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2004
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8ème
Saison
Chroniques 08.56
à
60
Page 119
Théâtre
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ETE 2003, LA MORT
DANS L'ÂME
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LE SENATEUR FOX
de Luigi
Lunari
mise en scène
Jean-Luc Tardieu
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****
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Tel: 01 42 08 00 32
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Face à l'ordre moral, les faux-semblants éthiques risqueraient
de compromettre la carrière d'un homme politique dont l'image publique
se doit d'être irréprochable!...
Partant de cette observation universelle, Luigi Lunari construit une intrigue
à plusieurs étages de mise à feu où une dissimulation
pourrait facilement en cacher une autre et dont la problématique devrait,
pour éviter toute compromission, se résoudre en définitive
par une neutralisation respective!...
Ainsi, s'il devait être avéré que le candidat
sénateur Fox était le père caché d'Angelo Colombi,
son propre secrétaire particulier lui-même envisageant de se
marier avec Marie-Victoire, fille dudit sénateur et de Blanche-Marie
son épouse, comment, dans cette perspective, concevoir une réelle
légalité à cette union, si ce n'est en découvrant
que la mère aurait peut-être fauté fort opportunément
avant d'épouser Fox?...
Métaphore des tortures mentales que la religion, la vie publique,
l'éducation excellent à imposer en contorsions pour
échafauder des vérités successives, afin de préserver
le concept éminent de respectabilité!...
L'auteur pouvant s'apparenter à un Feydeau contemporain se glisse
dans le mécanisme psychique de ses personnages, et ce sont
véritablement les affects, le désir, tout autant que la
lâcheté qui s'expriment avec gravité ou cocasserie pour
mieux faire imploser les intérêts divergents!...
A ce petit jeu, Catherine Rich emporte la palme de toutes les facéties
ingénues, esquissant une gestuelle stéréotypée
reflétant à merveille un état d'âme folâtre!...
Face à cette effervescence, Pierre Mondy tente de tenir les rênes
de l'ambition maîtrisée, en toutes capacités de s'inventer
délibérément une réputation, copie conforme aux
obligations du carriérisme politique!...
Accompagnant ces soubresauts inénarrables, Jean-Luc Tardieu met
en scène la fraîcheur estivale d'un patio où les époux
pourront confronter à fleurets mouchetés, les embarras d'un
non-dit paradoxalement profitable.... à personne!...
Pour couronner la mesquinerie bien pensante, enfants légitimes
ou non, ainsi que courtisans de toute obédience se relaieront tour
à tour sur cette terrasse dans un suspens permanent, afin de
déterminer la fiabilité cardiologique du sénateur, mise
à mal par des alertes médicales feintes ou non!...
Un bel aréopage pour un monde, tellement vertueux à
souhait!...
Theothea le 20/01/04
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PORTRAIT DE FAMILLE
de Denise
Bonal
mise en scène
Marion Bierry
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****
Théâtre de Poche Montparnasse
Tel: 01 45 48 92 97
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Si la vie était un long fleuve tranquille, le "Qu'en dira-t-on
?" ne tracasserait point Louise, au point de porter des jugements moralistes
et néanmoins désenchantés sur tout un chacun!...
Son collimateur n'épargne personne, pas davantage ses enfants que
les "pièces rapportées" et autres voisins en peine!...
Que les comportements déviants des uns, voire suicidaires des autres
se mêlent de rendre infernale la survie de la maisonnée,
n'atténuent en rien la xénophobie latente si possible un cran
en-dessous de celle de la France d'en bas mais toujours judicieusement en
porte-à-faux!...
Au jeu de la barbichette, je te tiens "Misère" toujours moins
sûrement que l'affection qui relie l'entourage au réseau des
bons sentiments!...
Deux fils bons à rien, une fille aigrie, une belle-fille Kabyle
manipulatrice et un gendre désabusé ou cynique au choix,
voilà bien des éléments fiables pour préparer
des noces conviviales aptes à donner le change à un destin
si peu séducteur!...
