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Les    Chroniques   de

  

29ème  Saison     Chroniques   00.11   à   00.15    Page  492

 

     

     

       

                   

                 

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LE SOULIER DE SATIN

« Le Soulier de Satin » Apothéose festive dédiée Eric Ruf à La Comédie Française.

                 

de Paul Claudel

mise en scène  Eric Ruf 

avec la troupe de La Comédie-Française   Alain Lenglet, Florence Viala, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Christian Gonon, Serge Bagdassarian, Suliane Brahim (en alternance), Didier Sandre, Christophe Montenez, Marina Hands, Danièle Lebrun, Birane Ba, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty, Edith Proust (en alternance) & les membres de l’académie de la Comédie-Française Fanny Barthod, Rachel Collignon, Gabriel Draper, Aurélia Bonaque Ferrat ainsi que le musicien, les musiciennes Vincent Leterme, Merel Junge, Ingrid Schoenlaub

****

     

Comédie-Française Richelieu

      

©  Jean-Louis Fernandez, coll. Comédie-Française    

         

En choisissant de clôturer son mandat administratif à la tête du Français depuis dix ans par une nouvelle version de cette pièce emblématique de Paul Claudel réduite à six heures trente, le sociétaire honoraire Eric Ruf prolonge ainsi l’expérience du Théâtre à la table qu’il avait initiée durant le confinement Covid et dont lui-même avait alors dirigé la première des 4 journées constitutives de ce « Soulier » déjà dans la Salle Richelieu mais bien entendu, lors de cette période, vide de tout spectateur.

Cette fois-ci durant quatre mois, la jauge sera archi-pleine mais, en revanche, ce sont les décors qui seront absents pour cause d’ateliers artisanaux en réfection... à l’exception de toiles peintes dévolues et surtout en présence hyper réaliste de toute la machinerie Richelieu « brut de décoffrage » ainsi que de sa panoplie insondable en cintres et autres jeux de lumières mettant notamment en exergue les magnifiques costumes repensés par Christian Lacroix.

Bien que fort étroite pour y évoluer aisément à 360° ou s’y entrecroiser, une passerelle est dressée au beau milieu & juste au-dessus des fauteuils d’orchestre reliant la dernière de ses rangées jusqu’à la scène afin de rendre ce spectacle-Monde pleinement immersif tant du point de vue des comédiens que des spectateurs. Bon pied bon oeil sont ainsi sollicités en quête d’équilibre désordonné !

Rappelons que « Le Soulier de Satin » aura été créé ici même en Richelieu pour la toute première fois en 1943 par Jean-Louis Barrault durant l’occupation allemande tout en étant alors à la merci des multiples alertes et par conséquent d’annulations partielles ou totales avec ensuite 5 reprises jusqu’au Théâtre d’Orsay en 1980.

Plus tard, Antoine Vitez au Festival d’Avignon 1987 en fera une version intégrale de référence sur 12 heures particulièrement présente dans la mémoire collective (Ludmila Mikaël / Didier Sandre) de même qu’Olivier Py en 2003 repris à L’Odéon en 2009 sur 11 heures (Jeanne Balibar / Philippe Girard).

Et voici donc qu’en 2025 Eric Ruf, lui, aura décidé de fêter son départ (effectif en août) avec cette pièce dont l’ensemble des didascalies affirment que la spontanéité et même l’improvisation concernant la direction d’acteurs doivent contribuer à en assurer la crédibilité essentielle sous les auspices d’une joie partagée par tous car forcément non feinte.

Il s’agit donc d’une épopée flamboyante au Siècle d’or où les Conquistadors déambulent à travers l’Univers au gré de leurs prises de pouvoir sans doute davantage imaginaires que nécessairement profitables alors qu’en toile de fond, Claudel tisse des liens à travers les mailles de l’Amour sous toutes ses composantes afin de faire surgir hors des tribulations géopolitiques, les piments charnels, affectifs, mystiques et transcendants tentant de composer d’avec la Société humaine telle qu’elle pouvait apparaître à cette époque ainsi qu’à l’instar de toutes les autres et pourquoi pas la nôtre ?

