Les
Chroniques
de
Theothea
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chroniques
de 86
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90
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COMBAT DE NEGRE ET DE
CHIENS
de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène: Jacques Nichet
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Théâtre de la Ville
Tel: 01
42 74 22 77
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Dans ce no man’s land du rapport de forces, se joue le destin d’une
humanité en perdition!...
Comme les seuls survivants d’une pensée binaire où le
manichéisme renverrait inéluctablement à la
paranoïa!...
Des hommes, aucun des trois ne sera en mesure d’arbitrer un conflit qui
dépasse l’entendement, les continents, les civilisations!...
Quant à la femme, parachutée dans cet univers
d’hostilité, aucune forme d’expression ne la sauvera des démons
qui la poursuivent!...
Parce que c’était eux, parce qu’ils étaient les derniers
représentants d’un monde Terminator, tout les poussait à
s’entre-tuer!...
Un noir, deux blancs, un chantier isolé gardé par des miradors
sous les feux des projecteurs d’une nuit sans lune, et puis un cadavre dont
la dépouille a disparu!... Rien n’arrêtera
l’incompréhension: pas même la compassion!... pas même
les mots!... pas même l’argent!...
Koltès prévient: « Combat de nègre et de chiens
ne parle pas de l’Afrique et des Noirs... elle ne raconte ni le colonialisme
ni la question raciale. Elle parle simplement d’un lieu du monde... sorte
de métaphore de la vie ou d’un aspect de la vie... »
François Chattot compose le personnage de Horn avec une truculence
désespérée qui, mêlant à la fois cynisme
et naïveté, imprime un rythme ludique à une situation
qui pèse comme une chape de plomb!...
Dans cette même perspective le metteur en scène, Jacques
Nichet portant un regard distancié, laisse un humour sans illusion
s’insinuer dans le dédoublement de chacun des quatre personnages.
Le feu d’artifices préparé par Horn peut maintenant faire
office de catalyseur: Tout est en place pour en finir avec le ressentiment
collectif !...
Theothea le 08/03/01
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UN FIL A LA PATTE
de Georges Feydeau
Mise en scène: Georges Lavaudant
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**
Théâtre de l'Odéon
Tel: 01
44 41 36 36
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Ainsi Georges Lavaudant a choisi de monter Feydeau au théâtre
de l’Odéon!.... Nouveau défi d’alternance entre comédie
et tragédie, entre la légèreté du divertissement
et la profondeur des mythes antiques!.... Mais également «air
du temps» puisque pas moins de trois «Feydeau» se trouvent
à l’affiche de manière concomitante à Paris!...
Trois actes à rebondissements incessants composent cette pièce
qui brocarde autour du thème du futur marié, louvoyant entre
les familles de sa maîtresse et de sa promise, afin de tenter
d’esquiver les ennuis!...
Dans la mesure où le metteur en scène respecte à
la lettre le cheminement du vaudeville sans jamais rendre excessif le
comportement caractériel des personnages, disons-le, une certaine
lassitude pourrait poindre, eu égard au choix de mettre en valeur
les péripéties de cet imbroglio davantage que son
extravagance!...
L’exception, c’est le troisième acte quand Patrick Pineau, effectuant
sa toilette intime, entre des portes et des sonneries qui ne cessent de le
perturber, offre véritablement la dimension délirante que tout
cet enchaînement de tribulations scabreuses se devrait de susciter
en échauffant les esprits!...
Paradoxalement le travail très approfondi que la troupe de Georges
Lavaudant a effectué pour entrer dans l’esprit de ce vaudeville, souffre
d’un excès de crédibilité!... Certes le synchronisme
de la mécanique théâtrale est parfaitement en accord
avec le jeu des comédiens qui progressent en phase dans la dialectique
des répliques, mais peut-être tout cela reste-t-il trop
convenu!...
En outre les contraintes contemporaines obligent à un compromis
avec le respect du rythme voulu par l’auteur: En effet, la mise en scène
nous frustre de deux entractes initialement prévus, en esthétisant
dans la pénombre le changement à vue des décors et surtout
en nous infligeant la fameuse sonnerie de rappel pour mieux en confirmer
la privation!...
