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LE SOULIER DE SATIN
« Le Soulier de Satin » Apothéose festive
dédiée Eric Ruf à La Comédie
Française.
de Paul Claudel
mise en scène
Eric Ruf
avec la troupe de La Comédie-Française
Alain Lenglet, Florence
Viala, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Christian Gonon, Serge Bagdassarian,
Suliane Brahim (en alternance), Didier Sandre, Christophe Montenez, Marina
Hands, Danièle Lebrun, Birane Ba, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty,
Edith Proust (en alternance) & les membres de lacadémie
de la Comédie-Française Fanny Barthod, Rachel Collignon, Gabriel
Draper, Aurélia Bonaque Ferrat ainsi que le musicien, les musiciennes
Vincent Leterme, Merel Junge, Ingrid Schoenlaub
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****
Comédie-Française Richelieu
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© Jean-Louis Fernandez, coll.
Comédie-Française
En choisissant de clôturer son mandat administratif à la
tête du Français depuis dix ans par une nouvelle version de
cette pièce emblématique de Paul Claudel réduite à
six heures trente, le sociétaire honoraire Eric Ruf prolonge ainsi
lexpérience du Théâtre à la table quil
avait initiée durant le confinement Covid et dont lui-même avait
alors dirigé la première des 4 journées constitutives
de ce « Soulier » déjà dans la Salle Richelieu mais
bien entendu, lors de cette période, vide de tout spectateur.
Cette fois-ci durant quatre mois, la jauge sera archi-pleine mais, en
revanche, ce sont les décors qui seront absents pour cause
dateliers artisanaux en réfection... à lexception
de toiles peintes dévolues et surtout en présence hyper
réaliste de toute la machinerie Richelieu « brut de décoffrage
» ainsi que de sa panoplie insondable en cintres et autres jeux de
lumières mettant notamment en exergue les magnifiques costumes
repensés par Christian Lacroix.
Bien que fort étroite pour y évoluer aisément à
360° ou sy entrecroiser, une passerelle est dressée au
beau milieu & juste au-dessus des fauteuils dorchestre reliant
la dernière de ses rangées jusquà la scène
afin de rendre ce spectacle-Monde pleinement immersif tant du point de vue
des comédiens que des spectateurs. Bon pied bon oeil sont ainsi
sollicités en quête déquilibre désordonné
!
Rappelons que « Le Soulier de Satin » aura été
créé ici même en Richelieu pour la toute première
fois en 1943 par Jean-Louis Barrault durant loccupation allemande tout
en étant alors à la merci des multiples alertes et par
conséquent dannulations partielles ou totales avec ensuite 5
reprises jusquau Théâtre dOrsay en 1980.
Plus tard, Antoine Vitez au Festival dAvignon 1987 en fera une version
intégrale de référence sur 12 heures particulièrement
présente dans la mémoire collective (Ludmila Mikaël /
Didier Sandre) de même quOlivier Py en 2003 repris à
LOdéon en 2009 sur 11 heures (Jeanne Balibar / Philippe Girard).
Et voici donc quen 2025 Eric Ruf, lui, aura décidé
de fêter son départ (effectif en août) avec cette pièce
dont lensemble des didascalies affirment que la spontanéité
et même limprovisation concernant la direction dacteurs
doivent contribuer à en assurer la crédibilité essentielle
sous les auspices dune joie partagée par tous car forcément
non feinte.
Il sagit donc dune épopée flamboyante au
Siècle dor où les Conquistadors déambulent à
travers lUnivers au gré de leurs prises de pouvoir sans doute
davantage imaginaires que nécessairement profitables alors quen
toile de fond, Claudel tisse des liens à travers les mailles de
lAmour sous toutes ses composantes afin de faire surgir hors des
tribulations géopolitiques, les piments charnels, affectifs, mystiques
et transcendants tentant de composer davec la Société
humaine telle quelle pouvait apparaître à cette époque
ainsi quà linstar de toutes les autres et pourquoi pas
la nôtre ?
