Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

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11ème  Saison     Chroniques   11.21   à   11.25    Page  175

 

               

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JE NOUS AIME BEAUCOUP

de  Véronique Olmi

mise en scène    José Paul & Agnès Boury

****

Petit Théâtre de Paris

Tel: 01 42 80 01 81

 

               

     

"Je nous aime beaucoup" titre magnifique mais qui contient d'emblée le défaut de sa qualité. En effet derrière son arrangement ostentatoire avec la syntaxe se révèle une pièce dont le texte est extrêmement élaboré, voire trop complexe pour que les comédiens l'aient aisément en bouche avec le souci d'en pouvoir percuter toute la truculence.

A cette réserve près qui néanmoins accompagne la représentation dans son entier déroulement, le thème est suffisamment original pour retenir toute l'attention en redécouvrant soudain le conflit des générations alors que celle des postsoixante-huitards avaient eu pour objectif de l'abolir.

En effet d'un pragmatisme systématique, celle des vingt ans en 2006 nous est présentée comme un antidote redoutable au fallacieux laxisme des dogmes qu'auraient élaborés celle des militants du bonheur pour tous, au siècle précédent.

C'est donc la mauvaise foi qui va régner en maîtresse des cinq protagonistes réunis dans une ferme retapée au fin fond du Gers où Véronique Olmi les maintient pour cause de "noces" un week-end durant dans l'attente du train de retour pour Paris.

Il faut dire que l'auteur s'implique elle-même dans le vécu de cette situation jusqu'à jouer le rôle de cette épouse libérée et emblématique des seventies, en restant l'objet de conquête de ses deux soupirants d'alors, Pascal Elso l'ex et Stéphane Hillel devenu le mari.

"Je nous ai beaucoup aimés" pourraient-ils proclamer en choeur, tous trois à la face de l'autre couple (Aurore Auteuil & Sébastien Lalanne) résolument moderniste qui consciencieusement pratique l'art du sadomasochisme avec le respect d'un mode d'emploi bio mais dans une complicité illusoire.

En stigmatisant ainsi de manière caricaturale toutes attitudes figées dans les modes de vie stéréotypées, Véronique Olmi décante la voie d'une liberté salvatrice de penser au cas par cas, la pertinence conceptuelle ou non du couple.

Cependant José Paul, Agnès Boury et Marjolaine Aizpiri ont dirigé les cinq acteurs en gommant tout jeu de séduction qui aurait pu circuler entre les protagonistes.

Ce choix paradoxal de mise en scène met à plat le comportement grotesque de chacun mais inhibe quelque peu la sensualité du non-dit de la libido collective.

C'est ainsi qu'à distance générationnelle du Rohmerien "Genou de Claire", l'Olmien "Je nous... de Véronique" renvoie les uns et les autres dans les cordes d'un ring où le temps du marivaudage aurait été mis k.o. par la satire contemporaine.

Theothea le 20/10/06

ZOUC PAR ZOUC

de  Hervé Guibert & Zouc

mise en scène    Gilles Cohen

****

Théâtre du Rond-Point

Tel: 01 44 95 98 21

 

      Portrait Cat;S  

     

"À aucun moment je ne joue à être Zouc ". Certes Nathalie Baye n'est pas la comédienne à laquelle un directeur de casting penserait a priori pour incarner dans l'embonpoint cet illustre personnage tragi-comique apparu sur les planches au cours des années 70.

C'est cependant dans ce différentiel évident que l'actrice va se glisser pour mieux interpréter la parole recueillie par Hervé Guibert en une interview où Isabelle von Allmen se raconte à travers l'enfance, le pensionnat, l'internement psychiatrique, sa vocation pour le théâtre et de manière générale sa relation en "miroir de l'Autre".

En portant oralement à la scène ce texte quelque peu oublié, non seulement Nathalie Baye redonne sens à la vie actuelle d'Isabelle exclue par la maladie, par la même occasion suscite la mémoire de l'écrivain Hervé Guibert mort du sida, mais ce qui n'est pas le moindre, apporte au public une perception du monde pour laquelle elle se sent elle-même en résonance voire en empathie.

"... entre Zouc et moi, il y a des points d'ancrage... "

C'est ainsi que surgissant de l'obscurité d'un pas décidé, la comédienne vient s'asseoir dans la lumière sur l'une des cinq chaises disposées en rang d'oignons autour d'une table basse sur le devant d'une des petites scènes du Rond-Point.

Commencera alors une lente remontée d'un imaginaire fantasque jusqu'à une prise de conscience extralucide où la confession intime pourrait servir de manifeste universel à l'observation expérimentale comme outil privilégié afin d'abolir le conditionnement socioculturel.

L'hypersensibilité de Zouc pourra ainsi être restituée par paliers de décompression de la fantasmagorie jusqu'à la compassion en se positionnant bien entendu en dehors de tous préjugés moraux.

