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MISTINGUETT
de Franklin le Naour
Mise en scène: Jérôme Savary
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***
Opéra-comique
Tel: 08
25 00 00 58
|
Passer une soirée à l’Opéra-comique en 2001 est en
soi une promesse festive que ce lieu parisien prestigieux, rénové
récemment avec ses ors, colonnades, statues et autres oeuvres picturales,
offre au public en une contemporanéité délicieusement
désuète!...
Comment ne pas comprendre le plaisir que procure à Jérôme
Savary, la toute nouvelle direction d’un théâtre aussi
magnifique?
De toutes évidences, cette salle est appelée à
l’avenir, à vivre de sublimes moments de spectacle vivant!...
Dans cette perspective, «Mistinguett, la dernière revue»
réunit une distribution séduisante, un orchestre de grande
facture, un gigantesque décor pivotant sur lui-même, et tout
cela en s’appuyant sur un patrimoine musical hors compétition!...
Mais ô divine surprise, Jérôme Savary avec sa casquette
de metteur en scène, apparaît soudain en un souffle
d’inspiration fort sage, là où on aurait pu l’imaginer plus
fantasque que jamais!...
C’est davantage ici, la nostalgie et les sentiments amoureux contrariés
qui viennent illustrer le point d’orgue d’une carrière de
légende!...
Liliane Montevecchi, Jean-Marc Thibault, Ginette Garcin, chacun avec sa
notoriété personnelle, sont manifestement en phase avec cette
mélancolie tonique sur laquelle des jeunes pousses comme Nina Savary
dans le rôle de Lily ou Antonin Maurel dans celui de Jacques Marchand,
peuvent se faire apprécier!...
Peut-être néanmoins le livret souffre-t-il d’être le
canevas de chansons célèbres devant y trouver place, sans que
pour autant le mythe y soit suffisamment mis en valeur!...
L’auteur Frankin Le Naour reste respectueusement à distance des
frasques, des extravagances, et de la caricature pour créer une
comédie musicale qui copie son sujet plus qu’elle ne
l’incarne!...
En quelque sorte, ce spectacle se veut avant tout, un hommage à
la meneuse de revue charismatique que fut Miss Mistinguett, la conduisant
du Casino de Paris, aux Folies Bergère en passant par Broadway, et
qui à ce titre l’inscrit pour toujours dans la mémoire artistique
du XXème siècle!...
Incontestablement pour créer l’aura d’un projet aussi ambitieux,
Jérôme Savary ne pouvait rêver meilleur choix que Liliane
Montevecchi trônant dans cette splendide salle Favart de
l’Opéra-comique!...
Theothea le 28/03/01
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LES DANSEURS DE LA
PLUIE
de Karin Mainwaring
Mise en scène: Muriel Mayette & Jacques Vincey
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**
Théâtre du Vieux-Colombier
Tel: 01
44 39 87 00
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Le jour où la pluie viendra, alors....
Au bout du bout du monde, trois générations de femmes se
sont façonnées un fragile modus vivendi sans cesse remis en
question par les états d’âme de chacune d’entre elles!...
C’est Rita dans la force de l’âge qui préside de fait avec
autorité, aux destinées de ce trio vivant en reclus dans
l’immense désert australien.
Mais que diable allaient-elles faire dans cette galère aride et
hostile ? C’est vingt-cinq années plus avant que se trouve l’origine
de cette implantation, alors que Dan emmenait sa mère et son épouse
pour s’installer dans un coin reculé afin notamment d’y donner naissance
à Kat!...
Quelque temps plus tard, il les quittait toutes trois pour poursuivre,
on ne sait quel démon!...
Et puis voilà qu’aujourd’hui il est de retour, avec la même
superbe et le même aplomb qu’autrefois, ayant à l’esprit on
ne sait trop quel intérêt calculé!...
Sa fille le découvre, en même temps que le sexe opposé;
sa mère affaiblie par l’âge, le reconnaît à peine
que comme un gamin fugueur; quant à sa femme, c’est peu de dire que
l’ambivalence de ses sentiments la porte au rejet instinctif!...
