CANNES 2001, LE RETOUR DE LA CINEPHILIE
Le Festival du film de Cannes 2001 avait été annoncé
comme celui de l'émotion cinéphilique; ainsi le fut-il
effectivement!... Assurément en surfant au travers des différentes
sélections (compétition, un certain regard, quinzaine des
réalisateurs, semaine de la critique etc...), les amoureux du cinéma
y trouvent chaque année lassouvissement de leur passion!...
Cependant la caractéristique du premier Festival du troisième
millénaire, fut que la plupart des films de la sélection officielle
pouvaient également correspondre aux critères des autres
sélections!... Cest donc dire le haut niveau douverture,
de découverte, et déclectisme inhérent à
la compétition 2001!...
Peut-être dailleurs le jury sest-il laissé
décontenancer par cette profusion de talents tous azimuts, sans être
en mesure de récompenser la qualité dans sa diversité
et son originalité!...
Cela a été maintes fois affirmé depuis la proclamation
du palmarès; Nanni Moretti (La chambre du fils) et Isabelle Huppert
(La pianiste) méritaient dêtre plébiscités
avec passion!...
Cela étant dit, dautres talents majeurs auraient pu partager
avec eux les différents prix du jury, de mise en scène,
dinterprétation, de palme...
Ainsi, il nous semble que pareillement aux cinq Molières
attribués pour la saison théâtrale 00-01 à «Une
bête sur la lune», les trois prix décernés à
«La Pianiste» font pléonasme, ne rendant pas suffisamment
compte des oeuvres en présence, lors de cette 54ème édition
du Festival du film!...
Comme nous en témoignons plus loin et sans prétendre à
lexhaustivité, Michel Piccoli ( Je rentre à la maison),
«De leau tiède sous un pont rouge», et «Moulin
rouge» auraient dû, selon notre point de vue, faire partie de
ce palmarès!...
Par ailleurs sachant quà Cannes la rencontre avec un film
tient bien souvent de la roulette russe, citons pêle-mêle des
films comme «Mariage tardif» de Dover Kosashvili (notre
préférence pour le prix de la Caméra dor) ,
«Shrek» de Victoria Enson & Andrew Adamson, et
«Carrément à louest» de Jacques Doillon qui
selon des modalités propres à chacun, ont su éveiller
notre engouement!...
Maintenant nous aimerions associer Michel Piccoli («Je rentre à
la maison» de Manoel de Olivera), Béatrice Dalle ( «H
Story» de Suwa Nobuhiro) et Jean-Pierre Léaud («Et là-bas,
quelle heure est-il ?» de Tsai Ming-Liang) dans le culte quils
ont suscité chez trois metteurs en scène étrangers,
révélant ainsi que le cinéma français continue
de créer des références universelles, voire
intemporelles!...
Evoquons donc la sublissime Misa Shimizu venue avec son partenaire Koji
Yakusho présenter seuls «De leau tiède sous un pont
rouge» de Shohei Imamura dans lincapacité de faire le
déplacement à Cannes, et qui ensemble sont repartis les mains
vides, non sans avoir imprégné ceux qui restaient vigilants
en cette toute fin de festival, du symbole poètique de
lécoulement de leau jusquau torrent, suggérant
avec une grâce indicible les mystères oniriques de lattirance
sexuelle, de laccouplement et de la reproduction de la vie!...
En outre, reconnaissons volontiers que visionner le merveilleux «Moulin
rouge» au sein dune sélection officielle dense plutôt
quen ouverture de Festival, cétait être grandement
tenté de lui décerner la palme dor, à linstar
lannée précédente pour «Dancer in the
dark»!...
Enfin «last but not the least», EN COULISSE souhaitant établir
un pont effectif entre spectacle vivant et septième art, quel film
plus subtil, quelle interprétation plus remarquable que celle de Michel
Piccoli (trois fois nommé dans cette chronique) pour «vous para
casa», cest-à-dire «Im going home», soit
en français «Je rentre à la maison»?
Manoel de Olivera qui, toutes sélections confondues, livre à
Cannes depuis des lustres, sa création cinématographique annuelle,
a composé ici un portrait dacteur se reflétant dans le
double de son metteur en scène!...
Cette union constitue de fait un testament artistique sur la dimension
du geste théâtral confronté à celle du temps selon
toutes les acceptions, y compris celle de lhumour en sa
«solitudine»!...
Ce film mérite tous les honneurs suprêmes!... Il les gagnera
assurément avec la postérité!..
Alors, jouant les prolongations après la clôture pour cause
de tournage de «Femme fatale» par Brian de Palma, le décor
des marches du Palais saccorda un délai de grâce, semblant
sattarder quelques journées pour mieux annoncer à l'avance
la 55ème édition!... Que vive donc le Festival du film en 2002!...
Theothea le 28/05/01
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