du Forum Théâtre d'AOL

   

     

CHRONIQUES

    Saison 98-99

         56 à 60  S11       

 

    

   

    

           

DELICATE BALANCE

de Edward Albee

Mise en scène: Bernard Murat

***

Théâtre Antoine

Tel: 01 48 78 02 50

Jusqu’où peut-on aller trop loin dans son rapport à l’Autre et selon la nature de la relation: Filiation, fratrie, amitié etc...? L’affection que les êtres humains se portent mutuellement nécessitent confiance, compréhension, solidarité et implique demandes, dons, services en échange réciproque !... Et même s’il n’y pas parité, c’est toujours dans la contrepartie que se compensent aide et besoin divers !...

Cependant les évènements se compliquent lorsque les liens relationnels s’entrecroisent: Comment en effet organiser sa disponibilité lorsque fratrie, filiation et amitié se disputent conjointement vos suffrages et que leurs interférences contredisent leurs requêtes respectives ? Faut-il établir une échelle des priorités et considérer que l’affection obéit à des lois hiérarchisées ?

Telle pourrait être la trame thématique de « Délicate balance » où comme son titre le suggère fort habilement, la gestion des affects rime avec subtilité, doigté et autre diplomatie !...

Une maison habitée par un couple d’un certain âge dont les certitudes sur la vie sont fragilisées, une soeur tendance alcoolique anarchiste, une fille unique perturbée par l’échec annoncé de son quatrième mariage, un couple d’amis terrorisé soudain par leur solitude, comment tenir tête lucide alors que tout ce poids affectif décide de venir se réfugier « at home » ?
Comment faire comprendre à tous ces êtres aimés différemment qu’ils ne sont pas le « centre du monde » et qu’il serait pragmatique de renoncer à l’altruisme là où fleurissent les égocentrismes!...
Bien entendu, ce n’est pas par la voie de la Raison que se résoudront les conflits qui vont se superposer jusqu’à devenir inextricables, mais ce serait de préférence par un effet de miroir où l’exacerbation de l’ensemble des egos va apparaître dans un effet de grossissement monstrueux, et donc insupportable à chacun des protagonistes !... Un peu comme si les lâchetés des uns et des autres en se fondant dans un magma peu flatteur, servaient de révélateur à une prise de conscience du point ultime de non retour pour chacun !... Comme une pédagogie par l’excès en guise de thérapie!...
Geneviève Page et Henri Garcin sont aux commandes de ce navire en perdition dans la nuit noire des angoisses respectives et c’est un régal que de les voir se compléter pour lancer chacun à leur tour, des bouées de sauvetage à ces quatre « hommes à la mer », alors qu’eux-mêmes n’ont plus vraiment le pied marin!... Une excellente distribution qui, après quelques vicissitudes lors des répétions, a elle aussi trouvé son point d’équilibre!...
Theothea le 01/02/99

LE REVIZOR

de Gogol

Mise en scène: Jean-Louis Benoît

**

Comédie-Française

Tel: 01 44 58 15 15

Denis Podalydès fait partie de ces acteurs géniaux qui s’emparant d’un rôle lui impriment une tonalité délirante qui ne cesse de surprendre le spectateur. Il ne s’agit pas tant de numéro d’acteur que de faire surgir les contrastes, les paradoxes, le surréalisme d’une situation à travers un personnage. Dans ce rôle d’un simple fonctionnaire qu’un quiproquo va faire passer pour un inspecteur du gouvernement, Yvan Alexandrovitch Khestakov excelle à mener à « l’insu de son plein gré » cet égarement collectif. Voici la présentation du REVIZOR telle qu’elle est disponible sur le site web de la Comédie Française.

Theothea le 02/02/99

IDYLLE A OKLAHOMA

de Claude Duparfait

Mise en scène:Marion Hewlett

*

Théâtre de Gennevilliers

Tel: 01 41 32 26 26

Trois voies de chemin de fer parallèles qui vont se déployer en accordéon comme dans un travelling latéral suggérant tour à tour no man’s land, théâtre, bureau d’embauche, longs couloirs etc... afin de donner corps aux dernières scènes du roman inachevé de Kafka « Le disparu » mieux connu sous le titre de « Amerika », l’un des livres préférés de Claude Duparfait sur lesquels celui-ci aime à rêver et de manière infinie!...

Revivre ces émotions de jeune migrant atteignant le port de New-york et la terre promise d’Amérique, c’est effectivement possible puisque Franz Kafka lui-même rêvait d’un théâtre pour Karl à l’issue des épreuves traversées!...

Comme prenant le relais tendu par Kafka, de lecteur à Auteur, puis metteur en scène et enfin acteur, ce n’est qu’une question de désir pour franchir le pas du rêve au rêve!... Le ton est donné et Claude Duparfait, tout inspiré par un humour surréaliste à la Buster Keaton, va pouvoir retrouver cette fébrile agitation propre aux films muets surtout s’ils sont accompagnée d’un piano bar avec batterie...

Pourquoi lorsque Karl, européen sans diplôme, ayant déjà eu la chance sur son chemin de faire rencontre avec Fanny, son ange de bon conseil, ne pourrait-il pas être nommé Ingénieur puisqu’il aime la technique et qu’après avoir suffisamment intrigué auprès du chef du personnel, celui-ci se résout à lui proposer une place d’Acteur, alors même qu’il n’en a ni l’ambition ni le talent à ses propres yeux ?...

