Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

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13ème  Saison     Chroniques   13.16   à   13.20    Page  209

 

 

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PARLE-MOI D'AMOUR

de Philippe Claudel

mise en scène  Michel Fagadau

****

Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19  

 

     Affiche  Photo Pascalito

   

Avec un "partage de minuit" sous symétrie de miroir, Philippe Claudel a donc écrit sa première pièce de théâtre à la suite du prix Renaudot pour "Les âmes grises" en 2003 et du prix Goncourt des lycéens pour "Le rapport de Brodeck" en 2007.

Se voulant le reflet du couple contemporain statistiquement en divorce à deux contre un, son "parler d'amour" scanne le modus vivendi d'époux qui n'en finiraient pas de s'exaspérer pour le pire mais aussi pour le meilleur des clichés conjugaux contemporains.

Florica Malureanu, la fidèle scénographe de Michel Fagadau s'est emparée à son tour de cette perspective à parité géométrique pour constituer un décor où les formes élancées du mobilier, se répondant courbe pour courbe, viennent contrarier la quiétude de l'esprit autant que le confort du corps.

Le regard du spectateur s'emploie, alors, à décoder la pente glissante d'un double jeu de canapés en bois, comme le signe d'une descente inéluctable vers le mal-être qu'aucun placebo de dispute ou de tendresse ne saurait enrayer.

A ceci près que, si la part féminine du duo a effectué une psychanalyse de plus de 10 ans, c'est, peut-être, maintenant à elle d'aider son compagnon d'infortune à franchir le pas de la prise de conscience, sinon en l'allongeant sur l'un de ces deux divans virtuels à disposition, au moins en renonçant à ce qu'il s'assoit sur le concept très tendance d'une chaise à pointes acérées, certes unique, mais qui laisserait coi tout fakir en psychothérapie de couple.

Aussi, au coeur de la nuit, en l'absence de tout rebondissement dramaturgique, la dialectique sadomasochiste s'installe entre elle et lui, au plus cru des mots qui défoulent le pseudo savoir-vivre du plein jour.

Ainsi, en se rendant coup pour coup, ces boxeurs de lutte intérieure évacuent leur trop plein de conformisme social dont ils s'accusent réciproquement de déviance confondante.

En reflet à la pernicieuse "Danse de mort" de Strindberg tenue à distance aphrodisiaque, nos comparses se donnent la réplique qui fait mal, jusqu'au point ultime où le conflit basculerait fatalement dans la tragédie.

Au diapason d'une comédie psychosociale assumée, Michel Leeb retient, a digne minima, les facéties et mimiques dont il a le talent; en contrepartie Caroline Silhol accède à la composition d'un rôle implicitement comique qui s'ajoute avec valorisation à sa palette de comédienne.

De midi à minuit jusqu'au vice versa, l'enjeu de l'amour restera ainsi, bien partagé.

Theothea le 10/10/08

CLERAMBARD

de Marcel Aymé

mise en scène  Nicolas Briançon

****

Théâtre Hébertot

Tel: 01 43 87 23 23   

 

      Photo © Guirec Coadic

   

Clérambard pour Bigard, c'est de l'or en barre !...

Après avoir rempli le Stade de France dans la harangue du one'man show et avoir, par la suite endossé, en rupture rhétorique, la prose présomptueuse de Monsieur Jourdain, voici une langue ingénument psychotique lui permettant d'être à parité de composition avec ses partenaires.

A ceci près, que le comte Hector de Clérambard est un drôle d'oiseau illuminé qui, de bourreau de ses proches, va se transformer, sous un coup de baguette miraculeuse, en rédempteur messianique de la condition humaine.

En effet, une soudaine révélation de Saint-François d'Assise a véritablement changé la donne religieuse de ce tueur invétéré de chiens et de chats devant l'éternel, le transformant telle la citrouille par un carrosse, en protecteur inconditionnelle de la moindre araignée ou autre manifestation du vivant.

Isolé donc parmi les siens en raison de ses toquades initialement tyranniques devenues charitables à l'extrême, voilà maintenant que cet aristocrate de vieille famille déchue s'est entiché de marier son fils (Nicolas Biaud-Mauduit) quelque peu dégénéré.

