CANNES 2004, le meilleur en questions
Alors effectivement, si la Palme dort par
intermittences, le Prince venu de l'Ouest s'est bel et bien chargé
d'éveiller la Belle pour sa 57ème exhibition!
Pour le meilleur ou pour
le pire!
Est-ce sans doute ce qu'il fallait deviner sous l'attitude
marbrée de Gilles
Jacob exprimant implicitement en
clôture, le glas d'une appréciation compétitive selon
des critères exclusivement artistiques!
Cependant à chaque festivalier son festival,
en fonction des prérogatives de son
accréditation et selon sa
perspicacité!...
Ainsi comment ne pas être ravi, après avoir
été débouté de la salle Debussy archi comble
pour
"l'assassinat de Richard Nixon" avec Sean
Penn ainsi que pour
"Notre musique" de Jean-Luc Godard
jusqu'à devoir se réfugier
in fine au Miramar auprès de "La Semaine de la Critique", pour y
découvrir fortuitement
"Or, mon trésor" de Keren Yedaya
qui emportera cinq prix dont celui de
la prestigieuse "Caméra d'or", précédé de
"Ryan" de Chris Landreth
récompensé par celui du
court-métrage?
Bonne ou mauvaise pioche,
c'est bien ainsi que vous conduisent les attributs de badges, plus ou moins
inspiré par un instinct subliminal désespérant
néanmoins de n'avoir pu assister à la projection de la Quinzaine
des Réalisateurs pour
"A vot' bon cur" en présence de l'équipe
de Paul Vecchiali au Noga
Hilton sous prétexte que la projection en "prime time" ne serait pas
accessible à l'estampille "cinéphile" et cela malgré
une jauge à peine emplie de moitié!...
Ainsi iraient les contradictions d'un Festival
du Film International dont il est judicieux d'exploiter l'inertie du
système prioritaire afin que par solidarité
cinématographique, les invitations circulent de mains en mains
jusqu'à y établir un semblant d'équité culturelle!...
C'est alors qu'apparaît
paradoxalement que la compétition officielle n'a décidément
plus l'apanage de l'excellence et que c'est davantage "hors compétition"
que la sélection officielle se distingue notamment en flamboyant de
charme sous
"The House of flying daggers" de Zhang Yimou
(Palme de
Theothea.com
toutes
catégories confondues) ou grâce à l'émotion infiniment
juste et contenue de
"Whisky" (Un certain regard) de Juan Pablo
Rebella & Pablo
Stoll.
En attribuant
la Palme d'Or à Michael
Moore, l'organisation du Festival inaugurait
en cette 57ème édition un nouveau timing de la clôture
du Festival qui aboutit de fait à un plébiscite en deux temps!...
nécessairement heureux si un consensus se dessine mais quid en cas
contraire?
Imaginerait-on en effet Maurice
Pialat essuyer deux soirs de suite
l'hostilité et les sifflets de la salle Lumière pour
"Sous le soleil de
Satan", en brandissant son trophée
comme dans un remake ritualisé?
En outre, le jury ne risquera-t-il pas désormais
d'être moins audacieux en ses choix subjectifs, dans la perspective
d'être contraint de devoir s'en justifier en conférence de presse
instaurée le lendemain de la remise des prix?
C'est ainsi que la
délibération, sous l'autorité de Quentin
Tarantino, aurait d'emblée exclu
deux films de tout examen!
Etait-ce bien raisonnable d'inciter de la
sorte le quidam à rechercher l'identité des deux films
considérés en paria?
Le silence de réserve n'était-il
pas jusqu'ici le meilleur garant de la légitimité du jury et
de sa concertation impartiale?
Autre sujet de méditation, la Palme d'Or
se doit-elle d'être pérenne ou peut-elle témoigner d'une
opportunité politique ou sociale délibérément
circonstancielle?
