir en électron libre, l’impression manifeste est que la
force d’inertie du duo reste le point d’attention focale, si ce
n’était précisément en contrepoint,
l’interprétation enjouée de Léontine par Sophie
Broustal!...
Bref, un spectacle fort agréable mais sans surprise
théâtrale qui puisse emporter l’engouement!...
Theothea le 01/02/01
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