CHRONIQUES
91 à 95
S18
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COUP DE
SOLEIL
de Marcel Mithois
Mise en scène: Raymond Acquaviva
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Théâtre des Bouffes Parisiens
Tel: 01 42 96 92 42
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Voilà un titre de pièce propice aux grandes chaleurs de
l’été que les spectateurs mettent de plus en plus à
profit pour se rendre au Théâtre! Voilà également
une réconfortante découverte que d’apprécier Nicole
Croisille en comédienne:
Has been aux couleurs du «chabadabada», elle nous semblait
définitivement rangée dans les rayons de la nostalgie des sixties
et voilà qu’elle surgit telle une Line Renaud de jouvence
mâtinée d’une extravagante Annie Cordy pour construire un personnage
adepte de la méthode «Coué» appliquée au
démon de midi!...
Il s’agit bien entendu d’un vaudeville contemporain qui, plus la pièce
s’avance, emporte allégrement notre conviction, tellement les personnages
s’y révèlent à la fois fragiles et positifs.
A l’instar d’une Annie Girardot emmenant sa petite équipe dans
les délires du 6ème ciel, Nicole Croisille en meneuse de revue
embrasse les affres et les satisfactions du retour d’âge avec une
sensualité de danseuse et une assiduité persuasive. Elle est
entourée par des comédiens dont la sensibilité
apparaît comme un dénominateur commun en instillant une empathie
amusée!...
Patrick (Boris Teral) est le beau gosse qui ose ses déclarations
sous la protection rapprochée de ses fleurs, Jérôme (Vincent
Jouan) est le fils adoré que la tentation de l’inceste n’a jamais
effleuré, Ghislaine (Audrey Langle) est la femme de ménage
bonne copine, Carmarec (Michel Clainchy) est le looser qui y croit dur comme
fer, Gérard (Bernard Lavalette) l’amant désuet menacé
de caducité juvénile, Brigitte (Michèle Grellier)
surnommée «Cerise» l’improbable promise de Jérôme;
toute cette petite famille recomposée nous balade dans nos tentations
d’évasion avec une très jolie candeur!...
Ne surtout pas appliquer d’ambre solaire, un tel coup de soleil ne peut
provoquer que des brûlures délicieuses!....
Theothea le 31/05/99
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OBALDIABLERIES
de René de Obaldia
Mise en scène: Thomas le Douarec
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Théâtre 14
Tel: 01 45 45 49 77
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Gageons que ces «nouveaux impromptus» écrits par René
de Obaldia sous l’impulsion enthousiaste de Thomas le Douarec que celui-ci
met en scène au Théâtre 14, vont ravir les spectateurs
attirés par un bouche à oreille flatteur!
Sans doute arrivera-t-il à ce spectacle le même destin heureux
que connurent successivement cette Saison «Jacques et son
maître» et «l’Idiot» dont les succès se
prolongèrent dans de prestigieux théâtres
privés!....
Emporté par son démon (sic dossier de presse: «au sens
grec du terme»), l’auteur fait de deux des impromptus sur les trois
que constituent ses «Obaldiableries», de véritables
comédies en un acte: «Entre chienne et loup», «Pour
ses beaux yeux».
Cette dernière pièce a emporté notre adhésion
tellement l’interprétation, très proche des
«Deschiens», nous a semblé entrer de plain pied en
résonance avec un texte qui problèmatise avec un humour
surréaliste, le rapport contemporain et médiatisé au
«Savoir»!
Quant à la première, abordant par la dérision et
la métaphore anthropomorphique ce qu’il pourrait advenir de la libido
humaine confrontée à la psychanalyse des animaux domestiqués,
son intention est certes aussi pertinente que métaphysique, mais le
rire des spectateurs se fait plus réservé car sans doute
gêné par une mise en scène paradoxalement trop
réaliste.
En ouverture de spectacle, un sketch d’une dizaine de minutes
«Rappening» interprété par Lucien Jean-baptiste un
jeune comédien noir révélant un talent autant sensible
que fougueux, constitue un bijou paradigmatique aux contradictions de nos
sociétés!...
La «Compagnie Thomas Le Douarec» a assurément de beaux
jours devant elle!... Et c’est tant mieux pour le Théâtre!....
Theothea le 12/06/99
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SARCEY ET SARAH
BERNHARDT
de Thérèse Crémieux
Mise en scène: Louis-do de Lencquesaing
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Studio Théâtre
Tel: 01 44 58 98 58
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Thérèse Crémieux, auteur nous offre un texte
particulièrement intéressant sur l’éclosion de la
renommée de Sarah Bernhardt lors de la tournée de la Comédie
Française à Londres en 1879, prélude à sa rupture
d’avec la troupe et à son départ triomphal en 1880 pour
l’Amérique.
Résistant à ses frasques, le critique Francisque Sarcey
tente de donner d’autres perspectives au talent de la comédienne en
vain car celle-ci souhaite par-dessus tout s’affranchir des schémas
imposés par les institutions artistiques françaises.
Leurs rencontres se déroulent à l’occasion de séances
de pose dans le cabinet du photographe Downey qui joue un rôle
médiateur plus ou moins efficace dans leurs relations contradictoires
et tumultueuses.