Bien entendu le public préfère actuellement
l’enchaînement des actes, mais ne serait-ce pas au détriment
d’une respiration nécessaire?
Sylvie Orcier, Patrick Pineau, Philippe Morier-Genoud, Gilles Arbona
emmènent la dizaine de leurs valeureux partenaires en un labyrinthe
où notre plaisir est de les voir se cogner sur des glaces... devenues
présentement, peut-être un peu trop virtuelles!...
Theothea le 09/03/01
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NOVECENTO PIANISTE
d' Alessandro Baricco
Mise en scène: Frank Cassenti
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****
Théâtre
Pépinière-Opéra
Tel: 01 42 61 44 16
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Avec Novecento, Jean-François Balmer semble avoir découvert
son Graal !... Visage juvénile presque émacié, voix
bien placée grimpant avec souplesse dans les octaves, il se livre
sur scène tel un chat sauvage, prêt à un cache-cache
effréné avec une proie symbolique qui ne lui échapperait
que par consentement tacite!..
Après déjà 150 représentations, la fraîcheur
recouvrée d’un acteur dégustant la plénitude de son
art s’empare d’une salle à la fois médusée par sa
performance, en même temps que fascinée par une histoire qui
semble sortir de la nuit des temps!...
Conte poétique, parabole, récit mythique, qu’est-ce que
l’histoire de ce musicien qui, jouant fabuleusement du piano, ne quitta jamais
le paquebot «Virginian» durant les vingt-sept ans de sa vie, sans
jamais mettre pied sur la terre ferme?
Découvert bébé dans une boîte sur le piano
de la salle de bal, il fut adopté par un des marins qui l’appela Novecento
en l’honneur de la fin du XIXème siècle!...
A huit ans, lors de la mort de son père adoptif, il disparut sans
que le capitaine réussisse à le débarquer... pour
réapparaître durant la traversée, en pleine nuit jouant
sur le fameux piano !....
Sa réputation fit rapidement le tour du monde, tellement sa musique
et son talent furent extraordinaires!...
Enfant sauvage hyper-doué, le monde vint à lui pour
découvrir l’innocence première, qu’aucun point de vue
distancié n’avait pu altérer puisque totalement incapable
d’aller au-delà de la deuxième marche de la passerelle vers
ce «quai» où vit l’humanité en aspirant les immigrants
vers l’Amérique!...
Un état de grâce enveloppe le récit d’Alessandro Baricco,
sans cesse plébiscité par le public italien depuis 94, et gagne
corps et âme l’interprétation fastueuse de Jean-François
Balmer, mis en scène et en musique des mots, par le rythme très
jazz de Frank Cassenti.
Theothea le 14/03/01
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L'HOMME DU HASARD
de Yasmina Reza
Mise en scène: Frédéric Bélier-Garcia
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****
Théâtre de l'Atelier
Tel: 01 46 06 49
24
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A l’instar du théorème de géométrie qui
énonce que deux parallèles ne se rejoignent qu’à
l’infini, Yasmina Reza place ses deux voyageurs dans un compartiment de train
qui devrait les mener si non à Francfort, au moins à se
reconnaître au terme d’un parcours ferroviaire, tout en réflexion
intérieure!...
Comme les deux faces d’une même médaille, l’oeuvre
littéraire et plus précisément ici, un roman
«L’homme du hasard» est au centre de leur commune méditation:
Lui est l’écrivain «amer», comme il se complaît
à le répéter, et se convaincre du peu de sens qu’il
accorde à l’existence!...
Elle est la lectrice, perspicace et devinant ce que les mots cachent par
pudeur, quand bien même seraient-ils au service de la
littérature!...
Lui, absorbé par le dépit qui permet d’élever le
ressassement en art de vivre, en art d’écrire!...
