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VOLE EDDIE, VOLE !
« Vole Eddie Vole ! » vers lau-delà
du dépassement de soi au Petit Montparnasse
de Léonard
Prain
mise en scène
Sophie Accard
avec
Benjamin Lhommas, Sophie Accard & Léonard
Prain
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***.
Théâtre du Petit Montparnasse
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© Fabienne Rappeneau
Assister à la représentation de cet « envol »
atypique à lissue des jeux Olympiques & Paralympiques de
Paris 2024, cest aussi en quelque sorte tenter de replacer le sport
de haut niveau dans un enjeu dédié qui ne soit pas exclusivement
médiatique.
Dabord parce que lhistoire dEddie est un narratif qui
provient de la réalité vécue pour laquelle le personnage
ayant inspiré la pièce a lopportunité de
sexprimer en épilogue par un bref vidéo-commentaire
distancié mais aussi parce lon y apprend que la direction du
CIO a, depuis cette aventure, réglementé laccession aux
candidatures de telle façon quune telle expérience
athlétique ne soit, paradoxalement, plus réalisable.
Et pourtant quil est émouvant cet exploit contre la
destinée tracée telle que le propose ce témoignage
scénographique sur le ton dune comédie plutôt farfelue
mais surtout poétique.
Ainsi Michael Eddie Edwards aura-t-il bataillé depuis ses 13 ans
pour parvenir, plus d'une décennie plus tard en 1988, à se
distinguer aux jeux Olympiques de Calgary (Canada) en étant le seul
athlète britannique à participer à lépreuve
du tremplin à ski puisquaucun autre de ses condisciples
nétait en mesure deffectuer les performances minimales
pour y être sélectionné.
Terminer alors le dernier au classement de tous les candidats internationaux
aura même pu ajouter un surplus à sa gloire sportive selon la
devise promulguée par le baron Pierre de Coubertin «
Lessentiel nest point de gagner mais bel et bien de
participer».
Quel magnifique exemple à la fois de persévérance
dans leffort et dhumilité dans lémulation
humaine !
La pièce nous permet dobserver tous les obstacles médicaux
accidentels ou naturels, administratifs, financiers, psychologiques... qui
se seront succédé au cours des entraînements dEddie
sans que pour autant la lassitude ou le découragement parviennent
à le dissuader dans son objectif de représenter son pays à
ces jeux dhiver.
« Je pense donc Je skie !» ose d'ailleurs lui faire dire
humouristiquement le dramaturge.
Mais auparavant il lui avait fallu trouver la discipline sportive dans
laquelle il aurait pu se distinguer; ce qui naura vraiment pas
été aisé puisque doué dun physique plutôt
adipeux, peu performant et bigleux, il se trouva très rapidement exclu
de tous les sports déquipe lamenant par la suite à
sassumer isolé et quelque peu démuni au sein des
compétitions individuelles.
Cest cependant un camarade de jeunesse intuitif mais relativement
avisé qui lui fera office de coach au fil des années de progression
mâtinées de reculades spectaculaires alors que focalisé,
une fois pour toutes, sur cette idée fixe des Jeux Olympiques à
la suite de son visionnage dun reportage télévisé,
Eddie saccrochait à son rêve dont rien ni personne ne
pouvait lui faire dévier du moindre renoncement.
A commencer par sa famille et surtout son père ayant décidé
de le chasser du foyer car il lui paraissait rationnel que son fils poursuive
la profession de plâtrier offerte par transmission héréditaire;
personne donc ne parvint à infléchir lambition dEddie
contractée à la pré-adolescence bien que jugée
utopique par tous.
Ayant trouvé ce créneau du tremplin à ski
déserté par les anglais, lexcitation était à
son comble car il allait pouvoir, à force dobstination, en
étant sélectionné aux JO être le seul
représentant de sa nation et devenir, de fait, une légende
aux yeux de ses concitoyens sous le surnom de « Eddie LAigle
».
Sur les planches du Petit Montparnasse, trois comédiens, dont
lauteur Léonard Prain & la metteuse en scène Sophie
Accard se démutiplient dans une vingtaine de rôles alors que
Benjamin Lhommas, tout en recherchant la ressemblance physique, se concentre
sur son incarnation du héros Olympique faisant lien sensible avec
le Paralympisme.