Femme de ménage de son état, Louise fait de son mieux pour
arrondir les fins de mois et les obstacles destructeurs de tout acabit que
sa famille ne cesse de dresser autour d'elle, à qui mieux mieux!...
Ne devrait-elle pas enfin s'intéresser davantage à
elle-même, afin d'envisager un avenir plus souriant?
Chantal Neuwirth compose un portait hilarant en similitude spirituelle
avec celui de Catherine Jacob dans le jeu de famille Groseille du film d'Etienne
Chatiliez!...
Toute l'équipe fort réputée du Théâtre
de Poche, Benoît Giros, Serge Noel, Naidra Ayadi, Eric Verdin, Roland
Marchisio et Marie Reache saoûlent Louise d'une affection violente
et pleine de tendresse exacerbée!...
Le public vibre avec ces loosers, en pleine solidarité avec leur
fraîcheur émotive, brute de décoffrage!...
Theothea le 20/01/04
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EVA PERON
de Copi
mise en scène
Gloria Paris
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****
Théâtre de l' Athénée
Tel: 01 53 05 19 19
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Dans un espace de virginale blancheur confinant aux limbes, où
un triptyque de portes à tambour peuvent s'égayer comme les
ailes d'un moulin à vent, surgissent tour à tour cinq personnages
échappant à une bande dessinée virtuelle en des gestuelles
composites et syncopées qui pourraient les faire mourir de rire!...
En effet, autour du cancer d'Eva Péron (Christine Gagnieux) gravitent
son mari (Alain Gautré), sa mère (Edith Scob), une infirmière
(Nathalie Lacroix) et Ibiza (Bruno Fleury) qui tous sont à sa merci,
autant qu'ils se complaisent à titres divers en des fonctions
répertoriées de souffre-douleur!...
La mise en scène a travaillé au corps les cinq comédiens,
jusqu'à ce qu'ils deviennent les jouets d'une farce aussi monstrueuse
que sublime!...
La jubilation parcourt, de la scène à la salle, cette succession
d'instants tragi-comiques en faisant vibrer le non-dit dans l'inconscient
pour en chorégraphier une danse de morts-vivants au sein d'une provocation
ostentatoire sous forme de rituels cyniques!...
Entre piqûres de rappel à la vie, robes du soir et code
confidentiel de coffre-fort, rien d'autre que de l'entregents mondain et
dépité à l'intention de fantoches baignant dans une
élégance de l'âme extrême!...
Gloria Paris purge Copi de toutes contingences pour en susciter
l'évidence de l'Esprit!...
Les interprètes s'abandonnent à une mascarade de génie,
confiants dans la perfection d'une inspiration palpable!...
Tous se livrent une heure durant à une mise en règle de
la présence sur scène, réinventant au passage le mouvement
perpétuel!...
Elle va mourir la Mamma!... A moins que ce soit son clone qui
dégénère allègrement l'imaginaire d'un Don Quichotte
au féminin!...
Theothea le 16/01/04
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L'INSCRIPTION
de
Gérald Sibleyras
mise en scène
Jacques Echantillon
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Théâtre du Petit Montparnasse
Tel: 01 43 22 77 74
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" Lebrun = con ": Voilà bien annoncés le mobile et l'arme
du crime!...
Qui se cache derrière cette inscription venant d'être
apposée sur la cloison intérieure, de face dans l'ascenseur
d'un immeuble de standing?
Avertis par le principal intéressé ayant emménagé
en couple récemment, les résidants s'interrogent avec
l'arrière-pensée taraudante "Il n'y a pas de fumée sans
feu! ".
Commence alors un chassé-croisé de commentaires et de
réflexions sophistiques sur l'art de vivre en socièté
qui, mine de rien, ont comme principal objectif de harceler la victime de
cette calomnie anonyme!...
Pourquoi cette danse du scalp autour d'un jeune marié qui n'aurait
commis d'autre forfait que celui de ne pas se sentir le bienvenu au sein
d'un voisinage ayant déjà organisé sa vie collective
autour d'un ensemble tacite de codes simplistes?
