Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

15ème  Saison     Chroniques   15.046   à   15.050    Page  263

 

        

      

Agnès Debord

     

" Wight ! 40 années après "

     

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UN FIL A LA PATTE

de  Georges Feydeau

mise en scène: Jérôme Deschamps  

****

Comédie Française

Tel: 08 25 10 16 80 (0,15e/mn)  

 

       photo  DR. 

         

Tel un véritable feu d’artifices, la réalisation de Jérôme Deschamps fera date dans le patrimoine de la Comédie Française.

En effet, lors de sa retransmission télévisée en février 2011, sa programmation de décembre à juin en salle Richelieu était, d’ores et déjà, « sold out ».

Sa reprise est donc assurée pour une saison supplémentaire, voire davantage.

Le fil conducteur de sa mise en scène réside essentiellement dans le choix des acteurs dont le timbre de voix, la physionomie, la dégaine doivent se compléter en des tableaux sociétaux où la bonne humeur est conviée à, d’emblée, régaler les comédiens eux-mêmes et donc, par conséquence inéluctable, le public.

Sur sa palette de peintre vaudevillesque, Jérôme Deschamps a composé des personnages fantasques rehaussés par des costumes (de Vanessa Sannino) tout autant affriolants que splendides.

C’est, ainsi, en multipliant les facettes désopilantes du kaléidoscope scénographique que la pléiade des silhouettes se croisent et s’entrechoquent pour donner corps hystérique à la mécanique implacable de Feydeau.

Ainsi campés dans une bande dessinée en 3D, la « Lucette » amourachée de Florence Viala, le « Général » d’opérette de Thierry Hancisse, le « Fontanet » puant de Serge Bagdassarian, le « Bois d’Enghien » écartelé d’Hervé Pierre vont pouvoir se prêter au jeu de cache-cache que la « Baronne » classieuse de Dominique Constanza, le « Bouzin » notarial de Christian Hecq ainsi que le dédoublement de Guillaume Gallienne dressent, à l’insu de tous y compris d’eux-mêmes, en inénarrable mascarade.

En effet, si l’argent mène le monde à gogo, Feydeau lui donne la chance fallacieuse de sauvegarder les apparences sociales, en lui permettant de tirer les ficelles de l’amour, si possible à bon escient.

Cependant, comme la passion atteint rarement les niveaux d’absolu que les intentions, déclarées à la cantonade, prétendraient cibler, alors, dans ce dédale de quiproquos où chacun trompe ou se trompe, seul le rire impartial de l’observateur peut, à juste titre, servir de valeur refuge.

Menant à l’excellence des configurations scabreuses, le respect scrupuleux des didascalies de l’auteur conforte Jérôme Deschamps à s’affranchir de tout psychologisme pour laisser place au jeu millimétré recherché, répété et finalisé en situation, dans un rapport exclusif aux planches.

Alors si, par surcroît, une conjonction miraculeuse entre la perspective artistique d’un rôle et le talent spécifique d’un pensionnaire rencontre, par géniale opportunité, l’état de grâce, voici Christian Hecq célébré par tous, critiques et spectateurs confondus, en raison de ses gesticulations, mimiques et contorsions à nulles autres pareilles dans sa transcendance de « Bouzin », à la suite prestigieuse de Robert Hirsch dans les années soixante.

Aussi, de la mise en scène mémorable de Jacques Charron (avec entre autres Jean Piat, Georges Descrières, Jean-Paul Roussillon, Jean-Laurent Cochet, Micheline Boudet, Denise Gence, Catherine Samie et donc Jacques Charron & Robert Hirsch) jusqu’à la pâte joyeuse et ludique de Jérôme Deschamps, un fil d’anthologie s’est, de toutes évidences, tissé pour le meilleur de La Comédie Française.

Theothea le 23/02/11

   

     

       photo ©  Theothea.com 

     

La représentation d' Un Fil à la patte du mardi 22 février 2011

a été retransmise en direct sur France 2 à partir de 20H35

depuis la Salle Richelieu de La Comédie Française.

     

RÊVE D'AUTOMNE

de Jon Fosse

mise en scène:  Patrice Chéreau

****

Théâtre de la Ville

Tel:  01 42 74 22 77   

 

       photo ©  Pascal Victor / ArtComArt 

   

Ils sont venus, ils sont tous là, la grand-mère, le père et la mère, lui et son ex-épouse ( Marie Bunel ) ainsi que leur enfant, alors que va survenir la maîtresse, tous déambulant tels des fantômes dans cette salle désertée du Louvre, qui n’est autre que le cimetière indifférencié dépeint par Jon Fosse.

Ce pourrait être l’enterrement de La Mamma ( Michelle Marquais ) qui les réunisse, puisque celle-ci rôde dans les couloirs en attendant l’heure du salut, mais le jeune fils ( Alexandre Styker ) est aussi un trépassé à célébrer qui, à la suite d’un accident de la route est devenu, à leurs regards effarés, spectre obsédant.