A linstar des paroles de la chanson de Michel Sardou, « Mes
chers parents je pars... je ne menfuis pas je vole, comprenez bien
je vole...» Eddie monte tout là-haut au sommet de son tremplin
de 90 mètres prêt à la descente vertigineuse et à
son envol sous les acclamations enthousiastes des spectateurs... en totale
fusion identitaire avec le dépassement de soi.
Theothea le 24/09/24
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LETTRES D'EXCUSES
« Lettres dexcuses » Patrick Chesnais (se
livre) tel quen lui-même au Lucernaire.
de & avec Patrick
Chesnais
mise en scène
Emilie Chesnais
|
***.
Théâtre du Lucernaire |
|
© Captavidéo
Micro-cravaté sur la scène du Lucernaire, l'excellente nouvelle
dès le début du spectacle c'est que, pour la première
fois depuis longtemps, nous sommes assurés d'entendre correctement
les propos sonorisés de Patrick Chesnais voire même ses
borborygmes... cela va donc être un régal pour l'oreille et
pour l'esprit.
Son livre d'excuses épistolaires étant paru en 2023, en
voici désormais son adaptation sur les planches grâce à
une sélection savamment ordonnée mise en espace artistique
par sa fille Émilie.
A 78 ans, le comédien poursuit, en pleine forme physique, son artisanat
perspicace qui ne lui a jamais fait défaut depuis son entrée
en sacerdoce théâtral lors de sa sortie du conservatoire d'art
dramatique.
Mais, cependant au cours de sa carrière, l'artiste a accumulé
de multiples fautes ou surtout des manquements à se faire pardonner
alors c'est par la tangente qu'il tente de se raconter ou plutôt
délaborer une sorte d'état des lieux autrement dit celui
de létat de lhomme de spectacle ayant tracé jusqu'ici
sa route sans vraiment se retourner.
Et pourtant des ruptures dans ce cheminement se sont dressées avec
la première d'entre elles par laquelle il débute ses lettres
d'excuses, adressée à Ferdinand son fils qu'il pense n'avoir
pas su suffisamment protéger...
Ainsi, au-delà de laccident fatal, c'est l'absence
elle-même du fils qui prédomine actuellement et qui envahit
son ressentiment de père, peut-être, négligent.
Cependant rien n'arrête la vie ou la survie, c'est
délibérément volontariste que l'acteur attaque chaque
petit matin d'autant plus vigilant que le doute tenterait de faire
effraction.
A loral du seul en scène, celui-ci passe d'une lettre à
l'autre sans jamais insister sur la chute du propos, son apothéose
ou le point final.
C'est le fondu enchaîné qu'adopte la scénographie
du récit conjugué à la première personne du
singulier; c'est bien de Patrick Chesnais dont il est question existentielle
mais se racontant avec ses faiblesses assumées sans aucun pathos et
même, pour le fond, sans véritables regrets exprimés
clairement.
Tel un philosophe en activité conceptuelle, il observe, il constate
& déduit de son analyse que force est de renouveler en permanence
l'expérience des planches car c'est le seul véritable outil
d'évaluation de son potentiel, de ses forces réelles, ses
compétences et de leur impact sur le public.
Tout autre état d'âme pourrait être trompeur ou fallacieux,
mieux vaut se fier à l'acte de présence scénique pourvu
que celui-ci soit nourri par la vie elle-même et toutes ses
incidences.
Alors d'anecdotes professionnelles jusqu'aux considérations sur
la naissance, la mort et entre-temps les anniversaires, c'est la vie vécue
sous toutes ses formes qui dicte sa loi universelle.
Patrick Chesnais aura décidé une fois pour toutes
daffronter toutes ces facettes de front avec leurs joies et leurs peines
respectives.
Alors s'il s'excuse entre autres auprès de Delphine Seyrig, Mathilda
May, Michel Bouquet ou Jack Nicholson... ce n'est pas tant pour leur avoir
fait un tant soit peu d'ombre, c'est de s'être pris lui-même
au piège du manque danticipation et donc de s'être
montré insuffisamment prévoyant face aux conséquences
de son attitude pouvant apparaître quelquefois indolente.
Si, par ailleurs, il en veut à sa jeunesse maintenant estompée
et à sa vieillesse encore virtuelle, c'est de leur tentative insidieuse
à sefforcer de masquer l'intérêt prioritaire de
l'instant présent... Carpe diem !