Au sein dun jeu délibérément interactif où
la majorité des 18 comédiens jouent moult rôles
télescopables pendant que les super women, Marina Hands (Doña
Prouhèze), Suliane Brahim (Doña Sept-Epées) ou Florence
Viala (Doña Isabel) fomentent des souhaits exhorbitants ou truculents
auprès de charimatiques figures tels que Laurent Stocker (Don Balthazar),
Baptiste Chabauty (Don Rodrigue) ou Christophe Montenez (Don Camille) et
alors quen contrepartie des modérateurs diplomates Serge
Bagdassarian (LAnnoncier), Didier Sandre (Don Pélage) ou
Danièle Lebrun (Doña Honoria) font diversion fort judicieuse,
reste néanmoins quau final Alain Lenglet, bien seul, lui en
Père Jésuite expirera ligoté sur le pont dune
caravelle démâtée coulant sous elle tout le « Mal
du Monde » bien quun Soulier de Satin eût pourtant
demblée été confié à la Vierge avec
pour mission de servir de gage universel... en assurant dûment une
claudication punitive assignée.
En établissant un relais ô combien symbolique entre Ludmila
Mikaël et sa fille Marina Hands pour le rôle de Prouhèze
ainsi quen faisant passer Didier Sandre de celui de Rodrigue (amant
de Prouhèze) à Pélage (mari de Prouhèze), Eric
Ruf a installé délibérement une continuité puissante
en émotions contenues sur près dun demi-siècle
que les ex-protagonistes amoureux assument avec tact désormais
focalisé sur Baptiste Chabauty puisque, lui, est maintenant devenu
le nouveau Rodrigue auquel ne parviendra donc la fameuse lettre de son amante
passionnée que plus de 10 ans après quelle y eut
imploré sa délivrance.
Dailleurs, dans ce contexte, personne néchappe à
son destin même Claudel, qui par cet essai théâtral
quil jugeait initialement injouable, aura tenté une approche
autant autobiographique que rédemptrice pourvu que les voies
célestes lui soient conciliantes pouvant confirmer ainsi lintuition
que « Le pire nest pas toujours sûr ».
Alors que les comédiens déjà présents dans
la salle et sur le plateau accueillent cordialement les spectateurs rejoignant
en musique live leurs places réservées au fur et à mesure
de leurs arrivées dans le lieu magique, certains dentre eux
peuvent aussi recevoir en cadeau de bienvenue des « fraises »
(collerettes) dont ils seront invités à se parer lors de
cérémonies officielles à venir par les deux annonciers,
Florence Viala & Serge Bagdassarian, en charge du narratif explicatif
tout au long des phases successives de ce spectacle fleuve.
Les huit heures et demie que durent lensemble de la représentation
agrémentée de deux entractes dun quart dheure chacun
ainsi que dune pause repas dune heure et demie sous le coup de
18h30 passent à la vitesse dun songe éveillé où
tous les sens seraient en émoi perpétuel sous légide
néanmoins du renoncement au nom dobligations éminemment
spirituelles ou morales mais sans que jamais le spectateur nait
lopportunité ou simplement lenvie de se distancier dun
tel enjeu théâtral à la fois particulièrement
empathique, tellement ludique & ô combien joyeux.
Theothea le 31/12/24
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© Jean-Louis Fernandez, coll.
Comédie-Française
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ICI SONT LES DRAGONS
1917 La Victoire était entre nos mains
1/3
« Ici sont Les Dragons » Ariane Mnouchkine sonne
une charge indignée au Théâtre du Soleil
de Hélène Cixous
mise en scène
Ariane Mnouchkine
avec La troupe du Théâtre du
Soleil
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***.
Théâtre du Soleil |
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© Lucile Cocito
Avec '' Ici sont les Dragons '' Ariane Mnouchkine s'attaque à du
« Lourd » en loccurrence aux impérialismes destructeurs
du XXème siècle engendrant les guerres du XXIème comme
celle en Ukraine détonatrice de sa nouvelle création collective.
En proie à une colère noire et très remontée
contre Poutine, un immense portrait apparaît d'entrée de jeu
en fond de scène, molesté par la récitante du spectacle
en salopette bleue qui, ayant sommé le public d'éteindre les
portables, se précipite vers le dirigeant russe en l'injuriant et
en lui intimant l'ordre de dégager tout en le fustigeant sauvagement
avec ses poings.