Au sein d’un jeu délibérément interactif où la majorité des 18 comédiens jouent moult rôles télescopables pendant que les super women, Marina Hands (Doña Prouhèze), Suliane Brahim (Doña Sept-Epées) ou Florence Viala (Doña Isabel) fomentent des souhaits exhorbitants ou truculents auprès de charimatiques figures tels que Laurent Stocker (Don Balthazar), Baptiste Chabauty (Don Rodrigue) ou Christophe Montenez (Don Camille) et alors qu’en contrepartie des modérateurs diplomates Serge Bagdassarian (L’Annoncier), Didier Sandre (Don Pélage) ou Danièle Lebrun (Doña Honoria) font diversion fort judicieuse, reste néanmoins qu’au final Alain Lenglet, bien seul, lui en Père Jésuite expirera ligoté sur le pont d’une caravelle démâtée coulant sous elle tout le « Mal du Monde » bien qu’un Soulier de Satin eût pourtant d’emblée été confié à la Vierge avec pour mission de servir de gage universel... en assurant dûment une claudication punitive assignée.

En établissant un relais ô combien symbolique entre Ludmila Mikaël et sa fille Marina Hands pour le rôle de Prouhèze ainsi qu’en faisant passer Didier Sandre de celui de Rodrigue (amant de Prouhèze) à Pélage (mari de Prouhèze), Eric Ruf a installé délibérement une continuité puissante en émotions contenues sur près d’un demi-siècle que les ex-protagonistes amoureux assument avec tact désormais focalisé sur Baptiste Chabauty puisque, lui, est maintenant devenu le nouveau Rodrigue auquel ne parviendra donc la fameuse lettre de son amante passionnée que plus de 10 ans après qu’elle y eut imploré sa délivrance.

D’ailleurs, dans ce contexte, personne n’échappe à son destin même Claudel, qui par cet essai théâtral qu’il jugeait initialement injouable, aura tenté une approche autant autobiographique que rédemptrice pourvu que les voies célestes lui soient conciliantes pouvant confirmer ainsi l’intuition que « Le pire n’est pas toujours sûr ».

Alors que les comédiens déjà présents dans la salle et sur le plateau accueillent cordialement les spectateurs rejoignant en musique live leurs places réservées au fur et à mesure de leurs arrivées dans le lieu magique, certains d’entre eux peuvent aussi recevoir en cadeau de bienvenue des « fraises » (collerettes) dont ils seront invités à se parer lors de cérémonies officielles à venir par les deux annonciers, Florence Viala & Serge Bagdassarian, en charge du narratif explicatif tout au long des phases successives de ce spectacle fleuve.

Les huit heures et demie que durent l’ensemble de la représentation agrémentée de deux entractes d’un quart d’heure chacun ainsi que d’une pause repas d’une heure et demie sous le coup de 18h30 passent à la vitesse d’un songe éveillé où tous les sens seraient en émoi perpétuel sous l’égide néanmoins du renoncement au nom d’obligations éminemment spirituelles ou morales mais sans que jamais le spectateur n’ait l’opportunité ou simplement l’envie de se distancier d’un tel enjeu théâtral à la fois particulièrement empathique, tellement ludique & ô combien joyeux.

Theothea le 31/12/24

       

©  Jean-Louis Fernandez, coll. Comédie-Française  

     

ICI SONT LES DRAGONS

1917 La Victoire était entre nos mains  1/3

« Ici sont Les Dragons » Ariane Mnouchkine sonne une charge indignée au Théâtre du Soleil

             

de Hélène Cixous

mise en scène  Ariane Mnouchkine

avec  La troupe du Théâtre du Soleil  

***.

     

Théâtre du Soleil

      

© Lucile Cocito 

   

Avec '' Ici sont les Dragons '' Ariane Mnouchkine s'attaque à du « Lourd » en l’occurrence aux impérialismes destructeurs du XXème siècle engendrant les guerres du XXIème comme celle en Ukraine détonatrice de sa nouvelle création collective.