De surcroît, ayant compris quen sétourdissant
dactivités, le risque de voir lui échapper tout
contrôle sur le flux du ressenti se faisait menaçant, il est
prêt désormais à accorder une valeur relative à
lennui et sefforce donc, quand il le peut, de cultiver cette
prédisposition qui lui avait, jusque-là, toujours fait
défaut.
Cest, cependant, avec son deuxième fils quil aura eu
le plus de difficultés à se mouvoir sur les mêmes longueurs
dondes. De toute évidence par exemple, Victor ne partage point
les mêmes appétences que son père en matière
dhumour et aura préféré de loin la compagnie de
ses propres amis pour se laisser aller à rire sans aucunement autoriser
son père à participer de cette complicité
générationnelle...
En revanche, parmi ses victoires sur la fatalité, le compagnon
de route perspicace aura su transgresser le masque du COVID ravageur en
découvrant in situ la vérité sur lAmour et, ainsi,
pouvoir en reconnaître son insondable profondeur... auprès de
sa femme Josiane Stoléru.
Définitivement, cest donc selon un esprit sain dans un corps
sain quil souhaite poursuivre son cheminement dhomme... au rythme
du comédien renvoyant en miroir, selon la plus grande justesse possible,
son interprétation distanciée du vivant... reçue, bien
entendu, par le public au diapason de son charme nonchalant bel et bien
indéfinissable.
Theothea le 30/09/24
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RUPTURE A DOMICILE
« Rupture à Domicile » en livraison amoureuse
contrariée au Rive Gauche
de
&
mise en scène
Tristan Petitgirard
avec
Cyril Garnier, Isabelle Vitari & Loup-Denis Elion
|
***.
Théâtre Rive Gauche |
|
© Fabienne Rappeneau
Depuis presque 10 ans, de reprise en reprise, cette pièce à
succès de Tristan Petitgirard est en passe de devenir un Must de la
Comédie car son renouvellement du triangle amoureux permet à
lauteur d'y faire fonctionner un véritable enjeu de chaises
musicales où le rapport de forces tanguerait entre trois pôles
se pliant successivement mais sans jamais pouvoir vraiment rompre.
En effet dans le schéma classique, à linstar du fameux
système quelque peu éculé « Lépouse,
lamant et le mari » où les rôles sont attribués
une fois pour toutes, chacun y joue sa partition du mieux que lui accordent
les circonstances certes évolutives mais nécessairement liées
aux trois assignations initiales.
Alors quici selon une perspective innovante où la communication
à distance, spécifique aux moeurs de notre époque, viendrait
sintégrer dans la manière de concevoir, en loccurence,
une rupture amoureuse voilà quun tiers pourrait être en
charge de transmettre le message sans doute douloureux pour son destinataire
mais où la dramatisation devrait être réduite à
un impact minima.
Cette méthode, apparemment très cool & clean pour
procéder à une déclaration forcément
désagréable aux deux futurs ex-partenaires, aurait ainsi
lavantage dassumer une forme de véracité mais sans
devoir en supporter les affres contingents.
A ceci près quen introduisant le service marchand dune
telle décision unilatérale, cest tout un cortège
daléas non maîtrisables qui pourrait également
être initié à linsu de son expéditeur sans
même en pouvoir évaluer les conséquences
contre-productives.
Ainsi, si comme dans cette pièce de Petitgirard, Hyppolite charge
Eric daller prévenir Gaëlle quil ne viendra pas ce
soir ni même aucun autre soir à venir, la situation pourrait
a priori paraître simplissime... sauf, bien entendu, si quelques minutes
avant lheure dite, Hyppo. était soudain en proie au doute et
voulait à tout prix empêcher le message et le messager de parvenir
à destination.
Et imaginez, en outre, que ce dernier en arrivant au domicile de Gaëlle
pourrait lui-même avoir la surprise réciproque de découvrir
que cette « cliente » ne lui est personnellement pas vraiment inconnue
!...
Bref tous les ingrédients pourraient être désormais
réunis pour que les « faux-semblants » côtoient les
« fake news » et que de tromperies avérées en aveux
repentants les protagonistes passent lun après lautre
par des sensations de désarroi entrecoupées par des reprises
en main factices.
