Les
Chroniques
de
Theothea
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chroniques
de 71
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75
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LE PAYS LOINTAIN
de Jean-Luc Lagarce
Mise en scène: François Rancillac
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****
Théâtre de la Tempête
Tel: 01
43 28 36 36
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Dès les premiers instants, les regards se croisent et se posent
les uns sur les autres, avec une apaisante étrangeté et une
intensité charnelle!...
L’immense drap blanc qui recouvrait précédemment de vagues
tumultueuses l’espace scénique, s’est soudain rétracté,
laissant libre place aux fantômes des morts et des vivants!...
Un assemblage de lits au métal rouillé dessinent un labyrinthe
improbable sur deux niveaux, du monde apparent à celui du non
visible!...
Tout se met en place pour que soit célébrée cette
saga de famille extensive où affection et obscurantisme vont se heurter
en un fracas incommensurable!...
Avec évidence, Louis est au coeur de toutes les préoccupations,
puisque c’est lui qui a initié cette démarche des retrouvailles
pour un Adieu définitif!..
Cependant avec les meilleures intentions, chacun lui opposera son centre
du monde subjectif où chaque pertinence se nourrit d’une jubilation
infinie!...
Tous, père, mère, frère, soeur, belle-soeur, nièce,
amante, ami de longue date, ami récent, amours de passage... sont
autant de planètes lancées sur des orbites où chaque
appréciation subira un effet de translation!...
Le malentendu universel en substitut du témoignage d’amour, voilà
le constat sur lequel silence et logorrhée seraient à même
de se reconnaître!...
«Le goût des autres», c’est précisément
ce lieu où guette l’enfer à moins qu’une infinie tolérance
puisse envahir l’espace tel cet immense drap blanc recouvrant initialement
les flots tumultueux!...
Les comédiens sont magnifiques!... La mise en scène de
François Rancillac les emporte dans une sensualité concise
des mots, des gestes, des expressions du visage!... Accaparés par
ces forces intérieures, nous sommes submergés par la justesse
du ressentiment!... Pour peu, les larmes affleureraient face à ce
souffle de clairvoyance que pose Jean-Luc Lagarce sur une humanité
désemparée d’espoir!...
Theothea le 06/02/01
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COMEDIE SUR UN QUAI DE
GARE
de Samuel Benchetrit
Mise en scène: Samuel Benchetrit
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***
Théâtre Hébertot
Tel:
01 43 87 24 24
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Charles: «Il existe des couples où l’un boit du thé
le matin, et l’autre du café!...»
Suzie: «Je n’en connais pas qui dure!...».
Ainsi vont les adages philosophiques de l’auteur de cette comédie,
déposés de ci, de là par un petit poucet malicieux dont
l’humour peut parfois côtoyer de près la blague de potache:
Vincent: «Vous allez à Paris ?»
Suzie: «Oui, car je n’aime pas me faire mal!...»
Vincent: «Quel rapport ?»
Suzie: «Puisque le train est direct pour Paris, si je descends avant,
je vais nécessairement me faire mal; aussi comme je n’aime pas me
faire mal, je vais à Paris!...»
Plus proche de l’imaginaire de Lewis Caroll que d’un réalisme
psychologique, la pièce de Richard Benchetrit n’en conte pas moins
les difficultés de rompre tardivement tout cordon ombilical qui pourrait
relier une fille à son père, fût-ce sur le ton
onirique!...
Le couple à trois, en attente d’un train improbable sur ce quai
de gare de bout du monde, va poursuivre un jeu de banc musical où
la place de l’un apparaîtra toujours usurpé aux yeux des deux
autres!...
Père, fille et gendre virtuel vont s’emmêler les sentiments
d’adultes et les aspirations d’autonomie dans un tapis de bonnes intentions,
confrontés aux résistances des affections biologiques qui font
que garçon et fille restent perpétuellement les enfants de
leurs parents, quoiqu’en veuillent les uns et les autres!...
