Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

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15ème  Saison     Chroniques   15.016   à   15.020    Page  257

 

             

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LETTRES A GENICA

de  Antonin Artaud

lecture:  Carole Bouquet

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Théâtre de l'Atelier

Tel:  01 46 06 49 24 

 

    visuel  affiche 

   

A trois sur la scène du Théâtre de l’Atelier, Génica, Antonin Artaud et Carole Bouquet sont suspendus aux tourments de la Passion amoureuse qui ne parviendrait plus à retrouver ses marques.

Qu’on l’appelle délire, folie ou pathologie, tous les stigmates de l’incommunicabilité sont convoqués en renfort d’une écriture cherchant, en vain, à comprendre les tenants et aboutissants de l’immense douleur conjuguée, ici, au masculin.

Echangée au siècle dernier durant les années 20, la correspondance épistolaire n’apparaissant que sous des extraits unilatéraux de lettres émises par le poète, suscite l’étrange impression d’appels lancés dans un vide sidéral, telles des bouteilles à la mer dont le destinataire serait improbable.

A l’instar de « L’Arlésienne », Génica s’incarnerait en un personnage inatteignable qui s’éloignerait de son soupirant à la vitesse de la lumière, telle une comète hors du champs d’attraction humaine.

Devant le rideau de fer destiné, par fonction, à isoler la salle de toutes formes d’incendie, alors qu’en proie aux plus complexes des tourments psychosomatiques, s’élèverait la parole souffrante d’Antonin, la voix chaude et puissante de Carole Bouquet prend en charge conjointe, avec une physiologie à toutes épreuves, la dimension affective et artistique de cette quête.

Sortant du monde opaque des coulisses par l’embrasure métallique, la belle et grande dame, tout de noir vêtue s’installe, sous le faisceau de lumière au centre de l’avant-scène, avec en mains généreusement déployées, le grand livre du déchirement amoureux.

Ni procureur, ni arbitre, la comédienne se veut la passeuse d’une passion indicible cherchant davantage à exprimer son élan infini que la frustration.

Cette solidarité en retour du féminin au masculin esquisse le désir, universel et intemporel, d’une fusion assumée jusqu’aux contradictions les plus extrêmes… quoi que par essence, forcèment autodestructrices.

Carole Bouquet, Antonin Artaud, même combat!… Et succès indéniable.

Theothea le 14/10/10

CHIEN CHIEN

de  Fabrice Roger-Lacan

mise en scène:  Jérémie Lippmann

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Théâtre de l'Atelier

Tel:  01 46 06 49 24 

 

    visuel  affiche 

   

Question de perspective au Théâtre de l’Atelier où Alice Taglioni et Elodie Navarre se jaugent, se toisent, s’affrontent dans un rapport de forces ataviques, livrées telles des pulsions antagonistes, sous la profondeur de champ, toute cinématographique, de la cage de scène.

Les voix au féminin strident sauraient s’y perdre dans l’immensité spatiale mais aussi s’y retrouver dans leur proximité physique temporelle.

Pourvu que l’une ne n’adresse pas de dos à son alter ego, le spectateur comprendrait distinctement que Linda et Léda se reflètent, à la lettre près, dans des personnages réciproques lestés d’un lourd et lointain contentieux.

Entre les lignes de la réminiscence, la perversité, la cruauté, la barbarie aux visages de jeunes filles pré pubères se rappelleraient, en temps réel, dans la durée des deux heures les séparant de l’arrivée d’un hélicoptère.

Les pales vrombissantes se feront attendre dans une tension résurgente où le présent tentera d’inverser un traumatisme récurrent pour, in fine, marquer le signal tant attendu d’une fin de récréation, tellement périlleuse pour toutes les deux.

Le retour des deux maris auprès de leurs moitiés respectives aura-t-il pour vertu de rétablir l’équilibre instinctif d’un monde mature ?

Si la mise en scène de Jérémie Lippmann autorise, en bénéfice secondaire, que le perfide stratagème de Linda soit agrémenté du talent pianistique de son interprète (Alice Taglioni), Elodie Navarre gagne, pour sa part, la satisfaction de déjouer le piège inattendu, en adoptant un système de défense, à sa main toute aussi experte.