Entre sa femme, à principes moralisateurs bon chic bon genre et sa belle-mère (Hélène Surgère), gardienne du train de vie et des moeurs nobiliaires, la visite de sa future bru accompagnée d'une famille prolétaire au grand complet va sonner le tocsin des convenances bafouées.

C'est "La Langouste", la prostituée qui fait fantasmer tout le quartier, qui va venir, à son insu, régler tout ce beau monde en quête de respectabilité.

Cas clinique de psychiatrie collective dévoyée par la truculence primesautière de Marcel Aymé, c'est peu de dire que tous les comédiens s'y régalent comme des poissons dans l'eau, enivrés de surréalisme bon enfant.

Philippe Uchan y compose notamment un personnage à facettes facétieuses d'une drôlerie irrésistible; Véronique Boulanger nous rappellerait volontiers la mère "Le Quesnoy" naviguant, au mieux, sur un long fleuve tranquille; quant à Sophie Tellier, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle avive, à elle seule, toute la fougue libidinale du Théâtre Hébertot.

Nicolas Briançon signe une mise en scène à la fois chorégraphique et chorale qui, en s'appuyant sur la subtilité du ressentiment, donne une force joyeusement explosive à tous les bons sentiments.

Theothea le 08/10/08

JE M'VOYAIS DEJA

de Laurent Ruquier

mise en scène  Alain Sachs

****

Théâtre du Gymnase

Tel: 01 42 46 79 79  

 

     Photo ©  Tony Frank 

   

En haut de l'affiche sous lettres de feu " Charles Aznavour ", pour qui une comédie musicale, rendant hommage à l'ensemble de ses chansons, est créée au Théâtre du Gymnase par le desiderata de sa fille Katia qui en a confié l'écriture du livret à Laurent Ruquier.

" Je m'voyais déjà " débute ainsi sa carrière théâtrale dans une relative discrétion anticipant sa montée en puissance sous les auspices d'un bouche à oreille forcement favorable.

Ils sont six sur scène à entourer Diane Tell organisant dans la spontanéité, sa propre master class, à la suite d'un casting initialement défavorable à ces candidats du rêve inaccessible aux planches du music hall.

C'est la candeur, autant que le talent en herbe qui vont agréger les lignes de force du groupe se constituant par impulsions synergiques au contact de l'oeuvre artistique en prise avec des émotions universelles et intemporelles.

En toile de fond cinématographique, des projections sous perspective fondent la mémoire d'un siècle à l'autre retraçant la pérennité mélancolique de l'âme humaine.

Pablo Villafranca, Stefi Celma, Jonatan Cerrada, Julie Lemas, Arno Diem, St Cyr y abordent en toute humilité les chansons du grand Charles pour en extraire un fameux suc au goût du jour dont l'humour chorégraphique d'Alain Sachs aura le don de donner des ailes, autant aux jeunes pousses qu'aux spectateurs.

Il faut dire qu'en devant de scène, à cour et à jardin, c'est l'efficace formation de Gérard Daguerre, directeur musical attitré de Charles Aznanour, qui officie à plein tempo, acoustique.

De couleur artisanale, ce spectacle a les exigences de la bonne humeur et du naturel qui revient au galop:

Qui de mieux en effet que Diane Tell pour donner la note d'un casting qui ne cherche pas tant à épater la galerie qu'à susciter l'impérieuse envie de les féliciter, tous ensemble ?

D'une énergie communicative à l'autre, l'intensité de cette jeunesse métissée va s'impliquer à fond en deux cycles où au temps de l'apprentissage va succéder celui du spectacle abouti.

A chacun, de préférer éventuellement l'une ou l'autre de ces périodes où la nostalgie du bonheur aurait souvent le dernier mot: " La Mamma ", " La Bohème ", " Hier encore ", ou " Non je n'ai rien oublié " ... cependant qu'en écho, " Viens voir les Comédiens " répondrait malicieusement à " Je m'voyais déjà ".

Theothea le 13/10/08

MANIPULATIONS MODE D'EMPLOI

de Gérard Miller

mise en scène  Agnès Boury

****

Petit Théâtre de Paris

Tel: 01 42 80 01 81  

 

      Dessin  Affiche  © Geluck 2008

     

Ecoutez attentivement le générique du Journal de 20h00 sur TF1, comparez-le à un des leitmotivs de la musique des " Dents de la mer " et vous comprendrez intuitivement comment la symbolique de la peur peut faire d'une pierre deux coups.