Sous ses coups, la toile se disloque, le visage de Poutine annonçant
l'envahissement de l'Ukraine se déforme monstrueusement. L'auditoire
est d'emblée pris à partie par un règlement de compte
impitoyable à l'égard du président russe.
Après s'être inspirée des formes du Théâtre
asiatique et renoué avec le Japon grâce à '' L'île
d'Or '' en 2022, Ariane Mnouchkine, foncièrement écoeurée
par l'invasion ukrainienne, retrouve la nécessité d'un
Théâtre qui rejoint la réalité sociale et politique
du monde.
Avec le même enthousiasme et la même énergie vitale
qu'à 30 ans quand elle créait 1789 puis 1793, spectacles collectifs
sur les révolutions françaises, elle décide de monter
une fresque populaire en trois volets intitulée « Ici sont les
Dragons ».
Qui sont ces Dragons ? « Dictateurs, chefs, tyrans totalitaires,
mangeurs d'humains, cyclopes aveugles, peintres ratés, grands seulement
par leur ambition illimitée, ils ont les armes, champions olympiques
dans la pratique du Mensonge....» dixit Hélène Cixous,
auteure et dramaturge travaillant en harmonie avec Ariane Mnouchkine,
accompagnant le processus de création collective du Théâtre
du Soleil.
Aujourd'hui, Vladimir Poutine est ce Dragon, ogre parmi d'autres qui cherche
à asservir et détruire l'indépendance de l'Ukraine.
D'où ce projet titanesque pour tenter d'éclairer le chaos de
ce conflit qui a éclaté le 24 février 2022 et pour cela,
il fallait remonter le cours de l'histoire jusqu'en février 1917.
Avec sa troupe d'une quarantaine d'artistes cosmopolites bouillonnants
de talents, c'est donc un spectacle sur toute l'année 1917 qui nous
est présenté avec d'infinis détails. La deuxième
époque envisagée par la suite se déploiera jusqu'en
1945, épopée qu'elle souhaite ardemment poursuivre jusqu'à
nos jours. Saluons le courage inébranlable et indestructible d'une
passionaria de 85 ans !
1ère époque 1917 est sous-titrée : « La victoire
était entre nos mains » d'après le titre du tome 1 des
'' Carnets de la Révolution russe '' de Nikolaï Soukhanov, l'un
des fondateurs du Soviet de Petrograd. On remarquera que le verbe " être
" est au passé révélant par là un échec
probant.
Après le passage à tabac du faciès de Poutine sous
les cris d'orfraie de " criminel-assassin ", Cornélia la narratrice
traverse à nouveau le plateau pour sinstaller dans une fosse
à l'avant-scène et simposer en tant que metteuse en
scène comme un double d'Ariane Mnouchkine au milieu dun empilement
de livres quelle va ouvrir afin de nous donner les moyens de comprendre
la succession des événements durant cette année
fatidique.
'' Tout commence toujours par une guerre '' s'inscrit en lettres lumineuses
sur un ciel crépusculaire tandis que des panneaux enneigés
glissent sur le plateau recouvert d'étoffe blanche. Les défaites
successives de la Russie lors de la Première Guerre mondiale sont
lune des causes de la révolution de Février. D'où
l'entrée dans le spectacle par un petit préambule dans une
tranchée sur le front quelque part dans le Pas-de-Calais.
Au long dune vingtaine de tableaux précisément datés
et titrés, déroulés comme on tournerait les pages dun
livre dHistoire nourri d'archives, de documentaires, de lettres, on
assiste à la naissance d'un mouvement populaire à Pétrograd
en février 1917, sous leffet conjugué dun hiver
particulièrement rude, dune pénurie alimentaire et de
l'épuisement lié à la Première Guerre mondiale.
Soldats enlisés dans la neige, bruits de bottes, cris de femmes
réclamant du pain, les scènes défilent à grande
vitesse, les ouvriers se mettent en grève, les matelots s'insurgent.
C'est la grève générale. La révolte prend
de l'ampleur, le tsariste Nikolaï Il abdique, le choeur des cosaques
et des paysans explose, un gouvernement provisoire s'installe, des Soviets
se forment.