A Nathalie, en la circonstance passeuse de mots, cette démarche convient tel un gant qu'elle aurait enfilé jusqu'au bout des doigts afin de pouvoir jouer avec l'emblème atavique d'un petit mouchoir blanc qu'elle étale, de manière récurrente et avec une suavité complice, sur ses genoux.

Point d'imitation effectivement, mais bel et bien comme un mimétisme dans le geste désordonné, dans la pose affaissée, dans le parler rude qui d'emblée s'empare des secrets respectifs de l'enfance des deux comédiennes!...

Par la suite, au fur et à mesure qu'Isabelle deviendra Zouc, Nathalie retrouvera d'elle-même son autonomie identitaire dans laquelle, comme par un miracle de mise en scène (Gilles Cohen), chacune des deux artistes pourra s'exprimer à part entière.

C'est en outre sous la mystérieuse présence et l'écoute attentive d'un troisième personnage (Philippe Hérisson), tapi sur une chaise dans la pénombre du fond de scène, telle une silhouette à peine éclairée que va se développer la connivence des spectateurs soulagés dans un premier temps par le rire et emportés ensuite dans une méditation partagée à l'unisson sous l'heureuse médiation de ce "verbe ressuscité".

Theothea le 26/10/06

SUJET: CHOMSKY !

de  Saïda Churchill

mise en scène    Saïda Churchill

****

Akteon Théâtre

Tel:  01 43 38 74 62 

 

     Photo  LD. presse  

     

Depuis plus de dix-sept ans, Saïda Churchill arpente les scènes de théâtre et même si la compagne de Romain Bouteille n'a pas encore atteint la notoriété acquise par le fondateur du légendaire "Café de la Gare ", de toutes évidences, la comédienne que la critique affectionne avantageusement n'attend guère d'être plébiscitée par le grand public, trop soucieuse de rester maîtresse de sa carrière et surtout de sa liberté à perpétuer incognito la vie de saltimbanque.

En parcourant son nouveau  site web officiel  sur lequel notamment elle commente, en page d'accueil sous forme de blogs, ses pérégrinations d'artiste au quotidien, se révèle une jeune femme à la fois très structurée et pleine de fantaisie assumant la contradiction vaniteuse d'être plus que jamais émoustillée par un excellent papier du Figaro.

Aussi ce soir d'octobre en venant assister à son spectacle intitulé "Sujet: Chomsky!" repris depuis une quinzaine à l'Akteon Théâtre, classé avec peu de visibilité dans la récente rubrique du Pariscope en "salle de moins de cent places", il est d'emblée déconcertant de constater que nous ne serons que cinq spectateurs pour assister à ce one woman'show.

A posteriori pourtant, ce fut un véritable privilège car le gruppetto se trouvant hors de son champ de vision, l'interprète seule dans sa bulle de lumière livra un combat de gladiateur avec l'auteure son alter ego devenue l'unique point d'ancrage.

Jamais sans doute le poisson rouge tournant bourrique dans son bocal, ne fût-il aussi précieux compagnon de fortune scénique pour l'héroïne car aucun rire n'osa ponctuer le déroulement de cette pièce à conceptualisation pathétique et donc essentiellement comique!...

C'est dans ces circonstances exclusives que le véritable talent peut être évalué avec la certitude du charbonnier convaincu d'avoir sous les yeux une pépite qui ne demanderait qu'à éclore dans l'instant, en papillon de haut vol.

Il faut dire qu'entre la préparation de sa thèse sur Chomsky, fustigeant la désinformation médiatique, la manipulation des masses, le terrorisme d'état.... et celle de son sketch sur la "mère de Jésus" moquant allègrement la mystification des miracles à répétition de son fils, le téléphone qui relie Lena à sa copine, à son logeur et à son directeur de thèse, ne cesse de distraire l'attention de la re(belle) au détriment de toute diplomatie qu'elle rejette au nom du "penser et parler vrai"... non sans ajouter avec humour et perfidie: " mais je peux me tromper!... ".

C'est donc tout à son honneur mais gageons que le jour venu, les projecteurs vont effectivement lui faire la part belle en l'invitant à se souvenir des paroles de la chanson "When you're smiling" de Frank Sinatra avec laquelle elle clôture sa thèse ou son clone virtuel " Sujet, Saïda Churchill ":

" Quand tu souris, quand tu souris, le vaste monde sourit avec toi...".

Theothea le 27/10/06

BAGDAD CAFE

de  Percy Adlon

mise en scène   Percy Adlon 

****

Théâtre Mogador

Tel: 01 53 32 32 00

 

     Photo  LD. presse

     

Être à la fois metteur en scène d'un film culte et celui, trente années plus tard, d'une comédie musicale avec la même équipe artistique dénote si non la perspicacité de Percy Adlon tout au moins sa suite dans les idées qui aboutit à la création au Théâtre Mogador lors de la générale à Paris, du 24 octobre 06 après une première présentation en public, à l'auditorium de Dijon et avant une tournée d'automne en France.

Douze nouvelles chansons ont été créées pour cette version scénique rejoignant ainsi la célèbre "Calling You" qui contribua grandement à son succès cinématographique international.

