CANNES 2003, Le labyrinthe
existentiel
Les sélections du festival de Cannes ressemblent fort souvent à
un puzzle dont les aficionados tentent d'établir une hiérarchie
des valeurs!....
En 2003, il s'agissait davantage d'un labyrinthe dans lequel la critique
médiatique n'aura pas réussi à discerner l'essence d'une
56ème édition réputée dénuée de
tout film d'exception!....
De la
"Compétion
officielle" à
"Un certain
regard", de
"La Semaine
de la critique" à la
"Quinzaine
des réalisateurs", c'est comme si le virus du signifiant avait
tenté de saper les certitudes d'une métaphore
cinématographique, censée rendre compte à chaque mois
de mai d'un état du monde compréhensible par tous!....
Seule la caméra d'or aura su communiquer le sens caché de
ce désarroi général, en récompensant, toutes
sélections confondues, un premier film nommé cette année:
"Reconstruction",
résonnant pour les festivaliers comme un objectif pieu à
atteindre!....
Et pourtant, peut-être que jamais édition du Festival de
Cannes ne fut-elle aussi représentative des 553 jours de l'année
où, ne brillant pas des paillettes de la Croisette, le principe de
réalité ne permet pas nécessairement de comprendre avec
évidence, la marche erratique du monde!....
Dos au mur, les films semblaient y parler d'un vide existentiel non en
formulant des concepts intellectuels mais en suggérant des imaginaires
brisés par des forces hostiles et indifférenciées!...
A ce titre,
"Elephant" pouvait
effectivement constituer une palme d'or emblématique de ce chaos!...
Cependant, c'est sans doute la caution morale de "Bowling for Columbine",
prix spécial du 55ème anniversaire, dénonçant
ouvertement la vente libre des armes aux USA qui autorisait Gus van Sant
de reconstituer le carnage de cette université sans jamais lui-même
prendre parti, comme si la subjectivité de sa caméra était
en soi un appel à la réflexion!...
Ce lien virtuel du documentaire à la fiction n'est-il pas un leurre
que le jury de Patrice Chéreau a voulu par surcroît
récompenser du prix de la "meilleure mise en scène", pouvant
laisser croire à un choix davantage esthétique
qu'éthique?
Nous n'affirmerons pas qu'un pachyderme
ça peut tromper mais néanmoins ça pourrait masquer quelques
oeuvres subtiles et complexes, à l'instar d'un cheval de Troie
exposé en vitrine des
"Temps
modernes"!....
Nul en effet n'est à l'abri des
"Invasions
barbares", surtout lorsque c'est par l'humour teinté de cynisme
que Denys Arcand a choisi de montrer le délabrement d'une
société occidentale effrayée par le volontarisme
affectif.
Que ce soit Lars von Triers osant le minimalisme du théâtre
pour exprimer sur la pellicule la force du ressentiment dans
"Dogville" ou
Alexander Sokurov l'intrication identitaire et poétique d'un
"Père et
fils" hors de repères spatio-temporels, ils sont tous
"Off the map" comme Campbell
Scott qui, imaginant une vie hors contingences, peut s'octroyer les rêves
et les effrois les plus fous!...
"Sang et or" de Jafar Panahi
et
"Osama" de
Sedigh Barmak fustigent avec une persuasion superbement stylisée,
la menace suicidaire inflationniste suscitée par la corruption gangrenant
les collectivités et les Etats!...
En contrepoint de nombreux hommages en cette année horribilis pour
le cinéma français (Maurice Pialat, Jean Yanne, Daniel Toscan
du Plantier), de Chaplin à Fellini, de Claude Sautet à, bon
pied bon oeil, Jeanne Moreau, pouvaient laisser penser qu'une époque
se terminait en multipliant les commémorations d'un festival en proie
à la nostalgie, avant que Gilles Jacob et son équipe n'offrent
l'alternance....au devenir du 7ème
art!....
Au passage Philippe Noiret aura pris le plaisir de se faire le porte-parole
des comédiens aux carrières tellement consacrées qu'aucune
récompense ne semble devoir leur être
décernée!....
En revanche Julie Bertuccelli, voilà un nom couronné par
la semaine de la critique qui, avec
"Depuis qu'Otar est parti", aura montré que le
mensonge peut être élevé en art de vivre dignement la
perte insupportable d'un fils!...
Des vibrations similaires secouent
"Shara" de Naomi
Kawase qui transgressent la disparition soudaine et inexpliquée d'un
enfant, pour en sublimer l'imaginaire d'une nouvelle naissance!...
Emily Young aurait pu mériter pareillement des honneurs pour son
"Kiss of life" qui
révèle en temps réel l'abrogation du temps et de l'espace,
lorsque des êtres en empathie se ressentent en danger vital
mutuel!...
Bref comme à l'accoutumé, une respiration cinéphilique
exigeante, faisant fi de la diversité des accréditations se
télescopant dans le savant ordonnancement des gardiens du temple,
a cherché par delà les marches fastueuses, l'immersion en
apnée dans la dialectique des cinématographies venues de
partout.... jusqu'aux mythiques auras des phares de La Croisette!...
Theothea le 03/06/03
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