"Nous
avons couronné
"Fahrenheit 9/11" parce que tout simplement c'était
le meilleur film de la compétition, en rivalité directe avec
"Old boy" de Park
Chan-Wook !
" affirme le
président; alors à notre tour idem pour applaudir sans
réserve la pertinence démonstrative de cette nouvelle enquête
d'investigation par l'auteur de "Bowling for
Columbine", mais cette Palme d'Or 2004
n'encourrerait-elle pas le risque d'être effectivement obsolète
dès la prochaine édition du Festival de Cannes?
D'ailleurs, s'il s'était
agi de fustiger la perte d'âme d'un certain Occident, est-ce qu'
"Alexandrie
New-York" de Youssef
Chahine, par le biais d'une poignante
fiction auto-biographique pseudo-filiale, n'aurait pas intégré
au plus haut point les valeurs requises à l'apothéose d'une
conviction éthique couronnée par un Festival témoignant,
grâce à l'esthétique, de l'état du
Monde?
En
tous cas, amputé de fait d'une journée de compétition,
le crû 2004 est apparu diversifié, voire brillamment
hétéroclite en sélection officielle!
En revanche
la "Quinzaine..." et la "Semaine..." se recentraient sur leurs apanages
respectifs, à savoir "la mise en valeur des marges de la création"
pour l'une avec son nouveau délégué
Olivier Père et
"la découverte incessante de premiers films" pour l'autre, sous les
auspices de l'inoxydable Claire
Clouzot!...
A l'instar de
"Mur" (La Quinzaine) de Simone
Bitton qui (dé)montrait de visu
l'absurdité schizophrénique d'une politique manichéiste
au Moyen-Orient, engendrant la communauté du malheur dans
l'élaboration d'une muraille titanesque
de toutes évidences
vaine!
A
contrario,
"CQ2" (La Semaine) flirtait avec les limites hors sujet
d'une adolescence en divagation, prétexte de fait à
Carole Laure pour nous
présenter les qualités mimétiques très surprenantes
de Clara Furey sa propre
fille, danseuse et véritable clone talentueux d'une mère
comédienne en quête d'émancipation dans la mise en
scène!
En ce qui concerne la production française en
compétition,
"Comme une image" de Agnès
Jaoui récompensé pour son
scénario nous est apparu en réplique affadie du
"Goût des
autres",
en revanche
"Clean" d' Olivier Assayas
réussit à faire
l'unanimité ô combien justifiée, sous l'interprétation
subtile de Maggie
Cheung!
Par
ailleurs, comment se peut-il que le cinéma italien n'ait pas
triomphé avec Sergio Castellitto
et son sublime
"Non ti muovere", confrontant les tourments fantasmatiques
d'un père face aux femmes de sa vie que La Faucheuse va lui
disputer cruellement? Ce film n'aurait-il pu échanger avantageusement
sa sélection dans "Un certain regard" avec par exemple celle de
"Vie et mort de Peters Sellers" de Stephen
Hopkins, si étrangement présent
en compétition?
Bref, dix journées en salles obscures forcément de jubilation
tumultueuse mêlée au désir inassouvi des nombreux films
encore à voir à l'instar du
"Nobody knows" de Kore-eda
Hirokazu ou de
"Brodeuses" de Eléonore
Faucher (prix ex-aequo Semaine de la
Critique)..., et non sans avoir attendu malgré un palmarès
fort diplomatique, une improbable reconnaissance pour
"2046" de Wong
Kar-Wai
sous le soleil exactement,
comme il se doit!...
Theothea le 28 mai 2004
" Le Festival
est un no man's land apolitique, un microcosme de ce que serait le monde
si les hommes pouvaient prendre des contacts directs et parler la même
langue " Jean Cocteau
Les
Palmarès
du
Festival
de Cannes
2004, en consultation sur le
web:
-
Compétition
officielle
-
Quinzaine
des réalisateurs
-
Semaine
de la critique
|