Lénine revient de son exil en Suisse dans un « train plombé
» qui arrive le 3 avril en gare de Pétrograd, figuré par
un train miniature qui crache de la fumée et traverse le plateau
manoeuvré par un comédien.
Emmenés par le triumvirat Lénine-Trotski-Staline, les Bolcheviks
prennent le pouvoir avec l'invasion du Palais d'Hiver dans la nuit du 25
au 26 octobre 1917. Ce Palais qui reflétait la toute puissance de
la Russie impériale était devenu le siège du gouvernement
provisoire. Ce dernier dirigé par le socialiste Kerenski est jugé
trop bourgeois et sera à son tour renversé.
A la fin du spectacle, ce Palais grandiose est réduit à
la taille d'une petite maquette dont les minuscules silhouettes
recroquevillées en terre cuite sont projetées sur l'écran
par le téléphone de Cornélia, comme le symbole d'un
monde marqué par le sceau de la barbarie « La démocratie
naura duré que huit mois ».
Le venin toxique de la terreur se propage déjà avec la
Tchéka, la redoutable police politique; une république oligarchique
autoritaire se met en place... à suivre donc au prochain opus 2/3
d'ores et déjà fort attendu à La Cartoucherie.
Cette saga historique retracée comme une leçon d'histoire
est sans doute un peu trop didactique et donne une vision partiale et
manichéenne des évènements. Mais l'imagination foisonnante
d'Ariane Mnouchkine compense le côté pédagogique et partisan
par une forme théâtrale toujours pleine d'une fantaisie
épique.
Les décors facilement escamotables se déplacent à
la vitesse de l'éclair. On passe de l'enfer des tranchées sous
les assauts des canons aux barricades, des grilles d'un Palais investi par
les insurgés aux estrades du Comité Central d'où on
harangue le peuple; on passe des quais aux gares de Moscou et de Finlande
à Pétrograd sur fond de toiles peintes, de vidéos projetant
le majestueux port au bord de la Neva et de cieux flambant d'incendies.
Clémence Fougea a composé les pluies, les tornades, les
chevauchées, les attaques, les canonnades qui intensifient tous ces
mouvements d'ensemble.
En contrepoint à cette effervescence, trois '' babayagas '',
créatures fantastiques - référence à la mythologie
slave - arpentent le plateau à plusieurs reprises portant une lampe
dans les ténèbres pour échapper à la terreur.
Récurrents chez Mnouchkine, les masques omniprésents donnent
aux personnages des dégaines de pantins articulés s'exprimant
par le biais d'une voix off; on entend parler russe, allemand, anglais,
français, ukrainien... le tout dûment surtitré.
Le burlesque se déploie dans la '' farce ukrainienne '' qui met
en scène Lénine, Djerjinsky et Trotsky. Les artistes grimés
à l'effigie des héros bolcheviks qu'Ariane Mnouchkine se
complaît à caricaturer se livrent à une funeste pantomime.
Lénine, vêtu d'un ample pyjama blanc, tel un pion gesticulant
dans son petit lit de fer, écume de rage à l'annonce à
la radio de l'indépendance de l'Ukraine.
Soulignons que sous ces masques, les comédiens sont interchangeables
et que Lénine est joué par une femme dans cette saynète
facétieuse ainsi d'ailleurs que ses deux autres comparses.
« 1917: La victoire était entre nos mains 1/3 » a donc
des allures de manifeste idéologique assez appuyé et discutable
mais c'est surtout une quête philosophique et poétique des
responsabilités humaines que la troupe du Théâtre du
Soleil toujours renouvelée communique avec une énergie sans
faille et un brio époustouflant.
« Ici sont Les Dragons » Un défi hallucinant porté
par la magnificence du spectacle vivant !
CatS / Theothea.com le 07/01/25
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LES
COLLECTIONNISTES
"Les Collectionnistes" Prémices controversées
de l'Impressionnisme au petit Montparnasse
de François Barluet
mise en scène
Christophe Lidon
avec Chistelle Reboul, Christophe de Mareuil,
Frédéric Imberty & Victor Bourigault
|
****
Théâtre du petit Montparnasse
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©
Theothea.com
Quelle pépite ce Petit Montparnasse dont la programmation toujours
éclectique et exigeante fait découvrir au public installé
en gradin sur des banquettes de velours violet des écritures
contemporaines originales et brillantes.
