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A.D.N.
"A.D.N." Le Test Azzopardi - Folle course identitaire
& poursuite parodique au Théâtre Michel
de
Caroline Ami et Flavie
Péan
mise en scène
Sébastien Azzopardi
avec
Benoît
Facerias, Anne Plantey, Alexandre Guilbaud, Valérie Even, Judith
DAleazzo et Eric Pucheu
|
***.
Théâtre Michel |
|
© Emilie Brouchon
Alors que Caroline Ami & Flavie Péan les deux auteures nous
informent que le fait de société dont elles se sont inspirées
a eu lieu à Washington en juin 2014, il est loisible à qui
le souhaiterait de retrouver leurs sources factuelles sur le Web pour prendre
connaissance dun syndrome "typologique" constituant le très
surprenant mobile génétique ainsi que la clef thématique
de leur pièce de théâtre.
Mais donc, comme tout un chacun des spectateurs invités à
ne pas « divulgâcher » le plaisir de découvrir en
live les ressorts de cette comédie haletante, nous n'en dirons pas
davantage sur cette révélation scientifique et scénaristique
cocasse.
En revanche, nous confirmerons que les deux comédiennes désormais
dramaturges, simmisçant dans la cour des grands puisqu'elles
avaient déjà réuni leurs talents d'écriture,
une première fois, dans un conte jeune public "Merlin: la légende
Arthur et la fée maléfique ", ont décidé pour
cette deuxième collaboration scripturale d'abonder leur trame originale
présente par une pléiade de spécificités
sociétales puisées dans la mouvance LGBTQIA+.
Délibérément décalés, cette succession
de sujets sincrémentant avec dérision et humour dans
une enquête policière façon « Cluedo » s'ouvre
à l'actualité américaine contemporaine comme on le sait
toujours légèrement en avance d'un train, celui des murs
privées, psychosociales ou politiques outre-atlantique en pleine
ébullition.
Cest là précisément que Sébastien Azzopardi
entre en piste avec son arsenal dinventivité délirante
et sa maîtrise dun faisceau dactions concomitantes se
répercutant à qui mieux mieux face à lassistance
en phase immersive sous expertise policière débutant dès
lassassinat de la mère sur le point pourtant de faire des
révélations à son fils débouté de sa
récente paternité.
En effet, suite à la fécondation in vitro de son épouse,
voici quun test A.D.N. devant authentifier la procédure
génétique vient dénier à Tomas ses prérogatives
paternelles au profit dun oncle familial apparemment inconnu et, de
surcroît dans la foulée, de le désigner comme le meurtrier
par strangulation de sa propre mère sur laquelle ces mêmes traces
A.D.N. auraient été relevées.
Le fond et la forme effectuant en loccurrence une valse à
mille temps chaotique, un véritable sac de nuds existentiels
semble se dresser au premier plan dune scénographie
extrêmement mobile où le millimétrage dialectique pourrait
relever de contraintes propres à Feydeau.
Arrimés de plusieurs rangées de panneaux coulissant sur
scène sinterposant entre eux à la manière dune
chambre noire photographique où lintervention simultanée
de plusieurs volets entrecroisés permettrait de régler la vitesse
de lobturateur, les interprètes se poursuivant les uns les autres
au gré des rebondissements de linvestigation policière
peuvent apparaître aux spectateurs par flashs intermittents voire
stroboscopiques alors que des vidéos projetées contextualisent
des lieux significatifs de Washington ainsi que des moyens de transports
en commun ou privés relatifs à la progression
frénétique de lenquête.
Ce Thriller palpitant scénarisé comme une bande dessinée
et mis en images comme au temps du cinéma muet est emmené en
accéléré récurrent par cinq comédiens
(Anne Plantey, Alexandre Guilbaud, Valérie
Even, Judith DAleazzo, Eric Pucheu) dont la pleine
ubiquité de la scène à la salle se transforme en terrain
de jeu pour multiples rôles à géométrie variable
autour de Tomas ( Benoît Facerias ) lui, en quête permanente
de vérité identitaire face à ladversité,
indices et fausses pistes confondus, ainsi que confronté aux preuves
réputées jusqu'alors intransgressibles de lA.D.N.
Un véritable must prémonitoire, subversif et burlesque !