Question de perspective, en effet, où les deux amies à la ville, comme à la scène, présentement sous la dictée de Fabrice Roger-Lacan, doivent retrouver les maux, tout autant que les mots qui, dans l’enfance, auraient permis à l’une de prendre l’ascendant sur l’autre, au point que, devenues adultes, la blessure de la seconde toujours à vif, ressurgisse dans une vengeance à froid… distillée à petit feu.

« Pour un rien », ce serait fort … « Pour un rien », c’est du féminin pluriel, in vivo … « Pour un rien », cela pourrait rappeler « les amitiés susceptibles » de Nathalie Sarraute, mâtinées par exemple de « The servant » de Losey.

Aussi, pour un peu, Littérature, Cinéma, Théâtre se retrouveraient-ils en « chiens de faïence », à jouer à « chien et chat ».

Theothea le 12/10/10

A DEUX LITS DU DELIT

de  Derek Benfield

mise en scène:  Jean-Luc Moreau

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Théâtre de la Michodière

Tel: 01 47 42 95 22

 

      photo affiche © PixelPro - Serge Carrié 

   

Qu’en tapant sur internet les mots-clefs: « hôtel romantique, isolé, proche Paris », deux couples illégitimes puissent, à l’appui des mêmes réponses préférentielles du moteur de recherche, se retrouver, par le plus grand des hasards, hébergés dans le même petit nid douillé, au sein de chambres à l’agencement symétrique, en l’occurrence la bleue et la verte, n’est vraiment pas pour déplaire au Vaudeville moderne, pourvu que l’amant et la maîtresse de l’un ne soit pas sans lien marital avec l’autre couple, conjointement en week-end de charme.

Que sous son costume de majordome zélé, Arthur Jugnot y soit plébiscité en Monsieur Loyal autant qu’en Maître des convenances à faire respecter, afin de réussir entre jeunes gens de bonne compagnie un chassé-croisé de liaisons adultérines inopinées, n’est pas le moindre des régals d’une farce menée à vitesse sidérale, entre moult portes fouettant le rire jusqu’à claquer toute tentative de redresseur de torts, forcément velléitaire !…

Pièce de genre, classée dans la « Sex comedy » par le théâtre anglais aimant à privilégier la frustration sexuelle, à force de sous-entendus, de quiproquos et d’obstacles favorisant l’inhibition libidinale, les comédiens se débattent, telles des mouches sur le vinaigre, tout accaparés par leurs fantasmes qu’ils ne sont pas en mesure d’assumer… encore moins de réaliser.

Mathilde Penin et Juliette Meyniac s’offrent en proies affolées de ce manège enchanté par Cyril Garnier & Guillaume Sentou, les véritables apprentis-sorciers de la bagatelle en stage d’apprentissage quelque peu désordonné.

A cinq sur le plateau du Théâtre de la Michodière, ils se relaient dans un tourbillon de pulsions érotisées, tel un essaim d’électrons en rut fortement contrarié, pour s’emberlificoter à souhait dans des tromperies génialement plus malheureuses les une que les autres.

Enivrés par la mise en scène de Jean-Luc Moreau, ne leur accordant le loisir d’aucune pause régénératrice, les spectateurs se laissent joyeusement saoulés par ces rafales d’énergie déferlant de cour à jardin et vice versa.

C’est alors qu’enfin, à deux doigts de l’orgasme, les chaînes du tourment en furie se délient dans le plaisir d’une culbute pieds par-dessus têtes… soudain remises à l’endroit. Bravo les artistes !…

Theothea le 18/10/10

OPENING NIGHT

de  John Cromwell

mise en scène:  Jean-Paul Bazziconi

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Théâtre  Mouffetard

Tel:  01 43 31 11 99 

 

      photo ©  Chantal Depagne

   

Du théâtre de la Porte Saint-Martin en 2005 au Théâtre Mouffetard en 2010, d’une adaptation et mise en scène originale à leur reprise, d’un volume scénographique fort imposant à l’intimité cosy du second plateau parisien, l’espace temps qui les sépare pourrait-il se résoudre à une continuité effective de représentations successives ?

Mais pourquoi pas d’ailleurs ? Toutefois, l’interaction de créations théâtrales en parallèle pourrait tout aussi bien venir interférer avec la mémoire du spectacle vivant.

Ainsi au Théâtre Rive Gauche en 2009, Laurent Terzieff installait-il « L’Habilleur » de Ronald Harwood qui, dans un rapport de forces relationnelles similaire, livrait le paradoxe du comédien aux tourments de ses motivations et autre terreur Shakespearienne. Une véritable leçon de théâtre donnée en temps réel autant à l’intention de ses partenaires que du public.

