Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

11ème  Saison     Chroniques   11.26   à   11.30    Page  176

 

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Les Rolling Stones en suspens devant Keith Richards

     

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VETIR CEUX QUI SONT NUS

de  Luigi Pirandello

mise en scène    Stéphane Braunschweig

****

Théâtre de Gennevilliers

Tel:  01 41 32 26 26 

 

     Photo  © Elisabeth Carrechio  

     

Cécile Coustillac entre dans le rôle de Ersillia Drei à la manière d'une schizophrène qui aurait parfaitement intégré le double jeu que son personnage a décidé de distancier pour réussir son objectif vital, à savoir paradoxalement son suicide.

Ersillia devra s'y reprendre à deux fois pour parvenir à ses fins car, à la première tentative par un accord tacite, l'ensemble de ses proches se relayeront pour la sauver de leurs propres remords à son égard.

Cet échec de l'anti-héroïne constituera l'intuition existentielle de Pirandello pour mettre à nu cette cruelle vérité qui tente d'imposer l'image exacerbée de soi comme réalité du sujet.

En effet les uns et les autres renverront quelquefois à leur insu, mais toujours sous prétexte de compassion, les véritables motifs d'une dévalorisation qui conceptualisent la victimisation sans qu'il soit possible d'en dénier le point de non retour.

En outre, si la médiatisation s'empare à son tour du fait divers, ici la mort accidentelle d'un enfant, la cohorte hystérique des chiens enragés pourra se livrer à une poursuite effrénée qui, dans un premier temps, atténuera la blessure sous la douce chaleur des projecteurs braqués sur la plaie mais qui rapidement va dévoyer le fantasme de l'infanticide en une machine infernale où la mauvaise foi se substituera aux bonnes intentions de façade.

S'invitant dans la ronde, les délabrements de l'amour et la dépréciation du sexe auront alors tout loisir de pratiquer leur chantage récurrent dont la seule issue serait de s'en extraire vêtue d'une robe virginale.

Dans l'impasse patente à cet espoir inaccessible, la jeune femme n'aura d'autre ressource que celle du poison lent en métaphore de l'imprégnation destructive qu'elle aura contractée auprès de ses semblables tant féminins que masculins.

Seuls peut-être la Littérature et l'Art seraient à même de rendre compte de cette souillure indélébile que l'imaginaire pourrait alors, le cas échéant, habiller de manière positive.

En installant de fait Cécile Coustillac sous contrôle inquisiteur de ses partenaires (Sharif Andoure, Gilles David, Antoine Mathieu, Thierry Paret, Hélène Schwailer et Anne-Laure Tondu), Stéphane Braunschweig élabore une mise en scène avec "fenêtres sur rue" d'où monte un anonymat infini en écho au huis clos étouffant de cette tragédie intime et néanmoins collective.

Theothea le 10/11/06

TRAHISONS

de  Harold Pinter

mise en scène    Philippe Lanton

****

Théâtre Athénée

Tel:  01 53 05 19 19 

 

     Photo  ©  Pierre Touche 

     

En prolongeant le système intriqué du mensonge et de la vérité, du masque et du miroir jusqu'à l'exacerbation du comportement distancié, la mise en scène symboliste de Philippe Lanton apporterait-elle le "coup de grâce" au trio traditionnel du mari, de la femme et de l'amant en sculptant leurs relations dans l'abstraction des mots ?

Dans cette perspective, les trahisons plurielles trouveraient-elles leur apothéose dans un suprême déni de réalisme et peut-être dans une dénégation de l'oeuvre d'Harold Pinter ?

En prenant le parti d'éloigner les personnages de leurs affects, la direction d'acteurs les contraindrait-elle à un simple savoir-vivre en société d'où émergerait une absence de tensions déguisée en schizophrénie d'apparence ?

Ainsi instrumentalisés comme les trois mousquetaires de la vacuité de l'âme au profit du sens des mots, caché ou non, les rôles pourraient-ils s'adonner au jeu des chaises musicales sans qu'un quatrième partenaire n'y puisse trouver son fantôme?

Toute cette problématique devrait pouvoir se résoudre dans le choix esthétique du metteur en scène de créer un décor assumé dans la désincarnation de l'espace et du temps.