Thérèse Crémieux, comédienne interprétant
Sarah Bernhardt est moins convaincante, de même que Jean-Paul Muel,
tous les deux dirigés délibérément «sans
effet», comme le prônait précisément Sarcey. Seule
note originale avec Pascal Ternisien qui s’implique avec grâce dans
le rôle mondain et très british de l’intermédiaire
désintéressé!...
Cependant les relations entre l’illustre comédienne et le
célèbre critique se révèlent tellement captivantes
que cette interprétation en demi-teintes a la vertu de ne pas nous
distraire de l’enjeu: Quel point de vue sur quel Théâtre?
Theothea le 17/06/99
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POEMES A LOU
de Guillaume Apollinaire
Mise en scène: Samuel Benchetrit
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Théâtre de l'Atelier
Tel: 01 46 06 49 24
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Lou, c’est Louise de Coligny-Chatillon et lui c’est Apollinaire qui,
fasciné par cette femme rencontrée dans un restaurant de Nice
grâce à des amis communs en 1910, va écrire en son honneur
quelque 220 lettres et près de 80 poèmes jusqu’en 1915, alors
que leur liaison ne durera effectivement que 8 jours à Nîmes
lors de son incorporation militaire volontaire.
Mais elle et lui, c’est aussi Marie Trintignant et son père Jean-Louis
qui pour 50 représentations exceptionnelles au théâtre
de l’Atelier ont choisi dans cette créativité littéraire
à l’égard de Lou, un florilège qui leur permet de raconter
à deux voix cette passion ardente et sensuelle non partagée
et dont le renoncement ne fera qu’attiser le délire amoureux!...
Un banc, deux pupitres surélevés avec leurs tabourets tout
en bois rustique, des costumes noirs de type « Mao », un saxophone
égrenant avec suavité du Eric Satie en fondu enchaîné,
et puis un père et sa fille!...
Nous pouvons imaginer que Jean-Louis et Marie dans une maison de campagne
le week-end à proximité d’un feu de bois pour quelques intimes,
se sont essayés à la narration poétique de cet appel
amoureux émouvant, et voilà que soudain nous sommes ces intimes
remplissant le théâtre de l’Atelier jusqu’au dernier des balcons....
écoute profonde, instants privilégiés!....
Qui de la fille ou du père a voulu nous faire cadeau de cette
troublante liaison dont nous ne saurons jamais où sont cachés
les secrets de la séduction ?
Certes, c’est Apollinaire qui énonce ses mots voluptueux et intimes,
mais de fait c’est Marie qui les prononcent en s’adressant à Jean-Louis
et bien entendu vice-versa!... Inceste, pourquoi effleures-tu notre perception
troublée alors que ces deux comédiens nous invitent avec persuasion
au sein de leur renoncement?
Elle, à la recherche de toutes ces femmes que son père a
charmées au cours de sa carrière de comédien ? Lui,
à la recherche d’un pouvoir de séduction qui se ferait plus
rare ? Elle et lui, empreints d’une sérénité filiale
pour laquelle toutes les tangentes de la créativité seraient
une nourriture convoitée ?
C’est le superbe
secret de Marie et Jean-Louis! Aussi nous ne serons pas conviés
à franchir l’au-delà du miroir car seules s’y trouvent les
coulisses de l’expression artistique... ainsi que les poèmes
d’Apollinaire!....
Theothea le 8/06/99
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JACQUES
OFFENBACH
Mr. Choufleuri et Mmes. de la Halle
Mise en scène: H. van der Meulen & J-L Martin-Barbaz
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Théâtre Silvia Monfort
Tel: 01 45 31 10 96
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Ce spectacle est tout à fait remarquable et il faut espérer
que les spectateurs seront nombreux à venir l’apprécier d’ici
le 18 juillet au Théâtre Silvia Monfort!....
Cette création de «Monsieur Choufleuri» et «Madame
de la Halle», deux opérettes méconnues séparées
par un entracte de vingt minutes est particulièrement apte à
nous faire découvrir le talent et la richesse musicale de l’oeuvre
d’Offenbach.
En outre l’ensemble des comédiens-chanteurs et des musiciens affichent
un plaisir du jeu dont le charme de la jeunesse, la compétence, la
simplicité professionnelle pourraient servir d’exemple à tous
ceux que la condescendance culturelle pourrait tenter vis-à-vis du
genre de l’opérette et de l’opéra-bouffe.
Si la première pièce est franchement drôle avec un
Monsieur Choufleuri, clone de Monsieur Jourdain qui, piégé
par sa propre forfanterie, se voit contraint à donner la main de sa
fille après avoir dû improviser avec celle-ci et son
prétendant un récital lyrique mâtiné de bel canto
devant des invités médusés, la seconde pièce
s’essaye avec grand talent à la comédie musicale flirtant avec
l’émotion mélodramatique d’une recherche en
maternité!...
Les metteurs en scène, les directeurs musicaux doivent être
félicités d’avoir construit un spectacle de très grande
qualité, chaleureux et onirique! C’est sans doute anecdotique, mais
il est significatif d’observer que les musiciens lorsqu’il ne sont pas
absorbés par leurs partitions, s’intéressent avec un plaisir
souriant et non feint à la comédie qui se déroule sur
scène!...
Assurèment une très sympathique soirée de début
d’été!...
Theothea le 12/06/99
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