Pourquoi serait-il trop tard à 23h30, alors que l’annonce précisait que tous seraient les bienvenus jusqu’à minuit ? Pourquoi un  européen ne s’appellerait-il pas "Negro"? Pourquoi renoncer si près du but ?

Des rails, des haut-parleur, des spot-light ... comme un voyage au bout de la nuit américaine !...

Theothea le 05/02/99

RIMBAUD, DERNIERE ESCALE

de  Michel Rachline

Mise en scène: Nada Strancar

***

Théâtre Molière

Tel: 01 44 54 53 00

Mais que diable est-il venu faire dans les Ardennes en cet été 1891, lui qui aime tant les grandes chaleurs et le désert, lui qui a tellement soif de liberté absolue, lui qui chérit passionnément les aventures lointaines ? Un instant de faiblesse sans doute, un instant de deux mois espérant que protégé par sa famille, il pourrait se remettre sur pieds dans la région de son enfance!...

Mais rien n’y fera car il n’y rencontrera que l’exaspération, celle que gravement malade, il créée systématiquement autour de lui ainsi que la sienne propre provoquée par le conformisme résignée de sa mère!

Peut-être que la véritable raison de ce détour par la maison familiale quatre mois avant sa mort fût dictée par l’envie latente de se confronter à son double indentitaire; ce qui lui fera répéter maintes fois : « C’est de famille !».

De famille, le mauvais caractère, de famille l’entêtement, de famille le goût du risque comme si Arthur Rimbaud voulait venir vérifier une dernière fois qu’il était bien le clone de sa mère!...

Mais en contrepoint, s’affirme sa soeur qui ignorant pareillement à cette époque le génie littéraire d’Arthur Rimbaud, pressent toutefois son extrême vulnérabilité et son angoisse inavouée. Isabelle se veut prête à toutes les opportunités pour protéger son frère jusqu’à l’accompagner dans ses projets les plus insensés face à la maladie.

Tout se passe comme si dans ce combat de la dernière chance, ces trois êtres voulaient, quelles que soient leurs maladresses et leurs lâchetés respectives, se livrer corps et âmes de façon à faire rejaillir la Vie.

Nada Strancar inspirée par Strindberg organise les rapports de force en condensant l’espace: Salle à manger et chambre d’Arthur apparaissent de plain-pied séparées uniquement par quelques marches d’escalier. Ainsi soeur, frère et mère peuvent se relayer pour livrer cette lutte perpétuelle avec eux-mêmes!... Un retour très résolu de Laurent Mallet sur les planches, trois comédiens bien campés dans leurs personnages qui se montrent visiblement heureux de jouer ensemble lors des applaudissements!

Theothea le 17/02/99

MADEMOISELLE ELSE

d' Arthur Schnitzler  

Mise en scène: Didier Long

***

Petit Théâtre de Paris 

Tel: 01 42 80 01 81

Mademoiselle Else est une autre!... Une autre que celle qu’elle voudrait être, une autre avec laquelle elle se confronte, se cogne, se reflète!.... Des pulsions, des compulsions la traversent et qu’elle réprime, qu’elle chasse tel un boomerang!.. En villégiature dans cet hôtel, elle ne peut résister à se façonner son roman intérieur au gré des rencontres avec les pensionnaires que sa famille et elle-même côtoient d’une année sur l’autre.

Dire que nous devinons ses pensées secrètes serait un euphémisme car les mêlant systématiquement à ces propos, celles-ci et ceux-là constituent de fait un dialogue permanent avec elle-même et dans lequel elle se débat tel un poisson pris dans la nasse!... S’imitant elle-même, caricaturant les autres, elle se donne des claques comme pour se réveiller du songe de la jeune fille mondaine en proie avec les tourments de l’adolescence!.... Mais ce rêve éveillé et entretenu dans les chambres, le hall, le tennis de ce palace désuet va peu à peu tourner au cauchemar alors qu’une impérieuse nécessité va enrayer son esquive incessante:

Un besoin d’argent urgent pour sauver son avocat de père, d’une faillite annoncée va concrètement la mettre en situation d’obligée vis-à-vis d’un pensionnaire ami de sa famille!..

C’est alors comme si les deux visages de sa schizophrénie contraints à se superposer, engageaient une lutte désespérée pour nier et empêcher ce rapprochement; ce qui l’obligerait à admettre et à se soumettre aux conditions du prêteur, relativement tourmenté lui-même!....

Isabelle Carré interprète superbement ce rôle avec la subtilité d’un peintre qui étendrait sa palette de nuances infinies et sans cesse surprenantes!... Tenir les rênes parallèles de cette dichotomie nécessitent une présence exacerbée de la comédienne puisqu’envers et revers, intérieur et extérieur sont constamment exposés au yeux de tous!.. Elle est soutenue par sept comédiens qui esquissent autour d’elle une atmosphère viscontienne pleine de charme et de volupté, toute rehaussée par des effets spéciaux qui se fondent dans un imaginaire sensuellement onirique !..

Theothea le 03/02/99

 

 

 

   

 

   

   

   

   

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