Cette démonstration, preuve sonore à l'appui, fait partie du tableau de chasse de Gérard Miller dans sa conférence tout public au sujet des manipulations et de leur usage bien compris.

Ainsi au Petit Théâtre de Paris, après avoir rodé cet été en Avignon off ce spectacle mis en scène par Agnès Boury, le psychanalyste lacanien de notoriété médiatique, entreprend de décrypter en six points, les clés sur lesquelles pourrait s'appuyer cette pratique d'influence:

Celles-là, regroupées sous la thématique de l'hypnose, impliqueraient donc du manipulateur un recours à la séduction, à l'émotion, au savoir occulte, aux injonctions répétitives, au discours focalisé sur la personne ciblée et nécessiteraient en retour que cette dernière porte crédit au pouvoir revendiqué.

C'est ainsi que le " sujet supposé savoir " aurait toute latitude a devenir l'hypnotiseur des individus consentants plus ou moins à leur insu.

Davantage pédagogique que technique, cette conférence spectacle étayée par des exemples interactifs, revendique, certes, l'accès à l'esprit critique mais reste néanmoins toujours très proche de l'anecdote distrayante.

Sans doute son expérience de la communication télévisuelle a dû rendre Gérard Miller soucieux du message minimaliste compréhensible par tous, mais peut être son incursion sur la scène théâtrale devrait-elle l'inciter à complexifier son plaidoyer, sans pour autant, bien entendu, l'assimiler à un exposé universitaire.

Qui peut donc savoir si un succès parisien sur la planches aujourd'hui, ne l'amènerait pas plus tard, lors d'un come back, à devenir adepte d'une ambition plus incisive entre rire et apprentissage?

Theothea le 07/10/08

A LA MEMOIRE D'ANNA POLITKOVSKAÏA

de Lars Norén

mise en scène  Lars Norén

****

Théâtre de Nanterre Amandiers

Tel:  01 46 14 70 00

 

     Photo ©  Véronique Vercheval

 

Un vaste plateau jonché d'un millier de feuilles d'un noir cendré métallisé, papier carbonisé par le feu ?

Tel un autodafé de la presse et, en particulier, des écrits d'Anna Politkovskaïa, cette journaliste russe assassinée par balles le 7 octobre 2006 à Moscou dont fait référence le titre de la pièce de Lars Norén mise en scène par lui-même, un vaste plateau d'encre sombre représente la rue, troisième partie de la trilogie " Morire di clase ", nous plongeant, dès le premier instant et sans rémission jusqu'à la dernière minute, dans l'enfer terriblement réaliste de la violence à l'état brut.

La rue ici n'a pas d'échappatoire possible tel un huis clos social où les enfants et les adultes qui en abusent vivent comme des rats qui ont perdu tout repère et tout espoir.

Les maris tabassent les femmes, les femmes se prostituent, les enfants volent, se vendent à des diplomates internationaux pour quelques sous ou sont violés sans état d'âme.

Aucune explication psychologique, chez Lars Norén, tout passe par le corps, des corps malingres, décharnés qui, poussés à bout, bousculent, frappent à coups de pied, se déchirent, se vautrent bestialement, dépouillent et peuvent tuer, et cependant, dans cette noirceur d'ébène absolu, des gestes de supplication, des bras qui soudain enlacent, un merci murmuré, un enfant de 10 ans qui tend la main à celui qui ne voit pas, un pas de danse esquissé, des signes comme des lambeaux d'humanité et de lumière, des clairs-obscurs qui tamiseraient la désespérance totale.

La pièce la plus noire que Lars Norén ait écrite, en français, est un pur constat d'une brutalité d'un monde en guerre.

Il veut ébranler les consciences trop tranquilles et renvoyer en miroir les monstruosités d'existences laissées pour compte par d'autres hommes, dans l'attente de la mort.

Deux heures sans répit et pourtant la compassion est toute proche pour ces êtres acculés.

Son théâtre est " à l'image de la vie ", une vie pour certains impitoyable.

Cat.S / Theothea.com, le 17/10/08

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