Comment savourer théâtralement la Peinture de jeunes
impressionnistes en 1874 qui se font littéralement chambrer par la
critique et se font rejeter des salons officiels de l'époque, comment
en faire une comédie vibrante, pleine de rebondissements où
se disputent les goûts et les couleurs créant des divergences
de points de vue virevoltants.
Par le biais du grand bourgeois Parisien, le Marchand Paul Durand-Ruel,
catholique convaincu, royaliste, qu' une passion frénétique
de la peinture a transformé en un véritable aventurier obsessionnel
et persévérant de lArt.
Avec une foi inébranlable et d'une insatiable curiosité,
il perçoit, au-delà du visible, l'émotion que suscitent
les toiles encore méconnues et les sensations créées
par les variations de la lumière par touches fragmentées sur
la peau d'un modèle, sur l'eau, les arbres, la nature, nombreuses
scènes étant peintes en plein air.
Et nous voici dans son salon cossu aux couleurs chatoyantes, côté
cour une fenêtre surplombe les toits d'ardoise d'immeubles haussmanniens
tels peints par Gustave Caillebotte (son très célèbre
'' Toits sur Paris, effets de neige '' est conservé au Musée
d'Orsay), côté jardin un immense miroir au-dessus d'une
cheminée dans lequel se reflèteront les tableaux qu'un couple
qui vient de faire son apparition pose alternativement sur un chevalet afin
de les visionner.
L'homme, le marchand Paul Durand-Ruel, manifestement enthousiaste, ne
cesse de louer les oeuvres de ces artistes novateurs qui révolutionnent
la peinture du moment alors que sa femme, elle, y va de quelques sarcasmes
et tempère l'engouement de son mari pour ces croûtes peintes
par des ''barbouilleurs''.
Elle est surtout agacée que son mari dilapide une fortune et met
en péril la situation du ménage. '' Vous commercez peu mais
collectionnez beaucoup '' lui lance-t-elle. Il a déjà acheté
de très nombreuses toiles de Claude Monet qu'il avait rencontré
à Londres en 1871.
Dans ce somptueux décor signé Christophe Lidon, le salon
se transformera en musée par l'intermédiaire d'astucieuses
images vidéo de Léonard et les lumières de Moïse
Hill. On verra défiler des nus de Renoir, dont le fameux '' Torse,
effet de soleil '' où la lumière sur la peau de son modèle
crée des auréoles multicolores, des stries jaunâtres
ou bleutées que les détracteurs se chargent de persifler :
« Essayez donc dexpliquer à M. Renoir que le torse
dune femme nest pas un amas de chairs en décomposition
avec des taches vertes, violacées, qui dénotent létat
de complète putréfaction dans un cadavre. » Madame Durand-Ruel
dont le jeu enflammé et tourbillonnant est porté par Christelle
Reboul semble être de cet avis trouvant, selon elle, que cette femme
à un aspect ''faisandé''.
Paul Durand-Ruel, lui, incarné avec grande subtilité par
Christophe de Mareuil, très élégant dans des habits
raffinés défend l'humanisme ensoleillé de ce fougueux
Auguste Renoir à la tignasse rouquine joué par un Victor Bourigault
à la silhouette échevelée et fébrile.
Un journaliste interprété par le débonnaire
Frédéric Imberty rend souvent visite à Paul Durand-Ruel.
Lui aussi n'est pas avare de critiques acerbes tout en paraissant ne pas
être insensible aux charmes des nus de Renoir dont les rondeurs ne
le laissent pas de marbre.
Après Renoir, les visuels projettent '' le Pont du chemin de fer
à Argenteuil '' lequel fut représenté plus d'une dizaine
de fois par Claude Monet. C'est dire si l'artiste était attaché
à ce motif, faisant jouer en contrepoint la fluidité du cours
d'eau avec la masse géométrique du pont et de ses piles sur
lesquelles jouent de multiples reflets.