Theothea le 18/11/2024
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LES LIAISONS
DANGEREUSES
LES LIAISONS DANGEREUSES De Choderlos de Laclos à
Arnaud Denis / Emprise, Séduction & Perversion à La
Comédie des Champs-Elysées
d'après Choderlos de Laclos
mise en scène
Arnaud Denis
avec
Delphine Depardieu,
Valentin de Carbonnières, Salomé Villiers, Michèle
André, Pierre Devaux, Marjorie Dubus & Guillaume de
Saint-Sernin
|
****
Comédie des Champs-Elysées |
|
© Cédric Vasnier
Près dune décade plus avant, Arnaud Denis navait
donc point été lélu finaliste du casting
dédié pour jouer le rôle de Valmont sous la direction
de John Malkovich au Théâtre de lAtelier.
Une impérieuse envie de corriger le destin habitait depuis lors
le Comédien-Metteur en scène pour qui, lopportunité
souriait à nouveau plus récemment, lorsque le producteur Pascal
Héritier lui proposait à la fois dadapter et de mettre
en scène « Les liaisons dangereuses » ainsi que de jouer
lui-même Valmont.
Et il en fut ainsi en 2023 à La Tête dor à Lyon
où Arnaud Denis créait sa propre version remaniée et
recentrée sur le duo mythique avec Anne Bouvier en Marquise de Merteuil.
Cependant cette prestigieuse affiche ne pourrait perdurer puisque une
« hernie inguinale » fort mal réduite viendrait entraver
la poursuite du projet dont Arnaud Denis ne pourrait plus quassurer
la direction dacteurs.
Cependant de ce mal bien malencontreux allait surgir lexcellence
sous forme dun nouveau binôme irradiant « Delphine Depardieu
& Valentin De Carbonnières ».
Ceux-ci se sont emparés de leurs rôles respectifs avec une
évidence confondante.
La préciosité du langage du XVIIIème ajoutée
à une aisance démaniérée de le formuler dans
la langue pastichée par Arnaud Denis faisait ainsi liens entre les
extraits de leurs lettres échangées de façon à
les transposer précisément en enjeu théâtral.
Le charisme de Delphine Depardieu dans cette partition lui aura,
dailleurs, déja valu, à ce jour, de devenir la lauréate
du Prix du brigadier remis le 12 décembre 2024.
Cependant il pourrait être étonnant, à
lépoque actuelle régie notamment par « MeToo »
et lensemble des mouvements émancipateurs associés,
dobserver que non seulement la critique quasi unanime mais aussi et
surtout le public faisant un triomphe à cette adaptation qui aura
souhaité contextualiser lenjeu dramaturgique en le maintenant
en son siècle dorigine sous les murs et costumes alors
en cours, auront permis ensemble déchapper par une sorte de
magie surnaturelle à tout anathème idéologique
édicté par la bien-pensance contemporaine.
En effet comment donc tant dindélicatesse, de cruautés,
de perversions, de prédations machiavéliques et sulfureuses
peuvent-elles avoir franchi impunément la ligne rouge du supportable
aux yeux du gardiennage des relations genrées voulant les préserver
de toute emprise toxique ?
Si ce nest parce que ce recueil épistolaire
sérigeait en libre expression artistique à labri
précisément de tous les diktats moraux.
Ainsi quégalement parce que lopinion devait y trouver
de façon sous-jacente la dénonciation radicale des objectifs
poursuivis par Merteuil et relayés par Valmont ?
Mais cest encore au-delà de ces considérations
spéculatives que devrait se situer le blanc-seing de
limmunité car, tout en affichant la distanciation linguistique
de l'humour, Arnaud Denis semblerait avoir procédé selon
lintuition du retournement vertueux depuis son contraire.
Ainsi lénergie sans faille que met Merteuil à vouloir
venger la condition féminine de toute lhistoire du patriarcat,
ne pourrait, au demeurant, quen forger une personnalité initiatrice
dun féminisme bien compris.
En conséquence Valmont, lui, quil soit mu par ses propres
motivations de conquérant ou seulement influencé par les
défis que lui dicterait Merteuil, serait dans tous les cas, un être
paradoxalement faible ne sachant pas se dominer lui-même.
Son sort est donc scellé, il sera sacrifié sur lautel
de la lâcheté : « Ce nest pas ma faute ! ».
Et Merteuil, elle, pourra fuir le monde où elle souhaite mais son
aura restera, paradoxalement, celui dune pourfendeuse de
liniquité.
Et bien entendu, cest la langue de Choderlos de Laclos qui sortira,
comme depuis des lustres, grande gagnante de leur lutte sans merci et, par
ailleurs pareillement, cest la perspicacité bien
éclairée dArnaud Denis qui récoltera tous les
satisfecit que ce duel de manipulations et de surenchères au sommet
aura su engendrer de façon magistrale.