Mais, voici en zombi errant, son papa Pascal Greggory qui titube sur la parquet de l’illustre musée, à la recherche incertaine d’un autre soi-même alors que, par symétrie relative, s’approche Valeria Bruni-Tedeschi assez désemparée mais à peine surprise d’ y retrouver son ex-amant.

Commence alors une hésitante et laborieuse valse d’amour qui se mêle de près à la danse de mort sans qu’aucun des deux n’ait prise sur le partenaire comme s’il échappait à jamais à l’attraction des corps.

C’est donc à ce moment que le couple Bulle Ogier - Bernard Verley peut faire son entrée remarquée tant la configuration familiale semble aller a volo.

La mère « Bulle » prend, ainsi, la situation en mains expertes afin de placer chacun dans son rôle dévolu mais ramant à contre-courant, elle aura bien du mal à faire entendre la bonne parole, censée apaiser et unir tout son monde, à l’exception de cette bru de substitution dont proviendrait le mal ambiant.

D’ailleurs « faire connaissance » , « échanger » et « parler » pourraient-ils encore sauver du naufrage général ?

Quant à son époux, délibérément aux abonnés absents, celui-ci se contente d’entériner la décadence à laquelle chacun contribue dans une incapacité universelle, mais si bien partagée, à comprendre l’humanité.

Même pas misanthrope, Patrice Chéreau règle son ballet autistique, tel l’horloger du temps qui s’approprierait passé, présent et futur en une conscience latente du désespoir infini.

Du Louvre au Théâtre de la Ville, le spectacle s’est emparé du décor prestigieux de la salle Denon pour en reproduire à l’échelle du plateau, selon fac-similé, la virtualité d’un musée des âmes en perdition, sous le regard évanescent des tableaux de maître.

Un véritable trompe-l’œil de l’esprit apte à la méditation métaphysique autant que prosaïque.

Theothea le 16/12/10

A VOIR ABSOLUMENT

de  Frédéric Tokarz

mise en scène:  Nicolas Lartigue

****

Ciné 13 Théâtre

Tel:  01 42 54 15 12   

 

       photo ©  DR. 

     

« La presse est unanime », « A ne rater sous aucun prétexte », « A voir absolument » , « Courrez-y »… D’accord !… Mais c’est quoi l’enjeu ?

Un spectacle exceptionnel ? Peut-être !… mais c’est d’abord et avant tout, un appart, le coup de cœur que tout le monde cherche, la perle de la petite annonce qu’il faut saisir dans l’instant, avant tout autre postulant !….

Le couple Alice ( Julia Maraval ) et Charles (Frédéric Tokarz) a le bon profil de l’acquéreur motivé au point d’avoir franchi tous les obstacles afin d’être positionné en tête sur la liste préférentielle.

Cependant, in situ, la visite prend des allures de salle d’attente, voire d’antichambre à une psychanalyse du vécu, en temps réel.

En effet, de la précédente occupation des lieux, ne subsiste qu’un divan trônant au milieu de l’espace vital, sans laisser d’autre échappatoire que de s’y interroger.

Première constatation, la représentante de l’agence locative se fait attendre, secundo d’autres prétendants sont en souffrance !….

A quatre cobayes, ils vont s’adonner au jeu des chaises musicales, durant le temps imparti à la résistance psychologique de chacun.

D’une part Mathieu (Philippe Hérisson) , en instance de divorce douloureux et d’autre part, Fanny (Emma Colberti), en quête d’autonomie conjugale vont ainsi compléter ce tableau des demandeurs d’asile résidentiel.

Sur le ton d’une comédie dramatique en prise avec le déficit de communication contemporain, chacun des quatre protagonistes cherchent à travers les mensonges et vérités de ses alter ego, cette part de sincérité qu’il pourrait s’accorder à lui-même.

Pouvoir s’estimer soi-même dans l’écoute et le regard d’autrui pourrait être le gain expérimental de cette séance parabolique des dupes où les concurrents n’auraient guère envie de se projeter en défaite patentée réciproque, quel que fût l’attrait du produit immobilier proposé.

Poignant, drôle et surréaliste, cette brève rencontre fomentée par un hasard relativement objectif et quel que peu farceur, est à mettre au compte des révélations heureuses et successives du Ciné 13 Théâtre codirigé par Salomé Lelouch sur la butte Montmartre.

Theothea le 17/12/10

HENRI IV le bien aimé

    

de & mise en scène:  Daniel Colas

****

Théâtre des Mathurins

Tel: 01 42 65 90 00

 

      peinture ©  Caroline de Piédoüe

   

En 1610, le 400ème anniversaire de la mort d’Henri IV a donné lieu à diverses manifestations, comme l’illumination moderne de sa statue sur le Pont-Neuf à Paris et la publication de quelques ouvrages ; de son côté Daniel Colas a choisi d’écrire un pièce sur la dernière année de ce souverain resté très populaire comme pacificateur des Protestants, tolérant et bon vivant.

