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15ème  Saison     Chroniques   15.011   à   15.015    Page  256

 

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KRAMER CONTRE KRAMER

de  Avery Corman

mise en scène:  Didier Caron & Stéphane Boutet

****

Théâtre des Bouffes Parisiens

Tel: 01 42 96 92 42

 

     visuel  affiche 

       

Si un divorce pouvait cacher une histoire d’Amour, l’adaptation théâtrale de Stéphane Boutet et la mise en scène de Didier Caron permettraient, à l’égard du roman d’Avery Corman, de faire largement jeu égal avec le fameux film de Robert Benton en 1979.

En effet, face à Meryl Streep et Dustin Hoffman sur l’écran légendaire, voici aujourd’hui sur les planches des Bouffes Parisiens, un jeune couple à la ville comme à la scène qui, relevant le défi de la séparation conjugale en temps réel avec ses frasques inhérentes, va faire, de manière implicite, le choix de l’intérêt de l’enfant, bien compris et assumé.

Il n’est pas indifférent que Gwendoline Hamon et Frédéric Dieffenthal soient, dans la vie, tous les deux enfants de parents divorcés mais puisqu’ici, il s’agit de porter la rupture familiale sur le registre de la comédie, c’est l’humour qui sera le garant des tergiversations approximatives accompagnant la destinée des souffrances de chacun.

Celle donc, de Billy, ce petit garçon de six ans qui se retrouve du jour au lendemain, en cohabitation exclusive avec un père découvrant, lui-même subitement, toutes les occupations domestiques.

Celle ainsi, de Ted, abandonné par une épouse lui reprochant son égocentrisme polarisé par la réussite sociale.

Mais celle surtout, de Joanna, ressentant le vide de sa propre existence coincée entre deux êtres dévorant son énergie vitale.

Le décor ingénieux de Catherine Bluwal vient d’emblée apporter toutes les solutions cinématographiques rythmant le psychodrame théâtral, en agençant symboliquement la lettre majuscule « K » dans un dispositif en tournoiement sur lui-même, afin de séquencer l’espace temps au milieu des autres signifiants des « Kramer ».

Gwendoline Hamon aura en charge de crédibiliser la maman tiraillée entre le modèle maternelle idéale et son mal être pathologique.

Frédéric Dieffenthal devra composer le papa submergé par l’affection qu’il porte à son fils, mettant à mal sa concentration professionnelle.

Trois autres comédiens (André Penvern, Maud Le Guenedal & Roland Marchisio) viendront les seconder pour susciter l’environnement social, perçu selon des angles cocasses agissant comme des soupapes du stress.

Si le procès engageant la responsabilité juridique devrait être le point d’orgue de ce parcours initiatique chaotique, c’est, fort heureusement, la lucidité affective des trois personnages qui, à terme, se donnera les moyens de gagner la partie.

L’interprétation et la réalisation sont réellement à la hauteur des intentions initiales. L’émotion est souvent à fleur de peau, mais jamais, elle ne sert d’alibi à l’enjeu de cette création. L’amour parental est bel et bien le fil conducteur auprès duquel Frédéric Dieffenthal excelle à jouer juste.

Theothea le 04/10/10

LES AMIS DU PLACARD

de  Gabor Rassov  

mise en scène:  Pierre Pradinas   

****

Pépinière Théâtre

Tel: 01 42 61 44 16

 

     photo ©   Claire Besse  

   

Gabor Rassov, Pierre Pradinas, Romane Bohringer & Didier Bénureau sur la même affiche, ce quartet a priori détonant nous tend le miroir de notre société consumériste, à travers la monstruosité marchande étendue jusqu’à la sphère de l’amitié.

Ayant fait le tour de tous les biens à vendre sur le marché et n’ayant réussi, en définitive, qu’à cultiver l’ennui généralisé, un couple lambda, bas de gamme sur le plan culturel, découvre l’opportunité d’acquérir, à prix favorablement concurrentiel, la présence à domicile d’un couple d’alter ego, disponible à satiété pour entretenir un commerce relationnel.

Obtenir les avantages et les profits que l’amitié offre habituellement sans avoir les inconvénients de devoir, en retour, être soi-même attentionné à autrui, tel est l’enjeu contractuel auprès du service de location de ce nouveau type.

La crise économique ayant asservi bon nombre des contemporains, ce revival d’ « On achève bien les chevaux » adapté au microcosme privé s’offre ainsi, en luxe ultime, à ceux dont le bon plaisir serait, apparemment, resté préservé.

Avec un argument aussi profanateur, Gabor Rassov l’auteur, lui-même de réputation iconoclaste, semble détenir une véritable pépite pour laquelle il n’ y aurait plus qu’à dérouler le tapis rouge vif.

Voilà Jacques et Odile choisissant sur catalogue, le couple idéal à leurs aspirations répertoriées selon un rapport qualité-prix évalué au mieux de leurs desiderata.