A la Comédie des Champs-Elysées, les mélopées
récurrentes de la 7ème symphonie de Beethoven introduisent
avec maestria cette corrida assoiffée de victimes abusées qui
nen peuvent mais.... Ces mêmes ultimatums musicaux viendront
dailleurs au final en apaiser les turpitudes exposées.
Entre-temps, Salomé Villiers (Madame de Tourvel) & Marjorie
Dubus (Cécile de Volanges) auront magnifiquement expié le non
consentement universel face aux prédateurs intemporels...
Ainsi tout est classe !... Lélite aristocratique repousse
au plus loin delle-même les affres de la souffrance dautrui
provoquée délibérement mais son intuition sensitive
lui fait pressentir que cette situation de marionnettistes ne pourra perdurer.
Il lui faudra donc seffacer discrètement au profit dun
monde nouveau... et très certainement plus juste.
Theothea le 27/11/24
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LES FAUSSES
CONFIDENCES
« Les Fausses Confidences » Marivaux / Françon
Tournée 24-25 passant par Les Amandiers Nanterre
de
Marivaux
mise en scène
Alain
Françon
avec
Pierre-François
GAREL, Guillaume LÉVÊQUE, Gilles PRIVAT, Yasmina RÉMIL,
Séraphin Rousseau, Alexandre RUBY, Georgia
SCALLIET, Maxime TERLIN, Dominique
VALADIÉ
|
****
Théâtre Des Amandiers |
|
© Jean-louis
Fernandez
A la suite de sa création en 2021 de « La seconde surprise
de lamour » lui ayant permis par antidote apaisante de faire
résilience à une agression vitale subie et par essence
traumatisante, Alain Françon prolonge désormais son délicieux
compagnonnage de Marivaux avec une comédie amoureuse où la
spéculation des sentiments est soumis à un essorage sensiblement
peu délicat.
Cest donc précisément à laune des tourments
et entraves successifs que pourra être éprouvée la
réelle valeur des convictions affichées face aux pressions
influentes fusant contradictoirement de toutes parts.
Séloignant résolument de tout psychologisme, le metteur
en scène décide une fois pour toutes de naccorder son
crédit quau texte, à ses inflexions, à ses
intonations, à son rythme quitte à les contredire ponctuellement
par des relâchements inopinés et décalés dans
la gestuelle des comédiens.
Fort de cette perspective, point dexplication sémiologique
à priori, cest exclusivement par la parole marivaudienne
exprimée dans linstant présent que se fera la
compréhension des enjeux en présence.
Ainsi demblée nous découvrons que Dorante est follement
épris dAraminte mais que cet amour lui semble inaccessible tant
leurs situations financières sont dissemblables. Dubois son ancien
valet entré au service dAraminte va simproviser stratège
en lui conseillant de postuler au rôle dintendant laissé
vacant alors que Monsieur Remy oncle de Dorante contribuera à cette
entrée en fonction sous le regard courroucé et méfiant
de la mère dAraminte...
Une fois en place, bien des quiproquos fomentés ou spontanés
vont émailler lobjectif amoureux poursuivi... alors que moult
propos alambiqués à la fois par pudeur ou vénalité
vont tisser un labyrinthe de malentendus feints ou candides.
Cependant le cheminement de cette intrigue sera réellement dicté
par les tergiversations dAraminte tentant de démeler le vrai
du faux, la sincérité du calcul, la posture de limposture
mais surtout cherchant à voir clair dans son propre désir de
femme...
En effet ces « confidences » pourraient fort bien dissimuler
et, de fait, constituer le narratif contrarié dune
émancipation malaisée mais ardemment souhaitée.
Aussi quun portrait survienne inopinément dans le fatras
de la réfutation ou de laspiration et voilà que les coeurs
et les esprits semballent sur lidentité de lauteur
et du sujet au point den brouiller la pertinence du ressenti
collectif.
Cest bien pourquoi Alain Françon recommande à ses
comédiens de ne ne prêter leur attention quà ce
quils disent plutôt quà ce quils pourraient
éventuellement penser ou intuitionner.
Ainsi de leurs échanges dialectiques complexes, maladroits voire
évanescents naîtra dans limaginaire du spectateur la lueur
dune sincérité échappant au rationnel, celle
dun « marivaudage » en loccurrence bien compris.
Dans un décor de colonnades conceptuelles néo-classiques
où failles et ouvertures invitent aux échappées belles
hors-champ, la dizaine de comédiens (Compagnie des nuages de neige)
se relaient sur les planches, ce soir-là donc aux Amandiers, dans
une chorégraphie du verbe resté indéchiffré mais
tellement plaisant jusquà rendre le potentiel de lAmour
flagrant et indéniable.