Ainsi dans un va-et-vient entre les planches et les cintres, les symboles d'un flash back raconté en neuf scènes remontant leur chronologie vont faire resurgir la mémoire d'un imbroglio sentimental délabré bien qu'ayant lié deux couples sur le point de finaliser leur désunion face au regard du spectateur.

Au diapason de cet enjeu, François Marthouret et Thibault de Montalembert semblent élaborer une amitié de complicité subliminale que Nathalie Richard est en charge de désarmer par une indifférence de bon ton.

Cet exercice de "self control collectif" laisse néanmoins l'impression que, dans une scène encore inédite, l'ensemble des ressentiments occultés auraient fort bien pu exploser en plein vol !...

Theothea le 14/11/06

MARIE STUART

de  Wolfgang Hildesheimer

mise en scène    Didier Long

****

Théâtre Marigny

Tel: 01 53 96 70 30

 

     Croquis  ©  Maxime Rebière  

     

Après déjà soixante-dix représentations de "Marie Stuart" au Théâtre Marigny, Isabelle Adjani continue, soir après soir, de s'enlaidir sans relâche pour mieux incarner son héroïne et l'amener, tout en s'enrobant symboliquement de ses atours royaux, à offrir fièrement sa tête à l'exécution du bourreau.

S'engage alors dans une arène fictive, un double processus au terme duquel se clôturera la déchéance orchestrée d'une souveraine bannie pendant que s'élèvera vers le triomphe le charisme d'une comédienne à nulle autre pareille.

Cependant ce cheminement inverse et concomitant des deux destinées ne semblera au final n'en faire qu'un seul sur scène tant, d'une part, l'actrice se confondra deux heures durant avec la monarque condamnée à être décapitée et tant, d'autre part, sa mise à mort pourrait être une métaphore des affres subis à l'occasion de chaque hallali public.

Ainsi par exemple le dénigrement médiatique du talent envié pourrait aisément s'apparenter à une corrida virtuelle organisée impunément autour de la vulnérabilité d'une artiste.

En suscitant l'émotion d'un compte à rebours irréversible s'avançant inexorablement vers l'exclusion radicale, Didier Long met en scène la comédienne au sein d'un rite sacrificiel que celle-ci consent à honorer en ne recouvrant la magnificence de sa beauté qu'au terme fatal d'un parcours initiatique que le spectateur accompagne pas à pas dans le dédale des multiples humiliations.

Ce chemin de croix est celui de toutes les injustices que la rumeur et la délation peuvent fomenter en s'abattant sur une victime expiatoire s'offrant à la mauvaise conscience universelle.

En assumant ce rôle jusque dans ses implications les moins valorisantes, Isabelle Adjani tente de susciter une prise de conscience collective qu'elle cautionne et maîtrise intégralement par son savoir-faire et son savoir-être professionnels.

Autour de son aura, onze comédiens (Jacques Zabor, Jean-Yves Chatelais, Bernard Waver, Patrick Rocca, André Chaumeau, Anne Suarez, Rémi Bichet, Joséphine Fresson, François Raffenaud, Axel Kiener et Raphaël Poulain) jouent avec conviction et panache, les faire-valoir d'une thèse dramatique où l'enjeu d'une tête à trancher est à portée de l'abus de pouvoir dévoyant tous les dogmes éthiques ou religieux.

La fougue des applaudissements viendra conclure par vagues successives la concélébration d'un cérémonial qu'Isabelle Adjani savoure jusqu'à la lie, en renvoyant au public l'image d'une star certes  célébrée comme une icône mais également plébiscitée comme un témoin privilégié.

Theothea le 17/11/06

CABARET

de  Joe Masteroff

mise en scène    Sam Mendes

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Théâtre des Folies Bergere

Tel: 01 44 79 98 60

 

     Photo  ©  Stage Entertainment  France / Sébastien Mathé  

     

En osant un final surexposé dans une lumière blanche éblouissante transgressant radicalement les conventions du "happy end" où l'avenir s'ouvrirait sur des perspectives forcément heureuses, le musical "Cabaret" emporte définitivement l'adhésion envers une production internationale (Stage Entertainment) qui a le talent de personnaliser complètement le fond et la forme de sa représentation.