Voici donc acquis le couple rebaptisé, à leur convenance, Juliette et Guy qu’ils auront le loisir d’héberger dans un placard mural et de nourrir avec les restes de nourriture, selon leur bon vouloir.

Ce contexte savamment barbare ayant, ainsi, été brossé avec un humour, certes ravageur et efficace, le spectateur s’attend à ce que la pelote d’une compréhension au second degré, vis-à-vis de toutes les péripéties à venir, lui serve désormais autant de matière à défouloir qu’à réflexion.

Cependant il y a un « hic », car il semblerait, qu’après ce décollage foudroyant, la pièce lestée, peut-être par un sentiment diffus d’abjection non assumée, ne parvienne jamais à être mise en orbite suffisamment distanciée pour se positionner hors portée de la complaisance avec l’obscénité morale.

D’où un malaise récurrent face à des anecdotes scabreuses de vie en commun qui s’accumulent en implosant successivement pour mieux immédiatement se neutraliser, dans la mauvaise conscience latente.

Bref, telle une kyrielle de pétards mouillés en guise de feu d’artifices au souffre, les amis de nos amis effectuent autour de ceux-là, la danse du scalp, sans jamais, oser véritablement s’affranchir des lois de la pesanteur.

Au demeurant, l’interprétation des quatre comédiens est en accord avec une réalisation sans vergogne et caricaturale, à juste titre, d’où Romane Bohringer tire brillamment son épingle du jeu, avec une composition excellente d’une petite bourge inculte, maniérée et frustrée.

Didier Bénureau est parfait dans son rôle de beauf arrogant.

Aliénor Marcadé-Sechan et Matthieu Rozé assurent leurs prestations de victimes consentantes avec une humilité pertinente.

Bref, une soirée où l’on rit jaune pour ne pas avoir à pleurer d’une vision apocalyptique des relations humaines préfigurées.

Theothea le 07/10/10

LES CHAISES

de  Eugène Ionesco  

mise en scène: Luc Bondy  

****

Théâtre Nanterre-Amandiers

Tel:  01 46 14 70 00 

 

     photo ©   Pascal Victor  

Micha Lescot et Dominique Reymond incarnent une performance qui fera date dans le spectacle vivant.

Formant un couple de petits vieux nonagénaires qui vont organiser une dernière fête joyeusement macabre au fin fond d’un music hall imaginaire avant que de disparaître pour le meilleur d’eux-mêmes, « mon chou » et « ma crotte » baptisés ainsi fort dignement par Ionesco, se démènent dans un marivaudage édenté afin de tuer le temps, à coups de considérations sur le monde.

Ayant précisément décidé de convier ses représentants universels à les rejoindre pour écouter le discours testament qu’ils ont l’intention de délivrer à l’opinion, le duo va s’évertuer à organiser cette ultime réception en plaçant le plus grand nombre de chaises à l’égard des invités.

Un orateur sera chargé de dispenser la bonne parole mais celle-ci va se perdre en borborygmes incompréhensibles répercutés en échos infinis dans les haut-parleurs de la salle.

Cependant, lui et elle seront aux anges d’avoir, ainsi, pu être au centre de l’attention générale avant leurs derniers saluts et les applaudissements en rappels de leur union fusionnelle.

Durant la représentation de cent minutes, deux cordes pour pendaison se balancent négligemment depuis les cintres, en premier plan de la scénographie, et c’est donc en acrobates des mots que les vieux amants côtoient celles-ci allègrement et vont s’y suspendre volontiers pour se donner du bon temps.

En choisissant de confier ces rôles emblématiques à Micha Lescot et Dominique Reymond, deux comédiens d’une souplesse mentale et physique confondante, Luc Bondy a, de toutes évidences, souhaité brosser un portrait naturaliste, charnel et touchant de l’extrême vieillesse.

Dans cette perspective, la farce noire de Ionesco a tendance à glisser de la métaphysique au surréalisme et, si ce point de vue subjectif de mise en scène ne respecte pas forcément à la lettre toutes les didascalies de l’auteur, celui-là détient, en s’appuyant sur le ballet d’une centaine de chaises telles de jubilants feux follets, l’immense vertu de sublimer l’esprit et la chair du vieillissement.

Theothea le 06/10/10

INTERVIEW

d'après Théo Van Gogh  

mise en scène:  Hans Peter Cloos

****

Studio des Champs Elysées

Tel:  01 53 23 99 19 

 

     visuel affiche -  photo ©  Pascalito 

       

Au jeu de « qui dira la vérité en dernier » a nécessairement perdu toutes ses illusions sur le monde contemporain, l’interview en huis-clos, auquel se soumettent Katya et Peters, elle actrice de séries télévisées et lui journaliste baroudeur, théâtralise formellement le duel « Sara Forestier - Patrick Mille » en joutes verbales essentiellement stratégiques.

Si, par quelque laxisme de circonstances, le flirt devait s’inviter à leur débat, c’est qu’aucune méthode de self-control ne peut, décemment, être appelée à la rescousse.