Theothea le 09/12/24
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VISITES A MISTER
GREEN
« Visites à Mr. Green » En quête de
tolérance éclairée au Théâtre de
Passy
de Jeff Baron
mise en scène
Thomas Joussier
avec Patrick Préjean & Thomas
Joussier |
***.
Théâtre de Passy |
|
© D.R.
Depuis son entrée professionnelle sur les planches, Thomas Joussier
privilégie la pièce emblématique que lui avait
conseillée John Berry lun de ses maîtres à penser
avec lequel il aurait dû jouer si celui-ci nétait pas
malheureusement disparu durant les répétitions.
Reprenant le flambeau de cette création de lauteur
américain Jeff Baron ayant triomphé à Broadway, Thomas
Joussier, depuis 2001, adapte, met en scène et la joue, à
intervalles réguliers, de reprise en reprise.
Dabord en compagnie de limmense Philippe Clay, puis ensuite
successivement Jacques Boudet, Claude Evrard et désormais Patrick
Préjean au Théâtre de Passy, Thomas Joussier endosse
systématiquement le rôle de Ross jeune cadre dynamique qui,
en raison dune conduite automobile trop rapide, aurait
déséquilibré un piéton de 86 ans et aurait ainsi
été condamné à une peine de travaux
généraux lobligeant à venir rendre visite une
fois par semaine à sa victime Mister Green.
Celui-ci vivant reclus depuis quil fut devenu veuf,
napprécie point a priori cette démarche préférant
continuer à survivre dans son foutoir personnel sans aide extérieure
perturbatrice.
Cependant ces prémices étant demblée posées,
commence alors une situation relationnelle contradictoire où les deux
hommes vont dabord cohabité tant bien que mal mais aussi peu
à peu à la lumière de confidences plus intimes
sapercevoir quaux failles de lun pourraient peut-être
correspondre celles de lautre si, toutefois, chacun des deux décidait
de faire un pas vers ce qui ne lui est pas habituel, à savoir remettre
en question ses propres certitudes et réflexes de vie.
Selon un jeu de miroirs réflexifs se renvoyant limage à
linfini, cest comme si se dressait alors entre lun et
lautre une véritable échelle des valeurs destinée
à relativiser toute conviction ancrée dans lidéologie
héritée de léducation et la culture mais aussi
de celle acquise auprès de la bien-pensance, ou jugée comme
telle, dans linstant présent.
Cette démarche subtile, faite daffinités autant que
de reproches davantage réparateurs que sententieux, aura pour effet
dinstaller un climat de confiance réciproque mêlée
néanmoins à des rapports de forces contrariées mais
finalement plus compréhensibles que divergents.
Il ne serait pas judicieux de révéler ici les réels
enjeux qui vont se succéder au fil de leurs échanges mais ce
qui ressort de cette progression en binôme cest la dimension
pleinement universelle des préoccupations focalisant lempathie
spontanée des spectateurs au gré dun suspense constamment
renouvelé.
Bien sûr, le jeu des deux interprètes est forcément
très important au regard de limpact provoqué sur
lécoute émotionnelle du public.
Si désormais Thomas Joussier semble faire corps et âme avec
le personnage de Ross, Patrick Préjean a, lui,
lélégance et la disponibilité heureuses de rendre
Mister Green à la fois tellement bougon et pourtant si sympathique.
Une performance festive donc qui se termine actuellement au
Théâtre de Passy avec la fin de lannée 24, mais
gageons que Thomas Joussier rebondira à nouveau ultérieurement
avec ce fameux duo symbolique.
Theothea le 16/12/24
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LE SOURIRE DE DARWIN
de Isabella Rossellini
mise en scène
Muriel Mayette-Holtz
avec Isabella Rossellini
|
***.
Théâtre de La Scala Paris
|
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©
Theothea.com
La Scala de Paris métamorphosée depuis sa construction en
1873, ayant été longtemps un célèbre
café-concert, est aujourd'hui un véritable lieu de création
théâtrale où les artistes dévoilent leur projet
dans une plénitude absolue. C'est ainsi que, ce samedi 23 novembre
2024, devant une jauge archi-bondée, Isabella Rossellini semble se
mouvoir dans un bien-être physique communicatif.