En proie à une colère noire et très remontée contre Poutine, un immense portrait apparaît d'entrée de jeu en fond de scène, molesté par la récitante du spectacle en salopette bleue qui, ayant sommé le public d'éteindre les portables, se précipite vers le dirigeant russe en l'injuriant et en lui intimant l'ordre de dégager tout en le fustigeant sauvagement avec ses poings.

Sous ses coups, la toile se disloque, le visage de Poutine annonçant l'envahissement de l'Ukraine se déforme monstrueusement. L'auditoire est d'emblée pris à partie par un règlement de compte impitoyable à l'égard du président russe.

Après s'être inspirée des formes du Théâtre asiatique et renoué avec le Japon grâce à '' L'île d'Or '' en 2022, Ariane Mnouchkine, foncièrement écoeurée par l'invasion ukrainienne, retrouve la nécessité d'un Théâtre qui rejoint la réalité sociale et politique du monde.

Avec le même enthousiasme et la même énergie vitale qu'à 30 ans quand elle créait 1789 puis 1793, spectacles collectifs sur les révolutions françaises, elle décide de monter une fresque populaire en trois volets intitulée « Ici sont les Dragons ».

Qui sont ces Dragons ? « Dictateurs, chefs, tyrans totalitaires, mangeurs d'humains, cyclopes aveugles, peintres ratés, grands seulement par leur ambition illimitée, ils ont les armes, champions olympiques dans la pratique du Mensonge....» dixit Hélène Cixous, auteure et dramaturge travaillant en harmonie avec Ariane Mnouchkine, accompagnant le processus de création collective du Théâtre du Soleil.

Aujourd'hui, Vladimir Poutine est ce Dragon, ogre parmi d'autres qui cherche à asservir et détruire l'indépendance de l'Ukraine. D'où ce projet titanesque pour tenter d'éclairer le chaos de ce conflit qui a éclaté le 24 février 2022 et pour cela, il fallait remonter le cours de l'histoire jusqu'en février 1917.

Avec sa troupe d'une quarantaine d'artistes cosmopolites bouillonnants de talents, c'est donc un spectacle sur toute l'année 1917 qui nous est présenté avec d'infinis détails. La deuxième époque envisagée par la suite se déploiera jusqu'en 1945, épopée qu'elle souhaite ardemment poursuivre jusqu'à nos jours. Saluons le courage inébranlable et indestructible d'une passionaria de 85 ans !

1ère époque 1917 est sous-titrée : « La victoire était entre nos mains » d'après le titre du tome 1 des '' Carnets de la Révolution russe '' de Nikolaï Soukhanov, l'un des fondateurs du Soviet de Petrograd. On remarquera que le verbe " être " est au passé révélant par là un échec probant.

Après le passage à tabac du faciès de Poutine sous les cris d'orfraie de " criminel-assassin ", Cornélia la narratrice traverse à nouveau le plateau pour s’installer dans une fosse à l'avant-scène et s’imposer en tant que metteuse en scène comme un double d'Ariane Mnouchkine au milieu d’un empilement de livres qu’elle va ouvrir afin de nous donner les moyens de comprendre la succession des événements durant cette année fatidique.

'' Tout commence toujours par une guerre '' s'inscrit en lettres lumineuses sur un ciel crépusculaire tandis que des panneaux enneigés glissent sur le plateau recouvert d'étoffe blanche. Les défaites successives de la Russie lors de la Première Guerre mondiale sont l’une des causes de la révolution de Février. D'où l'entrée dans le spectacle par un petit préambule dans une tranchée sur le front quelque part dans le Pas-de-Calais.

Au long d’une vingtaine de tableaux précisément datés et titrés, déroulés comme on tournerait les pages d’un livre d’Histoire nourri d'archives, de documentaires, de lettres, on assiste à la naissance d'un mouvement populaire à Pétrograd en février 1917, sous l’effet conjugué d’un hiver particulièrement rude, d’une pénurie alimentaire et de l'épuisement lié à la Première Guerre mondiale.

Soldats enlisés dans la neige, bruits de bottes, cris de femmes réclamant du pain, les scènes défilent à grande vitesse, les ouvriers se mettent en grève, les matelots s'insurgent.