L'illustre '' Impression, Soleil levant '' (conservé au musée
Marmottan à Paris) envahira les murs de l'appartement. Cest
avant tout la lumière, les reflets à la surface de leau
et cette enveloppe vaporeuse autour du soleil qui intéressent Monet.
Il juxtapose les couleurs et esquisse des touches de bleu et dorange
qui donnent un aspect inachevé et légèrement flou au
tableau, loin de la peinture académique de lépoque.
En 1874, Monet présente sa toile à Paris, lors de la
première exposition de la Société anonyme coopérative
qui a lieu du 15 avril au 15 mai 1874 dans l'ancien studio du photographe
Nadar au 35 boulevard des Capucines à Paris.
Les réactions sont assassines. Le critique dart Louis Leroy
écrit : « Le papier peint à létat embryonnaire
est encore plus fait que cette marine-là », avant dironiser
: « puisque je suis impressionné, il doit y avoir de
limpression là-dedans ! » Ainsi la toile a-t-elle donné
son nom au mouvement impressionniste !
Jeanne, l'épouse de Paul, lira d'ailleurs dans un des journaux
satiriques de l'époque : « Ces gens sont fous, mais il y a plus
fou queux, cest un marchand qui les achète ! » Paul
Durand-Ruel, généreux mécène pour ses
protégés, leur permettra jusqu'au bout, fidèle à
sa vision, de se sustenter, de créer, d'exposer.
Aujourd'hui la cote de ces tableaux flamboie et c'est par un clin d'oeil
contemporain que la pièce se termine. Les lumières qui
s'étaient éteintes se rallument sur une salle des ventes. Les
enchères montent. Le tableau présenté est adjugé,
ce soir-là, par le commissaire-priseur à 22 millions d'euros.
La personne dans le public qui s'est prêtée au jeu de
l'enchère la plus élevée repartira avec un cadeau
dédié.
'' Les Collectionnistes '' est une pièce enlevée et lumineuse
de François Barluet que Christophe Lidon fait vibrer grâce à
une scénographie soignée, vraie palette de teintes chromatiques
et des comédiens qui se lancent des réparties et des piques
dignes d'un léger vaudeville dans les costumes magnifiques de Jean-Daniel
Vuillermoz.
Un très bel hommage à un Homme hors du commun, à
la Peinture des sensations fugitives qui bouleversera la perception de l'Art,
au Beau sublimé !
CatS / Theothea.com le 15/02/24
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IPHIGENIE
de Racine
mise en scène
Clément Seclin
avec Sébastien Giacomoni, Hélène
Boutin, GHL, Grégoire Gougeon, Ophélie Lehmann, Clémentine
Aussourd, Jean-Philippe Renaud & Baudouin Sama
|
***.
Théâtre de l'épée de
bois |
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©
Theothea.com
Mot du metteur en scène
Iphigénie, cest plusieurs horizons qui se chevauchent.
Un drame familial, une légende
et sa malédiction, un univers désolé et immobile,
une quête didentité.
Racine laisse au spectateur labsence, le manque de modèle
absolu et hégémonique.
Par ce texte, il fabrique des situations ouvertes qui tendent rarement
vers un espoir.
Toutefois, au milieu du désastre, se dresse un
pouvoir : celui des femmes.
Clytemnestre, par sa révolte face aux oscillations de son
époux et roi, puis par sa remise en
question de lexistence même des dieux.
Eriphile, dans sa quête féroce didentité,
de vérité et de justice.
Iphigénie, par sa profonde résignation et sa
dignité face à son propre sacrifice.
Ces trois figures archétypales refusent de
collaborer avec un système où le pouvoir
engendre le mensonge, la trahison, la
manipulation.
La résonance que ce texte peut avoir dans notre
société est aussi à un tout autre endroit
:
travailler Iphigénie dans un monde saturé
dinformations et dimages, qui oblige aux
certitudes et à la radicalité, cest rendre
compte et célébrer lincertitude, le flottement,
la
suspension dans le temps.
Ce qui mintéresse chez Racine, et tout particulièrement
dans cette pièce, cest aussi la
question de la croyance.