Elle, tout à l’intention de faire lien entre le roman qu’elle a
dans son sac à main et l’homme qu’elle a immédiatement reconnu,
en espérant qu’il fût conforme à l’image qu’elle se fait
de l’écrivain!..
Mais au fond, elle est prête à faire moulte concessions avec
le modèle de son imaginaire, pourvu que cet homme fasse in fine, preuve
d’humour!...
En un va et vient de leur compartiment au wagon bar, mis ingénieusement
en rails par Frédéric Belier-Garcia, ils s’observent, se guettent,
se prêtent des sentiments, et craignent respectivement une réaction
intempestive de l’autre qui mettrait un terme inéluctable au charme
évanescent, les reliant par-delà leurs frustrations!...
Le temps ferroviaire a toujours su s’offrir aux privilèges des
«brèves rencontres», permettant en raccourci saisissant,
de pointer l’essentiel de deux êtres en errance spéculative
d’avec leur vécu!...
Yasmina Reza ajoute ici, à l’enjeu d’une subtile approche, la dimension
philosophique de la reconnaissance, de la complémentarité,
de l’altérité du geste artistique, en l’occurrence celui de
l’écriture!...
Philippe Noiret ne joue pas!... Il est le personnage, il semble exprimer
à voix haute, ses propres réflexions que lui inspirerait
l’amertume de la vie!..
Catherine Rich elle, joue sur une palette qui évolue de la
discrétion réservée à l’audace admirative de
l’aveu, en un regard mélancolique focalisant sur
l’optimisme!...
Faisant fi du piège de la conversation, tous deux se jouent des
mots en les taisant au fond d’eux-mêmes, pour mieux mettre en valeur
d’une part l’auteur, d’autre part les deux comédiens qu’un immense
éclat de rire peut emporter là-bas à
l’infini!...
Theothea le 14/03/01
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VOIX SECRETES
de Joe Penhall
Mise en scène: Hélène Vincent
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***
Théâtre de l'Est Parisien
Tel: 01
43 64 80 80
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Les cinq comédiens de la compagnie Crac sont tout à fait
remarquables dans l’interprétation de cette pièce du jeune
dramaturge anglais Joe Penhall, particulièrement sensibilisé
aux déviances mentales.
Les deux frères Tom et Steve, composés par Vincent Winterhalter
et Didier Royant apportent une vérité au geste et à
la parole, digne des théories de l’actor’studio!...
Quant à Laura que Claudine Bonhommeau doit faire slalomer entre
les contradictions et les pressions opposées, elle se coule avec
sensualité dans la violence des mots!...
Tous se laissent happés par une mise en scène perspicace
d’Hélène Vincent qui occupe l’espace de la scène du
TEP avec efficacité:
Sur fond de façade d’institution psychiatrique, des décors
mobiles glissent depuis les côtés cour et jardin, les lumières
tombent avec la précision d’un puzzle!...
Une atmosphère digne du tramway et du désir de Tennessee
Williams ou du vol et des coucous de Dole Wasserman, là où
les rapports de force exacerbent les malentendus et les fragilités
des affects contrariés!...
Comment rester intègre quand les autres détruisent le peu
de confiance que la vie vous accorde arbitrairement ?
Cette question chacun des cinq personnages pourrait la faire sienne avec
plus ou moins d’acuité et d’extraversion selon les circonstances!...
Même le plus équilibré d’entre eux, Steve qui dirige
avec succès un petit restaurant, semble dissimuler une faille
indicible!... Sa force est de pouvoir la transgresser; ceux qui l’entourent
n’ont pas cette capacité mais en revanche leur mal-être a libre
accès aux expressions de la douleur, que tour à tour destructions
et passions peuvent emporter en tourbillons!...
A terme, la problématique restera entière mais l’auteur
a forcé durant 140 minutes nos yeux à s’ouvrir, fût-ce
avec humour!...
Ainsi la réalité psychique et sociale peut s’offrir les
voies de la stylisation du théâtre, celui-ci en retour peut,
à qui se met à leur écoute, accorder un réel
profit aux voix secrètes!...
Theothea le 15/03/01
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