C'est la grève générale. La révolte prend de l'ampleur, le tsariste Nikolaï Il abdique, le choeur des cosaques et des paysans explose, un gouvernement provisoire s'installe, des Soviets se forment.

Lénine revient de son exil en Suisse dans un « train plombé » qui arrive le 3 avril en gare de Pétrograd, figuré par un train miniature qui crache de la fumée et traverse le plateau manoeuvré par un comédien.

Emmenés par le triumvirat Lénine-Trotski-Staline, les Bolcheviks prennent le pouvoir avec l'invasion du Palais d'Hiver dans la nuit du 25 au 26 octobre 1917. Ce Palais qui reflétait la toute puissance de la Russie impériale était devenu le siège du gouvernement provisoire. Ce dernier dirigé par le socialiste Kerenski est jugé trop bourgeois et sera à son tour renversé.

A la fin du spectacle, ce Palais grandiose est réduit à la taille d'une petite maquette dont les minuscules silhouettes recroquevillées en terre cuite sont projetées sur l'écran par le téléphone de Cornélia, comme le symbole d'un monde marqué par le sceau de la barbarie « La démocratie n’aura duré que huit mois ».

Le venin toxique de la terreur se propage déjà avec la Tchéka, la redoutable police politique; une république oligarchique autoritaire se met en place... à suivre donc au prochain opus 2/3 d'ores et déjà fort attendu à La Cartoucherie.

Cette saga historique retracée comme une leçon d'histoire est sans doute un peu trop didactique et donne une vision partiale et manichéenne des évènements. Mais l'imagination foisonnante d'Ariane Mnouchkine compense le côté pédagogique et partisan par une forme théâtrale toujours pleine d'une fantaisie épique.

Les décors facilement escamotables se déplacent à la vitesse de l'éclair. On passe de l'enfer des tranchées sous les assauts des canons aux barricades, des grilles d'un Palais investi par les insurgés aux estrades du Comité Central d'où on harangue le peuple; on passe des quais aux gares de Moscou et de Finlande à Pétrograd sur fond de toiles peintes, de vidéos projetant le majestueux port au bord de la Neva et de cieux flambant d'incendies.

Clémence Fougea a composé les pluies, les tornades, les chevauchées, les attaques, les canonnades qui intensifient tous ces mouvements d'ensemble.

En contrepoint à cette effervescence, trois '' babayagas '', créatures fantastiques - référence à la mythologie slave - arpentent le plateau à plusieurs reprises portant une lampe dans les ténèbres pour échapper à la terreur.

Récurrents chez Mnouchkine, les masques omniprésents donnent aux personnages des dégaines de pantins articulés s'exprimant par le biais d'une voix off; on entend parler russe, allemand, anglais, français, ukrainien... le tout dûment surtitré.

Le burlesque se déploie dans la '' farce ukrainienne '' qui met en scène Lénine, Djerjinsky et Trotsky. Les artistes grimés à l'effigie des héros bolcheviks qu'Ariane Mnouchkine se complaît à caricaturer se livrent à une funeste pantomime.

Lénine, vêtu d'un ample pyjama blanc, tel un pion gesticulant dans son petit lit de fer, écume de rage à l'annonce à la radio de l'indépendance de l'Ukraine.

Soulignons que sous ces masques, les comédiens sont interchangeables et que Lénine est joué par une femme dans cette saynète facétieuse ainsi d'ailleurs que ses deux autres comparses.

« 1917: La victoire était entre nos mains 1/3 » a donc des allures de manifeste idéologique assez appuyé et discutable mais c'est surtout une quête philosophique et poétique des responsabilités humaines que la troupe du Théâtre du Soleil toujours renouvelée communique avec une énergie sans faille et un brio époustouflant.

« Ici sont Les Dragons » Un défi hallucinant porté par la magnificence du spectacle vivant !