Il intériorise la foi : les personnages interrogent leur âme,
leurs émotions propres, leurs
sensations. Le regard est alors tourné vers lhumain et
non vers le ciel et tous
convoquent leur voix du dedans.
Je crois quil nest pas nécessaire de nous questionner
sur la trace, lempreinte, que
pourrait laisser Iphigénie dans notre temps. La question que
nous devons nous poser
est : notre temps a-t-il du sens à travers le prisme
dIphigénie et de son drame.
Enfin, faire jouer les mots dun mythe, dune histoire
ancestrale, nous purge de nos
passions tristes et nous reconnecte à des violences, pour certaines
banalisées, et nous
force, par la sur-présence de la mort, à nous adresser
au vivant.
Clément Séclin
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GUTEN TAG, Madame Merkel
« Guten Tag Madame Merkel » Anna Fournier Show
géopolitique brillamment satirique
de &
mise en scène
Anna Fournier
avec Anna Fournier (alternance Candice
Bouchet)
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***.
Théâtre de la Pépinière
|
|
©
Theothea.com
Depuis 2020 jusquau 2 mars 25 dernière séance
exceptionnelle programmée à La Pépinière
Théâtre, Anna Fournier aura développé un vade-mecum
à géométrie variable autour dun axe de
citoyenneté aspirant à une politique éthique où
les représentants de la Nation devraient être, a minima, au
service de leur cohérence idéologique .
Comme cette perspective modèle pourrait fort bien navoir
comme destinée que celle dun voeu pieux, la comédienne
auteure et metteuse en scène navait pour son coup dessai,
au sortir de sa formation universitaire (master dhistoire) et dramatique
(Cours Florent & Conservatoire) que le choix fort avisé de se
solidariser avec une anti-héros venue de nulle part ou plus exactement
dun pays qui nexiste plus... lAllemagne de lEst avant
la chute du mur.
Effectivement Angela Merkel dont, encore aujourdhui, personne na
vraiment percé le mystère de son autorité naturelle
ayant damé le pion à tous les gouvernants planétaires
durant les seize années où elle fut au pouvoir de la RDA,
sest présentée avec évidence à
lintuition créatrice dAnna Fournier comme celle qui, selon
des critères rationnels, savait ne pas transiger entre les
intérêts collectifs et particuliers.
Cette manière de rectitude sans faille aura eu raison de toutes
les moqueries sur la forme où il lui était notamment reproché
de nêtre pas suffisamment attentive à son apparence
vestimentaire ou autre look. Traversant donc ces critiques avec superbe,
elle sut imposer un respect indéfectible à ses détracteurs
finalement désorientés.
Anna Fournier prend, elle, le parti de la satire bienveillante. Bien
sûr, elle ne se montre pas réticente au désir de brocarder
les maladresses ou autres traces psychorigides de léducation
protestante reçue par Angela mais, surtout, elle montre, à
qui mieux mieux, les faiblesses, lâchetés ou incohérences
de ses partenaires européens et en premier lieu celles des quatre
Présidents de la République Française qui se sont
succédé durant son mandat maintes fois renouvelé, à
savoir Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et enfin
Emmanuel Macron.
Bref mine de rien, chacun en prend pour son grade même si Vladimir
Poutine & Donald Trump sont présentés comme ses interlocuteurs
privilégiés et, en définitive, attentifs à ne
pas la froisser davantage quelle ne pourrait lêtre.
Cest dailleurs ainsi quen épilogue, lauteur
se pose pertinemment la question en se demandant si, de fait, Poutine
naurait pas attendu quAngela soit retirée des affaires
du monde... pour oser tenter denvahir lUkraine.
Alors que la phase actuelle des représentations de « Guten
Tag » sont sur le point de se clore et que dans une interview récente
lArtiste confirmait que la rumeur de son spectacle est effectivement
parvenue à la connaissance de lintéressée sans
vouloir ou pouvoir en dire davantage, il est exact que cela aurait
été vraiment signifiant de connaître le point de vue
dAngela Merkel sur ce formidable travail décriture
documenté, de mise en scène sobre et dinterprétation
fluide mis en oeuvre par le talent dAnna Fournier.
Theothea le 09/02/25
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