C'est d'ailleurs Jevetta Steele qui interprète dorénavant le rôle de Brenda alors qu'elle était précisément sur le film la fameuse voix qui chantait "Calling You". De même Sissy Staudinger reprend celui de Jasmin joué alors par Mariane Sägebrecht, en maintenant une continuité manifeste avec l'originalité du personnage.

Bref, rien ne fut laissé au hasard en réunissant un orchestre de cinq musiciens dans la fosse sous la direction effective de Bob Telson, ainsi qu'en confiant la chorégraphie à Blanca Li.

Qu'adviendra-t-il désormais de la renaissance de ce spectacle mythique en passant de la pellicule aux planches sous les auspices de leurs créateurs légitimes ?

C'est bien entendu le public qui décidera à terme de la destinée d'une oeuvre qui, de toutes évidences, a été concoctée dans la passion avec l'objectif de susciter à nouveau l'émotion d'une rencontre à échelle humaine entre des êtres de cultures hétérogènes.

Quelle étrange idée en effet que de réunir en un huis clos perdu dans le désert californien, deux femmes que rien se semble rapprocher, à savoir la patronne afro-américaine du bar où, au beau milieu d'une famille burlesque, viendra se réfugier par hasard une touriste bavaroise en rupture maritale ?

Cette histoire d'un métissage idéologique en temps réel sait éclairer la résistance stupide des a priori caractérisant les différences supposées comme autant d'obstacles aux élans d'une affection solidaire.

La trame musicale tisse avec un réel bonheur le fil conducteur de ces tribulations mises en scène avec une approximation artisanale délibérée qui différencie de fait l'approche du spectateur conditionnée par les grandes machines musicales de ces dernières saisons.

Après l'entracte et quelques étonnements face à un spectacle refusant non seulement les effets spéciaux mais apprivoisant a contrario les dispositifs amateurs voire kitsch, l'empathie gagne définitivement le challenge des sentiments contradictoires rejoignant à l'unisson l'enthousiasme de tous les artistes sur scène.

Un magnifique travail de troupe que Sissy Staudinger et Jevetta Steele emmènent avec une émouvante humilité artistique et néanmoins performante.

Theothea le 25/10/06

GUY BEDOS EN PISTE

de Guy Bedos

mise en scène  Roger Louret

****

Cirque d'hiver

Tel: 08 92 70 75 07

 

     Photo  ©  Sandrine Roudeix

     

A soixante-douze ans, Guy Bedos revient en tournée au Cirque d'Hiver Bouglione qu'il avait déjà arpenté deux décennies auparavant.

L'âge est désormais "son affaire prioritaire" qu'il n'a aucunement l'intention de laisser en pâture aux critiques et aux commentaires plus ou moins bienveillants. Aussi, par mesure de précaution, l'artiste prend les devants en organisant son nouveau one-man-show autour de ce thème vital qu'il renvoie en boomerang à l'usage de tous.

"Ce n'est qu'un au revoir" fera-t-il entonner par le public en épilogue de son spectacle dont il traversera une dernière fois la piste telle une travée de cathédrale d'où s'élève alors un requiem d'orgue flamboyant.

Il faut dire que pour débuter, le comédien avait réglé son compte à tous les anniversaires à partir du dixième, de manière à éviter tous les assauts de la compassion à l'égard du temps qui passe.

En outre, s'émouvant des accidents morbides qui pourraient subvenir aux spectateurs présents d'ici à sa prochaine création scénique, l'acteur balise ainsi les angles d'attaque insidieuse qui pourraient différencier sa propre vulnérabilité.

Laissant donc la place libre à la mélancolie dans une approche philosophique cherchant à maîtriser l'ensemble des paramètres pathétiques de la destinée, Guy Bedos est à la barre d'un paquebot qui tangue à tout va mais dont le capitaine ne sera pas celui d'une croisière en folie mais celui d'un talent qui se reconnaît à en être le trublion qualitatif.

S'étant ainsi démarqué des humoristes à la mode à qui malgré tout il concède des circonstances atténuantes, il observe néanmoins que les meilleurs d'entre eux qu'il avait autrefois cooptés, ont déjà transgressé le principe de vie.

De la cause à l'effet, il n'y a qu'un pas que l'équilibriste lucide franchit dans l'allégresse non feinte de s'inscrire en survivant dans la conscience collective comme l'artiste de référence qui aura su maintenir sur un fil pérenne, la clairvoyance politique et éthique en brocardant tous les travers de ses concitoyens, y compris les siens.

La mise en scène de Roger Louret préserve un rythme circulaire sans relâche où se succèdent des sketchs d'anthologie réadaptés à l'inventaire d'une carrière artistique dont l'incontournable revue de presse viendrait marquer l'apogée.

Ce tour de piste n'est certainement pas le dernier du virtuose en noir et blanc sur fond rouge, mais c'est juste pour rire qu'il faudrait oser le prendre comme tel.

Theothea le 08/11/06

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