La pièce débute par l’annonce de son assassinat et par le rassemblement de son entourage autour du corps, comme un flash-back de cinéma.

Puis nous retrouvons Henri IV (Jean-François Balmer), qui vient de se lever, il parle à son jeune compagnon de guerre et d’aventures Bassompierre (Xavier Lafitte) et lui annonce son opposition à son mariage avec la jeune et jolie Charlotte de Montmorency, car il se la réserve comme un mets de choix (elle a 16 ans et lui 56, mais il est le roi) et lui accorde en remplacement un laideron richissime ; afin d’éviter le scandale, le roi donne Charlotte à son neveu Condé (Maxime d’Aboville), notoire « sodomite », ce dernier ne devrait pas le gêner dans ses plans.

Au bout du compte, alors que la reine Marie de Médicis (Béatrice Angenin) s’emporte contre son époux volage et surtout ridicule avec ses costumes de jeune homme, Condé est apprivoisé par sa jeune épouse et l’emporte loin pour éviter les assauts du roi.

Ce dernier, qui se rabiboche avec la reine, est assassiné peu après. Sur cette trame historique, Daniel Colas dresse un portait balancé de son héros : quelques bons mots sur la nécessaire adaptation pour les homosexuels, sur l’ouverture aux diverses religions, sur la négociation meilleure que la guerre pour résoudre les conflits, sur la vie de couple, mais aussi une critique implicite des abus de la puissance royale.

Cette approche apparaît surtout dans la deuxième partie de la pièce, car la première est beaucoup plus légère avec les portes qui claquent et les personnages qui se succèdent. La pièce est montée de façon conventionnelle, avec des sièges de type curule pour le roi, des rideaux et un choix de beaux costumes d’époque.

Jean-François Balmer est un peu âgé pour son rôle — mais en 1610 un homme de plus de cinquante ans est un réel vieillard — , il s’emporte avec violence tout en se montrant attendri en évoquant Charlotte (Maud Baecker, très belle jeune femme, qui ne dit mot…) ; Béatrice Agenin donne sa prestance à une reine complexe, dévote et encore amoureuse, Maxime d’Aboville n’est pas dépourvu de magnétisme et les autres sont à leur place.

Une pièce d’histoire montée comme un boulevard.

Jacques Portes, le 20/11/10 - Blog " Histoires de Théâtre "   &  Theothea.com

KIKI VAN BEETHOVEN

de  Eric Emmanuel Schmitt

mise en scène:  Christophe Lidon

****

Théâtre La Bruyère

Tel:  01 48 74 76 99   

 

       dessin © Cat.S / Theothea.com

   

Maintenant que Kiki a quitté l’affiche du Théâtre La Bruyère, Danièle Lebrun peut mettre bas le masque de Van Beethoven derrière lequel, durant plus de trois mois, elle composait chaque soir le portrait de huit personnages dont cinq femmes.

Pour cette vaillante comédienne qui privilégie l’esprit de troupe, ce one woman show concocté par Eric Emmanuel Schmitt s’apparentait, toutes proportions gardées, à une performance similaire qu’effectuaient Eric Metayer et son équipe dans « Les trente neuf marches » à la suite de « Kiki », dans cette même salle.

Si ces deux spectacles ont trouvé leur aboutissement ( provisoire ?) en ce passage d’années 2010-11, serait-ce pour mieux s’épauler à nouveau au-delà de la prochaine cérémonie des Molières, récompenses dont le théâtre La Bruyère est traditionnellement friand.

D’ailleurs, si pour la saison précédente, la réalisation d’Eric Métayer a obtenu les Molières de l’adaptation et de la pièce comique, pourquoi Kiki ne briguerait pas, à son tour, ceux de l’auteur francophone, de la mise en scène, de la scénographie et bien entendu de l’interprétation féminine?

C’est ainsi que jusqu’aux dernières représentations de décembre, Danièle Lebrun tirait fort bien son épingle de ce jeu à facettes, en passant allègrement de l’évocation d’un rappeur de banlieue à celle d’une copine « fashion victim », en faisant le détour périlleux par les camps de la mort à Auschwitz.

En effet, dans ses contes philosophiques et néanmoins théâtraux, Eric-Emmanuel Schmitt a cet art inégalable de brasser l’air du temps pour le réinsuffler, de manière kaléidoscopique, entre des êtres humains qui s’entrecroisent dans une fascination partagée pour l’empathie universelle et syncrétique.

En outre, que l’attrait de la musique classique soit menacée à travers la surdité emblématique de Beethoven à l’instar du délaissement pratiqué par la contemporanéité à l’égard du latin et du grec ancien, voilà bel et bien, un coin du voile imaginaire et pudique que soulève l’ex-prof de philo sous le regard interrogateur du masque symbolisant la culture ainsi maltraitée.

Sur scène, une superbe ombrelle multicolore protégeait, telle une aura ou un talisman, la prestation de Danièle Lebrun, de toutes les adversités métaphysiques.

Theothea le 06/01/11

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