Rayonnante et énergique, elle reprend pour quelques dates en
tournée un spectacle conçu par elle en avril 2022 à
loccasion de linauguration de la nouvelle salle des Franciscains
du Théâtre National de Nice et mis en scène par Muriel
Mayette-Holtz, qui en est la Directrice et ancienne administrative de la
Comédie-Française.
La fille d'Ingrid Bergman est lumineuse dans '' Le sourire de Darwin ''.
Un sourire qui l'accompagnera tout au long du spectacle, tel un véritable
emblème d'une expression universelle qui serait innée et que
tout le monde appréhende comme une marque de sympathie et d'empathie.
Le sourire serait génétiquement déterminé puisqu'il
apparaît chez les enfants aveugles de naissance alors que d'autres
expressions seraient acquises et façonnées au fil du temps.
Sur un fond d'écran projettant des femmes du cinéma muet
en noir et blanc dans un état d'épouvante et de douleur utilisant
la distorsion faciale et gestuelle pour exprimer ce qu'elles ressentent et
qu'elles ne peuvent rendre avec les mots, Isabella déboule pieds nus,
très à l'aise, et s'empare de leur langage corporel qu'elle
parodie avec une malicieuse jouissance en articulant les paroles qu'elles
auraient émises dans un tel état paroxystique « Je suis
désespérée, il m'a quittée, il est parti....
ne me regardez pas je suis affreuse ».
Main sur le front, geste menaçant avec son autre poing, l'actrice
offre un véritable numéro de pantomime, elle sait montrer au
public comment on joue avec les codes pour donner limpression dun
gros plan, dun travelling. Les Georges Méliès, Charlie
Chaplin, Buster Keaton sont pour elle une référence absolue.
Elle démontre qu'une même phrase « Je vous aime et je
veux rester avec vous toute ma vie » peut exprimer des sentiments
différents suivant l'intonation avec laquelle les mots sont
prononcés, tout aussi bien l'amour que le rejet où explose
son talent d'actrice longtemps refoulé, dit-elle, à cause d'un
vrai complexe d'infériorité à l'égard de la fabuleuse
renommée de sa mère. Elle sera cependant propulsée au
rang de star mondiale grâce au réalisateur David Lynch, qui
la dirige dans le film '' Blue Velvet '' et enflammera le monde du petit
écran.
De ces émotions humaines, elle glisse vers les émotions
qu'éprouveraient également les animaux. Est-ce qu'un chien
ou un chat ne tremblera pas comme l'homme sous l'effet de la peur ? Pour
certains, il ne s'agirait que d'instinct. Comme le naturaliste Darwin qui
défendait la continuité entre lhumanité et les
animaux, Isabella en tant que biologiste et éthologue (à 55
ans, elle a passé un master d'éthologie ) s'intéresse
au comportement humain à la lumière d'exemples empruntés
au monde animal et observe l'importance du rituel. Ainsi, nous amuse-t-elle,
en parlant de l'attitude des poules offrant leurs pattes en l'air lors des
bains de poussière qu'elles affectionnent particulièrement.
Comme éthologue d'une part et comme actrice d'autre part, elle
se met dans la peau d'animaux et se transforme en revêtant des habits
( costumes de Rudy Sabounghi ) pour les mimer; ainsi le singe tel King Kong,
cet immense gorille, qui montre une sorte de lien entre l'humain et l'animal
ou, revêtue d'une robe fourreau verte aux grands volants bleutés
dressés en éventail, elle pousse un bruit de trompette pour
imiter le paon et faire la roue.
Elle ira jusqu'à se grimer en Darwin qui soutient l'idée
d'un processus évolutif par lequel de nouvelles espèces se
forment à partir d'ancêtres communs. Ainsi, on peut changer
la race d'un chien à partir du chiot sur plusieurs
générations. Les changements de race, c'est comme les langues
avec le temps, çà change... le latin devient le français,
l'espagnol, l'italien. Puis se déforme en un dialecte qui devient
une nouvelle langue etc...
Elle nous parlera encore de l'instinct maternel; la vie sexuelle des animaux
hermaphrodites comme le ver de terre ou l'escargot qui, avec le temps, passent
de mâle à femelle.
Par le biais de la comédie, le monologue d'Isabella Rossellini
prend la teneur d'une érudite conférence accompagnée
de facéties rendant le texte plus vivant et plus drôle. Elle
joue comme une enfant. Elle peut être un chimpanzé, un mollusque,
un oiseau avec un naturel confondant et nous communique ainsi ses passions
et ses connaissances avec une impressionnante légèreté.
Bravo l'Artiste !
CatS / Theothea.com le 02/12/24
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