A l’image d’une génération « hard » mais repeinte en « rose bonbon » pour les besoins de la représentation sociale, la futilité de leurs propos ne peut que dissimuler un profond désarroi dont il n’est guère possible de sonder l’abîme originelle.

Velléitaires l’un et l’autre par ambition respective affichée, l’intimité les propulse en une conflagration insupportable dans chacun des deux rôles publics qu’ils se renvoient mutuellement en miroir à peine déformant.

Ecartelé entre une caméra vidéo et un enregistreur audio, le duo va rejouer en direct live l’éternel combat masculin-féminin dont l’issue ne devrait désigner qu’un seul gagnant.

En effet, quand un journaliste politique, habitué des terrains de guerre et autres conflits extériorisés, doit interviewer une starlette déguisée en baby-doll, que peuvent-ils se dire ?

Il n’y a pas de mot pour se confier, il n’y a pas d’alternative pour se cacher, réciproquement, la douleur existentielle sur laquelle l’autre n’a pas le droit de regard.

Tout la durée de leur rencontre ne pourra se constituer qu’en faux-fuyants, tromperies, et mystifications de part et d’autre, d’autant plus sophistiqués que le partenaire fera preuve de répartie, du tac au tac.

A ce jeu de dupes, sous carapaces délibérément endurcies, c’est bien celui ou celle qui enverra l’ultime missile qui, in fine, aura gain de cause.

Mais, au terme d’une partie de poker menteur, comment qualifier l’enjeu du joker croyant s’octroyer le droit de domination alors que, dans l’instant d’après, celui-ci va se trouver, lui-même, annihilé par un effet de boomerang radical ?

Le désenchantement de l’individu sera le prix à payer pour cette scintillante mise en scène entomologiste interprétant, à mots couverts, la dégradation effective des relations humaines.

Theothea le 08/10/10

GRAND ECART

de  Stephen Belber

mise en scène:  Benoît Lavigne

****

Théâtre de la Madeleine

Tel: 01 42 65 07 09

 

     photo ©   Dunnara Meas  

   

De « Match », titre anglais original à « Grand écart », titre francisé, s’est effectué un recentrage sémantique sur le thème de la danse, en l’occurrence véritable passion vitale de Jobi (Thierry Lhermitte) ce chorégraphe américain acceptant d’être interviewé à son domicile New-Yorkais par Lisa (Valérie Karsenti), thésarde assistée par Mike (François Feroleto), son mari.

De la note d’intention de l’auteur à celle du metteur en scène, l’esprit de famille apparaît comme le fil conducteur devant mener ce trio à la complémentarité existentielle.

Oui, mais de quelle famille est-il, ici, question ? Celle de la filiation biologique imposée par les liens du sang ou celle de la transmission et du partage culturels librement choisis ?

Dans ce loft aux couleurs sixties évoquant le temps des amours libres et toutes les expérimentations stupéfiantes, son locataire excentrique va faire salon en recevant un jeune couple d’apparence banale prêt à enregistrer la parole du maître expérimenté.

Oui, mais dans quel but ? Pour mener à bien une recherche universitaire spécialisée ou au contraire pour mener une enquête privée destinée à éclaircir un passé relationnel tumultueux ayant, encore présentement, de douloureuses conséquences psychologiques et affectives ?

Les quiproquos, les actes manqués, les lapsus qui émailleront ces discussions bien arrosées n’auront guère pour vertu de différencier les malentendus et autres susceptibilités respectives de la volonté effective d’afficher, de part et d’autre, une convivialité de bon aloi.

Mais néanmoins, puisque l’exaspération et l’invective sont, inévitablement, programmées dans le processus verbal engagé, voici venu le temps du clash qui pourrait mettre un terme final à toutes ces civilités.

Oui, mais pour quel bénéfice principal ou secondaire ? En effet, les trois protagonistes se retrouvant en position de danseurs sur le fil du funambule vont prendre conscience que l’extériorisation brutale des affects, même légitimes, se doit de composer avec le principe de réalité.

Et ce n’est d’ailleurs même pas un test salivaire impromptu qui pourrait avoir raison finale et objective, des liens de parenté, que ceux-ci aient été forgés par l’intuition ou par le fantasme ?

C’est pourquoi l’interprétation fantasque, de la première à la dernière seconde du spectacle, de ces trois rôles de composition, va, effectivement, se révéler le meilleur garant d’un accès à la vérité de ces sentiments, qualifiés de familiaux.

Sur le même ton affable qu’on lui connaissait déjà dans « Le père noël est une ordure »,Thierry Lhermitte, à la fois distingué et loufoque, semble, pour le coup, s’inscrire dans une filiation toute personnelle avec Jean-Pierre Marielle, comme si ces deux comédiens pouvaient se tenir, main dans la main, sur l’Olympe de la bienséance extravagante.

Theothea le 15/10/10

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