Cat’S / Theothea.com le 07/01/25               

         

     

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LES COLLECTIONNISTES

"Les Collectionnistes" Prémices controversées de l'Impressionnisme au petit Montparnasse

                 

de  François Barluet

mise en scène  Christophe Lidon

avec Chistelle Reboul, Christophe de Mareuil, Frédéric Imberty & Victor Bourigault 

****

     

Théâtre du petit Montparnasse

      

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Quelle pépite ce Petit Montparnasse dont la programmation toujours éclectique et exigeante fait découvrir au public installé en gradin sur des banquettes de velours violet des écritures contemporaines originales et brillantes.

Comment savourer théâtralement la Peinture de jeunes impressionnistes en 1874 qui se font littéralement chambrer par la critique et se font rejeter des salons officiels de l'époque, comment en faire une comédie vibrante, pleine de rebondissements où se disputent les goûts et les couleurs créant des divergences de points de vue virevoltants.

Par le biais du grand bourgeois Parisien, le Marchand Paul Durand-Ruel, catholique convaincu, royaliste, qu' une passion frénétique de la peinture a transformé en un véritable aventurier obsessionnel et persévérant de l’Art.

Avec une foi inébranlable et d'une insatiable curiosité, il perçoit, au-delà du visible, l'émotion que suscitent les toiles encore méconnues et les sensations créées par les variations de la lumière par touches fragmentées sur la peau d'un modèle, sur l'eau, les arbres, la nature, nombreuses scènes étant peintes en plein air.

Et nous voici dans son salon cossu aux couleurs chatoyantes, côté cour une fenêtre surplombe les toits d'ardoise d'immeubles haussmanniens tels peints par Gustave Caillebotte (son très célèbre '' Toits sur Paris, effets de neige '' est conservé au Musée d'Orsay), côté jardin un immense miroir au-dessus d'une cheminée dans lequel se reflèteront les tableaux qu'un couple qui vient de faire son apparition pose alternativement sur un chevalet afin de les visionner.

L'homme, le marchand Paul Durand-Ruel, manifestement enthousiaste, ne cesse de louer les oeuvres de ces artistes novateurs qui révolutionnent la peinture du moment alors que sa femme, elle, y va de quelques sarcasmes et tempère l'engouement de son mari pour ces croûtes peintes par des ''barbouilleurs''.

Elle est surtout agacée que son mari dilapide une fortune et met en péril la situation du ménage. '' Vous commercez peu mais collectionnez beaucoup '' lui lance-t-elle. Il a déjà acheté de très nombreuses toiles de Claude Monet qu'il avait rencontré à Londres en 1871.

Dans ce somptueux décor signé Christophe Lidon, le salon se transformera en musée par l'intermédiaire d'astucieuses images vidéo de Léonard et les lumières de Moïse Hill. On verra défiler des nus de Renoir, dont le fameux '' Torse, effet de soleil '' où la lumière sur la peau de son modèle crée des auréoles multicolores, des stries jaunâtres ou bleutées que les détracteurs se chargent de persifler :

« Essayez donc d’expliquer à M. Renoir que le torse d’une femme n’est pas un amas de chairs en décomposition avec des taches vertes, violacées, qui dénotent l’état de complète putréfaction dans un cadavre. » Madame Durand-Ruel dont le jeu enflammé et tourbillonnant est porté par Christelle Reboul semble être de cet avis trouvant, selon elle, que cette femme à un aspect ''faisandé''.

Paul Durand-Ruel, lui, incarné avec grande subtilité par Christophe de Mareuil, très élégant dans des habits raffinés défend l'humanisme ensoleillé de ce fougueux Auguste Renoir à la tignasse rouquine joué par un Victor Bourigault à la silhouette échevelée et fébrile.

Un journaliste interprété par le débonnaire Frédéric Imberty rend souvent visite à Paul Durand-Ruel. Lui aussi n'est pas avare de critiques acerbes tout en paraissant ne pas être insensible aux charmes des nus de Renoir dont les rondeurs ne le laissent pas de marbre.

Après Renoir, les visuels projettent '' le Pont du chemin de fer à Argenteuil '' lequel fut représenté plus d'une dizaine de fois par Claude Monet. C'est dire si l'artiste était attaché à ce motif, faisant jouer en contrepoint la fluidité du cours d'eau avec la masse géométrique du pont et de ses piles sur lesquelles jouent de multiples reflets.