Tous seraient logés à même enseigne dans une sorte
de duperie généralisée à géométrie
variable où chacun tenterait de tirer la couverture à soi mais
sans jamais parvenir à se rendre invulnérable ou hors
datteinte des failles de sa propre lâcheté.
Dans cette configuration, lauteur découvrirait quil
a entre les mains un véritable gisement de modèles contemporains
ainsi que de contre-modèles où, au fur et à mesure des
révélations plus ou moins pertinentes, chaque protagoniste
se retrouverait tour à tour en prise directe avec sa propre
incohérence.
De la dentelle à tisser avec jubilation pour un dramaturge
sémerveillant des méandres que le spectateur, au fil
de lintrigue, pourra parcourir à son tour de tout son soul.
Dailleurs Tristan Petitgirard confie volontiers,
quaujourdhui encore, lors de cette reprise avec ces trois
comédiens fort expérimentés notamment dans lhumour,
il trouve source à faire progresser lécriture de sa
pièce (Meilleur Auteur Francophone Molières 2015) en
ladaptant à leurs comportements talentueux pour faire jaillir
de nouvelles pépites jusque-là insoupçonnées.
Comme, de surcroît, il sen trouve être également
le metteur en scène, sous les auspices dEric-Emmanuel Schmitt
en ce lieu théâtral où il a créé
récemment avec bonheur « La maison du loup », cest
dans un cercle ô combien performant que le trio Isabelle Vitari (Nos
chers voisins), Loup-Denis Élion (Scènes de ménage)
et Cyril Garnier (On ne demande quà en rire) vient allègrement
pourfendre la cuirasse du politiquement correct finalement aussi mal armée
aux relations amoureuses dhier que de demain... en la transformant
en un régal drolatique du jeu de la vérité
déclinée au diapason des impératifs aléatoires
de linstant présent.
Theothea le 14 oct 2024
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SARAH BERNHARDT
« ou Lextraordinaire Destinée
de Sarah Bernhardt »
« Sarah Bernhardt » LImpératrice du
Théâtre en immersion percutante au PalaisRoyal
de &
mise en scène Géraldine
Martineau
avec
Estelle
Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Blanche Leleu, Priscilla
Bescond, Adrien Melin, Sylvain Dieuaide, Antoine Cholet, Florence Hennequin
et Florence Dollinger. |
***.
Théâtre du Palais-Royal |
|
© Fabienne Rappeneau
Selon une triangulaire féminine vertueuse, Sarah Bernhardt
apparaît à laffiche parisienne solidement arrimée
entre Géraldine Martineau lauteure metteuse en scène
& Estelle Meyer lArtiste interprète selon une perspective
collective ne rassemblant quune seule entité créatrice
à la tête du Biopic lui étant dédié au
Palais-Royal, de surcroît sous les auspices de Sébastien Azzopardi
co-directeur de ce Théâtre sorti de sa réserve
médiatique en annonçant quil est lui-même descendant
en ligne directe de la légendaire comédienne.
Le trio activiste aura pour ligne de conduite moins den faire triompher
le fabuleux personnage charismatique évoluant au tournant des 19ème
& 20ème siècles mais plutôt den reconstituer
lessence pour lincarner en synergie avec notre monde
contemporain.
Pour atteindre cet objectif existentiel nul besoin, par exemple, den
imiter ses célèbres intonations caverneuses jusquà
les caricaturer par des effets spéciaux de sonorisation qui,
précisément, nexistaient point en ces temps-là
mais tout au contraire de sen abstraire car, de toute évidence
aujourdhui, personne, y compris à nen pas douter Sarah
Bernhardt elle-même, ne se sentirait dans lobligation de jouer
sur scène avec une telle voix déclamatoire.
Aussi prenant quasiment le contre-pied du cliché acoustique fallacieux,
la metteuse en scène va utiliser la superbe voix dEstelle Meyer
pour la faire chanter et même composer des intermèdes ô
combien illustratifs du comportement innovant et volontariste de La Divine
mais qui, donc, elle-même ne sétait jamais adonnée
aux vocalises.