Un rapport de forces d’abord feutré puis exacerbé va
s’emparer de cette famille «recomposée», toute à
l’inquiétude de l’imminence d’une pluie à la fois salvatrice
et dévastatrice!...
Cette pièce de Karin Mainwaring a été remarquée
en 1994 par le comité de lecture de la Comédie française
associée à la SACD, avec depuis l’objectif résolu d’en
faire la création en France!...
En la circonstance Muriel Mayette s’associe avec Jacques Vincey pour en
façonner une mise à scène à deux têtes,
masculine et féminine!...
Les deux Catherine, Samie et Ferran tiennent, en complices
avérées, les rênes d’un filet où effectivement
Bruno Raffaeli se trouve davantage ballotté que ne peut l’imaginer
le personnage de Dan, de retour au bercail!...
De même, Julie Pilod manifeste avec une contrariété
subtile, les doutes de Kat quant aux motivations du soudain retour de ce
père prodigue!...
Un décor astucieux en façade d’habitation, élaboré
par Hervé Boutard et pouvant, par association, rappeler une entrée
de camp de la mort!...
Un magnifique travail de création qui fait immerger les non-dit,
les ressentiments, les intentions contradictoires, portés à
l’incandescence d’une situation extrême!...
Theothea le 04/04/01
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LE TEMPS EST NOTRE
DEMEURE
de Lars Norén
Mise en scène: Richard Leteurtre
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***
Théâtre de
l'Opprimé
Tel: 01 43 40 44 44
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Serait-ce la Cerisaie ou les âmes de ceux qui la peuplent aux beaux
jours, qui devraient ici être mis à l’encan?
Les dix personnages convoqués en villégiature par Lars Noren,
constituent en quelque sorte un état des lieux, un état du
monde en ce passage de relais, de siècle à siècle!...
La génération des soixante-huitard se retrouvent en position
de doyenne, face à sa descendance passablement tourneboulée
par les contradictions voire le fossé se glissant entre les
idéologies théoriques et le constat d’échec que ces
enfants ressentent douloureusement quant au vécu de leurs parents!..
Comment ne pas entendre en écho dans le titre français de
la pièce «Le temps est notre demeure», la consonance de
«Le temps en nous se meurt»?
Pour illustrer l’observation de l’auteur, à son tour le metteur
en scène Richard Leteurtre installe une machine à broyer les
certitudes et les bons sentiments!... Ainsi se présentant à
l’équerre horizontale, deux axes coulissent à volonté
durant les trois heures du spectacle pour se positionner dans un ronronnement
technologique, en décor ajustable aux états
d’âme!...
Dès les premiers instants de la dramaturgie, plage sonore et
chorégraphie drapée de corps dans la lumière peuvent
évoquer la Björk du «Dancer in the dark», imprimant
le ton désenchanté de retrouvailles, au tempo
d’envolées lyriques en perte de sustentation!...
Trois couples, deux célibataires et deux jeunes filles vont dans
le chassé-croisé des deux premiers actes, esquisser le
mal-être qui se dissimule sous les lâchetés, les reproches,
les ressentiments que chacun perçoit avec acuité chez
l’autre!...
Cependant comme tous offrent dans les failles du mensonge, un reflet de
l’inacceptable, le troisième acte après l’entracte réunira
tous les protagonistes en une garden-party du chaos!...
Anne Barlind, ayant en outre la casquette d’adaptatrice du texte
français, emmène avec impudence l’ensemble des comédiens
au-delà du miroir des faux-fuyants attendus!... Les répliques
fusent comme des balles traçantes en autarcie, zébrant tour
à tour le ciel de l’amour, de l’amitié, et fracassant au passage
la nostalgie des jours heureux!...
Ce feu d’artifices sera un véritable régal pour qui voudrait
ne pas se bercer d’illusions avec les images du bonheur au
garde-à-vous!...
Magnifique interprétation que chaque rôle dans son malaise
aura l’énergie positive de transgresser au-delà des signaux
de détresse!... Save Our Souls. S.O.S!...
Theothea le 05/04/01
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LES BONNES
de Jean Genet
Mise en scène: Alfredo Arias
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***
Théâtre des Bouffes Parisiens
Tel: 01 42 96 92 42
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Celle-là, elle est vraiment bien bonne!... Serait-ce une plaisanterie?