L'illustre '' Impression, Soleil levant '' (conservé au musée Marmottan à Paris) envahira les murs de l'appartement. C’est avant tout la lumière, les reflets à la surface de l’eau et cette enveloppe vaporeuse autour du soleil qui intéressent Monet. Il juxtapose les couleurs et esquisse des touches de bleu et d’orange qui donnent un aspect inachevé et légèrement flou au tableau, loin de la peinture académique de l’époque.

En 1874, Monet présente sa toile à Paris, lors de la première exposition de la Société anonyme coopérative qui a lieu du 15 avril au 15 mai 1874 dans l'ancien studio du photographe Nadar au 35 boulevard des Capucines à Paris.

Les réactions sont assassines. Le critique d’art Louis Leroy écrit : « Le papier peint à l’état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là », avant d’ironiser : « puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans ! » Ainsi la toile a-t-elle donné son nom au mouvement impressionniste !

Jeanne, l'épouse de Paul, lira d'ailleurs dans un des journaux satiriques de l'époque : « Ces gens sont fous, mais il y a plus fou qu’eux, c’est un marchand qui les achète ! » Paul Durand-Ruel, généreux mécène pour ses protégés, leur permettra jusqu'au bout, fidèle à sa vision, de se sustenter, de créer, d'exposer.

Aujourd'hui la cote de ces tableaux flamboie et c'est par un clin d'oeil contemporain que la pièce se termine. Les lumières qui s'étaient éteintes se rallument sur une salle des ventes. Les enchères montent. Le tableau présenté est adjugé, ce soir-là, par le commissaire-priseur à 22 millions d'euros. La personne dans le public qui s'est prêtée au jeu de l'enchère la plus élevée repartira avec un cadeau dédié.

'' Les Collectionnistes '' est une pièce enlevée et lumineuse de François Barluet que Christophe Lidon fait vibrer grâce à une scénographie soignée, vraie palette de teintes chromatiques et des comédiens qui se lancent des réparties et des piques dignes d'un léger vaudeville dans les costumes magnifiques de Jean-Daniel Vuillermoz.

Un très bel hommage à un Homme hors du commun, à la Peinture des sensations fugitives qui bouleversera la perception de l'Art, au Beau sublimé !

Cat’S / Theothea.com le 15/02/24  

            

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IPHIGENIE

                 

de  Racine 

mise en scène Clément Seclin

avec  Sébastien Giacomoni, Hélène Boutin, GHL, Grégoire Gougeon, Ophélie Lehmann, Clémentine Aussourd, Jean-Philippe Renaud & Baudouin Sama  

***.

     

Théâtre de l'épée de bois

      

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Mot du metteur en scène

Iphigénie, c’est plusieurs horizons qui se chevauchent. Un drame familial, une légende

et sa malédiction, un univers désolé et immobile, une quête d’identité.

Racine laisse au spectateur l’absence, le manque de modèle absolu et hégémonique.

Par ce texte, il fabrique des situations ouvertes qui tendent rarement vers un espoir.

Toutefois, au milieu du désastre, se dresse un pouvoir : celui des femmes.

Clytemnestre, par sa révolte face aux oscillations de son époux et roi, puis par sa remise en

question de l’existence même des dieux.

Eriphile, dans sa quête féroce d’identité, de vérité et de justice.

Iphigénie, par sa profonde résignation et sa dignité face à son propre sacrifice.

Ces trois figures archétypales refusent de collaborer avec un système où le pouvoir

engendre le mensonge, la trahison, la manipulation.

La résonance que ce texte peut avoir dans notre société est aussi à un tout autre endroit :

travailler Iphigénie dans un monde saturé d’informations et d’images, qui oblige aux

certitudes et à la radicalité, c’est rendre compte et célébrer l’incertitude, le flottement, la

suspension dans le temps.

Ce qui m’intéresse chez Racine, et tout particulièrement dans cette pièce, c’est aussi la

question de la croyance.