Le public ne s’y trompe point!... Charme et poésie sont au rendez-vous
du théâtre Hébertot!... Jean-Louis Trintignant semble
se régaler tel un poisson dans l’eau; comme libéré des
contraintes de l’âge, c’est lui le Pater familias qui se trouve aux
commandes d’un bateau emporté en des flots tumultueux mais revigorants!...
En contrepoint ce jour-là, Marie Trintignant fortement enrhumée,
mouchoir en main en permanence, n’en semblait qu’encore davantage dans sa
robe droite à manches courtes rouge froissée, la tendre petite
fille de son papa, lui le comédien traversant allègrement les
siècles!...
Elle, très vigilante et protectrice à l’égard de
Jean-Louis lors de leur précédente rencontre dans
«Poèmes à
Lou» au théâtre de l’Atelier, évolue ici à
front renversé, se laissant délibérément influencer
et guider alternativement des mains de l’amant potentiel aux auréoles
de l’image du père perspicace!...
Pendant ce temps, venant du quai de l’au-delà, la voix du haut-parleur
se complaît à tirer les ficelles du destin, comme pourrait le
faire celle d’une Nicole Garcia, amusée et un tant soit peu
narquoise!...
Tout le monde le sait, cette «Comédie sur un quai de gare»
est assurément l’ode d’un amour indicible, le point d’orgue d’une
passion respectueuse!...
Theothea le 05/02/01
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BRECHT ICI ET
MAINTENANT
de Hanna Schygulla
Mise en scène: Hanna Schygulla
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***
Théâtre de
Chaillot
Tel: 01 53 65 30 00
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Hanna Schygulla, ici et maintenant à Chaillot!...
Et puis Brecht, pour permettre à une génération de
mettre une mémoire mélodique sur des pensées politiques
qui façonnent les nostalgies d’aujourd’hui!...
A l’instar de la petite fille malicieuse qu’elle fut, jouant à
cache-cache, telle une marionnette qu'elle aurait aimé être,
avec une flopée de vêtements suspendus à des portants,
la comédienne évoque cette époque contemporaine d’un
XXème siècle qui érigea ses références
de part et d’autre du mur de Berlin!...
La compagne, la muse et l’actrice emblématique de Rainer Werner
Fassbinder sont ainsi présentes comme une apparition renouvelée
chaque soir face à un public du XXIème siècle en quête
de témoignage sincère!...
Alors d’abord, il y a la voix chaude qui se délecte des consonances
germanophones comme une Lorelei à la fois proche et inaccessible!...
Et puis, il y a le minois de la toujours jeune femme dont le sourire fait
preuve évidente de pérennité alors même que
l’artiste nous révèle l’un des secrets de son charme étrange:
la raideur de son bras droit durant la marche, alors que le gauche
l’accompagne de son balancement!...
D’ailleurs la main droite gantée, Hanna Schygulla donne des gages
attendus du mythe qu’elle contribue à élaborer
délibérément!...
Cependant que l’ironie qui affleure sans cesse les commissures de ses
lèvres semble en tracer la figure d’un soldat revenu de toutes les
batailles, plus fort que jamais!...
«Bonne nuit !», elle aura le dernier mot après avoir
flirté avec le plaisir des fausses fins qui font rebondir les
applaudissements sans jamais les consommer!...
Sous contrôle, ici et maintenant, son show must go on!...
Theothea le13/02/01
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WILD WOMEN BLUES
de Mel Howard
Mise en scène: Michael Downs
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***
Théâtre Mogador
Tel: 01 53 32 32
00
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Du Stade de France à Mogador, de
Tina Turner à Linda
Hopkins, du souffle du rock aux voluptés du blues, un homme de spectacle
à l’ambition délibérément imaginative s’affiche
backstage, en gestionnaire culturel pragmatique, avec le souhait évident
que ça se sache à Paris!... Et ça marche!...