Aussi, dans l’imaginaire du « Show must go on », il semblerait que, désormais, Marie-Christine Barrault ait repris à son compte, la juste réplique au féminin de cette approche quasi métaphysique du métier de comédien, en proie à ses démons intérieurs pour mieux les terrasser dans une transgression radicale sur les planches.

De manière concomitante, Michel Bouquet ne poursuivrait-il pas un combat analogue dans son énième reprise de « Le roi se meurt » l’obligeant délibérément au quotidien, à vaincre les forces velléitaires du réel pour mieux les sublimer dans l’inconscient collectif échappant par essence à toutes appropriations ?

Ici au Mouffetard, Marie-Christine Barrault est seule face à son propre habilleur (Michel Carnoy), sorte de punching ball fantoche, auquel elle ne s’adresse que dans la projection virtuelle de sa propre existence en danger vital, en l’occurrence bien entendu celle de l'actrice Fanny Ellis se débattant avec « La Mouette » de Tchekhov, tel l’Albatros doutant de son décollage avant que les trois coups magiques ne transforment sa performance en une Master class, à chaque fois inégalée.

Ce ne sont donc pas les affres de l’alcool ou autre substance stupéfiante qui pourraient contredire que la foi du comédien ou de la comédienne réside dans le dépassement de soi-même face au « quatrième mur » destiné à l’accompagner et à l’encourager dans son saut, chaque soir réitéré vers l’inconnu.

Theothea le 19/10/10

DERNIERS REMORDS AVANT L'OUBLI

de  Jean-Luc Lagarce

mise en scène:  Julie Deliquet

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Théâtre  Mouffetard

Tel: 01 43 31 11 99 

 

      photo ©  Sabine Bouffelle

   

Comme si la mise en scène de Julie Deliquet façonnait le texte de Jean-Luc Lagarce à sa main, façon sculptrice de retrouvailles d’emblée avortées, les comédiens en alternance du collectif In vitro semblent mimer à l’oral, le nec plus ultra d’une rencontre type vouée à l’échec, quels que soient les degrés d’implication de chacun.

En direct live, comme à la répétition, six d’entre eux se rejoignent sur le plateau du Mouffetard avec l’idée bien ancrée de ne pas surseoir aux susceptibilités respectives, de façon à laisser s’installer l’inexorable mésentente qui va se tisser autour de Pierre.

Lui, impulsif taureau d’une corrida où picadors, matadors et autres toréadors se relaient allègrement, qui pour l’exciter, qui pour le blesser ou qui pour feindre une réconciliation improbable, voit en rouge vif ses deux ex-compagnons d'un trio amoureux ayant eu, d’antan, la joyeuse fortune d’acquérir, en indivision, une résidence censée être à disposition de tous.

Les voilà donc à nouveau réunis avec, cette fois-ci, leurs descendances dans la Cerisaie qui les avait tant aimés.

Cependant seul, Pierre (Eric Charon) y vit au quotidien en versant un loyer à ses deux partenaires dont l’une aimerait désormais récupérer en capital sonnant et trébuchant, sa part affective et contributive qu’il faudrait estimer au plus juste.

Voilà donc Paul ( Gwendal Anglade) et Hélène (Julie André) à la tête de familles ne se fréquentant guère jusqu’ici, au sein desquelles il apparaît d’évidence que, si chacun est prêt aux civilités de circonstances, les préjugés et rancœurs y sont déjà transmis de manière patrimoniale.

Aussi d’a priori maladroits en a posteriori vindicatifs, Pierre devient l’unique objet du ressentiment collectif auquel, de manière délibérément expiatoire, il participe plus qu’à son tour.

Si chaque spectateur est en droit légitime de posséder son « Jean-Luc Lagarce » attaché à sa propre grille de lecture existentielle, cette réalisation à la fois intimiste, hyperréaliste et significative du non-dit à fleur de peau, est en soi un régal de pertinence et d’impertinence relationnelle.

De l’angélisme à la mauvaise foi, en passant par l’incommunicabilité du langage, tous les alibis de la bonne conscience ulcérée s’y déclinent en un concentré de vérité tellement humaine que personne n’ y semble en mesure de « racheter » son prochain.

Theothea le 21/10/10

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