C'est ainsi que remettant en question ces clichés et autres lieux
communs faisant office de viatique politiquement correct, Monsieur Lebrun
irrite son entourage au lieu de susciter la solidarité qu'il se croyait
en droit d'attendre!...
Qui alors saura être pragmatique dans une telle configuration
relationnelle? Celui qui s'adapte au jeu des idées toutes faites
permettant de fédérer a minima le groupe social? Celui qui
au contraire résiste à l'idéologie de panurge pour tenter
de penser juste?
Gerald Sibleyras ne tranche pas, mais laisse en fin de parcours monsieur
Lebrun plus que jamais seul face à lui-même!... Quant aux
spectateurs, ils ont l'immense privilège de pouvoir rire à
tous les étages de cette résidence métaphorique, grâce
à des points de vue s'élevant allégrement du consternant
à l'époustouflant!...
Jacques Echantillon organise le conflit comportemental, en incitant le
jeu des alliances objectives avec la sujectivité des tempéraments
identifiables à des personnages caractéristiques (Nathalie
Cerda, Claude Evrard, Raphaeline Goupilleau, Jean-Luc Porraz, Martine Sarcey,
Stephan Wojtowicz).
Nul doute qu'à la suite d'"Un petit jeu sans conséquences"
(La Bruyère) et de "Le vent des peupliers" (Montparnasse), l'auteur
eut offert en cadeau de réouverture du "Petit Montparnasse" à
sa directrice, Myriam Feune de Colombi, un bel augure de nominations aux
Molières 2004, emboîtées à la manière des
poupées russes!...
Theothea le 27/01/04
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BRITANNICUS
de Racine
mise en scène
Brigitte Jacques-Wajeman
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Théâtre du Vieux-Colombier
Tel: 01 44 39 87 00/01
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© Jean-Paul Lozouet -
Pour la metteuse-en-scène Brigitte Jacques-Wajeman, le personnage
de Britannicus (Marc Voisin) est un épiphénomène faisant
à peine écran à la convoitise de Néron (Alexandre
Pavloff) à l’égard de Junie (Rachida Brakni), alors que les
deux demi-frères sont en rivalité extrême face à
Agrippine (Dominique Constanza) qui, de belle-mère à mère,
n’a de cesse d’intriguer pour imposer son pouvoir totalitaire, par toutes
les ruses de la perversité!...
Au beau milieu d’un décor (Emmanuel Peduzzi) sobre et cossu baignant
dans une lumière cuivrée et fluctuante où trônent
deux fauteuils club sur un parquet d’antichambre à toutes les infamies,
se jette des cintres comme une cascade en un flux ondulant, une gerbe de
lamelles stalactites autorisant toutes les postures du voyeurisme!...
C’est peu dire que le fils d’Agrippine n’aura de cesse de rebondir sur
un tel stratagème scénographique allant jusqu’à pieds
nus s’y élancer à corps perdu pour y éprouver sa
colère de jeune despote!...
La Princesse des mille et une nuits, n’aura plus qu’à paraître
pour que Néron soit ainsi prêt à tous les meurtres afin
d’éliminer chaque obstacle dressé contre son exaltation!...
Davantage frénétique que monstrueux, celui-ci se mettra
délibérément à l’écoute de son caprice
amoureux pour faire semblant de mieux ignorer la lutte d’influences se tramant
autour de sa personne!...
Agrippine sera le jouet de la vengeance, pendant que Britannicus fera
les frais de la vie et que Junie sera laminée!... Rien donc, ne
résistera au plaisir naissant de la dévastation, si ce n’est
la complicité d’un conseiller plus Narcisse que payeur!...
La révélation, Alexandre Pavloff !... La séduction,
Rachida Brakni!... La plénitude, Dominique Constanza!...
Avec une secrète jouissance, Narcisse (Jean-Baptiste Malartre)
et Burrhus (Roger Mollien) tirent eux à hue et à dia les ficelles
des fantoches de Racine, laissant à Albine (Camille Panonacle) le
soin de taire la sidération générale!....
Un classique en totale régénérescence au
Vieux-Colombier!...
Theothea le 29/01/04
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