Il intériorise la foi : les personnages interrogent leur âme, leurs émotions propres, leurs

sensations. Le regard est alors tourné vers l’humain et non vers le ciel et tous

convoquent leur voix du dedans.

Je crois qu’il n’est pas nécessaire de nous questionner sur la trace, l’empreinte, que

pourrait laisser Iphigénie dans notre temps. La question que nous devons nous poser

est : notre temps a-t-il du sens à travers le prisme d’Iphigénie et de son drame.

Enfin, faire jouer les mots d’un mythe, d’une histoire ancestrale, nous purge de nos

passions tristes et nous reconnecte à des violences, pour certaines banalisées, et nous

force, par la sur-présence de la mort, à nous adresser au vivant.

Clément Séclin    

        

           

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GUTEN TAG, Madame Merkel

« Guten Tag Madame Merkel » Anna Fournier Show géopolitique brillamment satirique

                 

de & mise en scène  Anna Fournier 

avec  Anna Fournier  (alternance Candice Bouchet)  

***.

     

Théâtre de la Pépinière

      

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Depuis 2020 jusqu’au 2 mars 25 dernière séance exceptionnelle programmée à La Pépinière Théâtre, Anna Fournier aura développé un vade-mecum à géométrie variable autour d’un axe de citoyenneté aspirant à une politique éthique où les représentants de la Nation devraient être, a minima, au service de leur cohérence idéologique .

Comme cette perspective modèle pourrait fort bien n’avoir comme destinée que celle d’un voeu pieux, la comédienne auteure et metteuse en scène n’avait pour son coup d’essai, au sortir de sa formation universitaire (master d’histoire) et dramatique (Cours Florent & Conservatoire) que le choix fort avisé de se solidariser avec une anti-héros venue de nulle part ou plus exactement d’un pays qui n’existe plus... l’Allemagne de l’Est avant la chute du mur.

Effectivement Angela Merkel dont, encore aujourd’hui, personne n’a vraiment percé le mystère de son autorité naturelle ayant damé le pion à tous les gouvernants planétaires durant les seize années où elle fut au pouvoir de la RDA, s’est présentée avec évidence à l’intuition créatrice d’Anna Fournier comme celle qui, selon des critères rationnels, savait ne pas transiger entre les intérêts collectifs et particuliers.

Cette manière de rectitude sans faille aura eu raison de toutes les moqueries sur la forme où il lui était notamment reproché de n’être pas suffisamment attentive à son apparence vestimentaire ou autre look. Traversant donc ces critiques avec superbe, elle sut imposer un respect indéfectible à ses détracteurs finalement désorientés.

Anna Fournier prend, elle, le parti de la satire bienveillante. Bien sûr, elle ne se montre pas réticente au désir de brocarder les maladresses ou autres traces psychorigides de l’éducation protestante reçue par Angela mais, surtout, elle montre, à qui mieux mieux, les faiblesses, lâchetés ou incohérences de ses partenaires européens et en premier lieu celles des quatre Présidents de la République Française qui se sont succédé durant son mandat maintes fois renouvelé, à savoir Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et enfin Emmanuel Macron.

Bref mine de rien, chacun en prend pour son grade même si Vladimir Poutine & Donald Trump sont présentés comme ses interlocuteurs privilégiés et, en définitive, attentifs à ne pas la froisser davantage qu’elle ne pourrait l’être.

C’est d’ailleurs ainsi qu’en épilogue, l’auteur se pose pertinemment la question en se demandant si, de fait, Poutine n’aurait pas attendu qu’Angela soit retirée des affaires du monde... pour oser tenter d’envahir l’Ukraine.

Alors que la phase actuelle des représentations de « Guten Tag » sont sur le point de se clore et que dans une interview récente l’Artiste confirmait que la rumeur de son spectacle est effectivement parvenue à la connaissance de l’intéressée sans vouloir ou pouvoir en dire davantage, il est exact que cela aurait été vraiment signifiant de connaître le point de vue d’Angela Merkel sur ce formidable travail d’écriture documenté, de mise en scène sobre et d’interprétation fluide mis en oeuvre par le talent d’Anna Fournier.

Theothea le 09/02/25

            

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