En effet Jack-Henri
Soumère a repris depuis quelques mois la direction du
théâtre Mogador pour lequel il nourrit de grands projets de
rénovation, en perspective notamment de superbes destinées
musicales: Des comédies musicales «made in Broadway» à
l’Orchestre de Paris qui y séjournera plusieurs mois en 02-03, en
passant récemment par
Arturo Brachetti et ensuite
par une reprise à l’automne 01 de «Notre Dame de Paris»,
ce magnifique «Wild Women Blues», séjournant pour 40
représentations, offre au public, une réelle qualité
artistique dont J-H Soumère pourrait aisément faire sa profession
de foi!...
Linda Hopkins, une enfant malicieuse de 76 ans accompagnée de Maxine
Weldon, son enjouée partenaire de scène dès 1983 et
de Mortonette Jenkins leur nouvelle complice expérimentée,
nous emmènent toutes trois, grâce à leurs voix chaudes
et rocailleuses, au coeur de la musique traditionnelle noire américaine,
durant deux heures de plénitude et de voyage onirique!...
Rehaussé par les atours des toilettes de ces dames, osant
s’étalonner de l’extravagant à paillettes au classique bcbg,
le rythme pénètre les épidermes en distillant le feeling
de toutes les musiques inspirées du blues, à l’image du gospel,
du jazz, du rhytm’n blues, du rock etc...
Un solide blues band, à l'efficacité à la fois
discrète et bon enfant, accompagne autant les âmes en souffrance
que les facéties d’un spectacle auquel son créateur Mel Howard
imprime en claquettes, un tempo aux multiples respirations!...
Vive la grandissime Linda Hopkins, marraine mythique en quelque sorte
d’un Mogador en pleine cure de jouvence!...
Theothea le 08/02/01
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UN HOMME A LA MER
de Chigo de Chiara
Mise en scène: Stephan Meldegg
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**
Théâtre La Bruyère
Tel: 01
48 74 76 99
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«Cet homme à la mer» aurait pu tout aussi bien
s’intituler «transat» !...
En effet, tour à tour chaise longue et voilier, le divan qui
trône au milieu de la scène du théâtre La Bruyère
tient à la fois de la psychanalyse et de la bouteille à la
mer!...
Cependant que diable Pierre Richard allait-il faire dans cette galère
? C’est l’une des interrogations qui peut tarauder tout au long de la pièce
de Chigo de Chiara, tant semble manifeste le plaisir du comédien de
se retrouver sur scène, avec l’assentiment du public, tant semble
néanmoins fastidieux le délire fantasmatique de Ugo, cadre
remercié puis balloté entre psychanalyse, entreprise et libido
!...
Ces rapports de force le hantent au point de le faire cauchemarder les
yeux grands ouverts, en le menant inexorablement vers le lieu d’une
prédiction improbable, en plein archipel du Pacifique!...
Le grand blond aspiré par le grand bleu !... C’est le surréalisme
de cette épopée onirique qui a sans doute séduit Stephan
Meldegg, le metteur en scène, non sans lui rappeler en écho
les frasques extravagantes de Dario Fo qui contribuèrent tant au
succès de la saison précédente, au théâtre
La Bruyère dont il est l’heureux directeur!...
Eliza Maillot en composant un melting-pot des multiples facettes des figures
féminines propres à perturber Ugo, agrémente et pimente
un spectacle oscillant entre burlesque et ennui !...
Une atmosphère poétique enveloppe le chassé-croisé
des personnages qui transitent et surfent en lisière de
l’écorce mental!... Aussi les méchants capitalistes
interprétés par Gérard Maro et Patrick Messe
n’effraient pas davantage que le psy en attention flottante, incarné
par Philippe Laudenbach!... Tous se télescopent pour mieux alimenter
la puissance d’un surmoi à dominante paranoïaque, à
l’oeuvre chez Ugo!...
Une excellente équipe au service d’une pièce qui
nécessiterait peut-être une interprétation plus noire
et une mise en scène plus abstraite!...
Theothea le 12/02/01
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