Forum Théâtre Magazine

   

     

 56ème Festival de Cannes 

     

FESTIVAL  INTERNATIONAL  du  FILM  de  CANNES

depuis    1997

     

   

     Cannes, d'un   Festival   l'autre

   

CANNES 2003,  Le labyrinthe existentiel   

   

Les sélections du festival de Cannes ressemblent fort souvent à un puzzle dont les aficionados tentent d'établir une hiérarchie des valeurs!....

En 2003, il s'agissait davantage d'un labyrinthe dans lequel la critique médiatique n'aura pas réussi à discerner l'essence d'une 56ème édition réputée dénuée de tout film d'exception!....

De la "Compétion officielle" à "Un certain regard", de "La Semaine de la critique" à la "Quinzaine des réalisateurs", c'est comme si le virus du signifiant avait tenté de saper les certitudes d'une métaphore cinématographique, censée rendre compte à chaque mois de mai d'un état du monde compréhensible par tous!....

Seule la caméra d'or aura su communiquer le sens caché de ce désarroi général, en récompensant, toutes sélections confondues, un premier film nommé cette année: "Reconstruction", résonnant pour les festivaliers comme un objectif pieu à atteindre!....

Et pourtant, peut-être que jamais édition du Festival de Cannes ne fut-elle aussi représentative des 553 jours de l'année où, ne brillant pas des paillettes de la Croisette, le principe de réalité ne permet pas nécessairement de comprendre avec évidence, la marche erratique du monde!....

Dos au mur, les films semblaient y parler d'un vide existentiel non en formulant des concepts intellectuels mais en suggérant des imaginaires brisés par des forces hostiles et indifférenciées!...

A ce titre, "Elephant" pouvait effectivement constituer une palme d'or emblématique de ce chaos!... Cependant, c'est sans doute la caution morale de "Bowling for Columbine", prix spécial du 55ème anniversaire, dénonçant ouvertement la vente libre des armes aux USA qui autorisait Gus van Sant de reconstituer le carnage de cette université sans jamais lui-même prendre parti, comme si la subjectivité de sa caméra était en soi un appel à la réflexion!...

Ce lien virtuel du documentaire à la fiction n'est-il pas un leurre que le jury de Patrice Chéreau a voulu par surcroît récompenser du prix de la "meilleure mise en scène", pouvant laisser croire à un choix davantage esthétique qu'éthique?

Nous n'affirmerons pas qu'un pachyderme ça peut tromper mais néanmoins ça pourrait masquer quelques oeuvres subtiles et complexes, à l'instar d'un cheval de Troie exposé en vitrine des "Temps modernes"!....

Nul en effet n'est à l'abri des "Invasions barbares", surtout lorsque c'est par l'humour teinté de cynisme que Denys Arcand a choisi de montrer le délabrement d'une société occidentale effrayée par le volontarisme affectif.   

Que ce soit Lars von Triers osant le minimalisme du théâtre pour exprimer sur la pellicule la force du ressentiment dans "Dogville" ou Alexander Sokurov l'intrication identitaire et poétique d'un "Père et fils" hors de repères spatio-temporels, ils sont tous "Off the map" comme Campbell Scott qui, imaginant une vie hors contingences, peut s'octroyer les rêves et les effrois les plus fous!...

"Sang et or" de Jafar Panahi et "Osama" de Sedigh Barmak fustigent avec une persuasion superbement stylisée, la menace suicidaire inflationniste suscitée par la corruption gangrenant les collectivités et les Etats!...

   

En contrepoint de nombreux hommages en cette année horribilis pour le cinéma français (Maurice Pialat, Jean Yanne, Daniel Toscan du Plantier), de Chaplin à Fellini, de Claude Sautet à, bon pied bon oeil, Jeanne Moreau, pouvaient laisser penser qu'une époque se terminait en multipliant les commémorations d'un festival en proie à la nostalgie, avant que Gilles Jacob et son équipe n'offrent l'alternance....au devenir du 7ème art!....

Au passage Philippe Noiret aura pris le plaisir de se faire le porte-parole des comédiens aux carrières tellement consacrées qu'aucune récompense ne semble devoir leur être décernée!....

En revanche Julie Bertuccelli, voilà un nom couronné par la semaine de la critique qui, avec "Depuis qu'Otar est parti", aura montré que le mensonge peut être élevé en art de vivre dignement la perte insupportable d'un fils!...

Des vibrations similaires secouent "Shara" de Naomi Kawase qui transgressent la disparition soudaine et inexpliquée d'un enfant, pour en sublimer l'imaginaire d'une nouvelle naissance!...

Emily Young aurait pu mériter pareillement des honneurs pour son "Kiss of life" qui révèle en temps réel l'abrogation du temps et de l'espace, lorsque des êtres en empathie se ressentent en danger vital mutuel!...

Bref comme à l'accoutumé, une respiration cinéphilique exigeante, faisant fi de la diversité des accréditations se télescopant dans le savant ordonnancement des gardiens du temple, a cherché par delà les marches fastueuses, l'immersion en apnée dans la dialectique des cinématographies venues de partout.... jusqu'aux mythiques auras des phares de La Croisette!...

Theothea le 03/06/03

   

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