Et pour autant, aucune provocation ne procède de cette démarche
scénographique mais cest bel et bien le désir de faire
partager une admiration sans borne face à laudace, à
lénergie et à la détermination cherchant sans
relâche tous les partis pris possibles afin den tester les
potentialités et ainsi franchir lensemble des obstacles objectifs
ou supposés tels rencontrés par lArtiste se hissant sur
les sommets dun show déjà « business » versus
le reste du Monde, accompagné de sa fameuse devise « Quand même
».
Cest par le prisme de limaginaire que Géraldine Martineau
perçoit la figure de proue emblématique des combats universels
globalement menés au nom de lémancipation, sans pour
autant idéaliser licône quelle souhaiterait, au
contraire, humaniser dans toutes ses composantes.
Ainsi la dimension familiale caractérisant la carrière de
Sarah Bernhardt pourra-t-elle servir notamment à en illustrer les
facettes complexes, contradictoires et hypersensibles en prise avec les
comportements dinterdépendance à charge et à
décharge.
Par exemple, sans porter le moindre jugement de valeurs, ses relations
avec sa sur, son fils, sa coach et d'autres proches sont
présentées « brut de décoffrage » de telle
façon que le spectateur reste libre den évaluer
éventuellement les torts et raisons de chacun.
Lensemble factuel nous est proposé comme un canevas
poétique, décalé, baroque voire peut-être monstrueux
mais où, de fait, lindifférence naurait guère
sa place attitrée.
Nous assistons à une marche en avant quelquefois forcée
par le destin, dans dautres cas, suggérée par la
médiocrité environnante mais où jamais le renoncement
ne pourrait être convoqué en tant que partenaire du défi
combattant précisément les forces inhibitrices et toxiques.
Ainsi, lorsquil sagira de décider lamputation
dune de ses jambes, cest de fait un sentiment positif qui
présidera à ce choix essentiel que lartiste assumera
par la suite dans toutes ses conséquences sans jamais y trouver une
quelconque cause à limiter ses activités physiques.
Dans cette démarche dadaptation permanente à
lensemble des modalités contingentes, tout choix ne résultera
que de lunique ambition de le réaliser quels que soient les
efforts requis.
Sentourant danimaux sauvages au sein de lespace domestique
tels que crocodile, lion ou singe etc..., point question de sinterroger
sur les éventuels inconvénients liés à ces
présences inaccoutumées et, par ailleurs, pas davantage de
réserves pour son addiction à se reposer fréquemment
dans un cercueil.
Alors pareillement, Estelle Meyer & ses partenaires de jeu se soumettront
à une discipline radicale liée aux recommandations de la
réalisatrice afin de transgresser toute tentation dauto-censure
malvenue.
Ensemble les huit comédiens et deux musiciens auront activement
participé à lélaboration de leurs rôles
concernant pas moins de 35 personnages à animer.
La direction dacteurs a éminemment tenu compte de leurs
perceptions. La composition est multi-factorielle mettant en accord la
sensibilité et lempathie des interprètes avec la dynamique
accompagnant la performance magnétique secrétée autour
du « monstre sacré ».
Se voulant authentique et jusquau-boutiste comme son modèle,
Estelle Meyer est censée coordonner lensemble des pulsions et
transferts, les siens et ceux de ses partenaires pour conduire chaque
représentation à son apothéose, depuis la naissance
dans lanonymat jusquà lenterrement XXL de la Diva.
Sur scène, lenjeu est hors normes et doit le rester
jusquà lultime baisser de rideau.
Linstant présent est seul maître à bord pour
honorer un phare dhumanité à suivre et à poursuivre
jusque dans les plus profondes implications du Tous pour Une !...
Theothea le 20/10/24
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L'AMANTE ANGLAISE
« LAmante Anglaise » Sandrine Bonnaire
forcément sereine sous apnée Durassienne à
lAtelier
de Marguerite Duras
mise en scène Jacques
Osinski
avec
Sandrine Bonnaire, Frédéric Leidgens & Grégoire
Oestermann
|
****
Théâtre de l'Atelier |
|
© Pierre Grosbois
A la fois, implicitement sensibilisée par lautisme inhérent
à lune de ses surs cadettes, de même que par le
traumatisme ressenti depuis sa violente agression sous emprise fomentée
par un ex-partenaire, dautre part profondément choquée
par la maltraitance de sa propre mère constatée en Ehpad, Sandrine
Bonnaire affiche ainsi, sans ambages, ses prises de positions éthiques
publiques autant quelle sait exposer son talent de comédienne
avec limmense pudeur que le goût pour lauthenticité
lui suggère bien naturellement.