Non, c’est Alfredo Arias qui se joue de Madame!...
Serait-ce un fantasme d’acteur qui puise dans l’imaginaire des deux bonnes
Claire et Solange, la quintessence dissimulatrice de poupées russes?
Ou encore une prestation divine dont la gestuelle syncopée
semblerait habitée par une fluidité sensuelle, foudroyant ceux
qui subiraient subitement le vertige du concept transsexuel?
Sans aucun doute, est-ce l’art du masque poussé au paroxysme du
délire baroque, tant dans la forme que dans la révélation
sidérante du faux-semblant!...
Comme si derrière le miroir et malgré nos
dénégations, seule l’image du vide pouvait combler les
gesticulations de la contemplation ébahie!...
Comme si l’homosexualité et le narcissisme prêtés
aux deux bonnes, étaient renvoyés d’un seul coup dos à
dos, pour mieux en signifier l’arrêt de mort!...
Une tasse de tilleul au gardénal trop froide et voilà Madame
rejetée dans les limbes de Monsieur, c’est-à-dire très
certainement nulle part, alors que voici le couple servile se fondant dans
l’acte suprême!...
Alfredo Arias, metteur en scène possède le sens inouï
du geste qui éclaire l’inconscient!... Cette trinité féminine
n’a d’autre issue que le sacrifice des deux tiers pour accéder à
la rédemption de tous!...
C’est bel et bien le théâtre qui est en charge d’effectuer
le passage irrationnel dans l’au-delà des consciences, là où
le rire pourra nous faire frôler ce que nous n'osions imaginer!...
Pour donner chair au paradoxe des bonnes, Laure Duthilleul et Marilù
Marini travestissent le corps et l’esprit de Madame qui telle une chrysalide
leur échappe à tout jamais !...
La messe est dite!... Saluts et immense respect aux artistes!...
Theothea le 01/05/01
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LE PRINCE
de Nicolas Machiavel
Mise en scène: Anne Torrès
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***
Théâtre des Amandiers
Tel: 01
46 14 70 00
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Véritable gageure que de vouloir monter au théâtre
un traité de politique appliqué dont la continuité du
script pourrait s’apparenter à un pensum juridique!...
Au centre du débat, le pouvoir sous toutes ses formes, abordé
de manière lucide et pragmatique selon un processus
thématique!...
Destiné à l’adresse de tous ceux qui cherchent à
comprendre le mécanisme du gouvernement des hommes par quelques-uns
d’entre-eux, cet ouvrage est compulsé plus souvent par domaines
d’intérêts successifs que selon une lecture in extenso,
inévitablement aride!...
Bref, a priori ce plaidoyer politique est plus à même de
stimuler l’analyse de texte que de faire l’objet d’une création
théâtrale!...
Et cependant Anne Torrès a relevé le défi qu’elle
s’est imposée à elle-même, car « Le Prince »
de Machiavel est sa lecture de référence depuis fort longtemps!...
Ce privilège en valant bien un autre, le songe d’un palais florentin
transparent et baigné par une lumière intérieure irradiant
autour d’un magnifique oranger, a déterminé la qualité
visionnaire de sa mise en scène!...
En effet ce spectacle créé aux Amandiers de Nanterre, trouve
effectivement la plénitude de son attrait, dans un décor
labyrinthique où la lumière irisante semble percer le mystère
des êtres en les rendant impressionnistes!...
Anne Alvaro, Alexandra Scicluna, Agnès Sourdillon incarnant
respectivement la vertu, la fortune et la guerre semblent capter cette
lumière pour en inonder le prince, Jérôme Kircher, au
demeurant plus à l’aise dans l'observation attentive qu’en phase avec
l’amplitude de ses partenaires féminines!...
Les voix s’entrecroisent au-dessus des contingences, toutes en quête
de règles de conduite stratégique dont chacun pourra faire
son miel!... Mais de cette création, ce sera en définitive la
luminosité diaphane qui restera imprégnée à jamais
dans les coeurs et les esprits, tel un songe florentin!...
Theothea le 03/05/01
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