Comment désormais en effet imaginer un aménagement d'espace mieux adapté que celui conçu en la circonstance pour les Folies Bergère ? Plus de cent tables de bistrot accompagnées chacune de quatre chaises ont ainsi pris place à l'orchestre après la pose de 400m2 de plancher en chêne pour transformer la mythique salle en un cabaret du Berlin des années trente, le "Kit Kat Klub" tamisé par un éclairage intime à dominante rouge voluptueux et sensuel, prêt pour sa rencontre avec les sortilèges du plaisir mais aussi avec les turpitudes de la destinée humaine.

Cette association d'un lieu attaché aux folles nuits parisiennes de la belle époque comme cadre d'une comédie musicale inspirée par le roman "Adieu à Berlin" de Christopher Isherwood, est tout simplement magique.

Cette alliance de la langue française (adaptation: Jacques Collard / Eric Taraud) avec le rythme anglo-saxon du théâtre dramatique (livret: Joe Masteroff) qu'une musique lancinante (compositeur: John Kander / parolier: Fred Ebb) entraîne dans la spirale de la fascination est une réussite enlevée par une distribution osant flirter avec le bon et le mauvais goût s'adonnant à des moeurs festives et érotiques, sous une grâce similaire:

En effet Claire Pérot (Sally Bowles), Fabien Richard (Emcee), Catherine Arditi (Fraülein Schneider), Pierre Reggiani (Herr Schultz), Geoffroy Guerrier (Cliff Bradshaw), Patrick Mazet (Ernst Ludwig) et Delphine Grandsart (Fraülein Kost)... nous plongent au coeur de la décadence éthique en même temps que sourde la montée du Nazisme avec la conviction et la fantaisie de comédiens qui chantent et dansent sur un volcan dont l'orchestre live au-dessus de leurs têtes se targuerait de faire monter le stress!...

D'ailleurs le maître des cérémonies accueille les spectateurs au cabaret de l'histoire en leur recommandant de laisser tous leurs soucis au vestiaire afin de mieux se distraire en compagnie des artistes mais concédera en épilogue que le retour à la réalité ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices.

Sulfureux ce parti pris scénographique implique le public en une descente aux enfers objective qu'au moment ultime celui-ci peut éviter, bien sûr en applaudissant à tout rompre mais aussi en recouvrant de lui-même... les issues de secours!...

Spectacle de divertissement certes, spectacle de qualité assurément mais surtout challenge artistique hors des sentiers balisés (mise en scène: Sam Mendes / BT McNicholl), voilà de toutes évidences un nouvel enjeu du théâtre musical consistant à se donner les moyens de placer "l'empire du sens" au coeur de l'acte de création.

Theothea le 21/11/06

YVETTE ET SIGMUND

de  Hélène Delavault

mise en scène   Jean-Claude Durand

****

Théâtre du Rond-Point

Tel: 01 44 95 98 21

  

  Photo  ©  Carole Bellaiche

         

En quatre-vingt minutes de récital scénarisé et douze chansons à forte connotation sexuelle ajoutée, la mezzo-soprano Hélène Delavault crée dans l’intimité de la salle Jean Tardieu du théâtre du Rond-Point et avec la complicité goguenarde du compositeur-percussioniste Jean-Pierre Drouet, une fantaisie qualifiée de lyrico-pseudo-psychanalytique.

Imaginant une répétition conflictuelle entre Yvette Guilbert, chanteuse en vogue au début du XXème siècle et un pianiste caricaturalement névrosé, l’auteure rassemble une production musicale dont la prose s’avère aisément significative du refoulement psychique sublimé dans l’expression artistique.

S’inspirant de l’amitié et de l’intérêt analytique que Sigmund Freud porta à Yvette Guilbert devenue très célèbre dans le music-hall, Hélène Delavault réalise un spectacle de divertissement jouant sans cesse avec les mots et témoigne ainsi des fantasmes et des inhibitions sous-jacents que ceux-ci pourraient suggérer.

Cette perspective est d’autant plus intéressante que la chanteuse renommée résista à l’époque aux interprétations analytiques de Freud lui-même, en refusant a priori de se percevoir comme « un hôtel meublé dont le propriétaire tire profit des habitants... » au sein de «tous les enfers et tous les paradis avec cette grouillante humanité logée en soi».

Ici sur scène, la composition de la cantatrice est enjouée, malicieuse et subtile face à son compère instrumentiste chargé d’être le candide un peu balourd de ce duo pour une prestation musicale pleine d’humour qui aurait très bien pu s’intituler dans la parodie: «Le lapsus et la Diva» .

Theothea le 20/11/06

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