Cest donc en toute lucidité cohérente que la
comédienne serait en mesure dendosser la responsabilité
du meurtre commis par Claire Lannes à lencontre de
Marie-Thérèse Bousquet une cousine sourde et muette que Pierre
Lannes son mari a installé en qualité de domestique et
cuisinière dans leur maison de Viorne...
Ce rôle que Marguerite Duras aura peaufiné selon plusieurs
versions fictionnelles successives à partir dun fait divers
remanié va permettre à lactrice de conforter son engagement
théâtral en transcendant toute morale ou plus
précisément toute raison justificatrice.
Cette corde raide sur laquelle en funambule lartiste va chercher
léquilibre, cest précisément ce point nodal
où évolue le personnage Durassien qui revendique lassassinat
mais qui ne peut pas expliquer les motivations de son geste aussi soudain
qu imprévisible.
De surcroît, le corps de la victime aura par la suite été
tronçonné en morceaux, de façon à en assurer
lévacuation par wagons de chemin de fer, jetés du haut
dun pont.
Mais pourtant les enquêteurs nen retrouveront jamais la tête
et Claire refusera ou ne saura point exprimer ce quil est advenu à
cette partie anatomique manquante.
Linterprète dun tel personnage doit incontestablement
faire preuve lui-même dune savante distanciation en même
temps que sabstraire de tout surmoi qui le retiendrait dans les cordes
du rationnel.
Ce fut longtemps un fameux rôle récurrent pour Madeleine
Renaud; Suzanne Flon sy adonna également ainsi que Ludmila
Mikaël, de même que plus récemment Judith Magre ou encore
Dominique Reymond etc...
Toutes ainsi devaient notamment subir linterrogatoire du chargé
de mission, sans que lon sache à quel titre médical,
juridique, administratif, policier ou autre celui-ci intervenait, tout en
espérant néanmoins quune meilleure compréhension
des faits en sortirait au terme de la représentation.
Il pourrait apparaître ici que pour Jacques Osinski, lenjeu
se trouve résolument ailleurs en plaçant Sandrine Bonnaire
sur une chaise face au public, permettant ainsi à Claire toute latitude
pour expérimenter la pertinence des questions qui lui sont posées
au prorata de ses réponses frappées dune incertitude
infinie mais dans la fierté d'une posture donnant limpression
d'avoir été pleinement adoubée par son alter ego
scénique.
Face à cette attitude de dédoublement, il semblerait que
Sandrine Bonnaire trouve avec grande justesse sa vitesse de croisière,
sans doute précisément nourrie de sa connaissance interne des
ressorts relationnels sous-tendus par le langage autistique.
De toute évidence, Sandrine bénéficie en surcroît
de la présence de deux partenaires haut de gamme qui, non seulement,
jouent leurs propres partitions en pleine symbiose mais dont la dialectique
harmonique se prolonge jusque dans le phrasé, la tonalité,
les modulations des voix qui se répondent au mieux de lintention
Durassienne.
Ô temps suspend ton vol, linstant de grâce indicible
traverse le rideau de scène jusque dans les coulisses du
Théâtre de lAtelier...
Alors comme si lécoute prenait le pas sur toute prévalence,
celle du public à laffût du moindre indice déterminant
son intime conviction, celle de linterrogateur ( Frédéric
Leidgens ) en recherche de la faille signifiante, celle de Claire en quête
dune reconnaissance existentielle, celle également du mari (
Grégoire Oestermann ) soucieux de ne pas contredire sa propre
impunité, cest bien lextrême attention à
la parole dautrui qui catalyse la problématique du sens en donnant
caution par avance à la parole miraculeuse par laquelle pourrait
éventuellement séchapper la vérité du
non-dit.
Cependant si la « Menthe anglaise » pousse avec prédilection
dans le jardin favori de la meurtrière comme pourrait le signifier
un principe dalchimie domestique, cest que Marguerite Duras
sapproche, en toute conscience romancière &
théâtrale, dun ersatz de la folie en nous faisant partager,
en temps réel, la révélation quasi intangible de sa
substance :
« Écoutez-moi
je vous en supplie
» .
De fait, Claire aura eu le dernier mot.
Theothea le 01/11/24
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